Résumé de "Power : les 48 lois du pouvoir" de Robert Greene : dans ce manuel stratégique impitoyable, Robert Greene analyse trois millénaires de pouvoir à travers 48 lois universelles. Il décode comment les grands maîtres de l'histoire ont acquis, conservé et exercé leur domination grâce à la manipulation, la ruse et la psychologie humaine. Il nous enseigne, de cette façon, les mécanismes secrets du pouvoir et l'art subtil de l'influence et de la stratégie dans nos relations professionnelles et sociales modernes.
Par Robert Greene, 2009, 804 pages.
Titre original : "The 48 Laws of Power", 2010, 476 pages
Chronique et résumé de "Power : les 48 lois du pouvoir" de Robert Greene
Préfaces
Première Préface
Dans une première préface, Robert Greene partage un aperçu synthétique de "Power : Les 48 lois du pouvoir".
Chacune des 48 lois du pouvoir y est exposée avec son titre et un court paragraphe qui en résume l'essence et les principes clés. Cette vue d'ensemble permet au lecteur de saisir rapidement la philosophie générale de l'ouvrage.
Deuxième préface
Dans une seconde préface de "Power : Les 48 lois du pouvoir", Robert Greene établit un parallèle entre le monde contemporain et les anciennes cours royales.
À ses yeux, nous vivons toujours entourés de courtisans, même si ceux-ci portent désormais des costumes modernes et dissimulent leur ambition derrière le langage policé de la bienséance.
Ainsi, nul n’échappe au jeu du pouvoir. Et ceux qui s’en prétendent détachés sont souvent les plus habiles manipulateurs, capables de maquiller leur soif d’influence sous les traits de la vertu, de la piété ou de la justice. Le pouvoir, dit-il, se dissimule souvent sous les dehors les plus irréprochables.
Pour jouer ce jeu sans s’y perdre, trois compétences sont, selon lui, essentielles :
Maîtriser ses émotions : colère incontrôlée et amour aveugle brouillent le discernement. Celui qui veut régner sur les autres doit d’abord régner sur lui-même.
Développer une vision panoramique : à l’image du dieu Janus, il faut regarder simultanément vers le passé pour en tirer des leçons, et vers l'avenir pour anticiper les obstacles.
Devenir un illusionniste : la manipulation est un art subtil. Elle exige de porter les bons masques au bon moment, comme les dieux antiques qui agissaient sans jamais se montrer directement.
Robert Greene finit cette préface en présentant son ouvrage comme un manuel pratique et stratégique, condensant trois millénaires de sagesse sur le pouvoir. Les 48 lois qu’il expose peuvent être lues dans leur intégralité pour en avoir une vision globale, ou picorées pour répondre à des situations spécifiques.
Mais il prévient : le pouvoir est une force aussi fascinante que dangereuse. Il ressemble à un labyrinthe enchanteur dans lequel on ne s’aventure pas à moitié. Pour en sortir maître, il faut du courage, du recul, et une volonté inébranlable de comprendre les règles... et ceux qui les écrivent dans l’ombre.
Loi 1 - Ne surpassez jamais le maître
Dans la première loi de son ouvrage "Power : les 48 lois du pouvoir", Robert Greene aborde un principe fondamental du pouvoir : ne jamais surpasser son maître.
Selon l’auteur, il est essentiel de laisser les figures d’autorité, autrement dit ceux qui nous sont supérieurs, se sentir brillantes et dominantes, sans jamais risquer de leur faire de l’ombre.
"Dans votre désir de leur plaire et de les impressionner, ne vous laissez pas entraîner à faire trop étalage de vos talents, ou vous pourriez obtenir l’effet inverse : les déstabiliser en leur faisant de l’ombre. Faites en sorte que vos maîtres apparaissent plus brillants qu’ils ne sont et vous atteindrez les sommets du pouvoir."
1.1 - Sous-estimez vos talents, surélevez votre maître
Pour illustrer ce principe, Robert Greene relate deux exemples historiques opposés :
D’abord, l’histoire de Nicolas Fouquet, surintendant des finances de Louis XIV, qui en organisant une fête somptueuse pour impressionner le roi, provoqua par là sa propre disgrâce.
À l'inverse, celle de Galilée qui sut habilement flatter les Médicis en associant sa découverte des satellites de Jupiter à leur prestigieuse lignée, et qui consolida ainsi sa position.
1.2 - Deux principes fondamentaux pour ne pas être évincé du pouvoir
Deux principes fondamentaux se dégagent de ces situations :
Évitez de faire de l’ombre à votre supérieur, même si cela découle de vos qualités naturelles.
Ne vous croyez jamais intouchable, même si vous êtes le favori.
Robert Greene conclut en recommandant de toujours mettre en lumière les mérites de son maître, plutôt que les siens. Il compare cette approche aux étoiles qui brillent sans jamais rivaliser avec l’éclat du soleil.
Loi 2 - Ne vous fiez pas à vos amis, utilisez vos ennemis
Dans cette deuxième loi, Robert Greene met en évidence un principe déroutant : il est souvent plus sage de se méfier de ses amis et d’utiliser ses ennemis.
2.1 - Les amis sont imprévisibles, les ennemis sont constants
Pour appuyer son propos, il met en parallèle deux histoires contraires.
D’un côté, la tragique histoire de Michel III, empereur byzantin, qui plaça une confiance aveugle en son ami Basile et le combla de faveurs. Cette confiance excessive finit par le mener à sa perte lorsque Basile le trahit et usurpe le trône. À travers cette histoire, Robert Greene nous met en garde : accorder trop de pouvoir à un ami peut transformer la gratitude en ressentiment et provoquer une trahison.
À l’opposé, l’exemple de l’empereur chinois Zhao Kuang Yin qui, plutôt que de s'appuyer sur ses "amis" de l'armée, les neutralisa habilement et transforma ses ennemis en alliés fidèles grâce à sa clémence et son art de la politique. Cette stratégie, bien que risquée, lui assura une plus grande stabilité.
2.2 - Les pièges de la loyauté amicale
Mais pourquoi les amis peuvent-ils donc devenir dangereux ? Selon Robert Greene, parce que :
Ils dissimulent souvent leurs véritables sentiments.
Trop de faveurs peut engendrer de l’ingratitude et du ressentiment.
Les relations personnelles peuvent compliquer les rapports professionnels.
L’auteur conseille alors de garder ses amis pour l’amitié et de choisir ses partenaires en fonction de leur talent et de leur valeur, non de leur proximité personnelle.
Il va plus loin en suggérant de conserver quelques ennemis, car l’adversité est une force qui maintient notre vigilance, aiguise nos compétences et nous rend plus solides face aux épreuves. Robert Greene écrit :
"Vous avez plus à craindre de vos amis que de vos ennemis. Si vous n’avez pas d’ennemis, trouvez le moyen de vous en faire."
Loi 3 - Dissimulez vos intentions
Dans la troisième loi du pouvoir, Robert Greene s’intéresse à l'art de la dissimulation, une compétence essentielle pour conserver l’avantage dans les rapports de pouvoir.
Ainsi, il conseille :
"Maintenez votre entourage dans l’incertitude et le flou en ne révélant jamais le but qui se cache derrière vos actions. S’ils n’ont aucune idée de ce que vous prévoyez, ils ne pourront pas préparer de défense."
3.1 - Ce que vous montrez n’est jamais ce que vous visez
Il met en avant deux stratégies clés pour masquer ses véritables intentions.
1ère stratégie : utiliser des leurres et des diversions
Premièrement, l’auteur souligne l’importance de détourner l’attention de ses véritables objectifs.
Il illustre ce principe avec l’histoire de Ninon de Lenclos, une courtisane française du XVIIe siècle, connue pour avoir conseillé un jeune marquis dans sa conquête amoureuse. Ce dernier échoua précisément parce qu'il dévoila trop directement ses intentions : il brisa ainsi le mystère et le charme essentiels au jeu de la séduction qui repose sur la suggestion et l'ambiguïté.
2ème stratégie : créer des écrans de fumée
L’auteur expose ensuite la nécessité de dissimuler ses véritables objectifs derrière des apparences trompeuses.
Il relate deux exemples marquants :
L'histoire de Yellow Kid Weil, qui utilisa une transaction immobilière banale comme couverture pour escroquer un riche homme d'affaires.
Le stratagème de l'empereur éthiopien Haïlé Sélassié qui, par sa courtoisie et son apparente soumission, parvint à neutraliser son rival Balcha.
3.2 - Techniques pour dissimuler ses intentions sans disparaître
Robert Greene explique ensuite que les meilleurs imposteurs ne sont pas flamboyants mais, au contraire, cultivent la banalité comme camouflage.
Il identifie plusieurs techniques efficaces pour cela :
Adopter une expression faciale impassible.
Utiliser des gestes nobles ou bienveillants comme couverture.
Établir des modèles de comportement prévisibles et rassurants.
Se fondre dans son environnement en affichant une attitude banale.
L’auteur nous prévient toutefois que ces stratégies ne fonctionnent que si l’on bénéficie d’une réputation de fiabilité. En cas de réputation douteuse, il suggère une approche paradoxale : assumer ouvertement sa ruse, comme le fit P.T. Barnum, célèbre pour ses stratagèmes assumés et spectaculaires.
3.3 - Une apparence ordinaire : la meilleure couverture
Robert Greene conclut en expliquant que, si les démonstrations flamboyantes peuvent parfois détourner l’attention, une apparence discrète et banale reste le camouflage le plus efficace. Il mentionne, en exemple, des figures comme Talleyrand et Rothschild, qui ont su manœuvrer habilement et discrètement toute leur vie, sans éveiller de soupçons grâce à leur profil bas.
Loi 4 - Dites-en toujours moins que nécessaire
Dans cette quatrième loi du livre "Power : les 48 lois du pouvoir", Robert Greene démontre comment la retenue verbale peut devenir une puissante arme de pouvoir.
4.1 - L’échec du bavard, la victoire du taciturne
Il revient sur deux exemples pour montrer qu’être peu loquace est une source de pouvoir.
Le verbe trop libre de Coriolan qui le conduisit à son bannissement : Robert Greene raconte ici l’histoire de Coriolan, héros militaire romain dont le talent et le prestige furent éclipsés par sa langue trop déliée. Ses discours arrogants et ses insultes répétées retournèrent le peuple contre lui, transformant l’admiration en haine. Résultat : Coriolan fut banni, perdant tout ce qu’il avait accompli.
Le silence stratégique de Louis XIV : à l’opposé, Louis XIV, le Roi Soleil, excellait dans l’art de la réserve. Il savait utiliser le silence comme une arme, déstabilisant ses interlocuteurs. Face aux requêtes de ses ministres, il répondait souvent par un simple "Je verrai", laissant planer une incertitude qui renforçait son autorité et maintenait le contrôle.
4.2 - Les trois avantages du silence
Robert Greene explique que parler peu confère trois bénéfices clés :
Créer une aura de mystère et de puissance, captant l’attention et suscitant la curiosité. "Même anodines, vos paroles sembleront originales si elles restent vagues et énigmatiques" écrit l’auteur.
Pousser les autres à se dévoiler davantage, souvent en tentant de combler le silence.
Réduire les risques de dire des choses compromettantes, en évitant les erreurs ou maladresses verbales.
4.3 – Parler peu, mais juste : le silence stratégique n’est pas mutisme
L'auteur précise toutefois qu'il faut savoir adapter cette stratégie aux circonstances. Être constamment réservé peut sembler froid ou distant dans certaines situations. Savoir parler peu, mais à bon escient, est une compétence précieuse et rare, qui renforce à la fois l’autorité et l’efficacité dans les interactions sociales et politiques. Mais c’est une arme subtile qui exige discernement et timing.
Loi 5 - Protégez votre réputation comme la prunelle de vos yeux
Dans cette cinquième loi, Robert Greene affirme que "la réputation est la pierre angulaire du pouvoir". Une réputation solide peut démultiplier votre influence, tandis qu’une mauvaise image peut tout ruiner.
5.1 - Impressionner ou détruire, grâce à la réputation
Pour appuyer cette idée, il s’appuie sur deux exemples parlants.
La réputation comme arme : le cas de Zhuge Liang
Le général chinois Zhuge Liang, surnommé le Dragon endormi, utilisa sa réputation de stratège rusé pour repousser une armée de 150 000 hommes avec seulement une centaine de soldats. En effet, son adversaire, convaincu d’un piège inévitable, préféra battre en retraite sans combattre. Cette victoire illustre la puissance d’une réputation bien établie, capable de semer la crainte et de gagner des batailles sans avoir à lever l’épée.
La réputation comme levier : le cas de P.T. Barnum
À l’opposé, P.T. Barnum, alors sans notoriété et ne pouvant s'appuyer sur sa réputation encore inexistante, choisit de détruire celle de ses concurrents. Il détourna ainsi l’attention vers leurs faiblesses et utilisa la controverse pour asseoir son image. Et s’imposa rapidement comme une figure incontournable dans le monde du spectacle.
5.2 - Les trois principes de la réputation
Robert Greene met en avant trois points essentiels pour tirer parti de sa réputation :
Une réputation solide amplifie notre influence sans effort supplémentaire.
Elle doit être claire et reposer sur une qualité distinctive qui nous différencie.
Il est crucial de la protéger constamment des attaques et calomnies.
5.3 - Façonner et protéger sa réputation
L’auteur conclut qu’il n’existe aucune alternative : négliger sa réputation revient à laisser les autres définir votre image. Il est donc impératif d’en prendre soin comme un atout majeur, en la façonnant de manière stratégique et en restant vigilant face aux menaces, nous dit l’auteur. Car une réputation bien entretenue est une force silencieuse qui travaille constamment en votre faveur :
"Faites en sorte que votre réputation soit toujours impeccable. Soyez vigilant et déjouez les attaques avant qu’elles ne se produisent. En même temps, apprenez à détruire vos ennemis par leur réputation : ouvrez-y des brèches, puis taisez-vous et laissez faire la meute."
Loi 6 - Attirez l'attention à tout prix
La sixième loi des "48 lois du pouvoir" porte sur la nécessité de captiver et de conserver constamment l’attention pour maintenir et consolider son pouvoir : "Faites-vous plus grand, plus chatoyant, plus mystérieux que la masse terne et morne, soyez l’aimant qui attire tous les regards" appelle l’auteur.
6.1 - Scandale ou énigme : choisissez votre aura
Robert Greene développe ce principe à travers deux stratégies complémentaires.
1ère stratégie : créer la sensation et le scandale
Premièrement, il faut créer la sensation et le scandale. Robert Greene illustre cette stratégie avec P.T. Barnum, maître incontesté de l’art de l’attraction.
Barnum savait intriguer et fasciner les foules grâce à des stratagèmes insolites (comme celui de "l’homme aux briques") ou en orchestrant volontairement des polémiques et des scandales autour de ses attractions. Il allait jusqu’à tirer profit des critiques négatives pour renforcer sa notoriété, prouvant ainsi que toute publicité, même mauvaise, peut être exploitée à son avantage.
2ème stratégie : s’auréoler de mystère
Deuxièmement, l'auteur recommande de s'auréoler de mystère.
L’auteur aborde ici la puissance du mystère, en prenant l’exemple de Mata Hari. Bien que d’origine modeste, elle parvint à fasciner l’Europe entière en cultivant une image énigmatique :
En créant une identité exotique et intrigante.
En changeant constamment ses histoires et ses apparences.
En laissant planer une part d’énigme dans chacune de ses actions.
6.2 - Les clés d’un mystère captivant
Dans notre monde devenu trop prévisible, le mystère attire irrésistiblement l'attention, affirme Robert Greene.
Toutefois, il attire notre attention sur certaines erreurs à éviter :
Adapter la stratégie à notre position et notre progression : ce qui fonctionne au début peut ne pas convenir à un stade plus avancé de notre ascension.
Éviter de paraître avide d’attention : chercher désespérément à se faire remarquer peut trahir une faiblesse.
Ne jamais éclipser ses supérieurs : un excès d’attention au détriment de ceux qui détiennent le pouvoir peut causer notre perte.
6.3 - L’art d'attirer l'attention doit être pratiqué avec finesse et discernement
Robert Greene termine en citant l’exemple de Lola Montez, dont la quête d’attention, au détriment de la reine Victoria, a conduit à sa chute/causa sa propre perte.
La leçon ici est claire : l’art d’attirer l’attention exige subtilité et discernement. Il ne s’agit pas d’un simple spectacle, mais d’un jeu calculé où chaque mouvement compte :
"Il y a des moments où le besoin d’attention doit être reporté à plus tard et où le scandale et la notoriété sont à proscrire. L’attention que vous suscitez ne doit jamais offenser ni souiller la réputation de ceux qui sont au-dessus de vous, surtout s’ils sont assurés dans leur position. Cela vous ferait paraître à la fois mesquin et dénué de scrupules. C’est tout un art que de savoir quand se faire remarquer et quand se mettre en retrait."
Loi 7 - Laissez le travail aux autres, mais recueillez-en les lauriers
Dans la septième loi du livre "Power : les 48 lois du pouvoir", Robert Greene se concentre sur la faculté de tirer parti du travail des autres pour maximiser son pouvoir et son influence. "Ne faites jamais ce que les autres peuvent faire à votre place" lance-t-il.
7.1 – Le génie solitaire contre le stratège collectif : la gloire revient à celui qui sait la capter
Pour illustrer ce principe, l'auteur oppose deux figures historiques aux destins bien différents :
L'échec de Nikola Tesla
Nikola Tesla, génie visionnaire et brillant inventeur, voulut tout accomplir seul. Bien que ses inventions révolutionnaires, comme le courant alternatif ou la radio, aient changé le monde, il perdit tout en négligeant les aspects stratégiques. Robert Greene montre comment d’autres, comme Edison, Westinghouse et Marconi, s’emparèrent de ses idées et récoltèrent les lauriers de son travail.
La réussite de Rubens
À l’opposé, Rubens, célèbre peintre flamand, sut habilement déléguer. Face à une avalanche de commandes, il employa une équipe de peintres spécialisés pour exécuter ses œuvres, tout en maintenant l’illusion qu’il réalisait tout lui-même. Ce système lui permit de répondre à une demande croissante tout en consolidant sa réputation.
7.2 - Les conseils de Robert Greene pour utiliser le travail des autres à son profit
Protéger ses créations puis devenir soi-même un vautour : il est crucial de défendre farouchement ses idées et réalisations contre les tentatives de vol ou de détournement.
"Ne soyez pas naïf : en ce moment même, tandis que vous trimez sur un projet, des vautours tournoient au-dessus de votre tête en essayant de trouver le moyen de survivre et même de prospérer grâce à votre créativité. Il est inutile de s’en plaindre ou de se consumer d’amertume, comme l’a fait Tesla. Mieux vaut se protéger et entrer dans le jeu. Une fois que vous avez établi une base de pouvoir, devenez vous-même un vautour et vous vous épargnerez beaucoup de temps et d’énergie."
Savoir déléguer intelligemment : tirer parti des compétences des autres, y compris du savoir transmis par les anciens, est une clé pour optimiser son temps et ses ressources.
Robert Greene précise toutefois qu'il faut être suffisamment établi pour appliquer cette stratégie sans paraître opportuniste ou profiter de manière trop évidente du travail d’autrui. Une réputation bien construite permet d’utiliser cette loi avec élégance, sans susciter de méfiance ni de ressentiment.
Conclusion : cette loi rappelle que le pouvoir ne réside pas seulement dans le travail acharné, mais aussi dans la capacité à exploiter efficacement le talent et l’effort des autres, et ce, tout en conservant l’apparence d’un accomplissement personnel.
Loi 8 - Obligez l'adversaire à se battre sur votre propre terrain
Dans cette huitième loi, Robert Greene explique comment obtenir l’avantage en forçant l’adversaire à jouer selon vos règles et sur votre propre terrain.
Il s’appuie sur l’exemple brillant de Talleyrand, qui manipula habilement Napoléon pour précipiter sa chute. Plutôt que d’affronter directement l’empereur, Talleyrand joua sur sa vanité et son impulsivité pour le conduire à des erreurs fatales.
8.1 - Le pouvoir se trouve dans le contrôle de l’initiative plutôt que dans l’agression directe
Robert Greene souligne que notre véritable pouvoir réside dans notre capacité à contrôler l’initiative. Cela signifie notre faculté à éviter les confrontations directes mais, à la place, à attirer l’adversaire dans un environnement où il est désavantagé.
Pour y parvenir, l’auteur propose alors deux approches :
Maîtriser ses émotions et faire preuve de discernement : ne jamais agir sous le coup de l’impulsion ou de la colère, mais rester stratégique en toute circonstance. C’est, par exemple, ce que fait le chasseur face à un ours :
"Le chasseur d’ours ne poursuit pas sa proie ; un ours se sachant poursuivi est pratiquement impossible à attraper et, acculé, devient féroce. Au lieu de cela, le chasseur lui tend un piège avec du miel. Sans s’épuiser ni risquer sa vie à la traque, il appâte et attend."
Exploiter les faiblesses de l’adversaire : créer des pièges irrésistibles qui exploitent ses vulnérabilités ou ses désirs. "Si votre piège est assez attractif, la violence des émotions et des désirs de vos ennemis les aveuglera et les empêchera d’y voir clair. Plus ils deviendront avides, plus il sera facile de les manipuler" assure l’auteur.
Robert Greene souligne que cette stratégie présente un double avantage :
L’adversaire s’épuise : en venant sur votre terrain, il gaspille ses ressources et son énergie.
Il doit opérer sur un terrain hostile : sur un territoire inconnu ou désavantageux, il est plus susceptible de commettre des erreurs.
8.2 - Quand une attaque éclair est préférable
Robert Greene précise cependant qu’il existe des situations où cette stratégie n’est pas idéale. Une attaque rapide et directe peut être préférable si le temps presse ou si l’adversaire est particulièrement faible. Dans de tels cas, il vaut mieux frapper vite et fort pour éviter qu’il ne puisse se réorganiser.
Conclusion : cette loi enseigne que la patience et la maîtrise de soi sont des armes puissantes. En contrôlant l’environnement et en dictant les termes de la confrontation, vous inversez la dynamique du pouvoir à votre avantage, tout en minimisant vos risques.
Loi 9 - Remportez la victoire par vos actes et non par vos discours
Dans la neuvième loi des "48 lois du pouvoir", Robert Greene démontre que les actions parlent plus fort que les mots et constituent un moyen bien plus efficace de convaincre et d’affirmer son pouvoir. "Ne prêchez pas, montrez l’exemple" déclare-t-il.
9.1 - Convaincre sans dire un mot : la force de l’action
L’auteur de "Power : les 48 lois du pouvoir" illustre cette idée à travers deux exemples historiques opposés.
L’échec par les mots : l’ingénieur militaire
D’abord, Robert Greene relate l’histoire tragique d’un ingénieur militaire talentueux qui, malgré ses compétences, fut exécuté après avoir argumenté avec son supérieur au lieu de simplement obéir. Cette erreur nous enseigne un élément crucial : les mots, loin d’être neutres, peuvent être interprétés comme un défi à l’autorité et perçus comme une remise en question du pouvoir.
La victoire par l’action : Michel-Ange et le nez de David
En contraste, l’auteur évoque une anecdote avec Michel-Ange pour démontrer l’efficacité des actes : lorsque Soderini, son mécène, critiqua le nez de la statue de David, Michel-Ange ne discuta pas. Il simula une correction pour changer la perspective de son mécène mais laissa en réalité l’œuvre inchangée. Avec ce geste intelligent, le mécène fut alors satisfait sans que Michel-Ange n’ait à entrer dans un conflit verbal inutile.
9.2 - Les trois avantages de l’action sur les mots
L'auteur identifie trois avantages majeurs à privilégier l'action :
Éviter les malentendus : les mots sont souvent interprétés différemment par chacun, tandis que les actes parlent d’eux-mêmes.
Ne pas offenser l’ego des autres : les paroles peuvent heurter, mais les actions, silencieuses, évitent les affrontements.
Prouver son point de vue concrètement : rien ne vaut une démonstration directe pour convaincre sans débat.
9.3 - Quand les mots peuvent être utiles
Robert Greene nuance néanmoins cette loi en précisant que l’argumentation a sa place dans une situation particulière : distraire l’attention lors d’une tromperie. Les mots, bien choisis, peuvent alors détourner les regards et protéger vos véritables intentions.
Conclusion : cette loi rappelle que, dans les jeux de pouvoir, les actes sont toujours plus éloquents et percutants que les paroles. En laissant vos actions parler pour vous, vous renforcez votre crédibilité, minimisez les conflits inutiles et imposez subtilement votre vision.
Loi 10 - Fuyez la contagion de la malchance et du malheur
Dans la dixième loi de son livre "Power : les 48 lois du pouvoir", Robert Greene met en garde contre la nature contagieuse du malheur et des énergies négatives.
Il illustre ce principe avec l’histoire de Lola Montez, célèbre séductrice du XIXe siècle. Bien que charismatique et captivante, Lola semblait porter malheur systématiquement : tous ses amants finirent ruinés ou connurent des destins tragiques.
10.1 - La nature des "agents infectieux"
Robert Greene explique ici que certaines personnes ne sont pas simplement malchanceuses, mais attirent activement le malheur par leur instabilité émotionnelle et leur comportement destructeur.
Il identifie plusieurs caractéristiques communes à ces individus :
Un passé tourmenté, marqué par des troubles ou des échecs répétés.
Des relations constamment brisées ou dramatiques.
Une carrière instable ou en déclin.
Un fort pouvoir de séduction initial, qui masque en fait leur potentiel toxique.
10.2 - Deux règles essentielles pour se protéger
Robert Greene recommande deux attitudes pour se protéger :
Évitez absolument ces "agents infectieux" : même par compassion, il est dangereux de s’associer avec eux, car leur négativité finit toujours par déborder sur leur entourage.
Recherchez la compagnie de "personnes chanceuses" : entourez-vous de ceux qui attirent le succès, la positivité et l’opportunité. Ces individus sont des catalyseurs de réussite et d’énergie constructive. "Préférez la compagnie de ceux à qui tout réussit" conseille l’auteur. De même, "ne vous associez jamais avec ceux qui partagent vos défauts : ceux-ci se renforceraient mutuellement et vous ne feriez aucun progrès. Fondez vos relations uniquement sur les affinités positives. Que cette loi soit pour vous une règle de vie et elle vous profitera mieux que toutes les thérapies du monde" confie l’auteur.
Il n’y a ici aucune exception à la règle, conclut Robert Greene : la seule façon d'accéder au pouvoir et de le conserver est de fuir les personnes qui incarnent le chaos et de s'associer avec ceux qui réussissent.
La qualité de nos relations détermine en grande partie nos chances de succès ou d’échec.
Loi 11 - Rendez-vous indispensable
La onzième loi du livre "Power : les 48 lois du pouvoir" soutient que se rendre indispensable est la clé de l’indépendance.
Ainsi, être compétent ne suffit pas : il faut être unique et irremplaçable. "Tant que vous serez le garant du bonheur et de la prospérité des autres, vous n’aurez rien à craindre" observe Robert Greene. Il nous faut ainsi faire en sorte "qu’ils n’en sachent jamais assez pour se débrouiller seuls" divulgue l’auteur.
11.1 - De l’utilité à la nécessité : bâtir son pouvoir sur la dépendance
Robert Greene présente cette idée qu’être talentueux ne suffit pas mais qu’il faut être irremplaçable, à travers deux histoires.
L’échec des condottieri
Les condottieri, mercenaires de la Renaissance italienne, étaient reconnus pour leurs compétences militaires. Pourtant, ils furent souvent exécutés ou abandonnés par leurs employeurs, car ils restaient interchangeables. Leur talent seul ne les protégeait pas de l'obsolescence ou de la trahison.
Le succès de Bismarck
En guise de contre-exemple, Otto von Bismarck, le célèbre chancelier allemand, choisit une stratégie différente. Plutôt que de chercher à rivaliser avec les puissants, il s’associa à des dirigeants faibles et devint indispensable en assumant leur force et leur intelligence politique. Cette dépendance bien orchestrée lui permit d’acquérir et de consolider un pouvoir durable.
11.2 - Les deux principes pour devenir indispensable
Pour que les autres ne puissent plus se passer de nous, Robert Greene nous invite à :
Créer une relation de dépendance : autrement dit, faire en sorte que notre départ ou notre absence cause des dommages considérables à ceux qui dépendent de nous.
Développer un talent unique : l’objectif est de maitriser des compétences ou connaissances si spécifiques qu'elles deviennent irremplaçables.
11.3 - L’importance de l’interdépendance
Attention toutefois, Robert Greene précise que le véritable pouvoir ne réside pas dans une indépendance totale, qui peut facilement conduire à l’isolement. Il s’agit, au contraire, d’une dépendance mutuelle bien maîtrisée, où l’idée est d’apporter une valeur essentielle tout en restant en position de force.
Conclusion : cette loi nous enseigne que, pour préserver votre position et consolider votre pouvoir, il est crucial de devenir une ressource indispensable. En maîtrisant cette interdépendance, vous assurez votre survie dans des environnements compétitifs et renforcez votre influence à long terme.
Loi 12 - Soyez d'une honnêteté et d'une générosité désarmantes
Dans la douzième loi de ses "48 lois du pouvoir", Robert Greene explore comment l’honnêteté et la générosité, lorsqu’elles sont utilisées avec stratégie, peuvent devenir de puissants outils de manipulation.
Il met en évidence ce principe avec l’histoire du comte Lustig, un célèbre escroc qui réussit à soutirer de l’argent au dangereux Al Capone grâce à un acte d’honnêteté calculé. En rendant une somme importante qu’il aurait pu lui voler, Lustig gagne la confiance et la générosité de Capone, et désarma ainsi totalement sa méfiance.
12.1 - Les objectifs de l’honnêteté et de la générosité stratégiques
L'auteur explique que des gestes d'honnêteté ou de générosité bien calculés servent à :
Dissiper la méfiance, même chez les individus les plus soupçonneux.
Créer une distraction, pour masquer nos véritables intentions.
Établir une réputation solide, qui deviendra un atout durable et difficile à remettre en question.
12.2 - Les précautions à respecter
L’auteur attire notre attention sur les pièges possibles de cette stratégie :
Cette tactique doit paraître sincère pour fonctionner : si votre honnêteté ou générosité semble calculée ou artificielle, elle risque de se retourner contre vous. "Soyez honnête à bon escient, trouvez le défaut de la cuirasse, puis trompez et manipulez à loisir" glisse l’auteur.
La réputation préalable compte : si l'on a déjà une image de duplicité ou de malhonnête, cette tactique sera inefficace. Dans ce cas, mieux vaut assumer ouvertement notre ruse et jouer sur cet aspect.
Robert Greene conclut que l’honnêteté et la générosité, bien utilisées, sont des outils subtils pour établir confiance et influence. Loin d’être des vertus désintéressées, elles servent à renforcer votre pouvoir et à masquer vos véritables intentions, tout en désarmant ceux qui pourraient se montrer méfiants.
Loi 13 - Misez sur l'intérêt personnel, jamais sur la pitié ni la reconnaissance
Dans cette treizième loi, Robert Greene affirme que pour obtenir ce que vous souhaitez, il faut toujours miser sur l'intérêt personnel des autres plutôt que sur leur gratitude ou leur pitié.
13.1 - Deux exemples opposés qui montrent que c’est l'intérêt personnel qui motive les actions
Robert Greene relate deux histoires opposées qui prouvent que, pour influencer les autres et obtenir leur soutien, il est crucial de parler à leur intérêt personnel plutôt qu’à leur sens du devoir ou de la gratitude :
L’échec de Stefano di Poggio
L’auteur raconte que Stefano di Poggio tenta de s’appuyer sur la gratitude de Castruccio pour sauver sa vie et celle de sa famille, en rappelant les services rendus par le passé. Cette approche fut perçue comme un fardeau irritant, et Stefano fut exécuté, son appel à la reconnaissance ayant échoué.
Le succès des Corcyréens
À l’inverse, les Corcyréens, cherchant une alliance avec les Athéniens, misèrent uniquement sur les avantages mutuels que cette collaboration pourrait offrir. En présentant des bénéfices clairs et concrets, ils obtinrent l’accord des Athéniens sans dépendre d’une reconnaissance ou d’un sentiment moral.
13.2 - Deux principes essentiels et une exception stratégique
Robert Greene tire deux leçons fondamentales de ces exemples :
La gratitude est un mauvais levier : les appels à la reconnaissance ou à la pitié sont souvent perçus comme pesants, voire irritants.
L’intérêt personnel est la vraie motivation : les gens sont davantage motivés par ce qu’ils ont à y gagner que par leurs obligations morales ou émotionnelles.
L’auteur nuance toutefois cette règle en précisant que certains puissants préfèrent paraître nobles et généreux. Avec eux, mieux vaut donc faire appel à leur désir de supériorité morale qu'à leur intérêt personnel.
Robert Greene termine en affirmant que pour influencer les autres et obtenir leur soutien, il est nécessaire de parler à leur intérêt personnel plutôt qu’à leur sens du devoir ou de la gratitude.
Loi 14 - Soyez un faux ami... et un vrai espion
Robert Greene met ici en avant l’espionnage stratégique comme un pilier du pouvoir.
Il explique que la connaissance est une arme, et qu’en recueillant des informations sur nos adversaires ou alliés potentiels, nous prenons l’avantage dans toute situation :
"Tout savoir de son rival est indispensable. Vous prendrez un avantage inestimable en postant des espions qui vous communiqueront des informations précieuses. (…) Ouvrez l’œil, prêtez l’oreille. Par des questions indirectes, percez à jour les faiblesses et les intentions de vos interlocuteurs."
14.1 - L’histoire de Joseph Duveen et Andrew Mellon
Robert Greene rapporte l’exemple du marchand d’art Joseph Duveen. Grâce à une collecte méticuleuse d’informations, ce dernier sut conquérir la confiance de l’insaisissable collectionneur Andrew Mellon. Duveen utilisa ces connaissances pour personnaliser son approche, gagner la sympathie de Mellon et finalement conclure de lucratives transactions.
14.2 - Deux approches pour devenir un espion efficace
L'auteur identifie les deux approches suivantes pour exercer l’art de l’espionnage :
Utiliser des intermédiaires : mandater des tiers pour collecter des informations à notre place, afin de minimiser les risques de détection.
Jouer soi-même les espions : entretenir des relations amicales et se montrer proche, tout en restant vigilant et observateur, pour extraire les données nécessaires.
Robert Greene ajoute quelques précisions importantes :
Rester discret : l’espionnage doit être subtil et indirect pour éviter tout soupçon. La moindre maladresse pourrait briser la confiance et ruiner nos efforts.
Utiliser la désinformation : si nous suspectons d’être espionné à notre tour, exploitons ce levier comme contre-mesure pour semer le doute ou induire notre adversaire en erreur.
Finalement, pour Robert Greene, le contrôle de l'information est une compétence clé pour accéder et conserver le pouvoir. En espionnant intelligemment, vous pouvez anticiper les mouvements de vos adversaires, maximiser vos opportunités et réduire vos vulnérabilités.
Loi 15 - Écrasez complètement l'ennemi
Dans cette quinzième loi, Robert Greene soutient que la seule manière d’assurer sa domination est d’anéantir totalement ses ennemis. Toute clémence ou demi-mesure risque de se retourner contre nous, car un ennemi affaibli cherchera tôt ou tard à se venger.
15.1 - Deux exemples qui montrent l’intérêt de la destruction totale des menaces dans le pouvoir
L’échec de Xiang Yu
Le général Xiang Yu, malgré sa victoire contre Liu Bang, choisit d’épargner son rival par clémence. Cette erreur lui coûta son empire et sa vie, car Liu Bang, regagnant des forces, revint plus déterminé que jamais pour l’écraser.
La réussite de Wu Zetian
À l’inverse, l’impératrice Wu Zetian, première et seule femme à devenir empereur de Chine, n’hésita jamais à éliminer ses rivaux. Sa stratégie d’anéantissement total lui permit de consolider son pouvoir et de régner sans opposition.
15.2 - Les trois principes fondamentaux de cette loi
Robert Greene identifie ainsi trois principes clés pour appliquer cette loi :
Les victoires partielles sont risquées : épargner un ennemi lui donne l’occasion de se relever et de chercher à se venger. Robert Greene prévient : "s’il subsiste ne serait-ce qu’une faible braise, le feu reprendra."
La clémence peut être perçue comme une faiblesse : cela renforce la détermination de nos adversaires à nous renverser.
L’anéantissement doit être total : il ne suffit pas de vaincre physiquement ; il faut également briser le moral, l’influence et les ressources de l’ennemi. "Écrasez-le, non seulement physiquement mais aussi en esprit" déclare l’auteur.
15.3 - L’universalité de cette loi
Robert Greene souligne que ce principe est universel. Il partage ici divers exemples historiques pour nous convaincre :
Moïse, qui détruisit les idolâtres pour affirmer l’autorité de ses lois.
Mao Zedong, qui poursuivit son rival Tchang Kaï-chek jusqu’à Taiwan, ne lui laissant aucune possibilité de contre-attaque.
Clausewitz, qui prônait la guerre totale pour assurer une victoire définitive.
15.4 - Les exceptions stratégiques
L’auteur de "Power : les 48 lois du pouvoir" reconnaît toutefois deux situations où cette loi peut être ajustée. Ainsi, il est parfois préférable de :
Laisser un ennemi s’autodétruire : dans certains cas, un adversaire peut s’affaiblir par ses propres erreurs ou conflits internes.
Proposer une voie de retraite : une armée acculée peut combattre avec l’énergie du désespoir. Laisser une issue peut alors éviter une résistance acharnée.
Conclusion : pour Robert Greene, la clé du pouvoir durable réside dans la destruction totale des menaces. Tout compromis laisse la porte ouverte à des représailles futures. Attention cependant, cette stratégie exige un discernement précis, car un excès de brutalité ou une mauvaise évaluation des circonstances peut se retourner contre vous.
Loi 16 - Faites-vous désirer
Dans cette seizième loi, Robert Greene nous fait observer que la rareté augmente la valeur.
Être constamment visible ou accessible nous rend ordinaire, tandis qu’une absence bien orchestrée peut accroître notre désirabilité et ainsi renforcer notre importance.
16.1 - Bien maîtriser l’art de se faire désirer
L’erreur de Guillaume de Balaün
Robert Greene illustre d’abord cette loi par l’histoire du troubadour Guillaume de Balaün. Inspiré par son ami Pierre, qui assurait que les retrouvailles après une querelle amoureuse ravivent les sentiments dans un couple, Guillaume décida de provoquer volontairement une dispute avec sa dame, Guillelmette. Ainsi, voulant expérimenter lui-même les joies de la réconciliation passionnelle, il feint la colère et s’en alla.
Mais son stratagème ne produisit pas l’effet escompté… Plutôt que d’éprouver du ressentiment, Guillelmette, au contraire, se mit à désirer Guillaume encore plus. Au lieu de le fragiliser, l’absence prolongé de Guillaume attisa et décupla son amour. Déstabilisé par cette réaction inattendue, le troubadour repoussa violemment sa bien-aimée lorsqu’elle le supplia à genou de lui pardonner et de lui revenir.
Ce n'est finalement que lorsque Guillelmette finit par abandonner qu'il prit pleinement conscience de son erreur.
Pour obtenir enfin la réconciliation qu’il espérait tant, Guillaume fut contraint de souffrir et d’implorer Guillelmette des mois durant, de lui donner une seconde chance.
"Il ne revit pas sa dame de l’année et connut la cruelle morsure de l’absence, qui ne fit qu’attiser son amour. (…) Il multiplia les missives. Dame Guillelmette, elle, prolongea son silence. Puis, après quelque temps, se souvenant de ses belles chansons, de son aimable prestance et de ses talents de danseur et de fauconnier, elle commença à se languir de lui. Pour le punir de sa cruauté, elle lui ordonna de s’arracher l’ongle du petit doigt de la main droite et de le lui envoyer avec un poème décrivant ses souffrances. Il fit selon son désir. Et Guillaume de Balaün put enfin goûter la jouissance suprême : une réconciliation surpassant en intensité celle de son ami Pierre."
Ce récit démontre que l’absence, lorsqu’elle est mal dosée, peut produire l’effet inverse de celui recherché, et que la manipulation des émotions peut parfois se retourner contre son instigateur. L’absence maîtrisée peut être un puissant levier de désir, mais elle doit être utilisée avec subtilité. Trop de distance risque non pas de susciter une réaction attendue, mais de renforcer des sentiments imprévus et incontrôlables.
Le succès de Deiocès, roi des Mèdes
Robert Greene poursuit avec l’histoire de Deiocès qui devint roi des Mèdes en comprenant la puissance de l'absence. Après s’être rendu indispensable en tant que juge auprès des Mèdes, Deiocès se retira soudainement. Ce vide, ressenti comme insupportable, poussa son peuple à le nommer roi pour qu’il reprenne sa fonction.
16.2 - Les applications pratiques de la rareté
"Si vous faites partie d’un groupe, éloignez-vous-en un certain temps et l’on parlera de vous davantage, vous serez même plus admiré. Pratiquez l’absence : la rareté augmentera votre valeur" conseille Robert Greene.
La loi de la rareté s’applique aussi très bien :
En amour
L’absence stimule l’imagination et ravive le désir en laissant un espace à combler. L’auteur est convaincu que "sitôt qu’on accepte d’être traité comme n’importe qui, il est trop tard : on est avalé et digéré". Aussi, "pour éviter cela, poursuit-il, faites-vous rare. Forcez le respect de l’être aimé en le menaçant de vous perdre à jamais ; créez une alternance de présence et d’absence".
Dans les affaires
La rareté fait grimper la valeur. "Ce que vous avez à offrir au monde doit paraître précieux et difficile à trouver, sa valeur en sera immédiatement décuplée" souligne l’auteur.
En politique
Se retirer au bon moment permet de préserver son influence et de créer un besoin autour de son retour.
16.3 - Sans une réputation préalable, l'absence mène simplement à l'oubli
Robert Greene souligne cependant que cette stratégie n’est efficace que si vous avez déjà établi une présence forte et une réputation solide. Sans cela, l’absence risque de mener à l’oubli. Il est crucial de trouver l’équilibre entre visibilité et retrait.
Conclusion : se faire désirer repose sur la maîtrise de son accessibilité. Une absence bien calculée peut renforcer votre valeur et votre pouvoir, mais seulement si elle est précédée par une présence marquante.
Loi 17 - Soyez imprévisible
Robert Greene explore, avec la loi 17, la puissance stratégique de l’imprévisibilité. Il explique que sortir des schémas attendus déstabilise les autres, les poussant à la confusion et à l’incertitude, ce qui vous place en position de force.
17.1 - Le principe de l’imprévisibilité comme outil de pouvoir
Le match d’échecs Fischer-Spassky de 1972
Robert Greene retrace le célèbre affrontement entre Bobby Fischer et Boris Spassky lors du championnat du monde d’échecs. Fischer adopta des comportements imprévisibles : retards inexpliqués, plaintes incessantes et coups inhabituels. Ces actions déconcertèrent Spassky, pourtant connu pour son calme, au point qu’il perdit ses moyens et sombra dans la paranoïa. Alors qu’il avait toujours gagné lors des précédentes rencontres, Spassky finit par déclarer forfait, laissant la victoire à Fischer.
L’auteur observe que :
"Toutes les actions de Fischer au cours de ce mémorable championnat de 1972 visèrent (…) à prendre l’initiative et à déstabiliser Spassky. De toute évidence, l’interminable attente commença le travail de sape. Mais plus éprouvantes pour Spassky furent les erreurs délibérées de Fischer et son manque apparent de stratégie. En fait, Fischer fit tout ce qu’il fallait pour brouiller les pistes, fût-ce au prix de deux défaites initiales."
Puis, il poursuit :
"Le jeu d’échecs, c’est la vie en raccourci : pour gagner, il faut être extrêmement patient et prévoyant ; le jeu est construit sur des manœuvres dont toutes les séquences ont déjà été jouées et seront jouées encore avec d’infimes modifications à chaque match. Chaque joueur analyse les méthodes de l’autre pour essayer de prévoir ses coups. Celui qui n’offre à son adversaire rien de prévisible pour fonder sa stratégie prend un gros avantage. Aux échecs comme dans la vie, quand les gens ne peuvent prévoir ce que vous allez faire, ils sont dans un état d’appréhension, d’incertitude et de confusion."
17.2 - Pourquoi l’imprévisibilité fonctionne-t-elle ?
Robert Greene explique que l’imprévisibilité est une arme redoutable car :
Les humains cherchent naturellement des schémas et des habitudes pour anticiper et se sentir en sécurité. Briser ces attentes les place dans une position de vulnérabilité.
Elle génère de la confusion et de l’incertitude, rendant nos adversaires moins efficaces et plus hésitants.
Elle provoque une peur inconsciente, car ce qui ne peut être prédit ne peut être contrôlé.
Pour faire comprendre cette idée, Robert Greene mentionne l’exemple du duc Visconti de Milan, qui gouvernait en laissant délibérément ses courtisans dans l'incertitude. En changeant constamment d’humeur et de décisions, il empêchait ainsi toute tentative de manipulation ou de rébellion, maintenant son pouvoir par la confusion qu’il semait.
17.3 - Les limites de l’imprévisibilité
Robert Greene attire notre attention sur un point de vigilance : trop d’imprévisibilité peut être perçue comme de l’instabilité ou de l’incompétence, surtout si vous occupez une position subalterne ou si votre rôle nécessite de rassurer les autres. Cette stratégie doit donc être utilisée avec discernement et ne pas devenir excessive.
Conclusion : l’imprévisibilité, lorsqu’elle est dosée intelligemment, est une arme imparable pour déstabiliser vos adversaires, renforcer votre position de pouvoir et empêcher toute tentative de prédiction ou de contrôle. Cependant, pour qu’elle reste efficace, elle doit être utilisée stratégiquement et ne pas compromettre votre crédibilité ou votre autorité.
Loi 18 - Ne restez pas dans votre tour d'ivoire
Dans la dix-huitième loi des "48 lois du pouvoir", Robert Greene nous alerte sur les dangers de l’isolement. Il explique que le pouvoir repose sur les relations et les interactions sociales. Par conséquent, un retrait prolongé ou trop marqué coupe de ces dynamiques essentielles, et finit par affaiblir notre position.
Ainsi, "mieux vaut circuler, trouver des alliés, se mêler aux autres. La foule est un bon bouclier humain" juge l’auteur.
18.1 - Deux dirigeants, deux stratégies antagonistes
L’échec de Qin Shi Huangdi
Robert Greene présente l’empereur Qin Shi Huangdi qui, par peur et paranoïa, s’isola progressivement dans son immense palais aux 270 pavillons. Il montre comment cette réclusion le priva d’informations cruciales sur son empire, et permit ainsi à ses ministres de conspirer dans l’ombre. Déconnecté de la réalité et sans alliés fiables, il précipita sa chute.
Le succès de Louis XIV
À l’opposé, l'auteur décrit le succès de Louis XIV, Roi de France, qui fit de Versailles un centre névralgique du pouvoir. Au château, nobles, courtisans et ennemis potentiels y étaient constamment sous la surveillance du Roi Soleil. En attirant tout ce monde près de lui, le roi désamorça les complots et s’assura de rester au cœur des interactions politiques et sociales, consolidant ainsi son règne.
Ainsi, "pour déployer votre pouvoir, écrit Robert Greene, il faut vous placer au centre, comme Louis XIV le fit à Versailles" :
"Toutes les activités doivent tourner autour de vous ; vous devez être attentif aux événements de la rue, vigilant au moindre indice de complot contre vous. Face au danger, beaucoup ont tendance à se réfugier derrière une sorte de rempart ; ils en viennent ainsi à n’être plus tenus au courant que par un cercle de plus en plus restreint d’informateurs dont ils dépendent, et perdent toute perspective sur les événements. Privés de marge de manœuvre, ils deviennent des cibles faciles ; leur isolement, enfin, les rend paranoïaques. À la guerre comme dans la plupart des jeux de stratégie, l’isolement précède souvent la défaite et la mort."
18.2 - Le pouvoir est par nature social
Robert Greene rappelle que le pouvoir ne peut être exercé sans interactions humaines. Aussi, pour le maintenir, il est primordial de :
Rester accessible et visible : l’absence prolongée génère de l’oubli ou des soupçons.
Cultiver un large réseau d’alliances : la diversité des relations renforce notre influence.
Maintenir le contact avec tous les niveaux sociaux : cela nous permet de capter des informations utiles et de renforcer notre popularité.
Rester mobile et flexible : une présence physique stratégique nous garde proche des événements et des personnes clés.
Robert Greene conclut toutefois qu'un bref isolement peut être bénéfique pour réfléchir, prendre du recul ou échapper à une situation dangereuse, à condition cependant de savoir quand y mettre fin.
Conclusion : cette loi rappelle que le pouvoir est dynamique et nécessite une participation active. L’isolement prolongé, motivé par la peur ou un excès de prudence, affaiblit inévitablement votre position. À l’inverse, rester connecté, visible et au centre des interactions sociales garantit votre influence et votre capacité à anticiper les menaces.
Loi 19 - Ne marchez pas sur les pieds de n'importe qui
Dans cette dix-neuvième loi, Robert Greene s’intéresse aux dangers de sous-estimer ou d'offenser les mauvaises personnes. Il insiste sur l’importance d’identifier le profil psychologique de ceux que l’on côtoie, car une seule erreur peut provoquer des conséquences désastreuses.
19.1 - Les personnalités dangereuses
Robert Greene partage une typologie des individus dangereuses, à éviter donc ou à traiter avec une extrême prudence :
L’arrogant, qui réagit de manière disproportionnée à la moindre offense : il cherche à rétablir son ego coûte que coûte.
L’hésitant chronique, qui rumine sa vengeance : il se montre récalcitrant à agir sur le moment, mais frappe lorsque nous ne nous y attendons pas.
Le soupçonneux, qui voit des complots partout : il interprète chaque geste comme une menace potentielle.
Le serpent à mémoire d’éléphant, qui attend patiemment son heure pour frapper : il n’oublie jamais une insulte ou une offense.
La brute candide qui ne comprend rien aux subtilités : naïf et impulsif, il est capable d’une réaction explosive si provoqué.
19.2 - Des exemples édifiants de représailles disproportionnées
Pour illustrer cette loi, l'auteur raconte ici plusieurs récits révélateurs, comme celle de :
Le Shah du Khwarezm, qui méprisa Gengis Khan en sous-estimant sa puissance. Cette erreur provoqua la destruction totale de son empire.
J. Frank Norfleet, un homme dupé par des escrocs, qui consacra des années à les pourchasser inlassablement ; cette histoire prouve à quel point une vengeance peut devenir une obsession.
19.3 - Deux principes pour éviter les représailles fatales
Robert Greene souligne deux points à garder en tête :
Ne jamais se fier aux apparences ou à l’instinct : les personnalités dangereuses ne se dévoilent pas toujours immédiatement ; elles peuvent sembler inoffensives ou insignifiantes au premier abord.
Toujours collecter des informations concrètes sur les personnes avant d’agir : avant de prendre des décisions ou de confronter quelqu’un, il est impératif de comprendre pleinement à qui nous avons affaire.
L'auteur précise qu'il n'y a pas d'exception à cette règle : mépriser ou offenser la mauvaise personne peut avoir des conséquences désastreuses, point.
En conclusion, RobertGreene insiste sur l’idée qu’il n’y a pas d’exception à cette règle : mépriser ou offenser la mauvaise personne peut entraîner des représailles disproportionnées et parfois fatales. La prudence et la vigilance dans vos interactions sont des garanties de survie et de succès dans les jeux de pouvoir. En comprenant les motivations et les traits psychologiques des autres, vous évitez de marcher sur des mines invisibles.
Loi 20 - Ne prenez pas parti
Dans cette vingtième loi, Robert Greene explore l’art de préserver son indépendance en évitant de s’engager trop ouvertement. Il démontre que rester neutre et insaisissable est une stratégie très efficace pour maintenir son influence et sa liberté d’action.
20.1 - Le pouvoir de l’indépendance et de la neutralité : deux femmes, deux stratégies gagnantes
Robert Greene évoque cette loi à travers deux exemples historiques :
Rester insaisissable augmente notre valeur et notre influence
L’auteur revient d’abord sur l’histoire d’Élisabeth Ire, qui a su se faire désirer sans jamais se donner complètement. Robert Greene montre comment celle-ci, en refusant systématiquement de se marier tout en entretenant les espoirs de ses prétendants, maintint son pouvoir et préserva l'indépendance de l'Angleterre.
L’importance de rester au-dessus des conflits
Ensuite, Robert Greene partage l’histoire d’Isabelle d’Este, qui parvint à préserver son petit duché de Mantoue au milieu des guerres italiennes en refusant de s'allier définitivement à quelque camp que ce soit, tout en maintenant des relations cordiales avec tous.
20.2 - Les avantages de la neutralité
Rester insaisissable procure plusieurs atouts majeurs :
Garder sa liberté d'action et rester maître de ses décisions.
Susciter le respect et le désir des autres : notre mystère attirera et intriguera.
Exploiter les conflits : on peut ainsi profiter de l'affaiblissement mutuel des adversaires.
Conserver plusieurs options ouvertes.
20.3 - Les pièges à éviter
Robert Greene précise toutefois que cette stratégie requiert finesse et équilibre. Il faut alors :
Éviter de paraître trop distant au risque de susciter la méfiance.
Savoir feindre l'intérêt sans jamais s’engager.
Doser habilement les promesses pour maintenir l’intérêt des autres.
L’auteur termine en rappelant que, si le pouvoir est dans l’autonomie, il faut tout de même rester attentif à ne pas pousser trop loin cette stratégie, au risque de voir les autres s’unir contre nous. L’art est donc de rester insaisissable sans devenir inaccessible.
Loi 21 - À sot, sot et demi
Dans cette vingt-et-unième loi, Robert Greene dévoile une tactique de manipulation aussi efficace que subtile : laisser les autres croire qu’ils sont plus malins que vous. En jouant les naïfs ou les moins brillants, vous désarmez leur méfiance et prenez l’avantage sans qu’ils ne s’en rendent compte.
21.1 - L’art de paraître moins intelligent
Robert Greene cite pour exemple l’histoire des prospecteurs Arnold et Slack, qui ont berné les plus grands financiers de leur époque avec une fausse mine de diamants. En se présentant comme des rustres un peu simplets, ils ont endormi la vigilance de leurs victimes et mené leur escroquerie à bien.
Le principe est simple : personne n’aime se sentir moins intelligent que les autres. En paraissant un peu stupide ou moins sophistiqué, nous :
Désarmons la méfiance : les gens baissent leur garde.
Gagnons leur confiance : ils se sentent en position de force.
Flattons leur ego : ils se croient supérieurs.
Gardons l’avantage : nous pouvons agir sans éveiller les soupçons.
Robert Greene cite d’autres exemples, comme Bismarck, qui a feint l’incompétence au jeu pour piéger un négociateur autrichien, ou Claude, futur empereur romain, qui a joué l’idiot pour échapper aux intrigues de cour.
21.2 - Les limites de la stratégie
Mais attention : cette stratégie a ses limites. Parfois, il faut au contraire afficher son intelligence pour dissimuler une manœuvre encore plus subtile :
"Il y a cependant une situation où il est au contraire utile de faire étalage de votre intellect : quand cela vous permet de masquer une supercherie. En matière d’intelligence comme en beaucoup d’autres domaines, ce sont les apparences qui comptent. Si vous semblez avoir de l’autorité et du savoir, les gens croiront ce que vous dites."
L’essentiel est de savoir adapter notre jeu à la situation, en restant toujours un coup d’avance.
Loi 22 - Capitulez à temps
Robert Greene aborde ici l’art de savoir capituler stratégiquement.
Loin d’être un signe de faiblesse, une reddition bien calculée peut devenir une arme redoutable pour retourner une situation en notre faveur :
"Quand vous avez le dessous, ne continuez pas pour l’honneur : rendez-vous. La capitulation vous donne le temps de vous refaire une santé, le temps de tourmenter et d’irriter votre vainqueur, le temps d’attendre que son pouvoir périclite. (…). En tendant l’autre joue, vous le rendrez furieux et le déstabiliserez. Faites de la capitulation un outil de pouvoir."
22.1 - L’exemple de Bertolt Brecht
Robert Greene illustre cette idée à travers plusieurs exemples historiques, notamment celui de Bertolt Brecht face à la commission sur les activités antiaméricaines.
Alors que ses collègues ont choisi la confrontation, Brecht a opté pour une soumission apparente. Par des réponses habiles et une courtoisie feinte, il a déjoué ses accusateurs et préservé sa liberté, tandis que d’autres ont été écrasés par leur résistance frontale.
22.2 - Les avantages de la capitulation stratégique
Pour l’auteur de "Power : les 48 lois du pouvoir", cette approche offre plusieurs bénéfices clés :
Désamorcer l’agressivité : l’adversaire baisse sa garde, croyant avoir gagné.
Gagner du temps : nous pouvons nous renforcer en attendant le bon moment.
Observer de près : nous pouvons étudier les faiblesses de l’ennemi de façon rapprochée.
Maintenir notre liberté d’action à long terme : nous restons en position de rebondir plus tard.
22.3 - Les conditions de réussite
Cependant, cette tactique ne fonctionne que si elle est exécutée avec précision. Elle exige :
Un parfait contrôle de soi : on ne doit pas laisser transparaître nos véritables intentions.
Une capitulation purement extérieure : notre soumission doit être un masque, pas une réalité.
Une vision stratégique à long terme : nous devons avoir en tête que cette retraite temporaire sert un objectif plus grand.
Ainsi, Robert Greene conclut que, face à un adversaire plus puissant, une fausse soumission est souvent bien plus efficace qu’une résistance frontale vouée à l’échec. En cédant du terrain tactiquement, vous préparez le terrain pour une victoire stratégique. La clé est de savoir quand plier sans jamais rompre.
Loi 23 - Concentrez vos forces
Dans la vingt-troisième loi, Robert Greene nous rappelle que le pouvoir se trouve dans la concentration, pas dans la dispersion. En canalisant nos ressources et notre énergie vers un objectif unique, nous maximisons notre impact et renforçons notre position :
"Économisez vos forces et votre énergie en les gardant concentrées à leur niveau le plus élevé. (…) L’intensif l’emporte toujours sur l’extensif."
23.1 - L’exemple des Rothschild
Robert Greene illustre cette loi avec l’histoire des Rothschild, une famille qui a bâti un empire financier grâce à une stratégie de concentration implacable. Leur succès repose sur plusieurs piliers :
L’unité familiale : ils sont restés unis et exclusivement familiaux pour éviter les influences extérieures.
La préservation des secrets : ils ont protégé leurs informations et leur pouvoir en se mariant entre cousins.
Un système de communication codé : ils ont développé leurs propres méthodes pour échanger des informations sensibles en toute sécurité.
Une répartition stratégique : il se sont dispersés dans les principales villes européennes tout en maintenant une cohésion sans faille.
23.2 - Les avantages de la concentration
"Ce qui est concentré, cohérent et éprouvé par l’histoire a du pouvoir. Ce qui est dissipé, divisé, distendu se désagrège et tombe" explique l’auteur. Ainsi, dans un monde de plus en plus fragmenté et distrayant, concentrer ses forces revêt des avantages majeurs :
Une efficacité accrue : en se focalisant sur un seul objectif à la fois, on évite le gaspillage d’énergie.
Une puissance consolidée : une source de pouvoir principale est plus solide que plusieurs petites.
Une profondeur stratégique : mieux vaut maîtriser un domaine en profondeur que de papillonner en surface.
23.4 - Les risques et les limites
Robert Greene précise toutefois que cette stratégie n’est pas sans dangers. Elle comporte des risques, notamment celui de tout perdre si notre unique source de pouvoir s'effondre. Il recommande donc, dans certains cas, de diversifier ses appuis, surtout en période d’instabilité ou de crise.
La clé est finalement de savoir quand se concentrer et quand élargir ses bases. En temps normal, la concentration est une tactique redoutable pour dominer un domaine. Mais en période troublée, une diversification prudente peut servir de filet de sécurité. L’essentiel est de rester flexible et de ne jamais mettre tous ses œufs dans le même panier sans en avoir conscience. En résumé, concentrez vos forces pour frapper fort, mais gardez toujours un œil sur les risques pour ne pas tout perdre d’un seul coup.
Loi 24 - Soyez un courtisan modèle
Robert Greene dévoile ici les secrets de l’art de la courtoisie, un savoir-faire intemporel qui reste capital dans les jeux de pouvoir, même si les cours royales ont disparu. Être un courtisan accompli, c’est maîtriser l’équilibre subtil entre séduction, discrétion et influence, nous dit l’auteur :
"Le courtisan évolue dans un monde où tout tourne autour du pouvoir et du jeu politique. Il doit maîtriser l’art du flou, flatter, s’abaisser devant les grands et exercer son pouvoir sur les autres de manière aussi courtoise que discrète."
24.1 - Les règles essentielles du courtisan
Robert Greene détaille une série de principes pour exceller dans cet univers complexe :
Éviter l’ostentation :Ne jamais trop parler de soi. Rester modeste et discret.
Éviter d’attirer une attention excessive, qui pourrait susciter jalousie ou méfiance.
Maîtriser l’art de la flatterie :Flatter avec parcimonie et subtilité. Faire briller le maître plutôt que soi-même.
Ne jamais être trop direct dans ses compliments, pour éviter de paraître manipulateur.
Gérer sa présence :Se faire remarquer sans être envahissant. Adapter son style selon l’interlocuteur.
Maintenir une distance appropriée avec les supérieurs pour préserver son mystère.
Savoir composer avec les situations délicates :Ne jamais être porteur de mauvaises nouvelles. Éviter toute familiarité déplacée. Ne pas critiquer directement ses supérieurs.
Demander rarement des faveurs pour ne pas paraître opportuniste.
Pratiquer l’art du plaisirÊtre une source d’agrément pour les autres. Maîtriser ses émotions en toutes circonstances.
Rester dans l’air du temps pour paraître toujours pertinent.
L'auteur illustre ces principes à travers plusieurs figures historiques, comme celle de l'architecte Mansart qui sut flatter Louis XIV en lui faisant croire que les meilleures idées venaient de lui, et ainsi consolider sa propre position. Ou encore celle de l'artiste Isabey qui parvint habilement à satisfaire ses deux maîtres rivaux.
24.2 - Les pièges à éviter dans le jeu subtil du courtisan
L'art du courtisan est un jeu subtil qui requiert une grande finesse psychologique. Il exige une maîtrise de soi, une compréhension profonde des désirs des autres et une capacité à rester en retrait tout en étant indispensable.
Aussi, certaines erreurs peuvent être fatales, prévient l’auteur. Par exemple :
La familiarité excessive, qui peut conduire à une disgrâce immédiate.
La critique du goût ou des décisions du maître, qui risque de détruire la relation de confiance.
L’oubli des codes sociaux, qui peut vous faire passer pour maladroit ou inopportun.
Mais finalement, ceux qui parviennent à maitriser cet art peuvent influencer sans jamais paraître menaçants, et dominer sans jamais sembler ambitieux.
Loi 25 - Changez de peau
Dans cette 25ème loi, Robert Greene explique que le pouvoir appartient à ceux qui savent façonner leur propre identité plutôt que de subir celle que la société leur impose.
Selon lui, la capacité à se réinventer et à maîtriser son image est un atout fondamental pour dominer son environnement.
25.1 - Le pouvoir appartient à ceux qui maîtrisent leur identité : deux exemples révélateurs
Jules César : le maître de la mise en scène
Robert Greene montre comment César, en maître de la mise en scène, transforma sa vie en un véritable spectacle politique. Chaque geste, chaque décision était calculé pour marquer les esprits et asseoir son pouvoir. De ses jeux du cirque, qui captivaient les foules, à sa célèbre traversée du Rubicon, il savait créer des moments dramatiques qui le rendaient inoubliable.
George Sand : une identité créée pour transcender les normes
Autre exemple marquant, celui de George Sand, qui brisa les conventions de son époque en créant délibérément un personnage androgyne. En adoptant un pseudonyme masculin et en portant des vêtements d’homme, elle transcenda les barrières sociales imposées aux femmes, lui permettant d’être acceptée dans les cercles littéraires dominés par les hommes et d’imposer son influence.
25.2 - Les clés d’une transformation réussie
Pour réussir à se réinventer, Robert Greene identifie plusieurs stratégies :
Maîtriser ses émotions comme un acteur => afficher une image contrôlée, sans laisser paraître ses faiblesses.
Créer un personnage mémorable et distinctif => un style, une posture, une aura qui marquent durablement les esprits.
Orchestrer le timing et le rythme de ses actions => savoir quand frapper un grand coup et quand se faire oublier.
Faire des "grands gestes" symboliques => poser des actes marquants qui renforcent son mythe et sa légende.
25.3 - Attention aux pièges de l’exagération
Si cette capacité à se réinventer est essentielle au pouvoir, prudence toutefois : elle s’utilise avec subtilité et talent, signale l’auteur. Une mise en scène trop forcée ou maladroite peut se retourner contre nous, nous faisant paraître artificiel ou prétentieux.
Conclusion : le pouvoir appartient à ceux qui maîtrisent leur propre récit et savent se transformer au gré des circonstances. Créer son identité plutôt que de subir celle que l’on veut vous imposer est une technique redoutable, mais elle nécessite finesse, audace et un sens aigu du spectacle. Le monde est une scène, et ceux qui savent en jouer deviennent inoubliables.
Loi 26 - Gardez les mains propres
Robert Greene révèle ici une loi impitoyable du pouvoir : pour conserver son autorité et son image intactes, il faut parfois faire exécuter les basses besognes par d’autres. Un véritable maître du jeu ne se salit jamais directement les mains, il manipule habilement son environnement pour que le travail ingrat soit accompli sans qu’il ne soit jamais impliqué.
26.1 - Comment exercer le pouvoir sans jamais être éclaboussé
L'auteur du livre "Power : les 48 lois du pouvoir", développe ce principe à travers deux stratégies principales.
1ère stratégie : utiliser des boucs émissaires pour détourner le blâme
Les erreurs sont inévitables, mais les assumer publiquement avec des excuses ou des remords est souvent perçu comme un signe de faiblesse.
Robert Greene illustre ce point avec l’histoire du général Cao Cao, qui, après avoir mal géré un approvisionnement militaire, évita une révolte en faisant décapiter un intendant innocent pour calmer ses troupes.
Leçon clé : plutôt que d’avouer une erreur, il est parfois plus stratégique de désigner un responsable sur qui faire porter la responsabilité, de façon à détourner l’attention et de préserver son autorité.
2ème stratégie : déléguer le "sale boulot"
Un autre moyen de garder les mains propres est de faire exécuter les décisions impopulaires par d’autres. Robert Greene prend l’exemple de Cléopâtre, qui manipula César et Marc Antoine pour éliminer ses rivaux sans jamais être tenue pour responsable.
Pour réussir cette approche, il faut :
Faire preuve de subtilité dans la manipulation, en influençant les décisions sans les imposer ouvertement.
Anticiper plusieurs coups à l’avance, pour éviter de se retrouver en première ligne lorsque la situation dégénère.
Masquer ses véritables intentions, en adoptant une posture de neutralité ou de victime des circonstances.
26.2 - Les avantages de cette stratégie
L'auteur identifie ensuite les avantages clés de cette stratégie :
Préserver sa réputation et son image : en restant en retrait, on laisse les autres endosser les responsabilités.
Économiser son énergie : on ne perd pas de temps à gérer les conflits directs, on orchestre simplement leur résolution.
Garder une position de force morale : nous apparaissons comme une figure intègre, au-dessus des intrigues et des machinations.
Conserver plusieurs options ouvertes : en n’étant jamais directement impliqué, nous pouvons toujours changer de cap et nier toute responsabilité.
26.3 - L’exemple de Mao Zedong
En guise d’exemple, Robert Greene cite également Mao Zedong, qui exploita les conflits entre les nationalistes chinois et les Japonais pour affaiblir ses ennemis sans engager ses propres forces. En laissant les autres mener les batailles les plus sanglantes, il put émerger en vainqueur sans prendre de risques excessifs.
26.4 - Les précautions à prendre
L'auteur conclut toutefois que ces tactiques doivent être utilisées avec précaution :
Ne jamais laisser de trace : le lien avec le bouc émissaire ne doit jamais être découvert. Car si votre manipulation est découverte, vous risquez d’être perçu comme un traître.
Ne pas appliquer cette stratégie à des enjeux trop importants : un mauvais calcul peut provoquer des conséquences incontrôlables.
Savoir assumer la responsabilité si nécessaire : dans certaines situations, reconnaître publiquement une faute peut renforcer notre crédibilité et notre leadership.
En résumé, un véritable stratège ne laisse jamais son nom associé aux décisions les plus impopulaires. Il sait manipuler, déléguer et détourner le blâme tout en conservant son pouvoir intact. Comme un marionnettiste, il tire les ficelles sans jamais apparaître sur scène, veillant à ce que les autres portent le poids des responsabilités, pendant qu’il reste au-dessus de la mêlée. Le pouvoir n’appartient pas à ceux qui prennent les coups, mais à ceux qui les évitent intelligemment.
Loi 27 - Créez une mystique
La vingt-septième loi du livre "Power : les 48 lois du pouvoir" nous enseigne comment créer une aura de mystère et de fascination pour captiver et manipuler les autres.
Robert Greene affirme que les êtres humains ont un besoin profond de croire en quelque chose de plus grand qu’eux, ce qui les rend particulièrement réceptifs aux figures charismatiques et vulnérables à leur manipulation.
27.1 - Les cinq étapes pour créer une mystique
L’ambiguïté attire et intrigue, tandis que la simplicité rassure, pointe l’auteur. Pour séduire les esprits, il faut donc :
Faire de grandes promesses floues qui laissent place à toutes les interprétations.
Apporter des solutions simples à des problèmes complexes, sans entrer dans des explications rationnelles détaillées.
Employer un langage évocateur et symbolique, qui parle aux émotions plutôt qu’à la logique.
Les émotions et les sensations sont bien plus puissantes que les arguments rationnels. Pour captiver un public, il faut donc :
Mettre en scène un spectacle grandiose : décors impressionnants, musique, cérémonies. Créer une mise en scène spectaculaire.
Stimuler les sens : musique, usage d’encens, de vêtements distinctifs, de rituels qui marquent l’esprit.
Éviter les débats intellectuels, les discussions trop rationnelles qui risquent de dissiper l’aura de mystère.
Les religions ont su captiver et fédérer les masses depuis des siècles en s’appuyant sur des rituels codifiés et des hiérarchies bien définies. Pour s’assurer une emprise durable, il est judicieux de :
Créer une hiérarchie avec un leader charismatique (vous) et des adeptes dévoués.
Établir des rituels et des traditions pour structurer la communauté et renforcer son identité.
Se positionner comme un guide spirituel, dont la parole a une valeur presque sacrée.
L’argent est souvent un facteur de suspicion. Pour éviter que les disciples ou admirateurs ne doutent de notre sincérité, il est essentiel de :
Ne jamais paraître motivé par l'argent.
Faire croire que sa richesse provient de l’efficacité des principes enseignés.
Maintenir une apparence de désintéressement, en feignant de rejeter les honneurs matériels tout en les accumulant discrètement.
Rien ne soude un groupe mieux qu’un adversaire désigné, perçu comme une menace extérieure. Pour cela, l’idée est de :
Pointer un ennemi responsable de tous les maux, qu’il s’agisse d’une institution, d’un groupe social ou d’un individu : cela va renforcer la cohésion du groupe en interne.
Discréditer toute critique en l’assimilant à une attaque de l’ennemi.
Robert Greene illustre ces principes à travers plusieurs exemples historiques, notamment celui de Francesco Borri, un charlatan du XVIIe siècle qui prétendait avoir des visions mystiques et connaître le secret de la pierre philosophale. En usant d’un langage mystérieux, en s’entourant d’un cercle restreint d’initiés et en évitant toute confrontation directe avec la réalité, il bâtit un empire de crédules prêts à le suivre aveuglément.
27.2 - Les risques de cette stratégie
L’auteur avertit que cette stratégie est particulièrement efficace dans les périodes de trouble et d'incertitude mais qu’elle peut se retourner contre vous si elle est poussée trop loin :
Si les disciples découvrent la supercherie, leur dévotion peut se transformer en fureur vengeresse.
Le charisme doit être constamment entretenu sous peine de perdre de son éclat et d’être remplacé par une autre figure mystique plus convaincante.
Une trop grande mystification peut susciter des révoltes parmi ceux qui se sentent trahis ou manipulés.
Conclusion : créer une mystique est un moyen habile pour captiver, fédérer et influencer durablement un public. Ceux qui excellent dans cet art deviennent des figures intouchables, entourées d’un culte de la personnalité. Mais cette stratégie exige subtilité et contrôle, car un excès de manipulation peut entraîner des conséquences désastreuses si l’illusion se brise. Comme Robert Greene le rappelle, les masses ont soif de mystère… mais elles peuvent aussi exiger des comptes.
Loi 28 - Faites preuve d'audace
Dans cette vingt-huitième loi, Robert Greene démontre que l’audace est un redoutable intrument de pouvoir. L’indécision et la prudence excessive sont perçues comme des signes de faiblesse, tandis qu’une action audacieuse impose le respect et force l’admiration. Ceux qui osent, même contre toute attente, prennent l’ascendant sur ceux qui hésitent.
28.1 - L’audace en action : trois exemples historiques
L’auteur illustre cette loi à travers plusieurs exemples historiques :
Le comte Victor Lustig, un escroc légendaire, qui osa vendre la Tour Eiffel… deux fois ! Il exploita le climat d’incertitude de l’époque et usa de son charisme pour convaincre des acheteurs crédules, prouvant ainsi que le culot peut parfois défier la raison.
Le jeune Ivan le Terrible qui, après des années de soumission apparente, renversa brutalement ses opposants en un coup de force magistral. Son audace marqua son règne et imposa son autorité absolue.
L’Arétin, poète et satiriste, qui se fit un nom en osant attaquer les figures les plus puissantes de son époque. Ses écrits corrosifs lui valurent autant de soutiens que d’ennemis, mais son audace lui assura une influence durable.
28.2 - Pourquoi l’audace fonctionne-t-elle ?
Robert Greene met en avant les avantages psychologiques de l’audace :
Elle masque les faiblesses et imperfections : une action assumée avec assurance donne une impression de contrôle, même si elle repose sur une base fragile.
Elle paralyse l’adversaire : une attaque frontale, inattendue et déterminée, laisse peu de temps pour réagir.
Elle capte l’attention et impose le respect : les individus audacieux inspirent, intriguent et fascinent.
Elle est contagieuse : une audace affichée encourage les autres à suivre et consolide ainsi le pouvoir de son initiateur.
28.3 - L’audace doit être maîtrisée et stratégique
L’audace brute peut être une arme à double tranchant si elle est mal utilisée. Elle doit être stratégique. Pour cela, Robert Greene recommande de :
La planifier soigneusement : l’audace impulsive mène souvent au désastre ; elle doit être précise, réfléchie et fondée sur une analyse des circonstances.
Choisir le bon timing : l’audace a plus d’impact lorsqu’elle est appliquée au bon moment, notamment face à un adversaire vulnérable ou un environnement incertain.
Ne pas la rendre systématique au risque de devenir prévisible : si vous êtes toujours audacieux, votre comportement devient une routine et perd son effet de surprise. L’idéal est d’alterner entre audace et prudence pour rester insaisissable.
Robert Greene conclut en soulignant que la timidité et l’hésitation n’ont pas leur place dans la quête du pouvoir. Même lorsqu’on doute, il est préférable d’avancer avec confiance et détermination, quitte à improviser en cours de route. L’audace, lorsqu’elle est bien employée, renverse les dynamiques, brise les résistances et forge des légendes. Ceux qui osent prennent le contrôle. Ceux qui hésitent se contentent de suivre.
Loi 29 - Suivez un plan précis jusqu'au but final
Dans cette vingt-neuvième loi, Robert Greene insiste sur un principe fondamental du pouvoir : l’improvisation est l’ennemie du succès. Ceux qui avancent sans plan précis finissent souvent par échouer, tandis que ceux qui suivent une stratégie méticuleuse atteignent leurs objectifs avec précision.
29.1- Deux exemples opposés : l’échec et le succès de la planification
L’échec de Vasco Núñez de Balboa
Explorateur audacieux, Balboa découvrit l’océan Pacifique en 1513, un exploit historique. Mais, faute de vision à long terme et d’un plan solide pour consolider son pouvoir, il se fit piéger dans des intrigues politiques et fut exécuté. Son incapacité à anticiper les risques transforma sa découverte en une victoire éphémère, rapidement effacée par son imprévoyance.
Le succès de Bismarck
À l’inverse, Otto von Bismarck planifia avec une rigueur implacable l’unification de l’Allemagne en trois guerres parfaitement orchestrées. Chaque conflit servait un but précis et s’arrêtait dès l’objectif atteint. Contrairement à Balboa, il ne laissa jamais place au hasard, garantissant ainsi le succès de son entreprise.
29.2 - Pourquoi la planification est essentielle ?
Robert Greene explique que la plupart des gens échouent à cause de trois erreurs majeures :
Ils se laissent guider par leurs émotions plutôt que par la raison => Les impulsions du moment remplacent une vision réfléchie, les rendant vulnérables aux imprévus.
Ils rêvent de triomphe sans anticiper les obstacles => Un plan sans prise en compte des difficultés est une illusion vouée à l’échec.
Ils improvisent face aux difficultés plutôt que de les anticiper => Sans feuille de route, chaque obstacle devient une crise qui affaiblit leur position.
29.3 - Comment bâtir un plan gagnant ?
Pour l’auteur, le réel pouvoir repose sur quatre principes fondamentaux :
Fixer un objectif clair et précis : plus l’objectif est défini, plus la stratégie est efficace.
Anticiper tous les obstacles possibles : un bon plan doit inclure des scénarios de crise et des solutions déjà préparées.
Prévoir une stratégie de sortie : savoir quand et comment conclure est aussi important que la manière de commencer.
Savoir s’arrêter au bon moment : l’excès de conquête ou de persévérance aveugle mène souvent à la ruine.
29.4 - Le pouvoir appartient à ceux qui pensent à long terme
Robert Greene conclut que les grands stratèges ne laissent rien au hasard. Ils avancent avec méthode, anticipent les difficultés avant qu’elles n’apparaissent et s’arrêtent dès que leur but est atteint. Contrairement aux impulsifs, ils ne se laissent jamais piéger par l’illusion du succès instantané. Le véritable pouvoir ne se construit pas sur l’audace seule, mais sur une vision claire, planifiée jusqu’au bout.
Loi 30 - N'ayez jamais l'air de forcer
La trentième loi expose un principe subtil mais clé du pouvoir : toute action doit sembler naturelle et sans effort.
Derrière chaque performance brillante se cache souvent un travail acharné, mais le secret d’un véritable stratège est de masquer la sueur derrière l’élégance. Ceux qui donnent l’impression de forcer paraissent maladroits et perdent en influence.
30.1 - L’art de l’effort invisible : deux exemples frappants
L'auteur illustre ce concept à travers deux exemples marquants :
Sen no Rikyu, maître japonais de la cérémonie du thé
Au XVIe siècle, Rikyu considérait que la beauté suprême résidait dans une harmonie apparemment fortuite et naturelle. Un jour, il plaça subtilement des coussins sur des dalles enneigées pour créer un effet magnifique, sans jamais révéler son artifice. Pourtant, chaque détail avait été calculé avec minutie. Sa maîtrise venait de cette capacité à dissimuler l’effort derrière l’apparente simplicité.
Harry Houdini, le roi de l’illusion
L’illusionniste stupéfiait le public avec des évasions défiant les lois de la physique. Mais derrière cette apparente facilité, révèle l’auteur, se cachaient, en fait des années de préparation, d’entraînement acharné et de recherches minutieuses, jamais dévoilés au public. Houdini, en ne montrant jamais les coulisses de son travail, entretenait le mystère et l’admiration.
30.2 - Pourquoi dissimuler l’effort est une arme de pouvoir ?
Robert Greene liste plusieurs avantages stratégiques à cacher ses efforts. Cela :
Suscite l’admiration et parfois même une forme de crainte respectueuse : une action fluide et maîtrisée impressionne plus qu’un effort laborieux et visible.
Préserve une aura de mystère autour de nos capacités : si personne ne comprend vos méthodes, il devient impossible de les copier ou de les anticiper.
Empêche les autres de voir vos points faibles et d’utiliser vos méthodes contre vous : montrer la difficulté d’un exploit révèle les coulisses et fragilise votre image.
30.3 - Comment appliquer cette loi dans la vie quotidienne ?
Ne vous plaignez jamais du travail accompli : les efforts doivent rester invisibles aux yeux des autres.
Soignez votre attitude : l’élégance et le contrôle donnent l’illusion d’une aisance naturelle.
Cachez vos stratégies et vos méthodes : en rendant vos résultats “évidents”, vous brouillez les pistes et empêchez les autres de les reproduire.
Misez sur la spontanéité maîtrisée : plus une action semble naturelle, plus elle est efficace et convaincante.
Robert Greene conclut que le vrai pouvoir opère sans révéler ses mécanismes. Comme en nature, où les arbres grandissent sans bruit et où la rivière s’écoule sans effort visible, les grands stratèges avancent avec fluidité, masquant leur travail sous une apparente facilité. Ceux qui maîtrisent cet art deviennent inaccessibles, car on ne peut ni prévoir, ni imiter ce qui semble inné.
Loi 31 - Offrez le choix : Charybde ou Scylla ?
Dans cette trente-et-unième loi, Robert Greene dévoile une autre stratégie de manipulation subtile : donner aux autres l'illusion du choix en gardant le contrôle de toutes les issues possibles.
Plutôt que d’imposer votre volonté de manière autoritaire, proposez deux options qui mènent toutes les deux à un résultat en votre faveur. Ceux qui croient décider par eux-mêmes sont bien plus enclins à accepter leur sort.
31.1 – Le pouvoir de l’illusion du choix : deux exemples historiques
Ivan le Terrible : l’abdication qui force l’obéissance
En 1564, confronté à l’hostilité des boyards, Ivan IV mit en scène une abdication théâtrale en quittant mystérieusement Moscou. Il laissa son peuple face à un dilemme : le chaos et l’anarchie sans lui, ou son retour en tant que tsar absolu, avec des pouvoirs étendus. Résultat ? Effrayés par l’alternative, les Moscovites le rappelèrent en lui accordant plus de pouvoir que jamais.
Ninon de Lenclos : séduire ou payer
La célèbre courtisane proposait à ses soupirants deux options : devenir ses "payeurs" ou ses "martyrs". Chaque alternative servait ses intérêts : soit financièrement, soit en alimentant sa cour d’admirateurs. En effet, ceux qui acceptaient de payer entretenaient son train de vie, tandis que ceux qui refusaient, bien que privés d’elle, devenaient ses admirateurs frustrés, renforçant son prestige et son aura de mystère.
31.2 - Pourquoi cette stratégie fonctionne-t-elle ?
Trois raisons principales rendent cette technique efficace. Celle-ci :
Masque la manipulation en donnant un sentiment de liberté : les gens n’aiment pas qu’on leur impose une décision, mais s’ils pensent qu’ils ont le choix, ils acceptent plus volontiers leur sort.
Évite le ressentiment puisque les gens pensent avoir choisi leur sort : celui qui choisit une option, même défavorable, aura tendance à la justifier après coup pour éviter de se sentir manipulé.
Garantit un résultat favorable quelle que soit l’option choisie : contrairement à un affrontement direct, cette approche supprime le risque de perdre.
31.3 - Comment appliquer cette loi dans la vie quotidienne ?
Dans la négociation : ne laissez jamais votre interlocuteur refuser en bloc. Proposez-lui deux alternatives, toutes deux avantageuses pour vous. Exemple : "Vous préférez signer aujourd’hui ou attendre et perdre cette opportunité ?"
Dans les relations personnelles : Orientez les choix pour obtenir ce que vous voulez sans passer pour autoritaire. Exemple : "On mange au restaurant A ou au restaurant B ?" (en ayant préalablement écarté les options qui ne vous conviennent pas).
Dans le leadership : amenez vos collaborateurs à choisir une direction que vous avez déjà balisée, plutôt que de leur laisser un libre arbitre incontrôlable.
En résumé, les meilleurs stratèges ne dictent jamais directement leurs décisions. Ils orientent les circonstances de manière subtile, apportant une liberté apparente tout en manipulant le cadre des décisions. Comme Ivan le Terrible ou Ninon de Lenclos, ils savent que l’important n’est pas ce que les gens choisissent, mais ce qu’ils ne réalisent pas avoir perdu en choisissant.
Loi 32 - Touchez l'imagination
La trente-deuxième loi étudie le pouvoir de l'imagination dans la manipulation des masses : les gens préfèrent les illusions séduisantes aux réalités brutales.
Celui qui sait captiver l’imagination d’un public détient un pouvoir immense, car il procure des rêves et des espoirs là où le monde réel est souvent décevant.
32.1 - L’art de l’illusion : l’exemple de Bragadino
Robert Greene illustre ce principe avec l’histoire de Bragadino, un alchimiste du XVIe siècle, qui exploita le désespoir et la soif de grandeur d’une Venise en déclin. Il promit aux dirigeants vénitiens de transformer du plomb en or, leur faisant miroiter un espoir de renouveau économique et de gloire sans effort.
Ce charlatan ne se contenta pas de faire des promesses : il orchestra un véritable spectacle, usant de rituels mystérieux et de symboles puissants pour nourrir la croyance. Il savait que la foule voulait croire à la magie et aux solutions miraculeuses plus qu’affronter les dures réalités.
Finalement, lorsque son imposture fut découverte, il fut exécuté, mais il avait déjà prouvé l’efficacité de la manipulation par l’imaginaire.
32.2 - Pourquoi savoir toucher l’imagination et faire rêver marche si bien ?
Pour l'auteur, cette stratégie fonctionne car :
Les gens fuient les réalités déplaisantes : ils préfèrent un mensonge séduisant à une vérité douloureuse.
Ils attribuent rarement leurs problèmes à leurs propres actions : offrir une solution externe (magie, destin, leader charismatique) permet d'éviter l’auto-responsabilité.
Ils préfèrent les solutions rapides et miraculeuses aux efforts de longue haleine : la discipline et le travail sont rarement aussi séduisants qu’une promesse d’élévation soudaine.
32.3 - Comment utiliser cette loi à son avantage ?
Racontez une histoire plutôt qu’un simple fait : les faits seuls sont froids, mais une narration captivante les rend inoubliables.
Créez un sentiment d’émerveillement : laissez planer un mystère, ajoutez une dimension spectaculaire à vos actions.
Apportez un espoir inatteignable mais séduisant : les leaders les plus influents promettent un futur meilleur, même s’ils ne le définissent jamais clairement.
Évitez d’être trop concret : une illusion détaillée est fragile, tandis qu’un rêve flou laisse place à l’interprétation et à l’espoir personnel.
Ainsi, selon Robert Greene, le pouvoir se situe dans la capacité à offrir des rêves qui contrastent avec la banalité du quotidien, tout en maintenant une distance suffisante pour que l'illusion ne se dissipe jamais.
Loi 33 - Trouvez le talon d'Achille
Dans sa trente-troisième loi du pouvoir, Robert Greene assure que chaque personne, même la plus forte en apparence, possède une faille exploitable dans sa personnalité.
Que ce soit une insécurité, une émotion incontrôlable ou un besoin irrépressible, celui qui sait identifier et manipuler ces points faibles peut contrôler autrui sans qu’il s’en rende compte.
33.1 - Exploiter les failles humaines : trois exemples historiques
Richelieu : l'art de la manipulation psychologique
Le cardinal de Richelieu bâtit son influence en détectant systématiquement les faiblesses de ses adversaires. Il exploita le besoin d’attention masculine de la régente Marie de Médicis et la dépendance émotionnelle du jeune Louis XIII pour construire son pouvoir et prendre progressivement le contrôle de la cour de France.
Le comte Lustig : flatter l’ego pour escroquer
L’escroc légendaire Victor Lustig repéra chez un nouveau riche nommé Loller, une soif maladive de prestige social. Il l’attira alors avec une fausse machine soi-disant capable de fabriquer de l’argent, exploitant son avidité et son besoin de reconnaissance. Résultat : Loller se fit escroquer sans poser de questions.
Catherine de Médicis et ses espionnes fatales
Pour manipuler les puissants hommes de sa cour, Catherine de Médicis créa un "escadron volant", composé de femmes séduisantes chargées de piéger et d’espionner les figures clés du pouvoir. Elle savait que le désir incontrôlable des hommes face aux charmes féminins les rendait vulnérables.
33.2 - Quelles sont les failles les plus courantes ?
Selon Robert Greene, les points faibles universels exploitables les plus courants sont :
Le manque de confiance en soi : ceux qui doutent d’eux-mêmes cherchent souvent un guide ou une validation extérieure.
Le besoin de reconnaissance sociale : les individus voulant être admirés sont prêts à tout pour préserver leur image.
Les pulsions incontrôlables : la luxure, la cupidité, la vanité poussent les gens à prendre des décisions irrationnelles.
Les blessures émotionnelles de l’enfance : un rejet ou une humiliation passée peut être exploité pour influencer les comportements.
33.3 – Quatre conseils pour utiliser ce jeu dangereux
Robert Greene nous met en garde : manipuler les faiblesses d’autrui comporte des risques. Certaines personnes, une fois conscientes de leur vulnérabilité exploitée, peuvent réagir avec violence, vengeance ou haine. Il faut donc utiliser cette technique avec finesse, sans éveiller les soupçons :
Observez et écoutez attentivement : chaque personne laisse inconsciemment entrevoir ses failles à travers ses paroles, ses gestes ou ses réactions émotionnelles.
Testez les réactions : proposez des situations qui touchent un point sensible et observez comment la personne réagit.
Flattez ou mettez sous pression selon le besoin : un individu en manque de reconnaissance se laisse séduire par les compliments, tandis qu’un esprit anxieux réagira par la peur et l’incertitude.
Ne vous dévoilez pas : plus vous en savez sur l’autre, moins il doit en savoir sur vous.
33.4 - Le pouvoir appartient aux observateurs
Ainsi, termine l’auteur, celui qui sait détecter les failles humaines devient un maître dans l’art de l’influence. Richelieu, Lustig et Catherine de Médicis n’étaient pas les plus forts physiquement, mais les plus habiles à jouer avec les émotions et les désirs des autres.
Si l’on résume en une phrase : le plus grand levier du pouvoir n’est pas la force brute, mais la connaissance des faiblesses des autres.
Loi 34 - Soyez royal
La trente-quatrième loi du pouvoir souligne l'importance de se comporter avec la dignité et la grandeur d'un roi pour être traité comme tel. L’attitude et l’assurance que vous affichez déterminent, en effet, le respect et l’autorité que vous inspirez aux autres.
34.1 - L’importance du comportement royal : deux destins opposés
Pour illustrer cette loi, l’auteur met en parallèle deux exemples historiques antinomiques :
L’échec de Louis-Philippe : le roi sans majesté
Surnommé le "roi bourgeois", Louis-Philippe tenta d’établir une proximité avec le peuple en adoptant un comportement modeste et accessible. Mais loin de le rapprocher de ses sujets, cette attitude affaiblit son autorité et le rendit vulnérable. Il perdit le respect de la nation et fut renversé lors de la révolution de 1848.
Le succès de Christophe Colomb : l’audace d’un roi sans couronne
Issu d’une famille modeste et fils de marchand, Colomb ne se laissa jamais définir par son statut social. Grâce à une confiance royale inébranlable, il se présenta aux monarques européens non comme un simple navigateur, mais comme un explorateur au destin grandiose. Son assurance tranquille et ses exigences audacieuses impressionnèrent la reine Isabelle, qui finit par financer ses expéditions.
34.2 - Pourquoi cette stratégie est-elle si efficace ?
Robert Greene explique que cette stratégie fonctionne car:
Notre comportement détermine la façon dont les autres nous perçoivent : les autres nous traitent comme nous nous traitons nous-mêmes.
Une confiance sereine, sans arrogance, inspire naturellement le respect.
Fixer soi-même sa valeur pousse les autres à l'accepter.
34.3 - La grandeur est une posture, pas un titre
L'auteur conclut qu'il est essentiel de maintenir sa dignité en toutes circonstances, car le pouvoir véritable émane de notre capacité à nous voir nous-mêmes comme dignes de grandeur.
Ainsi, ceux qui se comportent avec majesté et exigence obtiennent naturellement le respect, tandis que ceux qui se rabaissent finissent par être écrasés.
Voici alors quatre façons d’appliquer ce principe au quotidien :
Adoptez une posture et un langage dignes : la manière dont vous vous tenez, parlez et bougez influence la façon dont les autres vous perçoivent.
Ne cherchez pas l’approbation des autres : un roi ne quémande pas l’attention, il l’attire par sa seule présence.
Affichez des standards élevés : ceux qui se contentent de peu sont rarement respectés. Exigez de la reconnaissance et du respect, et les autres suivront.
Restez maître de vos émotions : un vrai leader ne se laisse jamais emporter par la colère ou le désespoir. Il maintient son calme et impose son autorité par sa maîtrise de soi.
Loi 35 - Maîtrisez le temps
La trente-cinquième loi du pouvoir met en évidence l’idée que celui qui contrôle le temps contrôle le jeu. Selon Robert Greene, la précipitation mène à des erreurs, l’attentisme à l’oubli. L’art consiste donc à savoir quand patienter et quand agir avec fulgurance.
35.1 - L’art du timing : l’exemple de Joseph Fouché
L’un des plus grands maîtres de cette loi fut Joseph Fouché, ministre sous la Révolution française, qui survécut à tous les régimes successifs (Robespierre, Napoléon, Louis XVIII) en s’adaptant parfaitement au rythme des événements.
Robert Greene montre comment Fouché sut identifier les tendances émergentes, anticiper les réactions, et surtout patienter quand nécessaire :
La phase d’affût : Fouché patienta lorsque la Révolution était à son paroxysme, restant discret et observateur pendant la Terreur.
La phase de traque : il déstabilisa ses adversaires en semant des rumeurs et en influençant secrètement le cours des événements.
La phase d’hallali : il frappa au bon moment, trahissant Robespierre juste avant sa chute, et s’alignant sur Napoléon avant qu’il ne devienne empereur.
Sa parfaite lecture des évènements et son intelligence du tempo politique lui permirent de survivre là où d’autres furent exécutés ou exilés.
35.2 - Les principes clés de la maîtrise du temps
Pour l'auteur, la maîtrise du temps repose sur ces trois phases :
L'affût => période de patience et d'observation où l'on attend l'occasion propice : ne pas se précipiter. Observez, analysez les tendances, laissez les autres commettre des erreurs.
La traque => moment où l'on perturbe le rythme de l'adversaire pour le déstabiliser : créez un déséquilibre temporel pour forcer l’ennemi à agir trop vite ou à hésiter au mauvais moment.
L'hallali => phase finale d'action rapide et décisive : lorsque le moment est venu, frappez sans hésitation. L’attente a préparé le terrain, maintenant l’action doit être fulgurante.
35.3 - Les quatre piliers de l’intelligence temporelle
L’auteur des "48 lois du pouvoir" souligne que dompter le tempo des évènements requiert quatre qualités clés :
Le contrôle de ses émotions pour éviter la précipitation : ne réagissez jamais impulsivement, sous l’effet de la pression, de l’urgence prenez toujours le temps de réfléchir avant d’agir.
Une lecture fine de l'air du temps, des cycles et des tendances émergentes : cela vous permettra d’anticiper les changements.
La capacité à ralentir délibérément pour voir plus loin et créer du suspens et de l’intérêt : créez de l’attente autour de vous. Ceux qui se rendent trop disponibles perdent en valeur.
Le courage d'agir vite au moment opportun : sachez quand accélérer, une opportunité manquée ne revient pas toujours. Quand c’est le bon moment, agissez sans hésitation.
35.4 - Celui qui contrôle le temps contrôle les autres
Robert Greene conclut que les grands stratèges savent lire le temps comme un musicien lit une partition. Ils anticipent, créent du suspense et frappent avec précision. Les impatients se précipitent et échouent. Les attentistes hésitent et sont oubliés. Mais ceux qui savent quand temporiser et quand agir dominent le jeu.
Loi 36 - Méprisez les contrariétés
Dans la trente-sixième loi, Robert Greene partage un paradoxal psychologique : accorder trop d'attention à un problème mineur ne fait que l'amplifier.
Autrement dit, plus vous accordez d’attention à un problème, plus vous lui donnez du pouvoir. Que faire alors ? Ignorer avec stratégie, car ce que l’on méprise cesse d’exister aux yeux des autres.
36.1 - Deux stratégies opposées : une leçon d’histoire
L'auteur illustre cette loi à travers deux exemples historiques opposés :
L’échec de l’expédition punitive contre Pancho Villa
Lorsque le président Woodrow Wilson réagit démesurément à un raid mineur de Pancho Villa en envoyant une expédition militaire au Mexique, il transforma un simple bandit en héros révolutionnaire. Au lieu de le neutraliser, il lui donna une importance qu’il n’aurait jamais eue autrement.
Le succès d’Henri VIII : l’indifférence comme arme
Plutôt que de s’opposer directement au Pape et à Catherine d’Aragon dans son divorce, Henri VIII ignora délibérément et simplement leurs protestations, et imposa sa propre église. En refusant d’entrer dans le jeu de l’opposition, il força le monde à s’adapter à sa volonté.
36.2 - Pourquoi cette loi est-elle si efficace ?
Pour Robert Greene, le mépris est une arme redoutable car il :
Prive l'adversaire de l'attention qu'il recherche.
Préserve votre énergie pour les vrais enjeux, les vraies batailles.
Vous place en position de force : celui qui dicte ce qui mérite de l’attention impose son cadre à l’autre.
Rend l'autre fou de frustration.
36.3 - L’art subtil d’ignorer pour mieux dominer : trois techniques de mépris stratégique
L'auteur développe plusieurs tactiques efficaces :
L'approche "les raisins sont trop verts" : si quelque chose vous échappe ou vous est refusé, faites comme si cela ne vous intéressait pas. Votre indifférence retournera le jeu psychologique à votre avantage.
La minimisation élégante des erreurs plutôt que les excuses excessives : ne justifiez jamais trop vos erreurs car s’excuser trop abondamment est une façon d’alimenter un problème. Parfois, il vaut mieux minimiser avec élégance plutôt que de nourrir l’embarras.
L'indifférence calculée face aux provocations mineures : ignorez les provocations délibérées. Lorsque quelqu’un cherche à vous énerver ou vous déstabiliser, répondez par l’indifférence. Cela lui retirera tout pouvoir sur vous.
Le silence face aux rumeurs : si une critique ou une attaque vous vise, l’ignorer et imposer votre propre narration est souvent plus efficace que de la réfuter.
36.4 - Attention à ne pas confondre indifférence et aveuglement
Pour Robert Greene, il faut savoir distinguer les véritables menaces des simples contrariétés : des problèmes ignorés ne sont pas toujours des problèmes résolus. Certaines menaces réelles peuvent s'aggraver dangereusement et devenir incontrôlables si elles ne sont pas traitées à temps.
36.5 - Moins vous réagissez, plus vous contrôlez
Finalement, dans le jeu du pouvoir, accorder de l’attention à quelque chose, c’est le nourrir. Ceux qui savent ignorer intelligemment les provocations et contrariétés gardent le contrôle, tandis que ceux qui réagissent à tout perdent leur énergie et leur crédibilité. En gros, ce qui ne vous touche pas n’existe pas.
Loi 37 - Jouez sur le visuel
Dans cette 37ème loi du pouvoir, Robert Greene met en lumière l’importance des images et symboles visuels dans l'exercice du pouvoir. Les images, affirme-t-il, parlent plus fort que les mots. Les symboles, les mises en scène et les illusions visuelles captivent l’esprit, influencent les émotions et s’ancrent durablement dans la mémoire collective.
37.1 - L’image comme outil de domination : deux exemples marquants
Cette loi se vérifie dans les deux exemples suivants :
Le "Docteur Lune" : la puissance du spectacle
À Berlin, un homme surnommé "Docteur Lune" fascinait les foules en projetant des rayons lunaires à l’aide d’un dispositif secret, donnant l’illusion d’un phénomène mystique. Son charisme et son contrôle de l’image lui permirent d’influencer des milliers de personnes sans prononcer un mot.
Diane de Poitiers : incarner un mythe
Maîtresse d’Henri II, Diane de Poitiers renforça son pouvoir en se façonnant une image divine, s’identifiant à la déesse Diane chasseresse. Par des tableaux, des bijoux et une mise en scène soigneusement orchestrée, elle captiva Henri II pendant plus de vingt ans, surpassant même l’influence de la reine.
37.2 - Pourquoi le visuel est-il une méthode de communication si impactante ?
Si les images sont aussi influentes, assure l’auteur, c’est parce qu’elles :
Court-circuitent la réflexion rationnelle : contrairement aux mots, qui nécessitent une analyse, une image provoque une réaction immédiate et instinctive.
Créent des associations émotionnelles fortes et immédiates : les symboles ou une bonne mise en scène par exemple peuvent déclencher une fascination irrationnelle.
Transcendent les barrières sociales et culturelles : elles parlent à tous, quel que soit le niveau intellectuel ou l’origine sociale en face.
Sont plus efficaces que les mots pour persuader : l’image marque les esprits durablement. Un bon discours peut être oublié, mais une scène bien orchestrée reste gravée dans la mémoire collective.
37.3 - Comment utiliser la force du visuel pour gagner en pouvoir ?
L'auteur recommande plusieurs stratégies :
Créer une "signature visuelle" distinctive : ayez un style, une gestuelle ou un élément visuel qui vous distingue instantanément. Napoléon et son célèbre bicorne, Steve Jobs et son col roulé noir, ou encore les capes rouges des cardinaux sont autant d’exemples de marques visuelles mémorables.
S'approprier des symboles historiques ou mythiques : associez-vous à des images de puissance. Louis XIV s’identifiait au Soleil, Mussolini copiait les postures impériales romaines, et les entreprises modernes utilisent des logos évocateurs pour incarner des valeurs fortes.
Orchestrer des mises en scène spectaculaires : mettez en avant votre message avec un décor marquant. Les chefs politiques et religieux le savent bien : des foules, des effets de lumière, des gestes calculés amplifient la puissance d’un discours.
Utiliser la couleur et l'espace de façon symbolique : les couleurs, les tenues et même le placement des objets et des personnes influencent la perception. Le rouge symbolise l’autorité, le blanc l’innocence, et l’or la richesse. Jouer sur ces codes visuels renforce le charisme et l’impact.
37.4 – Le pouvoir est un art visuel mais attention aux pièges
Ne tombez pas dans l’excès : un spectacle trop évident peut sembler artificiel ou manipulateur. La subtilité est essentielle.
Ne négligez pas la cohérence : votre image doit correspondre à votre message et à votre personnalité. Un décalage entre l’image et la réalité peut briser l’illusion et décrédibiliser votre pouvoir.
Robert Greene conclut qu'aucun pouvoir durable n'est possible sans le recours aux images et aux symboles, qui permettent de créer une aura transcendant la simple réalité.
Loi 38 - Pensez librement, parlez sobrement
Dans cette trente-huitième loi, Robert Greene nous met en garde vis-à-vis d’un piège classique : exprimer trop ouvertement ses pensées non conformistes. Même les idées les plus brillantes peuvent se retourner contre vous si elles sont perçues comme une menace pour l’ordre établi, prévient l’auteur.
38.1 - Deux destins opposés : la prudence contre l’arrogance
L’échec de Pausanias : afficher sa différence est dangereux
Pausanias, un commandant spartiate, adopta ostensiblement les mœurs perses sans craindre d’afficher son mépris pour les traditions spartiates. Résultat ? Il fut vu comme un traître et un provocateur et finit emmuré vivant par ses propres compatriotes.
Le succès de Campanella : savoir déguiser ses pensées
Face à l’Inquisition, le philosophe Campanella, pourtant porteur d’idées hérétiques, trouva un moyen de survivre en adoptant plusieurs stratégies :
Feindre la folie pour échapper à la responsabilité.
Dissimuler ses idées dans des écrits apparemment orthodoxes mais subtilement subversifs.
Réserver ses véritables opinions à un cercle restreint de confiance.
38.2 - Pourquoi cette loi est-elle essentielle ?
Pour trois raisons :
Les gens rejettent ce qu’ils ne comprennent pas : les idées trop en avance sur leur temps ne sont souvent pas acceptées par la majorité.
L’excès d’indépendance est perçu comme une menace : celui qui affiche trop ouvertement son anticonformisme attire les soupçons et le rejet.
L’humilité préserve la sécurité : en donnant l’illusion de se conformer, on évite les conflits inutiles.
38.3 - Comment appliquer cette loi intelligemment ?
Pour Robert Greene, la sagesse consiste à :
Se conformer extérieurement aux normes sociales : jouez le jeu en public, pensez librement en privé.
Garder ses opinions non conventionnelles pour soi : dissimulez vos pensées sous une apparence conventionnelle. Rien ne vous empêche d’introduire des idées radicales, mais faites-le subtilement et progressivement.
Exprimer ses idées de manière indirecte et nuancée : utilisez l’ironie et le double langage. Les meilleurs esprits savent faire passer des idées sous une forme acceptable (humour, symbolisme, métaphores).
Cultiver un cercle privé d'amis de confiance : entourez-vous d’esprits ouverts, mais choisissez-les bien. Construisez un cercle de confiance, mais assurez-vous de la loyauté et de la discrétion de ses membres.
Observez avant de parler : évaluez les croyances et les sensibilités de votre entourage avant d’exprimer votre véritable opinion.
Attention toutefois à :
Ne pas sous-estimer la peur du changement : même des idées logiques et bénéfiques peuvent être rejetées par principe.
Ne pas vous enfermer dans l’isolement total : il est important d’être perçu comme un membre fiable du groupe, même si vous pensez différemment en secret.
38.4 - L’art du camouflage intellectuel
Finalement, le pouvoir appartient à ceux qui savent penser librement tout en préservant les apparences de la conformité, à ceux qui savent penser différemment sans provoquer inutilement la résistance. Pour Robert Greene, un stratège sait ce qu’il peut dire et à qui.
Loi 39 - Exaspérez l'ennemi
La trente-neuvième loi du pouvoir explique que la colère est l'ennemie du pouvoir stratégique, tandis que le sang-froid permet de manipuler les émotions des autres et contrôler la situation.
L’idée est donc de savoir garder son calme tout en déclenchant la colère chez l’autre.
39.1 - Deux stratégies opposées : le sang-froid contre la colère
L’erreur de Napoléon : perdre son calme, c’est révéler ses faiblesses
Napoléon, pourtant maître de la stratégie, commit une erreur fatale face à Talleyrand, son ancien conseiller. Ce dernier, impassible et rusé, poussa l’Empereur à l’explosion de rage, exposant ses vulnérabilités à ses proches. Cette perte de contrôle affaiblit son autorité et marqua le début de son déclin.
L’intelligence d’Hailé Sélassié : provoquer pour mieux contrôler
L’empereur d’Éthiopie, Hailé Sélassié, affronta le seigneur de guerre Ras Gougsa en le poussant délibérément à la rébellion. Il l’humilia subtilement, certain que sa fierté blessée le pousserait à agir de manière précipitée. Et ça marcha. Gougsa se jeta dans une bataille qu’il ne pouvait pas gagner, scellant sa propre perte.
39.2 - Pourquoi cette loi est-elle si puissante ?
Pour Robert Greene, la maîtrise des émotions est un levier de pouvoir majeur car la colère :
Fait perdre tout contrôle stratégique : une personne en colère ne réfléchit plus, agit impulsivement et devient prévisible.
Expose nos faiblesses à l'adversaire : lorsqu’on s’énerve, on révèle nos points sensibles, fournissant ainsi à l’ennemi des moyens de nous manipuler.
Diminue le respect qu'on nous porte : celui qui s’énerve est perçu comme faible, car le pouvoir appartient à ceux qui maîtrisent leurs émotions
Peut être facilement manipulée par les autres : celui qui garde son calme et sait comment provoquer peut diriger les actions de son adversaire et le pousser à l’erreur.
39.3 - Comment utiliser cette loi pour garder l’avantage ?
L'auteur des "48 lois du pouvoir" suggère plutôt de :
Garder son calme en toutes circonstances : restez toujours maître de vos émotions, ne laissez jamais l’ennemi voir votre irritation ou vos frustrations. Montrez une façade de calme et d’indifférence.
Identifier les points sensibles de l'adversaire : observez attentivement ce qui le fait réagir. Il peut s’agir d’un complexe, d’une peur ou d’un besoin de reconnaissance.
Provoquer sa colère de manière stratégique : provoquez subtilement, sans en faire trop. L’art est de lui faire perdre son calme sans qu’il se rende compte que vous l’y avez poussé. Un commentaire ironique, une réponse froide à une attaque émotionnelle, ou une fausse insulte déguisée en compliment peuvent suffire.
Utiliser son emportement contre lui : une fois que votre adversaire s’emporte, il devient manipulable. Poussez-le à agir sur un coup de tête, à prendre des décisions hâtives ou à dire quelque chose qu’il regrettera.
En revanche, évitez de :
Vous laisser emporter par votre propre jeu : provoquer peut être efficace, mais il faut savoir quand s’arrêter pour ne pas susciter une haine irréversible.
Sous-estimer un adversaire en colère : quelqu’un poussé à bout peut devenir dangereux et agir avec une intensité imprévisible.
Trop vous exposer : un excès de provocation peut se retourner contre vous si l’ennemi rassemble des alliés contre vous.
Ainsi, pour Robert Greene, le vrai pouvoir appartient à ceux qui sont capables de garder leur sang-froid tout en sachant jouer avec les émotions (la colère surtout) des autres.
Loi 40 - N'hésitez pas à payer le prix
Dans cette quarantième loi, Robert Greene affirme que l'argent, bien utilisé, est un instrument de pouvoir terrible. La générosité stratégique peut ouvrir des portes, construire des alliances et asseoir une autorité durable. À l’inverse, chercher constamment à économiser ou obtenir sans payer vous fait perdre en stature, en respect et en contrôle.
40.1 - L’erreur des radins : l’obsession du gain détruit le pouvoir
Robert Greene illustre d’abord cette loi par l’exemple tragique des Espagnols du XVIe siècle, obsédés par le mythe de l’Eldorado. En poursuivant l’illusion de la quête d’argent facile, effrénée et instantanée, ils s’épuisèrent dans des conquêtes inutiles qui conduisirent à la mort de milliers d’hommes, gaspillèrent leurs ressources, négligèrent les investissements productifs au profit de ces chimères… et précipitèrent le déclin de leur empire.
40.2 - La générosité bien dosée : un levier de domination
Robert Greene présente ensuite plusieurs utilisations habiles de la générosité stratégique pour renforcer votre pouvoir et votre réputation :
L'Arétin, poète italien, offrait généreusement pour recevoir à Venise et se bâtir un réseau d’influence. En retour, il gagnait faveur, accès et protection.
Le baron Rothschild organisait les réceptions les plus somptueuses de Paris pour séduire les élites et surmonter les préjugés contre son origine juive allemande.
Laurent Le Magnifique, dont la fortune venait des banques, la fit oublier grâce à son mécénat artistique généreux, s’imposant comme un prince éclairé.
Louis XIV, stratège suprême, dépensait sans compter pour Versailles, forçant sa noblesse à l’imiter et à s’appauvrir, tout en l’achetant par des cadeaux stratégiquement calculés.
40.3 - Pourquoi la générosité stratégique fonctionne-t-elle ?
Pour Robert Greene, la générosité est efficace car elle :
Crée des obligations et de la reconnaissance durables : donner, c’est placer l’autre dans une position d’obligation implicite.
Adoucit les résistances et facilite la manipulation : un cadeau bien ciblé fait tomber les défenses plus sûrement qu’un discours.
Détourne l'attention des véritables jeux de pouvoir : dépenser ostensiblement permet de masquer des intentions plus profondes.
Renforce le prestige et l'influence sociale : dans l’imaginaire collectif, celui qui donne est puissant, celui qui compte est dépendant.
Touche aux mécanismes psychologiques profonds liés au don : le geste de donner active des mécanismes de loyauté, de réciprocité et de gratitude.
40.4 - Les types de comportements à éviter et ceux à appliquer
L'auteur nous met en garde contre quatre profils contre-productifs :
Le "requin" : obsédé par le profit immédiat, il suscite la méfiance et détruit toute relation à long terme.
Le "mesquin" : à force de marchander, il perd en dignité et en prestige.
Le "sadique" : il donne de l'argent pour dominer et humilier, ce qui détruit la confiance.
Le "mécène universel" : sa générosité excessive dilue son pouvoir et lui faire perdre toute aura.
Voici cependant quatre conseils à suivre pour appliquer cette loi intelligemment :
Payer pour ce qui compte vraiment.
Utilisez les cadeaux comme outils d’influence, pas comme simples marques d’affection.
Faites en sorte que votre générosité soit remarquée... sans paraître ostentatoire.
Ne soyez pas radin là où votre réputation est en jeu : dans le pouvoir, l’image précède toujours la logique financière.
40.5 - L’argent est un moyen, pas une fin
Robert Greene conclut que l'argent n'a de valeur que dans sa circulation et son usage stratégique. Ceux qui savent utiliser l’argent pour créer des liens et des influences, plutôt qu’amasser pour posséder des biens, et qui savent éviter les pièges qui diminuent le prestige, comme la gratuité et le marchandage, sont ceux qui dominent à long terme.
Loi 41 - Ne succédez à personne
Dans cette 41ème loi, Robert Greene met en garde contre le fait de prendre la suite d’un géant, qu’il s’agisse d’un parent charismatique, d’un chef admiré ou d’un dirigeant emblématique. Succéder, c’est risquer d’être éclipsé, comparé, diminué. Le pouvoir n’est pas dans la continuité passive, mais dans la rupture créatrice.
41.1 - Deux héritiers, deux destins
L'auteur illustre ce principe à travers deux exemples opposés :
L’échec de Louis XV : vivre dans l’ombre du Roi-Soleil
Après le règne glorieux et éclatant de Louis XIV, son arrière-petit-fils Louis XV hérite d’un royaume puissant et rayonnant… mais aussi d’une attente immense. Incapable d’incarner une nouvelle vision, il sombre dans l’oisiveté, l’indécision et la débauche, menant sans le savoir à l’effondrement de la monarchie.
Le triomphe d’Alexandre le Grand : dépasser Philippe II
Fils du génial roi de Macédoine, Alexandre aurait pu se contenter de prolonger l’œuvre de son père. Mais refusant de vivre dans l’ombre de son père, il choisit de frapper fort, vite, et autrement : il conquiert la Perse, fonde un empire immense, et en traçant ainsi audacieusement sa propre voie, s’effaça du rôle d’héritier pour devenir légende.
41.2 - Pourquoi succéder à une figure dominante est risqué ?
Pour l'auteur, succéder à une figure dominante présente plusieurs défis :
L'héritage d'un succès établi étouffe l'initiative : on attend de vous que vous perpétuiez un modèle existant, souvent incompatible avec votre personnalité ou votre époque.
Le poids des traditions limite l'innovation.
La comparaison constante avec le prédécesseur mine la confiance : même vos succès seront perçus comme moindres ou hérités, et vos erreurs comme des trahisons.
Le confort matériel diminue la motivation à exceller : reprendre les rênes d’un système bien huilé peut éteindre la volonté d’innover ou de bousculer les règles.
41.3 - Comment échapper à l’ombre du prédécesseur ?
Robert Greene préconise plusieurs méthodes pour s'affranchir de cette influence :
Créer une rupture nette avec le passé : ancrez votre identité dans le changement, même symbolique. Un nouveau style, un ton différent, un virage stratégique : tout ce qui vous distingue compte.
Développer un style et des symboles personnels distincts : ne vous contentez pas de "gérer l’héritage". Affirmez votre vision et bâtissez une œuvre personnelle, originale, mémorable.
Identifier et occuper des domaines négligés par le prédécesseur : occupez les angles morts de l’ancien règne, ce qu’il n’a pas vu, pas osé, ou pas accompli.
Maintenir un esprit de renouvellement constant : s’il est trop difficile de briller dans le sillage direct du précédent leader, changez de domaine, de style, de méthode. L’important est de déplacer le centre de gravité du pouvoir vers vous.
41.4 - Le pouvoir ne se reçoit pas, il se redéfinit
Attention à ne pas confondre rupture et rejet, s’enquiert l’auteur : ne détruisez pas l’héritage si vous n’avez rien à proposer en échange. Il ne s’agit pas de renier ce qui a été fait, mais de vous détacher intelligemment. Reprenez ce qui fonctionne, mais transformez la structure, l’intention, ou l’impact.
Finalement, conclut l’auteur, le véritable pouvoir commence là où l’héritage s’arrête, dans la capacité à créer son propre espace, libre du poids du passé. C’est-à-dire en cessant d’être l’héritier et en devenant l’auteur.
Il souligne toutefois qu'il ne s'agit pas de rejeter aveuglément tout héritage, mais de construire une identité authentique et indépendante. Créer sa propre trajectoire, c’est échapper à la comparaison, imposer son nom, et laisser une trace unique dans l’histoire.
Loi 42 - Éliminez l'agitateur
Cette 42ème loi explique que les troubles, désordres, divisions et chaos dans un groupe émanent souvent d’une seule personne. Un agitateur charismatique, un esprit rebelle, une voix toxique qui peut déstabiliser toute une structure et qu’il faut donc neutraliser à temps.
42.1 - Leçons de l’Histoire : quand la cité protège sa cohésion
Pour illustrer cette loi, l'auteur relate deux histoires.
L’ostracisme athénien : prévenir plutôt que punir
Dans l’Athènes antique, les citoyens avaient bien compris qu'une seule personne aux comportements asociaux pouvait menacer la cohésion de la cité.
En effet, ils organisaient chaque année un vote pour expulser de la cité, pendant dix ans, la personne jugée la plus dangereuse pour la démocratie. Ce n’était ni un châtiment ni une vengeance : c’était une mesure d’équilibre collectif, une façon de neutraliser l’influence nuisible d’un individu trop instable ou trop ambitieux.
Le cas de Dante et du pape Boniface VIII
Lorsque le pape voulait prendre le contrôle de Florence, il comprit vite que le poète Dante Alighieri, alors leader politique charismatique et influent, était le seul capable de fédérer la résistance. Sans lui, il savait que la ville tomberait facilement. En l’exilant, il brisa alors le cœur de l’opposition. Et Florence, privée de son agitateur emblématique, fut rapidement conquise.
42.2 - Pourquoi un seul individu peut désorganiser tout un groupe ?
Le pouvoir aime les figures centrales : dans toute structure, les énergies convergent vers les personnalités fortes. Il suffit d’une voix influente pour semer le doute, la défiance ou la colère.
L’agitateur crée des coalitions émotionnelles : il ne parle pas seulement à la raison, il mobilise les frustrations, crée une dynamique d’opposition, divise pour exister.
Tant qu’il est au centre du groupe, l’agitateur est dangereux : laisser un perturbateur dans l’arène, c’est lui donner un théâtre pour jouer son rôle.
42.3 - Stratégies pour neutraliser l’agitateur efficacement
L'auteur souligne que ce principe reste d'actualité : dans tout groupe, le pouvoir se concentre naturellement autour d'une ou deux personnalités fortes. Pour maintenir l'ordre, il faut donc :
Identifier rapidement le fauteur de troubles : cherchez la source, le nœud, celui ou celle autour de qui tout s’organise.
L'isoler avant qu'il ne contamine le groupe : un agitateur seul n’a plus de puissance. Supprimez son réseau, désolidarisez-le discrètement, réduisez son audience.
Le séparer de sa base de soutien, le neutraliser sans en faire un martyr : l'erreur serait de l’exclure brutalement et publiquement, risquant ainsi de le transformer en symbole ou en héros tragique. Mieux vaut le marginaliser subtilement, détourner l'attention, ou l'éloigner en douceur.
Le remplacer intelligemment : un vide de pouvoir attire toujours une autre force. Si vous éliminez un leader, introduisez immédiatement une nouvelle figure rassurante ou une structure solide pour éviter le chaos.
Robert Greene met toutefois en garde : cette stratégie n'est efficace que si l'on est en position de force, car un ennemi isolé mais puissant peut chercher à se venger dangereusement.
Loi 43 - Parlez aux cœurs et aux esprits
La 43ème loi souligne que la véritable persuasion et la loyauté durable passent par le cœur et l'esprit plutôt que par la force.
43.1 - Quand le mépris et l’arrogance mènent à la chute : le cas Marie-Antoinette
L’auteur commence par un contre-exemple marquant : Marie-Antoinette, qui n’a jamais cherché à comprendre ni à gagner le cœur du peuple français. Son attitude jugée frivole, son indifférence aux souffrances populaires et ses dépenses excessives ont creusé un fossé affectif, au point que son image est devenue celle d’une ennemie haïe… jusqu’à sa chute.
43.2 - Quand la clémence devient stratégie : Zhuge Liang et l’art de transformer l’ennemi
En opposition, Robert Greene présente l’histoire brillante de Zhuge Liang, stratège chinois du IIIe siècle. Plutôt que de massacrer les barbares du Sud, il choisit de gagner leur loyauté par la clémence et la compréhension.
Il captura leur chef Meng Huo… pour mieux le relâcher. Sept fois. À chaque libération, Liang montrait respect, noblesse et compréhension, jusqu’à ce que Meng Huo plie de lui-même, convaincu et loyal. C’est ainsi que Zhuge Liang parvint ainsi à transformer un ennemi juré en allié fidèle, sans bain de sang.
43.3 - Les clés d’une persuasion authentique selon Greene
Robert Greene souligne que pour persuader efficacement, il faut :
Observer attentivement la psychologie unique de chacun.
Jouer sur les émotions universelles (amour, peur, jalousie).
Montrer l'intérêt personnel que les gens ont à vous suivre (plutôt que leur imposer notre volonté).
Faire des gestes symboliques d'empathie et de bonne volonté.
La contrainte, quant à elle, échoue, car elle :
Alimente le ressentiment, même chez ceux qui obéissent.
Crée une loyauté de surface, sans engagement profond.
Affaiblit votre image à long terme en vous faisant passer pour tyrannique.
Exige un effort constant pour maintenir le contrôle.
43.4 – Le pouvoir véritable est celui qu’on vous offre librement, pas celui que vous prenez
L'auteur conclut qu'il est toujours préférable de gagner les cœurs (inspirer, séduire, donner envie de suivre) plutôt que d'imposer sa volonté par la force, car la contrainte ne génère que du ressentiment, alors qu’un cœur conquis ne se rebelle pas. Les leaders les plus puissants sont d’ailleurs bien ceux qu’on suit par choix, pas par peur.
Loi 44 - Singez l'ennemi
Dans cette loi, Robert Greene nous dévoile un levier psychologique infaillible du pouvoir : le mimétisme ou effet miroir. En imitant subtilement votre adversaire, vous pouvez le déstabiliser, le séduire ou le neutraliser… tout en dissimulant vos propres intentions.
44.1 – Les quatre facettes d’effet miroir
L'auteur de "Power : les 48 lois du pouvoir" identifie 4 grands types d'effets miroir, chacun avec un objectif stratégique distinct :
L’effet neutralisant : annuler la stratégie de l’autre
Le principe => imiter les actions de l’ennemi pour lui couper l’herbe sous le pied. Cette technique permet de rester invisible tout en gardant l'initiative.Exemple => Fouché, ministre de la Police sous Napoléon : il créa son propre réseau d’espions… pour surveiller les espions de l’empereur lui-même. Résultat : il resta dans l’ombre tout en gardant l’ascendant.
L’effet Narcisse : séduire en reflétant les désirs et valeurs psychologiques de l’autre
Le principe => renvoyer à l’autre l’image flatteuse de lui-même, en adaptant son comportement à ses désirs et croyances.Exemple => Alcibiade, maître de la transformation sociale, qui adaptait parfaitement sa personnalité à chaque interlocuteur : se montrant philosophe avec Socrate, noble spartiate à Sparte, et satrape luxueux en Perse. Résultat : il fascinait et obtenait tout… jusqu’à l’usure.
L’effet moralisant : confronter l’adversaire à ses contradictions
Le principe => imiter les travers de l’autre pour lui renvoyer son propre comportement, son propre ridicule ou son injustice.Exemple => Ivan le Terrible fit nommer un tsar fantoche afin de démontrer le manque de respect du peuple et l’absurdité de leur contestation.
L’effet hallucinatoire : créer une illusion parfaite
Le principe => construire une copie si parfaite et convaincante de la réalité qu’elle en devient trompeuse et que l’autre ne voit pas la manipulation.Exemple => Yellow Kid Weil, escroc de génie, montait de fausses banques indiscernables des vraies, dupant ainsi les plus prudents des investisseurs.
44.2 - Pourquoi l’effet miroir est-il si fort ?
Pour Robert Greene, ces techniques sont particulièrement efficaces car elles :
Exploitent le narcissisme naturel et les désirs profonds des individus : les gens aiment ce qui leur ressemble.
Permettent de masquer efficacement ses véritables intentions.
Déstabilisent l'adversaire en le confrontant à son propre reflet : voir son propre comportement imité désarme ou irrite.
Créent une connexion émotionnelle manipulable.
Agissent à un niveau psychologique profond et universel : l’identité, la projection, l’ego.
44.3 - Les risques d’un usage excessif
L'auteur attire l’attention sur l’utilisation excessive ou maladroite de ces techniques : trop de mimétisme tue la stratégie.
Il cite l'exemple d'Alcibiade qui, à force de jouer tous les rôles, finit par s’aliéner tous ses alliés et par n’appartenir à aucun camp.
Attention également : l’effet miroir peut vous enfermer dans une posture, sans place pour l’initiative. En effet, il faut éviter les "situations reflets" toxiques où l'on se retrouve comparé défavorablement à une figure du passé. Ce fut le cas de Wagner qui rappelait trop l’image de la sulfureuse Lola Montez à la cour de Bavière : un reflet malvenu qui précipita sa disgrâce.
44.4 - Le miroir est un masque, pas une identité
Finalement, l'art du miroir, résume l’auteur, est subtil, psychologique, presque théâtral. Il permet d’agir sans exposer, de séduire sans révéler, de dominer sans affronter. Mais mal manié, il peut vous faire perdre vous-même dans le rôle de l’autre.
Loi 45 - Appelez au changement, pas à la révolution
Cette 45ème loi nous rappelle que, si l'innovation est nécessaire au pouvoir, tout changement trop brutal peut être dangereux, toute révolution trop rapide peut se retourner contre son instigateur. Il est alors important d'introduire le changement progressivement en respectant les traditions. Car, les masses, explique-t-il, tolèrent mieux l’évolution que la rupture.
45.1 - Le choc ou la continuité : Cromwell contre Mao
Thomas Cromwell : la réforme précipitée qui mène à la chute
En voulant imposer à marche forcée le protestantisme en Angleterre, Cromwell heurta de plein fouet les traditions populaires. Son mépris des rituels catholiques déclencha révoltes, chaos… et sa propre exécution. Trop de changement, trop vite, de façon trop radicale provoqua inévitablement une réaction conservatrice et un effet de rejet.
Mao Zedong : moderniser sans effrayer
En contraste, l'auteur présente le succès de Mao Zedong : face à des paysans chinois très ancrés dans leurs traditions, Mao comprit qu’il ne pouvait imposer le communisme frontalement. Il l’habilla habilement d’un vernis culturel familier, utilisant des atours rassurants du passé, des symboles traditionnels et récits littéraires chinois. Résultat : la transformation fut acceptée parce qu’elle semblait familière.
45.2 - Pourquoi le changement brutal échoue-t-il souvent ?
Robert Greene souligne que le changement doit être introduit avec subtilité car :
Les gens sont naturellement attachés à leurs habitudes : même les systèmes imparfaits ont une fonction psychologique de sécurité.
Le vide créé par la rupture avec le passé génère de l'anxiété : remplacer sans transition crée un sentiment de perte, de désorientation, et donc de résistance.
La nostalgie est une force sous-estimée qui finit toujours par ressurgir : elle revient toujours, et alimente les contre-révolutions.
45.3 - Stratégies conseillées par Robert Greene pour mettre en œuvre cette loi efficacement
Présentez le changement comme une continuité : ne dites pas "nous allons tout changer", dites : "Nous allons faire évoluer ce qui a toujours été important pour nous."
Habillez vos réformes d’éléments familiers : gardez les symboles, les mots, les rituels, même si leur sens évolue.
Faites appel à l’histoire pour légitimer l’innovation : montrez que votre réforme s’inscrit dans une tradition ou réalise enfin une promesse ancienne.
Progressez par petites touches : le changement progressif est souvent invisible, donc non menaçant.
Ce qu’il faut éviter, en revanche, c’est de :
Trop innover, trop vite : vous serez perçu comme un danger, pas comme un guide.
Dénigrer le passé ouvertement : cela alimente le ressentiment et fait naître des opposants par réflexe défensif.
Créer un vide symbolique ou idéologique : si vous supprimez tout sans rien proposer de rassurant en retour, vous provoquez la panique.
45.4 - Le secret n’est pas de choquer, mais d’enrober
Si vous souhaitez modifier le monde, l'auteur invite alors à :
Rassurer ceux qui y vivent.
Présenter les innovations comme des améliorations progressives du passé, comme une restauration, plutôt que comme des révolutions brutales.
Se servir du passé qui est un levier.
Loi 46 - Ne soyez pas trop parfait
La 46ème loi du pouvoir nous sensibilise aux dangers de paraître trop parfait et sans défaut.
En effet, pour Robert Greene, la perfection est un piège. Plus vous brillez, plus vous éclipsez les autres, et plus vous attirez jalousie, ressentiment, voire haine.
46.1 - Quand la perfection devient une provocation
Robert Greene illustre son propos par une histoire tragique : celle de Joe Orton, dramaturge britannique talentueux dont la carrière fulgurante et l’apparente perfection alimenta une jalousie silencieuse mais destructrice chez son compagnon Kenneth Halliwell.Orton était jeune, charismatique, reconnu, tout ce que Halliwell ne supportait plus de ne pas être. Résultat : la haine refoulée se transforma en meurtre. Trop de lumière, trop de réussite, trop d’assurance… et l’ombre finit par frapper.
46.2 - Pourquoi la perfection attire l’envie ?
Pour Robert Greene, la perfection suscite inévitablement l'envie et la jalousie, particulièrement chez les proches.
Il liste quelques raisons à cela :
Les gens supportent mal le sentiment d'infériorité, même passif ou inconscient.
L’admiration peut glisser en rancune si elle n’est pas contrebalancée.
La jalousie, souvent inavouée, se manifeste de façon sournoise : l’envie agit en douce, par sabotage, rejet ou isolement.
L’auteur souligne que les personnes les plus à craindre sont celles de notre entourage immédiat : collègues, amis ou proches sont les plus exposés.
46.3 - Comment désamorcer l’envie selon Robert Greene ?
La stratégie ne consiste pas à brider ses talents, mais à adoucir leur perception.
Voici ses tactiques favorites :
Affichez délibérément quelques défauts mineurs : cela vous humanise.
Attribuez vos réussites à la chance, au bon timing, ou à l’aide des autres, plutôt qu’au mérite.
Montrez-vous sincèrement humble, voire vulnérable sur certains points.
Présenter le pouvoir comme un fardeau plutôt qu'un privilège (Ex. : "Ce poste est exigeant", "je doute souvent", "j’apprends encore tous les jours").
46.4 - Leçon de sagesse de Cosme de Médicis
L’auteur évoque ici, en guise d’exemple, Cosme de Médicis. Ce maître discret de Florence incarnait, en effet, cette loi à la perfection. Bien qu’immensément riche et influent, il vivait modestement, et évitait les démonstrations de pouvoir en public. Il répétait : "La jalousie est une mauvaise herbe qu’il ne faut pas arroser."
46.5 - Mieux vaut l’élégance discrète que l’ostentation brillante
L'auteur conclut : si vous êtes trop parfait, les autres attendront votre chute comme une délivrance. Si vous êtes brillant mais humble, on vous admire sans vous redouter. La perfection fascine de loin, mais irrite de près.
Dans le jeu du pouvoir, le secret est donc de masquer votre perfection et votre pouvoir derrière une apparente imperfection. Car seuls les morts et les dieux, finit l’auteur, peuvent être parfaits impunément.
Loi 47 - Sachez vous arrêter
Dans cette avant-dernière loi du pouvoir, Robert Greene nous prévient : le danger guette moins dans l’échec que dans le succès. C’est en effet souvent au sommet de votre ascension que vous devenez vulnérable : grisé par vos victoires, aveuglé par votre propre légende.
47.1 – De l’euphorie à la chute : le prix de l’ambition sans limite
Cyrus le Grand : vainqueur devenu victime de lui-même
En guise d’exemple, Robert Greene revient sur l’histoire de Cyrus le Grand, bâtisseur d’un immense empire perse. Ce dernier, au lieu de se satisfaire de ses conquêtes, les poursuivit sans fin, jusqu’à attaquer les Massagètes, peuple farouche. Ce fut une guerre de trop : il y laissa sa vie… et son empire vacilla. L’euphorie du succès l’avait rendu imprudent et poussé à des actions irréfléchies.
Madame de Pompadour : l’art de durer sans s’épuiser
À l’inverse, Robert Greene présente Madame de Pompadour, favorite de Louis XV, comme un modèle de longévité politique. Pendant 20 ans, elle sut ne jamais abuser de sa position, en jouant avec finesse. Elle :
Restait modeste malgré sa position de favorite et son influence,
S’adaptait aux humeurs du roi et au climat politique changeant,
Savait renoncer à certains privilèges pour mieux en préserver d’autres plus importants.
Elle a compris ce que Cyrus avait ignoré : une position gagnée ne se consolide pas par l'excès, mais par la maîtrise.
47.2 - Pourquoi le succès est-il un moment dangereux ?
Pour Robert Greene, le succès est dangereux car il :
Donne le sentiment trompeur d'invulnérabilité, l’illusion d’être invincible.
Pousse à répéter les mêmes stratégies sans discernement.
Rend moins attentif aux signaux de changements de situation.
Fait oublier la part de chance et des circonstances, et le rôle des autres.
47.3 - Les conseils de Robert Greene pour rester maître du jeu après la victoire
L'auteur conseille donc de :
Prendre du recul après chaque victoire.
Évaluer objectivement les raisons du succès.
Consolider ses acquis avant d'aller plus loin.
Rester vigilant face aux revers de fortune.
Savoir s'arrêter au bon moment et ne pas laisser l'euphorie de la réussite compromettre ce qui a été durement gagné.
Finalement, termine Robert Greene, le pouvoir ne se mesure pas à la hauteur atteinte, mais à la capacité de s’y maintenir. Ainsi, celui qui sait quand s’arrêter conserve l’avantage sur celui qui cherche toujours plus. Et dans le jeu du pouvoir, savoir freiner est aussi stratégique que savoir attaquer, lance l’auteur.
Loi 48 - Soyez fluide
La dernière du pouvoir traite de la puissance de l'adaptabilité et de la fluidité face à la rigidité. Pour Robert Greene, le pouvoir véritable appartient à ceux qui savent changer de forme.
Dans un monde instable et mouvant, la rigidité est une condamnation, tandis que la fluidité est une stratégie de survie… et de domination.
48.1 - Sparte vs. Athènes : la chute des rigides, la survie des souples
Robert Greene commence par opposer deux cités grecques antiques :
D'un côté, Sparte, une société militaire rigide, figée dans ses valeurs et sa structure qui, en se repliant sur une organisation militaire rigide, finit par s'effondrer, incapable d’évoluer.
De l'autre, Athènes, ouverte, adaptable, commerçante, culturellement et artistiquement vivante qui, survécut et prospéra malgré les défaites.
La leçon est claire : ce qui ne plie pas finit par rompre.
48.2 - La carapace protectrice devient prison
Pour Robert Greene, la rigidité est une forme d'armure qui finit toujours par devenir une prison. Il compare ce mécanisme de défense à celui des animaux qui développent une carapace : elle protège dans l’immédiat, mais ralentit, limite la mobilité et l’adaptation, rend vulnérable aux changements et finit par mener à l'extinction.
48.3 - Le pouvoir appartient à ceux qui savent changer de forme
Selon Robert Greene, le véritable pouvoir réside dans la capacité à changer de forme, de la même manière que l'eau s'adapte à son contenant.
L’idée est donc de ressembler à l’eau :
Éviter d'avoir des contours trop définis : sans forme fixe, l’eau épouse tous les contenants.
Rester insaisissable pour l'adversaire : l’eau peut être calme ou déchaînée.
S'adapter constamment aux circonstances : l’eau échappe à la saisie, se glisse entre les lignes, s’adapte à tous les terrains.
48.4 - Modèles historiques de fluidité stratégique
Robert Greene cite plusieurs exemples historiques de cette approche :
Mao Zedong, qui utilisa la mobilité de la guérilla pour affronter des armées bien plus puissantes
Les reines Élisabeth Ire et Catherine II, qui manœuvrèrent entre les factions, les crises, et les alliances sans jamais perdre le contrôle
Le baron Rothschild, qui servit tous les régimes politiques sans jamais s’y lier - monarchie, empire, république - et restait indispensable car adaptable.
48.5 - Les principes de la fluidité stratégique
Pour l'auteur, la clé de cette adaptabilité est de :
Ne jamais rien prendre personnellement : l’émotion rigidifie
Éviter d'être sur la défensive : ce genre de posture vous fige.
Maintenir un masque impénétrable : le mystère vous rend insaisissable.
Garder l'initiative plutôt que de réagir : le fluide ne subit pas, il devance.
En revanche, Robert Greene nous avertit : être fluide ne signifie pas être flou ou mou. Il ne s’agit pas de renoncer à ses convictions, mais de savoir les exprimer différemment selon le contexte.
Conclusion : dans un monde en perpétuel changement, seule la fluidité permet de maintenir durablement le pouvoir.
Pour Robert Greene, le pouvoir n’est pas une forteresse, c’est une marée intelligente. Ceux qui tiennent à leur forme finissent par casser ; ceux qui savent se transformer deviennent inarrêtables. Soyez donc comme l’eau qui glisse, qui use, qui submerge. Qui ne résiste jamais. Et qui, pourtant, gagne toujours.
Conclusion de "Power : les 48 lois du pouvoir" de Robert Greene
Idée clé n°1 : Le pouvoir repose sur la maîtrise des émotions et l'art de la dissimulation
Robert Greene démontre tout au long de son ouvrage que la domination appartient à ceux qui savent contrôler leurs propres émotions tout en manipulant celles des autres.
Des exemples historiques comme Louis XIV ou Talleyrand illustrent cette vérité : garder son sang-froid, dissimuler ses véritables intentions et provoquer stratégiquement la colère de l'adversaire permettent de prendre l'ascendant.
L'auteur insiste sur cette capacité à porter différents masques selon les circonstances, faisant de chaque interaction une partie d'échecs psychologique.
Idée clé n°2 : L'observation minutieuse des faiblesses humaines devient un levier de contrôle décisif
L'auteur montre comment les grands stratèges de l'histoire ont su identifier et exploiter les points faibles de leurs adversaires.
Que ce soit Richelieu manipulant les insécurités de Marie de Médicis ou Catherine de Médicis utilisant les désirs masculins, Robert Greene souligne que chaque individu possède des vulnérabilités exploitables.
Cette observation psychologique minutieuse permet de transformer l'ennemi le plus redoutable en allié docile.
Idée clé n°3 : La réputation et l'image publique valent souvent plus que la réalité des faits
À travers de nombreux exemples, de P.T. Barnum à Zhuge Liang, l'ouvrage démontre que maîtriser son image et façonner sa réputation constituent des armes redoutables. L'auteur nous enseigne que les perceptions comptent davantage que la vérité brute, et que savoir jouer sur le visuel, créer une mystique et contrôler les apparences permet d'exercer une influence durable sur les masses.
Idée clé n°4 : L'adaptabilité et la fluidité triomphent toujours de la rigidité
La dernière loi du livre synthétise parfaitement cette philosophie : dans un monde en perpétuel changement, seuls survivent ceux qui savent changer de forme comme l'eau.
L'auteur oppose Sparte, société rigide qui s'effondra, à Athènes, cité adaptable qui prospéra. Cette flexibilité stratégique permet de traverser les crises, de s'adapter aux nouveaux rapports de force et de maintenir son pouvoir malgré les turbulences.
"Power : les 48 lois du pouvoir" vous apporte une compréhension unique des dynamiques de pouvoir qui régissent nos sociétés modernes.
Contrairement aux livres de développement personnel classiques, Robert Greene ne vous vend pas de rêves mais vous présente une réalité crue : les rapports humains sont des jeux d'influence où seuls les plus habiles tirent leur épingle du jeu.
Vous apprendrez à décoder les stratégies de manipulation utilisées contre vous, tout en développant vos propres compétences en négociation et en leadership.
Ce livre de Robert Greene, au ton direct et audacieux, vous fournira les clés pour vous imposer intelligemment dans les environnements compétitifs, qu'il s'agisse de votre entreprise, de vos relations professionnelles ou même de votre vie sociale.
L'analyse des mécanismes du pouvoir que propose Robert Greene dans cet ouvrage mérite, à mes yeux, votre attention pour deux raisons principales.
D'abord, elle vous protège en vous apprenant à reconnaître les techniques de domination utilisées par les manipulateurs de votre entourage professionnel ou personnel.
Ensuite, elle vous arme d'outils stratégiques éprouvés par l'histoire pour développer votre propre influence dans un monde impitoyable.
Robert Greene transforme trois millénaires de passé politique en un manuel pratique indispensable à quiconque souhaite comprendre et maîtriser les subtilités du pouvoir dans notre monde moderne.
Mais un mot d’avertissement s’impose : la vision que propose Robert Greene est résolument stratégique, parfois cynique. Il dépeint le pouvoir tel qu’il est, non tel qu’il devrait être. Ce regard lucide, voire glaçant, sur les rapports humains ne séduira pas tout le monde.
Certains y verront un manuel de manipulation et de domination, au détriment de valeurs comme l’authenticité, la coopération ou la création d’un impact positif. Ce livre ne parle ni d’éthique, ni d’héritage. Il parle de règles, souvent invisibles, qui régissent les coulisses de l’influence.
À chacun de décider s’il souhaite les ignorer… ou les comprendre pour mieux évoluer dans ce théâtre d’ombres qu’est parfois le monde.
Points forts et faibles de "Power, les 48 lois du pouvoir" :
Points forts :
La richesse historique exceptionnelle : des centaines d'exemples concrets puisés dans l'histoire mondiale sont relatés au fil des pages.
L'analyse psychologique approfondie : les mécanismes de l'influence humaine sont décryptés avec beaucoup de précision.
L'applicabilité moderne : les stratégies intemporelles sont complètement adaptables aux enjeux contemporains.
Le style captivant et accessible : la narration fluide, "storytellé" et recherché rend les histoires et concepts complexes compréhensibles et passionnants.
Points faibles :
La vision cynique, au détriment d'une approche plus humaine et bienveillante, peut choquer les sensibilités.
L'approche exclusivement stratégique, prônant la manipulation, la domination des autres et les jeux de pouvoir, peut ne pas convaincre tout le monde : ne peut-on pas aussi penser que le pouvoir réel s'ancre dans la capacité à créer de la valeur, à être authentique et à impacter positivement son entourage ?
Le risque de manipulation : même si comprendre les dynamiques du pouvoir est essentiel pour éviter de subir les manipulations des autres et s'épargner des souffrances inutiles, reste que certains lecteurs pourraient utiliser ces techniques de manière malveillante.
Ma note :
★★★★★
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Résumé de "Slow productivity : retrouver efficacité, équilibre et goût du travail dans un monde d’excès" de Cal Newport : ce livre déconstruit le mythe de l’hyperactivité et notre relation moderne au travail pour proposer, à la place, une philosophie baptisée "Slow Productivity". Cette approche, fondée sur trois principes fondamentaux - en faire moins, respecter un rythme naturel et faire de la qualité une obsession - permet d’accomplir davantage en ralentissant consciemment et en se concentrant sur l’essentiel.
Par Cal Newport, 2024, 285 pages.
Titre original : "Slow Productivity : The Lost Art of Accomplishment Without Burnout", 2024, 240 pages.
Chronique et résumé de "Slow productivity : retrouver efficacité, équilibre et goût du travail dans un monde d’excès" de Cal Newport
Introduction
Dans l'introduction de "Slow Productivity", l’auteur, Cal Newport raconte l’histoire de John McPhee, rédacteur au New Yorker qui, en 1966, passa deux semaines allongé sur une table de jardin à fixer les branches d'un frêne, avant de trouver comment structurer un article complexe. Cette anecdote va servir à l’auteur de point de départ à une réflexion plus large sur notre relation au travail.
L'auteur relate ensuite comment, durant la pandémie, un malaise croissant envers la productivité s'est manifesté chez les travailleurs du savoir. Ce sentiment s'est matérialisé dans plusieurs livres critiques publiés entre 2020 et 2021, ainsi que dans des phénomènes sociaux comme la "Grande Démission" et le "quiet quitting".
Cal Newport avance qu’en fait, le problème n'est pas la productivité elle-même, mais sa définition moderne erronée. La surcharge qui nous épuise provient, dit-il, de "la croyance selon laquelle le 'bon' travail implique une suractivité débordante".
Face à ce constat, il propose une alternative qu'il nomme "Slow Productivity". Cette approche se fonde sur trois principes fondamentaux :
En faire moins,
Respecter un rythme naturel,
Faire de la qualité une obsession.
L’ambition de l’auteur n'est pas simplement de rendre le travail moins épuisant, mais de "proposer une toute nouvelle façon de réfléchir à ce que signifie 'être efficace'" afin de rendre les métiers du savoir plus humains et soutenables.
Première partie – Origines
Chapitre 1 – L'essor et le déclin de la pseudo-productivité
1.1 - Une anecdote révélatrice : le bureau vide du vendredi
Cal Newport ouvre le premier chapitre de son livre "Slow productivity" avec une histoire : celle de Leslie Moonves, directeur du divertissement chez CBS, qui, en 1995, envoie une note cinglante à ses employés après avoir constaté que plusieurs bureaux étaient vides un vendredi après-midi.
Pour l’auteur, cette anecdote illustre parfaitement la conception dominante de la productivité dans les professions du savoir : plus d'heures visibles au bureau équivaut à plus de travail accompli.
1.2 - Une définition floue de la productivité
L'auteur relate ensuite comment, en sondant ses lecteurs, il a découvert un fait troublant : la majorité des travailleurs du savoir n'ont pas de définition claire de la productivité. La plupart se contentent de lister leurs tâches sans mentionner d'objectifs précis ni de mesures de performance. Cette absence de clarté s'étend même aux travaux universitaires sur le sujet, comme le note Tom Davenport, expert en management : "Le plus souvent, nous ne mesurons pas la productivité des travailleurs du savoir. Et quand nous le faisons, nous le faisons d'une manière vraiment stupide."
1.3 - Le travail intellectuel est plus dur à mesurer
Cal Newport souligne également le fossé qui existe avec d'autres secteurs économiques où la productivité est clairement définie et quantifiable.
Les agriculteurs mesurent les rendements par acre. Les usines quantifient les unités produites par heure. Toute l’histoire de la croissance économique moderne repose sur cette logique productiviste.
Alors pourquoi est-elle si peu appliquée aux métiers intellectuels ?
Parce que, répond Newport, les métiers du savoir sont fondamentalement différents : ils sont complexes, irréguliers, évolutifs. Impossible d’y appliquer la mesure d’un rendement standard. De plus, comme l'affirmait Peter Drucker : "Le travailleur du savoir ne peut pas être supervisé de près ou en détail. On peut l'aider, mais il doit se superviser tout seul."
1.4 - La pseudo-productivité : l’illusion de l’efficacité
Faute de mieux, on a donc cherché des indicateurs visibles : une présence physique ou numérique, des réponses rapides aux mails, des réunions à gogo, etc. Cette illusion d’efficacité, Cal Newport la nomme la pseudo-productivité", qu'il définit comme "l'utilisation de l'activité visible comme principal moyen d'évaluer l'effort productif réel."
Le problème s’est encore aggravé avec la montée en puissance des technologies numériques dans les années 1990. Aujourd’hui, on consulte ses mails toutes les six minutes en moyenne. Résultat : une spirale d’hyperactivité qui épuise plus qu’elle n’accomplit. Les témoignages recueillis par Cal Newport décrivent une surcharge mentale constante, où la quantité écrase la qualité.
1.5 - Une alternative existe : l’exemple d’Anthony Zuiker
En revanche, il termine le chapitre par l’histoire inspirante d’Anthony Zuiker, le créateur de la série "Les Experts". Grâce à trois années de travail lent, patient et obstiné sur sa vision, Zuiker finit par propulser CBS au sommet. Une preuve, selon Cal Newport, qu’il existe une autre voie : ralentir, oui, mais pour mieux produire et orienter son travail vers la qualité plutôt que l'agitation perpétuelle.
Chapitre 2 – Le choix de la lenteur
2.1 - Slow Food : une réponse créative à l’accélération
Le chapitre 2 de "Slow productivity" s'ouvre sur la genèse du mouvement Slow Food.
En 1986, face à l'ouverture d'un McDonald's sur la place d'Espagne à Rome, Carlo Petrini lance cette initiative pour défendre une alimentation plus lente et plus respectueuse des traditions. Cal Newport souligne que ce mouvement repose sur deux idées novatrices : proposer des alternatives séduisantes (plutôt que simplement critiquer) et s'inspirer d'innovations culturelles éprouvées par le temps.
2.2 - Une philosophie qui se propage à d’autres sphères
L'auteur explique comment cette philosophie s'est étendue à d'autres domaines. Elle a ainsi donné naissance aux mouvements Cittaslow (villes lentes), Slow Medicine, Slow Schooling et Slow Media.
Il observe que tous partagent une approche similaire : offrir un choix de modernité plus lent et plus supportable en puisant dans une sagesse traditionnelle.
2.3 - Le monde du travail à la croisée des chemins
Cal Newport établit ensuite un parallèle avec le monde du travail post-pandémie, où une opportunité de transformation s'est présentée. Il évoque les débats sur le retour au bureau chez Apple et l'intérêt croissant pour la semaine de quatre jours. Toutefois, selon l’auteur, ces initiatives ne font qu'atténuer les symptômes sans s'attaquer aux causes profondes de la pseudo-productivité.
2.4 - S’inspirer des anciens métiers du savoir
Pour trouver des alternatives inspirantes, l'auteur élargit ici la définition des "professions du savoir" pour y inclure des métiers cognitifs plus anciens, tels que les écrivains, philosophes et artistes. Il décrit comment ces professions traditionnelles ont développé des approches plus durables du travail intellectuel, citant Isaac Newton, Anna Rubincam et divers écrivains.
2.5 - Les fondations de la slow productivity
Cal Newport conclut en présentant sa philosophie de slow productivity, fondée sur trois principes essentiels (comme mentionné en introduction) :
En faire moins — mais mieux.
Respecter un rythme naturel — celui du corps, de l’esprit, du projet.
Faire de la qualité une obsession — car c’est elle qui crée la valeur, pas la vitesse.
Il précise : adopter cette approche ne signifie pas renoncer à l’ambition. C’est au contraire choisir un chemin plus viable pour aller loin. Et il conclut en rappelant cette phrase inspirante à propos de Newton : "la valeur des idées perdure, la lenteur à laquelle elles ont été produites est vite oubliée."
Deuxième partie – Principes
Chapitre 3 – En faire moins
3.1 - Principe n°1 de la slow productivity : en faire moins
Le mythe de Jane Austen brisé : libérée des corvées pour créer
Cal Newport commence le troisième chapitre de son livre "Slow productivity" en démystifiant l'histoire de Jane Austen.
Il explique que contrairement au mythe populaire selon lequel l'écrivaine aurait écrit ses chefs-d'œuvre en cachette entre deux obligations sociales, la réalité est bien différente. Après une analyse approfondie de sa biographie, l'auteur révèle que c'est précisément quand Austen fut libérée de la plupart de ses obligations domestiques et sociales qu'elle put réellement produire ses romans remarquables.
C’est en effet une fois dans le cottage de Chawton, exempte de la majorité des tâches ménagères, que l’écrivaine put enfin se consacrer à finaliser "Raison et sentiments", "Orgueil et préjugés", puis écrire "Mansfield Park" et "Emma".
Ainsi, l’idée selon laquelle "en faire moins permet de faire mieux" constitue le premier principe fondamental de la slow productivity.
En faire moins : le paradoxe de la productivité accrue
Pour Cal Newport, le premier principe - en faire moins – consiste, en fait, à "s'efforcer de réduire ses obligations jusqu'à aisément imaginer pouvoir les accomplir avec du temps libre".
Il s’agit alors de "tirer parti de cette charge allégée pour s'investir davantage dans le petit nombre de projets qui comptent le plus et ainsi les faire avancer".
L'art de la simplification créative
Cal Newport reconnaît que ce principe peut toutefois sembler plus facile à énoncer qu'à mettre en pratique. Et nous sommes effectivement légitime de poser la question : dans un environnement professionnel où la suractivité semble inévitable, comment alléger sa charge de travail ?
À cette question, l’auteur répond que cette vision ambitieuse de simplicité aménagée est en fait possible dans la plupart des contextes professionnels modernes, à condition d'être créatif et parfois radical dans sa façon d'organiser ses tâches.
3.2 - Pourquoi les travailleurs du savoir devraient en faire moins
Le piège invisible des coûts indirects
Pour illustrer la pertinence actuelle de ce principe, Cal Newport raconte l'histoire de Jonathan Frostick, cadre chez HSBC qui, après une crise cardiaque en 2021, prit la résolution de ne plus passer toutes ses journées sur Zoom.
Cette situation révèle un problème majeur dans les professions intellectuelles contemporaines, lance l’auteur : celle de l'accumulation excessive de "coûts indirects".
L'auteur explique que chaque tâche ou projet accepté s'accompagne, en effet, de coûts indirects administratifs (emails, réunions, etc.). Ces derniers s'accumulent jusqu'à atteindre un "seuil critique" au-delà duquel il devient impossible de gérer efficacement son travail.
C’est ce qui explique le phénomène que Cal Newport surnomme "l'Apocalypse Zoom" qui a eu lieu pendant la pandémie : l'augmentation même modeste des coûts indirects a suffi à faire basculer de nombreux travailleurs au-delà de ce seuil critique.
Le paradoxe productif : moins pour faire plus
À travers un exemple chiffré, Cal Newport démontre ici que faire moins de choses à la fois permet paradoxalement de produire davantage.
En plus d'accroître la quantité produite, cette approche améliore également la qualité du travail, car "notre cerveau fonctionne mieux lorsque nous ne sommes pas pressés."
Le stress comme mauvais conseiller
L'auteur s'attaque ensuite à une question fondamentale : pourquoi tant de travailleurs du savoir se retrouvent-ils constamment au bord de la surcharge ?
Sa réponse est révélatrice : nous utilisons le stress comme heuristique pour modérer notre charge de travail. Nous ne refusons de nouvelles tâches que lorsque nous ressentons suffisamment de détresse personnelle pour justifier le coût social de ce refus.
Des pionniers de la simplification
Pour illustrer qu'une autre approche est possible, Cal Newport partage plusieurs témoignages de personnes ayant réussi à simplifier leur vie professionnelle : une coach qui a réduit ses offres à quelques services clés, un professeur de droit qui s'est concentré sur une seule affaire importante, une enseignante qui a arrêté tout travail non rémunéré, un consultant dont l'entreprise a mis en place des heures non facturables, et un ingénieur qui a réduit son temps de travail.
3.3 - Proposition n°1 : Limitez les gros projets
Pour mettre en œuvre ce premier principe, Cal Newport s'inspire d'abord d'Andrew Wiles, le mathématicien qui résolut le dernier théorème de Fermat. Après avoir décidé de se consacrer à ce projet, Wiles prit des mesures concrètes pour réduire drastiquement ses engagements : il renonça aux conférences, évita les distractions universitaires, et mit au point un "stratagème" pour maintenir une apparence de productivité tout en travaillant sur son objectif principal.
Cal Newport recommande de suivre cet exemple en limitant systématiquement le nombre de projets professionnels importants à trois échelles différentes :
Moins de missions
Cal Newport considère qu'idéalement, on ne devrait pas dépasser trois missions principales, ces objectifs professionnels majeurs qui déterminent notre attention. Il raconte comment son amie Jenny Blake a réduit ses sources de revenus de plus de dix à seulement quelques-unes, ce qui lui a permis de réduire son temps de travail à vingt heures par semaine.
Moins de projets
Pour limiter ses projets en cours, Cal Newport conseille d'utiliser la réalité concrète de son temps disponible comme argument. Il suggère d'estimer le temps nécessaire pour chaque nouveau projet et de le programmer dans son calendrier. Si on ne trouve pas assez de plages horaires, c'est qu'on n'a pas le temps de gérer ce projet et qu'il faut soit le refuser, soit en annuler un autre.
Moins d'objectifs quotidiens
À l'échelle de la journée, Cal Newport recommande de travailler sur un seul projet important par jour maximum. Il explique avoir appris cette approche de sa directrice de thèse au MIT, qui préférait se concentrer intensément sur un seul projet à la fois plutôt que de jongler entre plusieurs. Ce rythme peut sembler lent, mais sur le long terme, les résultats s'accumulent remarquablement.
3.4 - Proposition n°2 : Contenez les petites tâches
Cal Newport évoque ensuite Benjamin Franklin, qui contrairement à sa réputation de travailleur infatigable, avait compris l'importance de se libérer des petites tâches administratives.
À 48 ans, Franklin promut son employé David Hall au rang d'associé, lui confiant toute la gestion de son imprimerie pour se consacrer à ses recherches sur l'électricité et à d'autres projets plus significatifs.
L'auteur observe que de nombreux créateurs ont développé des stratégies similaires pour se protéger des petites tâches perturbantes : Ian Rankin s'isole dans une maison en Écosse, Edith Wharton avait une routine matinale stricte, etc. Reconnaissant que ces solutions ne sont pas à la portée de tous, Cal Newport propose plusieurs stratégies plus accessibles :
Passez en pilotage automatique
Créez un "calendrier de pilotage automatique" en réservant des créneaux horaires spécifiques pour effectuer des tâches récurrentes dans des catégories spécifiques. Associez ces tâches à des lieux et rituels spécifiques pour maximiser leur efficacité.
Synchronisez
Cal Newport explique que la surcharge collaborative peut être réduite en remplaçant la communication asynchrone par des conversations en temps réel.
Il propose deux méthodes :
Organiser des "permanences" quotidiennes dédiées aux discussions rapides.
Mettre en place des "réunions de déblayage" hebdomadaires pour traiter les tâches en suspens avec toute l'équipe.
Déléguez !
L'auteur suggère plusieurs techniques pour réduire l'asymétrie dans l'attribution des tâches :
La "liste de tâches inversée" : créer des listes partagées où les autres doivent ajouter eux-mêmes les tâches qu'ils vous demandent d'accomplir.
Mettre en place des processus qui obligent les autres à effectuer une partie du travail.
Ne pas hésiter à utiliser ces stratégies, car "les gens sont souvent trop focalisés sur leurs propres problèmes pour se préoccuper de la façon dont vous résolvez les vôtres".
Évitez les "machines à tâches"
Cal Newport recommande d'évaluer les nouveaux projets non seulement en fonction de leur difficulté ou du temps qu'ils prendront, mais aussi en fonction du nombre de petites tâches qu'ils généreront.
Il donne l'exemple d'un directeur des ventes qui devrait choisir la rédaction d'un rapport plutôt que l'organisation d'une conférence, car cette dernière est une véritable "machine à tâches".
Dépensez de l'argent
S'inspirant de son amie Jenny Blake qui dépense environ 2400 euros mensuellement en services logiciels professionnels, Cal Newport soutient que dépenser de l'argent pour réduire sa liste de tâches est un investissement judicieux.
Il suggère également d'embaucher des personnes pour déléguer des tâches ou de faire appel à des prestataires de services professionnels.
3.5 - Interlude : qu'en est-il des parents débordés ?
Dans un interlude plus personnel, Cal Newport aborde la situation particulièrement difficile des parents qui travaillent.
Il cite Brigid Schulte, journaliste et mère de deux enfants, et décrit son quotidien chaotique : préparer des cupcakes jusqu'à 2h du matin, finir des articles à 4h, faire des interviews dans la salle d'attente du dentiste de son fils...
L'auteur observe que la pseudo-productivité oblige les individus à gérer seuls les tensions entre vie professionnelle et vie privée, sans cadre clair pour négocier ces compromis.
Il élargit cette réflexion à tous ceux qui font face à des défis personnels (maladie, parents âgés, etc.) et rappelle comment la pandémie a exacerbé ces tensions.
Cal Newport conclut cet interlude en soulignant que "être débordé n'est pas seulement inefficace ; cela peut devenir, pour beaucoup, purement et simplement inhumain." Le premier principe de la slow productivity n'est donc pas qu'une question d'efficacité professionnelle, mais aussi "une réponse pour ceux qui ont le sentiment que leur emploi empiète sur tous les autres domaines de leur vie."
3.6 – Proposition n°3 : Ne poussez plus, tirez !
Push vs Pull : deux philosophies opposées
Dans sa dernière proposition, Cal Newport s'inspire du Broad Institute, un centre de recherche génomique qui a transformé son processus de séquençage génétique en passant d'une stratégie "push" (pousser) à une stratégie "pull" (tirer).
L'auteur explique alors la distinction fondamentale entre ces deux stratégies :
Dans un processus "push", à chaque étape terminée, la tâche passe automatiquement à l'étape suivante.
Dans un processus "pull", chaque étape tire vers elle la nouvelle tâche uniquement lorsqu'elle est prête à le faire.
Cette transition, indique l’auteur, a permis au Broad Institute de réduire le temps de traitement des échantillons de 85 % et d'améliorer considérablement son efficacité. Un groupe de développement technologique de l'institut a également adopté cette approche avec succès, et grâce à elle, réduit le nombre de projets en cours de 50 % tout en augmentant leur taux d'achèvement.
Le système pull pour tous : une méthode en trois temps
Pour les personnes qui n'ont pas le pouvoir de transformer complètement leur environnement de travail, Cal Newport propose une stratégie en trois étapes pour simuler un système "pull" :
Créez des listes "en attente" et "en cours"
Limitez votre liste "en cours" à trois projets maximum et concentrez votre attention uniquement sur ces projets. Lorsqu'un projet est terminé, tirez-en un nouveau depuis la liste "en attente".
Envoyez un accusé de réception
Pour chaque nouveau projet, envoyez un message qui officialise votre engagement mais inclut : les informations supplémentaires dont vous avez besoin, le nombre de projets déjà sur vos listes, et une estimation de délai réaliste.
Cal Newport souligne que la transparence est ici cruciale et que souvent, ce type de message conduit le demandeur à retirer son projet.
Mettez à jour vos listes hebdomadairement
Revoyez les échéances, donnez la priorité à ce qui doit être bouclé rapidement, et n'hésitez pas à demander à être libéré des projets que vous ne cessez de repousser ou qui sont devenus obsolètes.
Chapitre 4 – Respecter un rythme naturel
4.1 - Principe n°2 de la slow productivity : respecter un rythme naturel
Cal Newport démarre le chapitre 4 de son livre "Slow productivity" avec une révélation qui l'a frappé durant l'été 2021 alors qu'il lisait "The Scientists" de John Gribbin.
Il a observé que les grands scientifiques de l'histoire, bien que remarquablement productifs, travaillaient à un rythme qui, selon nos standards actuels, semblerait étonnamment lent et irrégulier.
L'auteur illustre cette idée avec plusieurs exemples frappants :
Copernic mit plus de 30 ans à publier ses théories révolutionnaires sur le mouvement des planètes après sa première ébauche.
Galilée commença à réfléchir au mouvement du pendule en 1584, mais n'entreprit ses expériences formelles qu'en 1602.
Newton développa sa théorie de la gravitation sur une période de plus de 15 ans.
Même Marie Curie, au beau milieu de ses recherches majeures sur la radioactivité, partit en vacances prolongées à la campagne avec sa famille.
Ces observations ont conduit Cal Newport à réaliser que l'échelle de temps est essentielle à notre compréhension de la productivité. À l'échelle rapide des jours et des semaines, ces scientifiques semblaient travailler lentement, mais à l'échelle des années et des décennies, leurs efforts étaient indéniablement fructueux.
D’où le deuxième principe de la slow productivity : respecter un rythme naturel.
Autrement dit : "n'effectuez pas votre travail le plus important au pas de charge. Laissez-le se réaliser selon une chronologie soutenable, incluant des variations d'intensité, dans un cadre favorisant l'intelligence".
4.2 - Pourquoi les travailleurs du savoir devraient renouer avec un rythme plus naturel
Cal Newport s'appuie sur les recherches anthropologiques, notamment celles de Richard Lee sur les Ju/hoansi du désert du Kalahari, pour démontrer que le rythme de travail constant et intense qui caractérise notre époque est fondamentalement contraire à notre nature humaine.
En effet, l'auteur explique que pendant environ 290 000 des 300 000 années d'existence de notre espèce, les humains ont vécu comme chasseurs-cueilleurs. Leurs efforts quotidiens pour se nourrir étaient caractérisés par une alternance naturelle entre périodes d'activité et périodes de repos. Les études de Mark Dyble sur les Agta des Philippines confirment cette tendance : les chasseurs-cueilleurs consacraient 40 à 50 % de leur journée au loisir, avec des rythmes de travail très variables.
Cette variabilité fut bouleversée par la révolution néolithique et l'avènement de l'agriculture, qui imposa un travail plus monotone. Toutefois, l'agriculture maintenait encore une certaine saisonnalité : l'intense activité des semailles et des récoltes alternant avec des périodes plus calmes. La Révolution industrielle effaça ces dernières variations, transformant chaque jour en "jour de récolte".
Cal Newport affirme que l'avènement des professions du savoir aurait pu renverser cette tendance, mais la pseudo-productivité a au contraire poussé à une aliénation encore plus profonde par rapport à nos rythmes naturels. Contrairement au secteur industriel, où des lois et des syndicats établirent des limites, les professions intellectuelles ne disposent d'aucune protection similaire.
L'ironie, souligne l'auteur, est que les travailleurs du savoir traditionnels qui jouissaient d'une grande liberté - comme les scientifiques mentionnés au début du chapitre - revenaient naturellement à des rythmes de travail plus variés. Ce n'est pas par hasard : notre physiologie est programmée pour cette alternance.
4.3 - Proposition n°1 : prenez plus de temps
Pour illustrer l'avantage de prendre son temps, Cal Newport raconte l'histoire de Lin-Manuel Miranda et de sa comédie musicale "In the Heights". Contrairement à la croyance selon laquelle il aurait créé ce chef-d'œuvre en un éclair de génie pendant ses études, Miranda a en réalité travaillé sur ce projet pendant sept ans, l'améliorant progressivement tout en poursuivant d'autres activités.
L'auteur propose trois stratégies concrètes pour allonger ses délais :
Concevez un plan sur cinq ans
Cal Newport partage sa propre expérience lorsqu'il commença son doctorat au MIT tout en souhaitant poursuivre sa carrière d'écrivain. Ce plan à long terme lui a permis de traverser des périodes où l'écriture passait au second plan, sans jamais abandonner son objectif global.
Doublez vos délais
Reconnaissant notre tendance à sous-estimer le temps nécessaire aux projets cognitifs, l'auteur suggère de déterminer un délai qui semble raisonnable, puis de le multiplier par deux. Cette "police d'assurance" contrecarre notre optimisme instinctif et permet un rythme plus paisible.
Simplifiez votre journée
Cal Newport recommande de réduire de 25 à 50 % les tâches prévues quotidiennement et de s'assurer que les réunions n'occupent pas plus de la moitié de notre journée de travail. Il propose la stratégie "une heure pour toi, une heure pour moi" qui consiste à protéger une durée équivalente à chaque nouvelle réunion programmée.
L'auteur conclut cette proposition en soulignant l'importance de se pardonner lorsque nos tentatives de prendre plus de temps échouent : "La clé d'un travail ayant du sens est de décider de revenir encore et toujours à ce qui vous paraît important. Pas de parvenir à tout bien faire tout le temps."
4.4 - Proposition n°2 : respectez la saisonnalité
Cal Newport s’intéresse ensuite à la vie de Georgia O'Keeffe qui, après des années frénétiques d'enseignement dans différentes institutions, trouva son rythme dans une propriété au bord du lac George. Entre 1918 et 1934, travaillant souvent en plein air, elle produisit plus de 200 tableaux, alternant entre des étés créatifs dans cette retraite et des automnes plus trépidants à New York.
L'auteur souligne que cette approche saisonnière du travail, où l'intensité des efforts varie au fil de l'année, est naturelle mais devenue rare dans notre société.
Il propose plusieurs stratégies pour réintroduire cette saisonnalité :
Programmez des saisons lentes
S'inspirant du concept de "quiet quitting", Cal Newport suggère de ralentir délibérément pendant une ou deux saisons par an, en bouclant les projets importants avant cette période et en repoussant les nouveaux jusqu'à son terme.
Raccourcissez votre année de travail
L'auteur raconte comment Ian Fleming négocia de ne travailler que dix mois par an pour passer les deux autres mois dans sa maison jamaïcaine, où il écrivit ses romans "James Bond".
Cal Newport cite également des exemples contemporains comme Jenny Blake et Andrew Sullivan qui s'accordent plusieurs semaines de pause chaque année.
Optez pour les "petites variations saisonnières"
Pour ceux qui ne peuvent pas prendre des mois entiers, l'auteur propose quatre micro-stratégies :
Pas de réunion le lundi (ou un autre jour fixe),
Une séance de cinéma ou autre activité en journée une fois par mois,
Programmer des projets de loisirs pour équilibrer chaque grand projet professionnel,
Travailler par cycles d'intensité variée, à l'image de l'entreprise Basecamp.
4.5 - Interlude : Jack Kerouac n'a-t-il pas écrit "Sur la route" en trois semaines ?
Dans un bref interlude, Cal Newport aborde l'objection évidente que certains travaux créatifs semblent avoir été produits dans des sursauts frénétiques plutôt qu'à un rythme lent.
Il démystifie l'histoire de Jack Kerouac, qui prétendait avoir écrit "Sur la route" en trois semaines, alors qu'en réalité il avait travaillé sur ce livre pendant six ans, tenant des journaux détaillés et rédigeant six versions différentes après le premier jet.
Comme le conclut l'auteur : ""Sur la route" se lit vite, mais le rythme auquel le livre a été écrit, comme pour la plupart des œuvres qui résistent à l'épreuve du temps, fut en réalité assez lent."
4.6 - Proposition n°3 : travaillez poétiquement
La dernière proposition du chapitre concerne le contexte dans lequel nous accomplissons notre travail.
Cal Newport s'inspire de Mary Oliver, poétesse lauréate du Pulitzer, qui composait ses poèmes lors de longues marches dans les bois. Il suggère que le cadre dans lequel nous effectuons notre travail peut transformer notre expérience cognitive, rendant nos efforts plus vivants et plus naturels.
L'auteur propose trois approches pour travailler "poétiquement" :
Accordez l'espace à votre travail
Créez un environnement physique qui résonne avec ce que vous essayez d'accomplir, comme le fit Lin-Manuel Miranda en écrivant "Hamilton" dans une maison historique liée à George Washington, ou encore Neil Gaiman en rédigeant dans une cabane octogonale en forêt.
Étrange plutôt que stylé
Cal Newport cite des écrivains comme Peter Benchley qui écrivit "Les Dents de la mer" dans l'arrière-boutique d'un atelier de réparation de hauts-fourneaux, ainsi que Maya Angelou qui louait des chambres d'hôtel dépouillées pour travailler.
Il explique que l'environnement familier du domicile piège notre attention et qu'un cadre étrange, même laid, peut être plus propice à la concentration.
Des rituels remarquables
S'inspirant des mystères de la Grèce antique, Cal Newport souligne que des rituels suffisamment remarquables peuvent modifier notre état mental dans une direction favorable à la réalisation de nos objectifs. Il cite David Lynch qui commandait un énorme milkshake au chocolat pour stimuler sa créativité, ou N.C. Wyeth qui coupait du bois pendant une heure avant de travailler.
En conclusion, Cal Newport réaffirme que le deuxième principe de la slow productivity nous invite à rejeter "les gratifications performatives de l'urgence perpétuelle" pour accorder à nos efforts professionnels "l'espace et le respect nécessaires afin qu'ils s'intègrent dans une vie bien vécue, au lieu d'y faire obstacle."
Chapitre 5 – Faire de la qualité une obsession
5.1 - Le principe n°3 de la slow productivity : faire de la qualité une obsession
Dans le cinquième chapitre de son ouvrage "Slow productivity", Cal Newport partage d’abord l'histoire de Jewel, une jeune chanteuse qui vivait dans sa voiture à San Diego dans les années 1990. Malgré sa situation précaire, elle parvint à attirer l'attention du public lors de ses performances à l'Inner Change Coffeehouse. Son talent brut et authentique finit par séduire les maisons de disques et aboutit à une offre d'un million de dollars à la signature.
Mais ce qui rend cette histoire particulièrement pertinente, précise l’auteur, c'est que Jewel refusa cette somme colossale. Cal Newport explique que la chanteuse avait, en fait, compris qu'accepter un tel montant la forcerait à vendre énormément de disques très rapidement pour que le label récupère son investissement. Au lieu de cela, elle choisit alors de rester "bon marché" pour sa maison de disques, se donnant ainsi le temps nécessaire pour développer sa musique et son art. Elle résuma cette philosophie par une maxime : "Le bois dur pousse lentement."
Cette histoire illustre parfaitement le troisième et dernier principe de la slow productivity que Cal Newport formule ainsi :
Soyez obsédé par la qualité de ce que vous produisez, même si cela veut dire rater des opportunités à court terme. Tirez parti des résultats obtenus pour gagner toujours plus de liberté de travail sur le long terme.
L'auteur souligne que ce principe n'est pas placé en dernier par hasard : en effet, il constitue le ciment de la slow productivity. Sans cette obsession de la qualité, les deux premiers principes (en faire moins et respecter un rythme naturel) risqueraient de transformer le travail en simple contrainte à gérer, plutôt qu'en source d'accomplissement.
5.2 - Pourquoi les travailleurs du savoir devraient être obsédés par la qualité
Cal Newport reconnaît que le lien entre qualité et succès est évident pour les artistes comme Jewel, mais peut sembler moins direct dans les professions intellectuelles.
En tant qu'enseignant-chercheur, il jongle lui-même entre multiples tâches : enseignement, demandes de subventions, supervision d'étudiants, comités, articles scientifiques...
Pourtant, il affirme que même dans les métiers du savoir, certaines activités clés déterminent véritablement notre succès. Pour un professeur d'université, ce sont les publications majeures ; pour un graphiste, ce sont ses réalisations visuelles ; pour un commercial, ce sont ses ventes.
Le troisième principe invite à privilégier la qualité de ces activités essentielles non seulement pour exceller, mais aussi parce que cette qualité entretient des liens inattendus avec le désir de ralentir.
Cal Newport illustre ce lien à travers deux dynamiques complémentaires :
La qualité exige de ralentir
Pour produire un travail vraiment bon, on doit nécessairement prendre son temps. Il cite l'exemple de Steve Jobs qui, de retour chez Apple en 1997, réduisit drastiquement les lignes de produits pour se concentrer sur quatre ordinateurs seulement. Cette simplification permit de travailler sur la qualité et l'innovation et par là même, transformer rapidement les pertes en profits.
La qualité permet de ralentir
Le succès basé sur l'excellence donne une plus grande liberté.
L'auteur raconte comment Jewel, après le succès de son album "Spirit", refusa de s'installer à Los Angeles pour poursuivre une carrière frénétique. Elle préféra s'établir dans un ranch au Texas avec son petit ami :
"Je n'avais pas besoin d'être plus riche ou plus célèbre", expliqua-t-elle.
Pour illustrer plus concrètement cette seconde dynamique, Cal Newport présente Paul Jarvis, auteur de "Company of One", qui vit dans une maison isolée sur l'île de Vancouver. Jarvis préconise d'exploiter ses compétences non pas pour agrandir son entreprise, mais pour gagner en liberté. Par exemple, un concepteur web facturant 50€/heure pourrait, une fois sa réputation établie, passer à 100€/heure et travailler moitié moins tout en maintenant le même revenu.
Cal Newport conclut que nous avons été tellement habitués à considérer que le perfectionnement de nos compétences ne doit servir qu'à augmenter nos revenus et responsabilités, que nous oublions qu'il peut aussi nous offrir un mode de vie plus soutenable.
5.3 - Proposition n°1 : affinez votre goût
La première proposition concrète de ce chapitre s'inspire d'une déclaration d'Ira Glass, créateur de l'émission "This American Life". Glass souligne qu'en matière de création, il existe souvent un fossé entre ce que notre goût reconnaît comme bon et ce que nos compétences nous permettent de produire. C'est la frustration de ce décalage qui nous pousse à nous améliorer.
Toutefois, Cal Newport remarque qu’un élément primordial est souvent négligé : la nécessité d'affiner d'abord notre goût. Il est impossible de produire un travail exceptionnel sans comprendre ce qu'est l'excellence dans notre domaine.
Il propose alors trois approches pour développer ce discernement :
Devenez cinéphile (ou expert dans un autre domaine)
Cal Newport raconte comment l'étude du cinéma l'a aidé à améliorer son écriture. Il suggère que l'exploration d'un art différent du nôtre peut nous inspirer sans nous intimider.
Fondez votre propre club
S'inspirant du cercle des "Inklings" qui réunissait C.S. Lewis et J.R.R. Tolkien à Oxford, l'auteur encourage la création de groupes où des pairs peuvent échanger sur leurs travaux. Le goût collectif est généralement supérieur au goût individuel.
Achetez un carnet à 50 euros
Cal Newport partage comment l'achat d'un carnet de laboratoire haut de gamme durant son post-doctorat au MIT a transformé sa façon de travailler. Il soutient que des outils de qualité nous poussent à produire un travail de qualité.
5.4 - Interlude : et le perfectionnisme dans tout ça ?
Face à une lectrice inquiète que l'obsession de la qualité puisse mener au perfectionnisme paralysant, Cal Newport nuance son propos.
Il prend l'exemple des Beatles qui, après avoir abandonné les tournées en 1966, passèrent près de 700 heures en studio pour produire "Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band", un album révolutionnaire dans l'histoire de la musique pop. Si ce chef-d'œuvre démontre les bénéfices de l'obsession de la qualité, l'auteur reconnaît que cette tendance a également conduit de nombreux groupes à s'enliser dans un "perfectionnisme solitaire" stérile.
Pour éviter ce piège, Cal Newport conseille de se donner suffisamment de temps pour produire quelque chose de brillant, mais pas un temps illimité.
5.5 – Proposition n°2 : misez sur vous-même
La seconde proposition nous invite à prendre des risques calculés dans le but d’améliorer la qualité de son travail.
Cal Newport illustre cette idée avec l'histoire d'Alanis Morissette qui, après un succès dans la pop commerciale au Canada, fut abandonnée par sa maison de disques lorsqu'elle voulut explorer un style plus personnel. Ce pari risqué la conduisit finalement à créer "Jagged Little Pill", un album qui s'est vendu à 33 millions d'exemplaires.
L'auteur propose plusieurs approches pour mettre en œuvre cette stratégie :
Écrivez "quand les gosses sont couchés"
S’inspirant de figures comme Stephenie Meyer (Twilight), Clive Cussler ou John Grisham, Cal Newport suggère d’utiliser une partie de son temps libre pour se consacrer temporairement à un projet qui compte vraiment.
Réduisez vos revenus
Pas question de tout lâcher sur un coup de tête ! Cal Newport recommande d’agir prudemment avant de quitter son emploi, même s'il reconnaît que parfois, la pression financière peut stimuler la créativité. L’essentiel : s’assurer que le projet a un vrai potentiel avant de sauter le pas.
Annoncez vos délais
Communiquer publiquement sur un projet crée des attentes sociales qui motivent à l'excellence.
Attirez un investisseur
L'auteur raconte comment John Carpenter réalisa "Halloween" avec un budget modeste fourni par Moustapha Akkad. Dans cet exemple, on voit bien que la volonté de ne pas décevoir ceux qui nous font confiance peut nous pousser au-delà de nos limites habituelles.
En résumé, faire de la qualité une priorité n’est pas juste une posture professionnelle. C’est un choix stratégique. Un levier pour reprendre la main sur son temps, sa carrière, sa liberté. En produisant moins mais mieux, on gagne paradoxalement plus : plus d’impact, plus d’autonomie, et plus d’équilibre.
Conclusion de Cal Newport
John McPhee, figure du travail lent et méthodique
Cal Newport clôt son livre en revenant sur l’histoire de John McPhee, évoquée en introduction.
Il décrit plus en détail la méthode rigoureuse que ce grand écrivain a affinée au fil des années : d’abord taper ses notes pendant des semaines, puis découper chaque idée en blocs cohérents, les classer dans des dossiers thématiques, avant de disposer ces fragments sur un panneau pour en dégager la structure parfaite… Seulement à partir de cette étape commence l’écriture.
Une leçon de fond : ralentir pour mieux avancer
Cette évolution incarne à merveille le message central de l’ouvrage : ralentir n’est pas un simple appel à lever le pied, c’est une stratégie de fond pour mieux travailler. Car Cal Newport insiste : "ralentir ne se résume pas à s'élever contre le travail. Il s'agit plutôt de trouver une meilleure manière de travailler", repenser notre façon de l’aborder.
Echapper à la pseudo-productivité et repenser le travail
Cal Newport explique ensuite les deux ambitions qui ont guidé l’écriture de ce livre :
D’un côté, aider concrètement les travailleurs du savoir à échapper à la pseudo-productivité, en s’appuyant sur les trois principes-clés énoncés au fil des chapitres.
De l’autre, contribuer à une réflexion plus large sur la manière dont le travail intellectuel est structuré aujourd’hui.
Cal Newport conclut en citant McPhee qui s'étonnait d'être perçu comme prolifique : "Si vous versez chaque jour une goutte d'eau dans un seau, au bout de 365 jours, il y a une certaine quantité d'eau". Ce qui compte vraiment, rappelle l'auteur, ce n'est pas la vitesse mais l'endroit où l'on arrive.
Conclusion de "Slow productivity : retrouver efficacité, équilibre et goût du travail dans un monde d’excès" de Cal Newport
Les 4 idées clés à retenir du livre "Slow productivity"
Idée clé n°1 : La pseudo-productivité nous épuise… sans rien produire de vraiment utile
Dans "Slow productivity", Cal Newport remet en question notre conception moderne de la productivité qui confond activité constante et véritable efficacité.
Ce qu’il appelle "pseudo-productivité", c’est cette tendance à utiliser l'activité visible comme indicateur de travail performant. C'est cette illusion selon laquelle être toujours occupé, toujours joignable, et enchaîner les mails et les réunions, serait la preuve d’un travail bien fait.
En réalité, ce modèle repose sur des signes extérieurs d'effort, mais ne produit que peu de résultats concrets, surtout dans les métiers intellectuels, où la valeur produite n'est pas proportionnelle au temps passé devant un écran.
Dès lors, Cal Newport montre comment cette logique, renforcée par les outils numériques et technologies connectées, est devenue un piège : on consulte nos mails en moyenne toutes les 6 minutes, on saute d’une tâche à l’autre sans jamais aller au fond des choses, et on termine nos journées épuisés, mais sans sentiment d’avancer vraiment.
Résultat : un cycle d’hyperactivité vide de sens, où l’on confond "être occupé" avec "créer de la valeur".
Idée clé n°2 : Faire moins permet paradoxalement d'accomplir davantage
Cette idée est l’un des grands paradoxes de la slow productivity que Cal Newport défend avec force : réduire délibérément nos engagements nous rend plus efficaces, pas moins.
Plutôt que de multiplier les tâches et les projets - au risque de nous disperser – Cal Newport propose une approche sélective et intentionnelle. En limitant notre charge mentale à ce que l’on peut réellement traiter avec attention et profondeur, on libère de l’espace pour produire un travail de qualité.
Il illustre ce principe avec l’exemple de Jane Austen, qui ne put écrire ses chefs-d'œuvre qu’une fois soulagée de ses contraintes domestiques. Son génie créatif a émergé quand elle a retrouvé du temps libre, non fragmenté.
Cal Newport introduit ici la logique des systèmes "pull" (on choisit quand et comment on tire une nouvelle tâche) face aux systèmes "push" (les tâches nous arrivent sans fin, sans filtre). Selon lui, cette approche réduit les "coûts indirects" - échanges, suivis, frictions - qui s’accumulent silencieusement jusqu’à atteindre ce "seuil critique" au-delà duquel notre efficacité s'effondre.
En bref, en en faisant moins, mais mieux, on évite la surcharge… et on accomplit davantage.
Idée clé n°3 : Notre corps (et notre cerveau) ne sont pas faits pour travailler à plein régime toute l’année
Un autre principe clé de la slow productivity repose sur une vérité souvent négligée : notre physiologie a besoin de rythme, de variation, de respiration.
Cal Newport s’appuie sur des observations anthropologiques pour montrer que pendant la quasi-totalité de l’histoire humaine (sur 290 000 années des 300 000 ans d'existence de notre espèce), nos ancêtres ont travaillé selon des cycles irréguliers, influencés par les saisons, les ressources disponibles et les besoins du moment. L’intensité constante est une invention moderne… et profondément contre-nature.
Même les plus grands esprits de l’histoire - chercheurs, artistes, inventeurs - travaillaient à des cadences lentes, alternant entre des phases de concentration intense et de longs temps de recul. Et pourtant, leur impact est immense.
Cal Newport plaide donc pour un retour à cette saisonnalité naturelle du travail perdue, que ce soit par :
Des périodes plus calmes dans l’année, propices au repos ou à la réflexion,
Des environnements de travail inspirants, qui nourrissent plutôt que d’épuiser,
Des délais plus réalistes, parfois doublés, pour sortir de la pression permanente.
Alors, travailler intensément, oui — mais pas tout le temps. L’alternance est essentielle pour préserver notre énergie, notre créativité et notre santé mentale.
Idée clé n°4 : L'obsession de la qualité devient un levier pour gagner en liberté professionnelle
Le troisième principe de la slow productivity révèle que viser l’excellence ne signifie pas en faire plus… mais mieux, avec plus de sens et plus de liberté à la clé.
À travers des histoires marquantes - comme celle de la chanteuse Jewel qui refuse un contrat d’un million de dollars pour rester fidèle à son art, ou celle de Paul Jarvis, designer qui choisit une vie simple sur l’île de Vancouver - Cal Newport montre que la vraie réussite n’est pas toujours dans l’accumulation de projets ou de responsabilités, mais dans la qualité de ce qu’on crée… et la liberté qu’on en tire.
Pour cela, il faut d’abord développer un goût exigeant, apprendre à reconnaître ce qui est réellement bon, ce qui a de la valeur. Puis, oser miser sur soi, prendre des risques calculés qui nous poussent à donner le meilleur de nous-mêmes.
Cette quête d’excellence, loin d’être un piège perfectionniste, devient un levier puissant pour créer une carrière à notre image : plus sobre, plus alignée, plus libre.
En somme, plus on s’approche de la maîtrise, plus on peut choisir notre manière de travailler - et de vivre.
Ce que la lecture de "Slow Productivity" vous apportera
Lire "Slow Productivity", c’est certes découvrir une nouvelle méthode de travail, mais c’est surtout changer de perspective sur la productivité elle-même.
Dans cet ouvrage, Cal Newport propose en effet un regard radicalement différent du travail intellectuel que l’on se fait habituellement : il partage une vision libérée des diktats de l’urgence, de l’hyper-disponibilité et du “toujours plus”.
Mais le livre ne se limite pas à un constat : il offre des stratégies concrètes, applicables dès aujourd’hui, pour transformer votre relation au travail. Vous y découvrirez notamment comment, au travail :
Réduire vos engagements sans culpabiliser,
Retrouver un rythme plus humain et plus naturel,
Miser sur la qualité plutôt que sur la quantité de vos réalisations,
Faire le tri entre l’essentiel et le superflu, identifier ces activités qui, dans votre métier, produisent véritablement de la valeur, et éliminer progressivement ce qui vous épuise sans rien apporter.
Et réinventer votre rapport au travail, sans sacrifier votre bien-être.
Plus qu’un simple guide de productivité, Slow Productivity est une philosophie complète, qui replace l’exigence de qualité, la sérénité et le plaisir du travail bien fait, à un rythme soutenable sans les sacrifices imposés par notre culture de l'urgence perpétuelle.
Enfin une lecture qui réconcilie efficacité durable et équilibre personnel !
Pourquoi lire "Slow productivity" de Cal Newport ?
"Slow Productivity" ne vous apprendra pas simplement à mieux vous organiser : il vous apprendra à mieux vivre votre travail.
En effet, dans cet ouvrage, Cal Newport ne propose pas une nouvelle méthode miracle de gestion du temps, mais une approche profondément humaine et durable du travail intellectuel. Il nous rappelle une vérité que notre époque a reléguée au second plan : Travailler moins, mais mieux, ce n’est pas une utopie. C’est une nécessité.
Que vous soyez cadre surmené, entrepreneur débordé, freelance créatif sous pression ou universitaire au bord de la saturation, ce livre vous partage des principes simples, libérateurs et adaptés à votre réalité pour :
Retrouver du sens dans ce que vous faites,
Protéger votre santé mentale,
Préserver votre énergie,
Et renouer avec ce qui compte vraiment : la joie de créer, de penser, d’agir - sans vous épuiser.
"Slow Productivity" n’est pas un outil de plus. C’est un tournant.
Points forts :
Une critique fondamentale et nécessaire de la pseudo-productivité qui domine le monde professionnel moderne.
Des principes ancrés dans la réalité anthropologique et physiologique de l'être humain.
De nombreux exemples concrets et historiques qui illustrent parfaitement les concepts présentés.
Des propositions pratiques applicables immédiatement pour transformer sa vie professionnelle.
Points faibles :
Une philosophie qui peut être difficile à mettre en œuvre dans certains environnements professionnels très contraignants.
Certaines stratégies proposées - comme le retrait saisonnier du travail - semblent plus accessibles aux professions intellectuelles indépendantes qu'aux salariés traditionnels.
Ma note :
★★★★★
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Résumé de "Le principe de Lucifer | Une expédition scientifique dans les forces de l'Histoire !" de Howard Bloom : cet ouvrage décortique le rôle intrinsèque de la violence et de la domination dans la construction de l’Histoire humaine. Pour cela, Howard Bloom nous livre une analyse scientifique brillante des mécanismes et forces invisibles qui animent et structurent autant nos civilisations que nos comportements humains.
Par Howard Bloom, 2015, 701 pages.
Titre original : "The Lucifer principle", 1995, 495 pages.
Chronique et résumé de "Le principe de Lucifer | Une expédition scientifique dans les forces de l’Histoire !" de Howard Bloom
Partie 1 : Introduction
Howard Bloom, l’auteur, ouvre son livre "Le principe de Lucifer" en se lançant dans une réflexion vertigineuse : il se demande d’où vient le mal ?
Il remonte alors à l’époque de l’hérétique Marcion, qui, il y a près de 1800 ans, conclut que le Créateur de notre univers ne pouvait être qu’un dieu maléfique, tant les souffrances et les violences étaient omniprésentes.
En réponse, les chrétiens créèrent le mythe de Lucifer, l'ange de lumière déchu, devenu démon qui corrompit l'humanité.
Mais Howard Bloom propose une lecture radicalement différente : le mal ne serait pas une erreur ni une corruption, mais une composante intrinsèque de l’évolution naturelle.
À travers ce qu’il appelle le "Principe de Lucifer", il avance que la cruauté, la domination, la compétition ne sont pas des anomalies : elles font partie des mécanismes naturels qui poussent les sociétés à évoluer, à se structurer, à se dépasser :
"Le Principe de Lucifer est un ensemble de règles naturelles, fonctionnant à l’unisson pour tisser une toile qui nous effraie et nous épouvante parfois. Chaque fil de cette tapisserie est fascinant mais l’ensemble est encore plus stupéfiant. En son centre, le Principe de Lucifer ressemble à cela : la Nature découverte par les scientifiques a créé en nous les pulsions les plus viles. Ces pulsions font en fait partie d’un processus dont la Nature se sert pour créer. Lucifer est le côté obscur de la fécondité cosmique, la lame tranchante du couteau du sculpteur. La Nature n’abhorre pas le mal, elle l’intègre. Elle l’utilise pour construire. Avec lui, elle conduit le monde humain vers des niveaux supérieurs d’organisation, de complexité et de pouvoir."
Aussi, pour l'auteur, comprendre cette dynamique est essentiel pour espérer dépasser notre condition, car nos plus nobles qualités peuvent paradoxalement engendrer nos pires atrocités :
"De nos meilleures qualités découle ce qu’il y a de pire en nous. De notre ardent désir de nous réunir provient notre tendance à nous déchirer. De notre dévotion envers le bien résulte notre propension à commettre les plus infâmes atrocités. De notre engagement envers les idéaux naît notre excuse pour haïr. (…) Nous devons regarder en face le visage sanglant de la Nature et prendre conscience du fait qu’elle nous a imposé le mal pour une raison. Et, pour la déjouer, nous devons comprendre cette raison (…) Lucifer est, en réalité, l’alter ego de Mère Nature."
Selon Howard Bloom, c’est en acceptant cette logique trouble, en en perçant les ressorts, que l’humanité pourra espérer sortir de ses cycles de destruction.
Howard Bloom remet ensuite en cause notre vision romantique de l'individualisme.
Il s’en prend au mythe de l’individu autonome et héroïque, cher à la culture occidentale. Il critique notamment la théorie d’Éric Fromm, pour qui l’indépendance totale serait un idéal de maturité.
Pour l’auteur, certes l'individualisme est important, mais c’est une illusion. L’humain est avant tout une créature sociale, et ce sont, soutient-il, les groupes sociaux (tribus, nations, mouvements) qui sont les véritables moteurs de l'évolution humaine.
Il démontre ce point en analysant la réaction de stress : contrairement aux théories dominantes, celle-ci n’est pas un réflexe de survie individuel. Ce mécanisme est bien plus orienté vers la protection du groupe que vers celle de l’individu.
Mais cette appartenance a un prix. C’est le paradoxe de notre nature sociale : si le groupe est une force vitale, il peut aussi devenir destructeur, poussant à la haine, à la violence, à l’aveuglement collectif et ainsi aux pires atrocités.
"Sans penser le moins du monde aux résultats à long-terme de nos minuscules actions, nous contribuons aux actes lourds et parfois atterrants de l’organisme social. (…) Par notre intérêt pour le sexe, notre soumission à des Dieux et à des dirigeants, notre attachement parfois suicidaire à des idées, des religions et de vulgaires détails de type culturel, nous devenons les instigateurs inconscients des exploits de l’organisme social."
Dès lors, conclut Howard Bloom, si nous voulons échapper à la folie des foules, ce n’est pas en fuyant le collectif, mais en le repensant, en agissant ensemble avec lucidité. Seule une action collective pourra nous en libérer.
Dans ce 3ème chapitre du "Principe de Lucifer", Howard Bloom introduit un concept fondamental : celui d’entéléchie, cette idée que des éléments simples peuvent, en s’assemblant, donner naissance à quelque chose de complexe et de radicalement nouveau. À l’image d’un océan qui naît de simples molécules d’eau, ou d’une culture émergeant des interactions humaines.
Partant de cette logique, l'auteur présente les cinq concepts de son Principe de Lucifer qui expliquent les grands mouvements de l'histoire humaine :
Les systèmes auto-organisateurs qui nous façonnent comme des produits jetables, remplaçables.
Le superorganisme, une entité collective dont nous ne sommes que les composants.
Les mèmes, ces idées contagieuses qui structurent nos civilisations.
Le réseau neuronal qui agit comme un cerveau partagé et manipule nos émotions collectives.
L'ordre de préséance qui régit les hiérarchies humaines.
Ces concepts, souligne l’auteur, "apportent un éclairage sur le déclin de l’Occident et sur les dangers qui nous guettent". Ils nous éclairent sur les racines du mal qui nous habite. Car dans ces cinq petites idées, termine-t-il, "se tapit la force qui nous gouverne".
Howard Bloom s’appuie sur l’exemple de la Révolution culturelle en Chine pour décortiquer les mécanismes cachés de la violence de masse.
L'auteur raconte comment Mao, écarté du pouvoir après l'échec du Grand Bond en Avant, exploita la rébellion adolescente naturelle pour reprendre le contrôle de la Chine.
À travers le récit de Gao Yuan, ancien Garde Rouge, Howard Bloom retrace la montée en puissance de ce chaos : au départ, les lycéens ne font que débattre de littérature ou remettre en cause leurs enseignants. Mais très vite, ces échanges littéraires évoluent en une spirale de violence : les étudiants passent de la critique à la persécution, puis à la torture. Et finissent par se retourner les uns contre les autres dans des affrontements sanglants.
Pour l'auteur, la Révolution Culturelle révèle un schéma universel : derrière les idéaux les plus nobles et purs - égalité, justice, libération - se cachent nos pulsions les plus destructrices. Sous couvert de vertu, les pires instincts peuvent alors se déchaîner.
La Révolution culturelle devient ainsi l’exemple tragique d’une vérité plus large : l’être humain, en groupe, peut devenir son propre prédateur.
Partie 2 : Des taches de sang au paradis
Dans ce chapitre au titre quelque peu brutal, Howard Bloom démonte le mythe du "bon sauvage" et l'idée selon laquelle la violence serait une invention récente, née avec la civilisation moderne.
Il affirme au contraire que la cruauté est inscrite dans les lois mêmes de la nature. À l’appui de sa démonstration, il cite un bestiaire sanglant : les fourmis qui se livrent à des guerres impitoyables, les lions qui déchiquettent leurs proies, les oiseaux qui dévorent sans état d’âme des bébés tortues encore frêles.
Chez l’homme, cette brutalité n’a pas disparu, indique l’auteur : innée, elle est simplement camouflée sous la fine couche de vernis rationnel de notre néocortex. Pour dire cela, Howard Bloom s’appuie sur la théorie du "cerveau trine" du Dr Paul MacLean selon laquelle notre néocortex, siège de la pensée consciente, repose sur des couches plus anciennes : le cerveau reptilien et le cerveau limbique, gouvernés par l’instinct et l’émotion, toujours bien actifs.
L'auteur réfute également l'idée que les sociétés primitives seraient pacifiques. En témoignent les !Kung du Kalahari dont le taux d'homicide dépasse celui de grandes villes modernes comme New York, et les observations de Jane Goodall sur les comportements de guerre tribale et féroce des chimpanzés.
La conclusion d’Howard Bloom est sans appel : l’homme n’est pas violent malgré sa nature, mais à cause d’elle. S’il rêve de paix, s’il veut vraiment construire un mode pacifique, il doit d'abord triompher de sa nature profonde, apprendre à dompter cette bête qu’il porte en lui.
Dans ce chapitre au ton volontairement provocateur, Howard Bloom remet en question l’idée tenace selon laquelle la violence serait l’apanage des hommes. Il montre que les femmes, loin d’être des figures exclusivement nourricières ou apaisantes, jouent, elles aussi, un rôle actif, et parfois féroce, dans les dynamiques de domination.
Pour démontrer que les femelles participent pleinement à la violence sociale, Howard Bloom mentionne alors plusieurs exemples parlants : la femelle gorille Effie, qui tue et dévore le petit d’une rivale pour préserver sa lignée, ou encore l’impératrice romaine Livia, stratège impitoyable, soupçonnée d’avoir fait éliminer un à un les héritiers gênants pour assurer la montée au pouvoir de son fils, Tibère.
Mais l’auteur va plus loin : il met en lumière le rôle plus discret, mais tout aussi influent, de la sélection sexuelle. En valorisant les comportements agressifs des mâles, comme la "bravoure" et l'héroïsme guerrier, bref, en choisissant les mâles les plus "dominants", les femmes participent à la perpétuation d’une forme de violence sociale.
Au fond, conclut Bloom, la violence n’est ni une affaire d’hommes, ni une affaire de femmes. Elle est gravée dans nos circuits les plus archaïques, dans les profondeurs de notre cerveau animal. Croire le contraire, c’est ignorer les racines biologiques qui façonnent notre histoire.
Howard Bloom nous plonge ici dans les racines biologiques de la violence à travers le prisme de la reproduction.
Il montre que, dans de nombreuses espèces (des singes langurs aux peuples Yanomami d’Amazonie, jusqu’aux Romains de l’Antiquité, une pratique brutale revient avec insistance : tuer les enfants du rival pour s’approprier les femelles et assurer la survie de sa propre lignée.
Derrière cette stratégie terrifiante se cache une logique froide mais diablement efficace : éliminer la descendance de ses adversaires pour accélérer sa propre reproduction. En effet, en supprimant les petits issus d’un précédent mâle, le nouveau venu rend rapidement les femelles à nouveau fertiles et disponibles pour porter leur propre progéniture.
Pour Howard Bloom, ce schéma universel révèle que bien des violences humaines, derrière leurs justifications idéologiques ou politiques, répondent à une pulsion plus profonde, un impératif biologique fondamental : celui de transmettre ses gènes.
Cette force constitue l'une des clés du "Principe de Lucifer" : l’avidité des gènes.
Howard Bloom poursuit sa réflexion en revenant aux origines de la vie, inspiré par la théorie des réplicateurs de Richard Dawkins.
Au commencement, explique-t-il, il y avait des molécules simples, capables de se copier elles-mêmes. Dans un environnement hostile et limité en ressources, celles-ci ont développé des stratégies de compétition et de protection toujours plus complexes. Ainsi, seules les plus malignes ont survécu : celles qui savaient se défendre, éliminer les concurrentes, ou coopérer stratégiquement.
Ces réplicateurs sont devenus nos gènes. Et aujourd’hui encore, ils utilisent nos corps comme des "machines à survie", programmées pour maximiser leurs chances de transmission.
Pour Howard Bloom, cette programmation génétique explique notre violence fondamentale. Que l’on observe des gorilles en rut ou des empereurs romains en campagne, une même logique opère : s’imposer, dominer, éliminer les rivaux, transmettre son ADN. Nous luttons tous pour cela.
Pour l’auteur, c’est là le véritable moteur de notre brutalité : non pas la société, la religion ou le pouvoir… mais une programmation biologique ancienne, invisible, et incroyablement tenace :
"Malgré les opinions de Montaigne, de Rousseau et de leurs disciples contemporains, la civilisation n’est pas le générateur de la violence. Et la brutalité n’est pas réservée au mâle "patriarcal". Le créateur de la sauvagerie humaine est la Nature, qui trace sa route à travers les segments du cerveau légués aux hommes et aux femmes par nos ancêtres animaux."
Il poursuit :
"Les créatures de toutes les espèces se battent pour le privilège de la procréation. Elles luttent pour immortaliser les réplicateurs qui les composent. Inutile de se demander pourquoi les femmes des anciens empereurs et les dames de haut rang du clan des gorilles ont cherché à accaparer le monde pour leurs enfants. Inutile de se demander pourquoi les héros grecs, les guerriers Yanomamo et les Romains déchaînés ont risqué leur vie pour trouver de nouveaux ventres à ensemencer. A chaque fois qu’un spermatozoïde et un ovule accouchent d’une nouvelle créature dans le monde, le vainqueur est un gène."
Dès lors, la violence humaine n’est pas une aberration de l’évolution : elle en est le prolongement logique. Et c’est en comprenant cette logique que nous pourrons, peut-être, commencer à la dépasser.
Partie 3 : Pourquoi les humains s’autodétruisent
Dans la partie 3 de son livre "Le principe de Lucifer", Howard Bloom commence par remettre en question un pilier de la biologie moderne : l’idée que l'évolution n'opère qu'au niveau de l'individu.
Il montre que cette vision, dominante depuis des décennies, ne permet pas d’expliquer certains comportements humains (et animaux) qui contredisent clairement cette vision. Howard Bloom évoque notamment les suicides collectifs de civils japonais à Okinawa, encouragés au nom de l’honneur national, ou l’augmentation dramatique des suicides pendant la Grande Dépression. De tels actes ne peuvent être compris si l’on part du principe que chaque individu cherche avant tout à ne préserver que sa propre vie.
Il retrace l’histoire de ce débat scientifique, rappelant que Darwin lui-même admettait l’existence d’une "sélection de groupe", avant que cette idée ne soit largement écartée par les généticiens au XXe siècle au profit de la "sélection de parentèle", plus conforme à la théorie des gènes égoïstes.
Pourtant, les phénomènes biologiques abondent et résistent à cette grille de lecture : les gazelles qui lancent un cri d’alerte en présence d’un prédateur, au risque de se faire repérer elles-mêmes ; les guêpes stériles qui consacrent leur vie à la colonie ; ou encore l'"apoptose", ce mécanisme par lequel certaines cellules s’autodétruisent pour protéger l’organisme entier.
Pour Howard Bloom, ces exemples démontrent que nous sommes programmés pour servir parfois les intérêts du groupe au détriment de notre survie individuelle. En d’autres termes : l’être humain, parfois, est biologiquement câblé pour se sacrifier au nom d’un collectif, même si ce sacrifice va à l’encontre de sa propre survie.
Et ce comportement, affirme l’auteur, ne relève pas d’un élan de noblesse altruiste, mais d’un programme biologique plus vaste : celui du superorganisme.
Dans le chapitre 10 du "Principe de Lucifer", Howard Bloom fait un parallèle entre l'organisation cellulaire et sociale. Il explique, en effet, que nous ne sommes pas de simples individus isolés, mais les composants d’organismes collectifs d’une taille bien plus vaste. À l’image des cellules qui composent un corps humain, chaque être humain fait partie intégrante d’un "superorganisme" social.
Howard Bloom illustre cette analogie avec une série d’exemples issus du monde vivant : les fourmis, dont les actions coordonnées donnent l’illusion d’un seul être pensant ; les myxomycètes, ces organismes unicellulaires qui fusionnent en une masse collective dès qu’un danger survient ; ou encore les éponges, capables de se désassembler et de se réorganiser spontanément pour survivre.
Pour l'auteur, ces systèmes nous rappellent alors que l’humain, aussi sophistiqué soit-il, ne peut, comme ces organismes unicellulaires, survivre seul. Nous sommes biologiquement, émotionnellement et culturellement façonnés pour vivre au sein d’un tissu collectif. Hors du groupe, nous dépérissons.
Dans ce chapitre émouvant, Howard Bloom met en lumière l’un des plus grands dangers qui guettent l’être humain : l’isolement social.
Loin d’être un simple inconfort, la solitude prolongée agit comme un poison, affectant à la fois notre santé mentale et notre intégrité physique. Oui, la rupture ou destruction des liens sociaux peut être fatal à l’individu, lance l’auteur.
Howard Bloom revient sur plusieurs exemples déchirants : des nourrissons privés d’affection dans les orphelinats, dont le développement se fige ou s’effondre ; Flint, un jeune chimpanzé mort peu après le décès de sa mère, rongé par le chagrin ; ou encore Lawrence d’Arabie, qui, après avoir été un héros adulé, se replie sur lui-même et se détériore, une fois arraché à sa communauté d’adoption.
À travers ces récits, Howard Bloom prouve une évidence : l’être humain a besoin des autres pour rester en vie, au sens le plus littéral du terme. Être exclu, oublié ou séparé du groupe revient à perdre l’ancrage vital qui nous relie à notre humanité.
C’est pourquoi, notre intégration dans le superorganisme social est plus qu’un besoin : c’est une condition de survie.
Dans ce chapitre, Howard Bloom déconstruit le mythe de l'indépendance émotionnelle.
À rebours de l’idéal du leader inébranlable, il révèle que même les figures historiques les plus redoutées - Hannibal, Hitler, et tant d’autres - étaient rongées par des insécurités profondes qu’ils dissimulaient sous une façade d'imperturbabilité.
Pour illustrer son propos, l’auteur du "Principe de Lucifer" se réfère aux travaux de Frans de Waal, qui a observé chez les chimpanzés un comportement troublant : les mâles alpha, bien qu’en apparence sereins, sont en réalité anxieux, sur le qui-vive, préoccupés en permanence par le maintien de leur statut.
Selon Howard Bloom, cette mascarade de dureté émotionnelle n’est pas un signe de force, mais une posture héritée de notre passé animal. Le problème, c’est qu’elle continue à façonner nos attentes, un idéal trompeur : dès lors, nous valorisons l’autosuffisance émotionnelle, et nous culpabilisons à l’idée de dépendre des autres.
Or, cette dépendance n’a rien d’anormal : elle est profondément humaine… et vitale.
Dans ce chapitre, Howard Bloom critique un dogme bien ancré dans la thérapie moderne : son approche individualiste. L’idée que le salut passe par l’amour de soi.
Pour lui, cette approche centrée sur l’estime de soi, aussi répandue soit-elle, passe à côté de l’essentiel. Car notre équilibre intérieur ne peut se construire en vase clos. Il dépend fondamentalement de nos relations sociales, de notre place dans le groupe, du tissu social dans lequel nous évoluons.
Howard Bloom va jusqu’à dire que nos instincts d’autodestruction, qu’ils prennent la forme du retrait, du sabotage ou même de la maladie, sont souvent déclenchés par un sentiment d’exclusion ou d’inutilité sociale. Ce qui prouve bien que l’humain n’a pas été biologiquement conçu pour vivre centré sur lui-même :
"La meilleure façon de désactiver le mécanisme autodestructeur n’est pas de pleurer sur les traumatismes de son enfance jusqu’à ce que l’on finisse par aimer l’enfant qui est en nous. C’est de comprendre que les éléments autodestructeurs sont contrôlés par des forces sociales : notre besoin de savoir si nous sommes à la hauteur des standards fixés par ceux que nous respectons et notre relation avec nos amis, notre mari, notre femme et même nos chiens et nos chats."
En somme, nous ne sommes pas programmés pour l’auto-suffisance, mais pour la participation à un tout. Aimer l’enfant en soi ? Oui. Mais tant que cet enfant n’est pas relié aux autres, il reste seul, et vulnérable.
Partie 4 : Le Dieu des uns est le Diable des autres
Howard Bloom compare ici le fonctionnement des sociétés humaines à celui du système immunitaire.
Comme les globules blancs qui distinguent les cellules amies des intrus, les groupes humains développent des marqueurs d'identité (tenues vestimentaires, langages, coutumes, rituels) pour différencier les membres de leur communauté des "autres".
Cette tendance universelle à former des groupes opposés s’observe à travers les âges et les espèces. On la retrouve même chez les animaux. Mais ce besoin de différenciation a un prix, alerte l’auteur : il peut conduire à une déshumanisation totale de l’autre.
Howard Bloom illustre ses propos avec l’exemple glaçant de Bertha Krupp, riche héritière allemande, qui montrait une grande tendresse et compassion envers "les siens"… tout en fermant les yeux sur la souffrance de milliers d’ouvriers forcés à travailler dans ses usines d’armement.
Ce contraste brutal témoigne de notre capacité d’empathie qui se limite souvent à notre propre camp. En somme, la frontière entre "nous" et "eux", loin d’être abstraite, structure nos sociétés, mais elle peut aussi nourrir l’exclusion, l’indifférence, voire la barbarie...
Howard Bloom décortique à présent une tactique utilisée par les leaders aussi vieille que le pouvoir lui-même : créer un ennemi pour unir les siens.
Car quoi de plus efficace pour renforcer la cohésion d’un groupe que de le persuader qu’il est menacé de l’extérieur ?
L’auteur du "Principe de Lucifer" appuie sa démonstration sur deux cas historiques édifiants. Le premier : le gouverneur Faubus, qui dans les années 1950, fabriqua de toutes pièces une "menace noire" pour galvaniser l’Arkansas ségrégationniste contre la déségrégation scolaire. Le second : Fidel Castro, qui exploita l’hostilité américaine pour asseoir son autorité à Cuba et justifier la mise en place d’un pouvoir totalitaire.
Dans les deux cas, l’ennemi devient une figure centrale, pas pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il permet : détourner l’attention des tensions internes, offrir un exutoire aux frustrations, et maintenir l’unité du groupe sous tension.
L'invocation d'un ennemi, réel ou imaginaire, est donc, pour l’auteur, un outil de manipulation sociale profondément enraciné dans notre fonctionnement collectif.
Howard Bloom s’intéresse ici à un mécanisme psychologique aussi subtil que redoutable : la projection.
Il explique comment notre esprit, pour se protéger, refoule les pensées, souvenirs, désirs ou pulsions jugés inacceptables… puis les projette sur l’extérieur. Le "mal" que nous refusons de voir en nous, nous l’attribuons à un autre. Ce tour de passe-passe mental transforme alors nos démons intérieurs en ennemis bien réels.
Howard Bloom illustre ce phénomène à travers l’exemple des fondamentalistes religieux américains. Animés par une forte répression de leurs propres désirs, notamment sexuels, ces derniers accusent les "humanistes profanes", de perversion, de décadence morale. En réalité, ce qu’ils combattent chez "l’autre", ce sont souvent leurs propres pulsions inavouées.
Ce glissement, selon Howard Bloom, est d’ailleurs au cœur de nombreux mouvements idéologiques et religieux. Car la projection permet non seulement de préserver une image de soi intacte, mais offre aussi un ennemi imaginaire commun autour duquel un groupe peut se souder, un mouvement s’unifier.
Cette capacité à transformer une faille intime en croisade morale devient alors un puissant levier de manipulation collective.
Cette partie du livre "Le Principe de Lucifer" explore le rôle paradoxal de la haine dans la construction des sociétés humaines. Loin de la réduire à une pathologie individuelle, Howard Bloom présente ici la haine comme une force structurante, presque fonctionnelle.
Selon lui, chaque être humain vit avec un écart entre ce qu’il est et ce qu’il pourrait être. Cette frustration de ne jamais réaliser pleinement son potentiel, génère chez lui, naturellement, une forme de rage intérieure. Plutôt que de laisser cette énergie négative exploser et détruire le groupe de l’intérieur, les sociétés apprennent à la canaliser vers l’extérieur, à la rediriger vers des ennemis désignés.
Howard Bloom compare ce processus à la façon dont les premiers organismes multicellulaires ont transformé les déchets calciques toxiques en ossature protectrice : notre squelette. De la même façon, les sociétés transforment leur "déchet psychologique", la haine, en structure, en ciment qui soude les groupes sociaux.
Chaque culture, explique alors l’auteur, développe ses "autorisations" à haïr certains types de personnes : hérétiques, étrangers, riches, pauvres, infidèles… Ces permissions deviennent des vertus collectives, qui renforcent l’identité du groupe et la légitimité de ses dirigeants à les suivre contre un ennemi commun.
La haine, dans cette optique, n’est pas un échec du lien social, elle en est parfois la condition même.
Partie 5 : L’homme : Inventeur du monde invisible
Howard Bloom commence cette nouvelle partie en introduisant un concept clé de son raisonnement : le même.
Le mème est une idée qui, comme un gène, se réplique et se propage non pas dans le corps, mais dans les esprits, de cerveau en cerveau.
Contrairement aux gènes qui façonnent les organismes biologiques à travers des millions d’années d’évolution lente, les mèmes structurent les sociétés humaines avec une rapidité fulgurante.
Le marxisme en est un bon exemple : une idée née dans l'esprit isolé de Marx, longtemps marginalisée, avant de trouver l'opportunité de la révolution russe (le bon "hôte") pour infecter des millions d'esprits à travers le monde.
Selon Howard Bloom, cette capacité à remodeler les sociétés sans toucher à l’ADN marque une étape majeure de l’évolution. Les mèmes sont devenus les nouveaux réplicateurs dominants : capables de transformer le monde en quelques décennies.
Howard Bloom retrace ici l'évolution des mèmes à partir des "marqueurs d'identité tribale".
Il raconte comment les rats reconnaissent les membres de leur clan à l’odeur : un moyen biologique de distinguer le "nous" du "eux". Puis explique comment, chez les premiers humains, cette reconnaissance s’est faite non seulement par le sang, mais aussi par des symboles, des rites, des récits : des marqueurs culturels qui agissent comme des codes tribaux.
L’auteur retrace comment les mèmes ont progressivement pris le relais des gènes pour structurer l’appartenance. L’histoire du christianisme en est un exemple frappant : d’abord religion tribale liée aux gènes juifs, il devient, grâce à l’intervention de Saint Paul, une "religion transmissible" capable de rassembler des peuples génétiquement différents.
Ce tournant marque ainsi l’émancipation des idées : les mèmes deviennent forces autonomes de l’histoire, capables de forger des superorganismes humains, non plus fondés sur la parenté biologique, mais sur une identité mémétique partagée..
Dans ce chapitre, Howard Bloom affirme que la vérité d'une croyance importe moins que sa capacité à souder un groupe. En d’autres termes, la valeur d’une idée ne dépend pas de sa véracité, mais de son efficacité sociale.
L’auteur évoque plusieurs cas emblématiques : une secte persuadée de l’arrivée imminente de soucoupes volantes, les prédictions erronées de l'Adventisme du Septième Jour, ou encore le marxisme, dont les promesses utopiques n’ont jamais été tenues.
Howard Bloom montre que même quand leurs prédictions échouent, ces systèmes de croyances survivent, et parfois même se renforcent. Pourquoi ? Parce qu’elles offrent un récit commun, une identité partagée, une grille de lecture du monde. Elles unissent les individus en un tout cohérent.
Et pour Howard Bloom, c’est là que réside le véritable succès d’un mème : non dans sa capacité à dire le vrai, mais à créer et maintenir la cohésion du superorganisme humain.
Howard Bloom aborde, dans cette partie, une question fondamentale : pourquoi adhérons-nous à des idées, même irrationnelles ? Sa réponse : parce que nous avons un besoin biologique de sentir que nous avons le contrôle.
À travers l'exemple des tribus indiennes Nilgiri, où les sorciers Kurumba exerçaient un pouvoir considérable grâce à leur prétendu contrôle sur les maladies, l'auteur nous montre que l'illusion du contrôle est vitale pour notre survie. Cette illusion, précise-t-il, apporte un sentiment de sécurité, une forme d’ordre face au chaos du monde.
Howard Bloom cite également des expériences menées sur des rats : on y observe que ceux qui croient avoir un certain contrôle sur leur environnement vivent plus longtemps, résistent mieux au stress et tombent moins malades. En fait, pour l’auteur, c'est ce besoin profond de maîtrise (même fictive) qui nous pousse à adhérer aux systèmes de croyances (récits, religions, idéologies), croyances qui nous donnent l’impression d’avoir prise sur l’invisible.Et c’est précisément cette illusion, conclut Howard Bloom, qui rend les mèmes si puissants : ils nous offrent, au-delà du rationnel, une façon de survivre psychologiquement.
Dans ce chapitre, Howard Bloom dresse un parallèle entre les sorciers d’autrefois et les médecins d’aujourd’hui.Derrière l’apparence de rigueur scientifique, il pointe leur façon de vendre l’illusion du contrôle et un besoin commun : celui de rassurer, de faire croire que l’on contrôle ce qui, en réalité, échappe encore largement à la compréhension humaine.
Dans cette idée, Howard Bloom dénonce certaines pratiques médicales – prescriptions d’examens inutiles, déni des symptômes, traitements standardisés - comme des rituels modernes qui masquent l’impuissance des médecins face à des maladies mal comprises.
Il rappelle que les progrès de la médecine n’expliquent pas à eux seuls l’amélioration de la santé publique, et que bien souvent, les médecins eux-mêmes ne reconnaissent que les pathologies qu’ils savent traiter. Autrement dit, ils ne guérissent pas tout, mais ils maintiennent l’illusion d’un savoir tout-puissant, exactement comme le faisait le sorcier du village.
Howard Bloom poursuit en explorant un autre pilier de l’illusion de contrôle : la religion.
À travers l’exemple du pape Grégoire VII (Hildebrand) défiant l’empereur Henri IV, il montre comment l’Église a imposé son autorité non pas par la force, mais en affirmant sa maîtrise sur l’invisible : le salut, l’enfer, le destin éternel des âmes.
Ainsi, en offrant notamment l'espoir d'une vie après la mort et la promesse de maîtriser leur destin éternel, l'Église médiévale vendait une illusion salvatrice aux serfs privés de tout pouvoir réel. Pour ces paysans démunis de tout pouvoir, ces promesses étaient vitales. L’Église apportait un sens, une espérance, une forme de contrôle sur une existence autrement accablante.
Howard Bloom explique que cette stratégie est toujours d’actualité. Les mouvements religieux modernes, notamment les fondamentalismes, exploitent ce même besoin de certitude face à l’inconnu pour gagner une influence politique et idéologique. La prière devient ainsi un acte de survie psychologique et une arme sociale de premier plan.
Dans ce chapitre, Howard Bloom élargit sa réflexion sur le pouvoir à tous ceux qui se présentent comme les interprètes de l’invisible.
De Newton aux prêtres aztèques, des médecins modernes aux astrologues ou encore experts en psychologie, tous tirent leur autorité de leur prétendue capacité à comprendre ce que le commun des mortels ne voit pas.
Ce pouvoir, souligne-t-il, repose moins sur la vérité que sur la confiance - ou la peur - qu’ils inspirent. Car nous sommes vulnérables face à ce que nous ne comprenons pas : microbes, forces cosmiques, mécanismes de l’esprit, théories éducatives... autant de mondes cachés qui nous échappent mais régissent notre monde, influencent nos vies. En prétendant en détenir les clés, les "experts de l’invisible" captent une immense influence. Et nous continuons, comme nos ancêtres, à leur accorder un pouvoir démesuré.
Howard Bloom clôt la 5ème partie de son ouvrage "Le principe de Lucifer" en explorant le rôle vital des modèles mentaux de l’invisible dans l’évolution humaine.
Il compare deux visions du monde : celle mathématique d’Einstein, qui imagine un univers courbé à travers des équations, et celle des Esquimaux, qui attribuent la chaleur de leurs igloos aux esprits.Deux modèles radicalement différents… mais qui partagent une même fonction : donner sens à l’invisible qui nous entoure pour mieux agir sur le monde.
Pour Howard Bloom, ces constructions mentales - ces mèmes organisateurs - sont devenues les nouveaux moteurs de l’évolution humaine. Même s’ils sont souvent approximatifs ou faux, ils permettent à nos sociétés de se structurer, d’innover, de survivre. En somme, aujourd’hui, conclut l’auteur, ce ne sont plus nos gènes qui dictent nos grandes transformations, mais nos idées. Et parmi elles, ce sont les visions du monde, même les plus abstraites, qui façonnent nos civilisations.
Partie 6 : Les mystères de la machine d’apprentissage évolutionniste
Dans cette nouvelle partie, Howard Bloom commence par comparer le fonctionnement de nos visions du monde à celui des réseaux neuronaux artificiels.
Comme ces ordinateurs capables de résoudre des problèmes complexes en générant des modèles approximatifs mais efficaces, notre cerveau tisse en permanence des réseaux de neurones, autrement dit des connexions entre idées, perceptions et expériences pour donner du sens à un monde souvent invisible.
Ces modèles mentaux, aussi imprécis soient-ils, fonctionnent, car ils nous permettent de prendre des décisions, de coopérer et de survivre.
Mais ils ont un coût : ils sont profondément enracinés dans notre cerveau. Howard Bloom explique que remettre en question une croyance, ce n’est donc pas simplement changer d’avis : c’est détruire une architecture neuronale entière, construite parfois sur des années. D’où notre résistance ardente et instinctive à abandonner nos convictions : elles ne sont pas qu’intellectuelles, elles sont neurologiquement ancrées.
Dans ce chapitre, Howard Bloom pousse plus loin son analogie entre le cerveau et la société.À l’image des neurones qui communiquent constamment pour former une pensée, les individus d’une société échangent, réagissent, influencent mutuellement. Ils forment ainsi un réseau vivant capable de solutionner collectivement des problèmes qu’aucun individu ne pourrait résoudre seul.
Il prend l’exemple des abeilles, capables par leur danse et leurs échanges chimiques de réaliser des calculs complexes pour trouver la meilleure source de nectar. Chez les humains, les signaux sociaux (humeurs, comportements, émotions) jouent un rôle similaire. Pour Howard Bloom, l’évolution ne met pas en concurrence des individus isolés, mais des réseaux sociaux interconnectés, dont la complexité croissante dessine le futur de l’humanité.
Howard Bloom aborde ici une vérité biologique brutale : dans l’histoire de l’évolution, les mâles ont souvent été traités comme des éléments interchangeables.
Fœtus masculins plus fragiles, espérance de vie plus courte, surexposition aux risques et aux guerres : la Nature semble avoir conçu les hommes comme des ressources "jetables".
Cette différence de traitement s'explique par une simple logique reproductive : un seul homme peut féconder de nombreuses femmes, alors que chaque femme est indispensable à la reproduction. Dans une logique froide d’optimisation de survie de l’espèce, mieux vaut préserver les femmes, et "jouer" avec les hommes.
Pour Howard Bloom, cette "remplaçabilité" des hommes devient encore plus critique à l'ère de l'information. Pourquoi ? Parce que leur force physique n'est plus un avantage déterminant. L'auteur suggère que l'émergence de comportements plus androgynes, plus équilibrés, pourrait être une réaction évolutive à cette prise de conscience de leur caractère dispensable : dans le superorganisme moderne, le mâle traditionnel n’est plus aussi indispensable qu’avant.
Ce chapitre du "Principe de Lucifer" explique pourquoi la Nature gaspille si facilement les vies masculines : c'est un pari pour l'expansion du superorganisme.
À l’image des fourmis qui envoient des milliers d’individus explorer des territoires hostiles dans l’espoir que quelques-unes fondent une nouvelle colonie, les sociétés humaines ont historiquement utilisé leurs jeunes mâles comme des pions dans leurs jeux de conquête territoriale.
L'auteur illustre ce principe à travers divers exemples historiques. Raids bédouins, conquêtes vikings, explorations violentes : derrière ces épopées se cache une stratégie darwinienne. Peu importe le nombre de pertes, pourvu que quelques-uns survivent, s’imposent, et transmettent leurs gènes. Le mâle devient alors un dé lancé par la société, dont le sort individuel importe peu face à la réussite collective.
Howard Bloom propose ici une hypothèse sur la transmission évolutive de notre capacité à lancer (une pierre, une arme, un outil. Et si celle-ci était un trait sélectionné par l’évolution ?
Dans les sociétés primitives, celui qui lançait avec précision pouvait chasser, se défendre, vaincre. Il devenait un chef, attirait les femmes, laissait plus de descendants. Un avantage reproductif majeur, souligne Howard Bloom.
Pour l'auteur, cette sélection naturelle, couplée aux guerres tribales où les vainqueurs s'emparaient des femmes des vaincus, aurait rapidement été favorisée et transmise. Elle aurait permis la diffusion de ce trait génétique bénéfique au superorganisme social.
En cela, le lancer n’est pas juste un geste anodin, c’est peut-être un des premiers grands moteurs de l’évolution culturelle et biologique humaine, termine l’auteur.
Dans ce chapitre, Howard Bloom décrit comment les mèmes, ces idées virales, savent parfaitement exploiter nos instincts animaux les plus archaïques pour déclencher des conflits à grande échelle.
À travers l'exemple d'Oliver Cromwell, dont la violence juvénile trouva son expression dans le puritanisme militant, l'auteur illustre comment les idées religieuses peuvent mobiliser nos pulsions primitives. Howard Bloom établit ici un parallèle avec le comportement des rats, qui éliminent les rivaux pour contrôler un territoire.
De la même manière, Cromwell justifie l’élimination massive des catholiques irlandais au nom de la "purification". Il transforme, de cette façon, la violence instinctive en conflit idéologique. Finalement, pour Howard Bloom, la guerre entre puritains et catholiques en Irlande révèle la puissance redoutable des mèmes : ils infiltrent notre cerveau reptilien et limbique, siège de nos instincts de peur, d’agression et d’appartenance, pour orienter nos actes. Sous couvert d’idéologie, c’est souvent l’animal en nous qui s’exprime, armé cette fois d’un discours moral ou divin.
Partie 7 : L’idéologie, c’est d’abord du vol
Dans ce chapitre, Howard Bloom montre comment les idées invisibles peuvent devenir des armes plus puissantes que les épées.
Il prend pour exemple l’histoire de Mahomet : un marchand marginalisé dont les visions mystiques d’abord moquées ont fini par se transformer en un mouvement religieux capable de fonder l’un des plus vastes empires de l’histoire.
Pour Howard Bloom, ce récit n’est pas seulement spirituel : il est une démonstration de la force militaire des mèmes. Une croyance, quand elle capte les bonnes émotions et fédère un groupe, peut transformer un simple superorganisme social en machine de guerre conquérante.
L’Islam, dans sa phase d’expansion, illustre parfaitement comment une idée, née dans un esprit isolé, peut se propager à l’échelle d’un continent et renverser des civilisations entières. L’arme ici, ce n’est pas l’acier, c’est le monde invisible des croyances partagées.
Howard Bloom montre ici que les prophètes, qu’ils soient religieux ou idéologiques, ne réalisent pas toujours leurs visions surnaturelles… mais parviennent malgré tout à changer le monde.Leurs promesses d’utopie peuvent échouer dans les faits, mais elles réussissent à créer des "superorganismes" sociaux puissants, capables de concrétiser une part de leurs visions.
Pour mieux comprendre, l’auteur revient sur l’histoire du christianisme et de l’islam : les fidèles de ces religions, d'abord persécutés, ont fini par accéder au pouvoir et à la richesse grâce à leur force d’organisation collective.Pour Howard Bloom, le vrai pouvoir des prophètes ne réside pas dans le miracle, la prophétie ou leurs promesses divines, mais dans leur aptitude à unir les hommes en groupes organisés autour d’un récit commun. En somme, les prophètes sont des architectes de cohésion sociale, pas des magiciens.
Dans ce chapitre, Howard Bloom décortique la relation symbiotique entre les humains et les mèmes.
D'un côté, les hommes adoptent les idées car elles leur apportent cohésion sociale, pouvoir et richesse, comme l'illustre le cas de Fidel Castro. De l'autre, les mèmes "choisissent" les esprits humains qu’ils vont coloniser pour se propager. Ils étendent leur influence en exploitant des mécanismes comme la peur (menace de l’enfer), l’espoir (du paradis), la conquête militaire…
Ainsi, selon l’auteur, chaque société devient le théâtre d’un jeu d’influence où les idées se servent des hommes autant que les hommes se servent des idées.
Howard Bloom dévoile la vraie nature des idéologies : des masques nobles dissimulant l'appétit territorial des groupes sociaux. C’est pourquoi, lance-t-il, derrière les discours enflammés sur la justice ou la vérité, il y a bien souvent une réalité plus terre à terre : la conquête, l’appropriation, la domination.
À travers l'analogie de l'amibe qui absorbe ses voisines, l'auteur montre que les superorganismes humains, guidés par leurs mèmes, cherchent constamment à croître en s'appropriant les ressources des autres.
Il cite divers exemples historiques où la morale et la religion ont servi de prétextes, d’alibis aux conquêtes. Comme le marxisme : une promesse de redistribution des richesses des capitalistes… mais aussi une justification à l’expropriation. Ou encore les conquêtes hébraïques ou musulmanes : des guerres présentées comme sacrées, qui masquaient un besoin d’expansion territoriale.
Bref, pour Howard Bloom, la morale est l’emballage idéologique d’un appétit territorial : derrière chaque croisade morale se cache un simple désir d'expansion et de domination.
Dans ce chapitre, Howard Bloom démonte l’idée selon laquelle les conflits religieux seraient purement théologiques. Il analyse comment l'idéologie masque, en réalité, les luttes de pouvoir au sein même des sociétés.
À travers deux exemples historiques majeurs, l'auteur montre comment des tensions sociales se transforment en conflits idéologiques :
Exemple 1 : la révolution bolchévique. Le discours de Lénine contre les "classes possédantes" justifia le pillage et la redistribution du pouvoir.
Exemple 2 : le schisme entre Chiites et Sunnites dans l'Islam primitif qui, sous couvert de querelle religieuse, cachait en réalité un affrontement de classes entre ruraux pauvres et citadins aisés, avec pour enjeu le contrôle des ressources.
Et pour Howard Bloom, l'histoire se répète : les attaques terroristes chiites modernes contre l'Occident suivent le même schéma d'une lutte sociale déguisée en conflit religieux.
Howard Bloom se penche ensuite sur des domaines qu’on imagine neutres voire nobles comme la médecine et la poésie pour montrer comment même ceux-ci peuvent également masquer des luttes de pouvoir entre groupes sociaux.
L'auteur illustre son propos à travers deux exemples :
L'élimination de l'homéopathie par les médecins allopathes au XIXe siècle, non pas par pur souci scientifique, mais pour conserver leur monopole institutionnel.
La poésie d'Horace dans la Rome antique qui, sous couvert d'idéal bucolique, délégitimait subtilement le système politique dont il était exclu.
Ainsi, pour Howard Bloom, ces cas démontrent que même les plus nobles expressions culturelles sont traversées par des dynamiques d’exclusion et de rivalité, et peuvent dissimuler des ambitions de domination sociale.
Howard Bloom examine ici le phénomène de hiérarchie sociale à travers les espèces. Plus précisément, il montre que les conflits entre idéologies suivent les mêmes logiques hiérarchiques que celles observées dans le règne animal.
Pour mieux comprendre, l'auteur revient sur les travaux du naturaliste Schjelderup-Ebbe qui a mis en évidence l'existence d'un "ordre de préséance" chez les poulets, un système que l'on retrouve chez de nombreuses espèces.
Il fait alors remarquer que la position dans cette hiérarchie influence profondément la physiologie et le comportement : de la production hormonale à l'espérance de vie, en passant par le succès reproductif.
Mais ce principe ne s’arrête pas à la basse-cour, assure l’auteur : il est universel. Les humains, les sociétés, et même les nations, s’organisent en hiérarchies de dominance. Les civilisations victorieuses imposent leurs mèmes aux autres. Ceci explique l'influence durable de certaines civilisations sur d’autres.
Rome, par exemple, ne s’est pas contentée de vaincre militairement : elle a diffusé sa langue, son droit, son mode de pensée.
Ainsi, les mèmes du dominant deviennent la norme. Et c’est ainsi que s’écrit l’histoire.
Dans ce chapitre, Howard Bloom développe l’idée suivante : le rang détermine les alliances.Comme chez les poules, où les individus les mieux placés dans la hiérarchie sociale attirent les faveurs et les soutiens, les sociétés humaines fonctionnent selon les mêmes lois implicites de dominance. Ainsi, le succès attire les alliés tandis que le déclin les fait fuir.
L’histoire de Carthage et de Rome en est un parfait exemple. Lorsque Carthage dominait la Méditerranée, elle était entourée d’alliés puissants. Mais dès que Rome a pris l’ascendant, ces alliances se sont effondrées comme un château de cartes. Les peuples ont basculé dans le camp du plus fort, ou de celui qui semblait l’être.
Howard Bloom étend cette logique à l'époque contemporaine en analysant la Guerre Froide. Le lancement du satellite soviétique Spoutnik a marqué, symboliquement, la montée de l’URSS dans la hiérarchie mondiale. Résultat : de nombreux pays du tiers-monde, jusque-là alignés sur les États-Unis, ont commencé à se rapprocher du bloc soviétique.
En résumé, pour l’auteur du "Principe de Lucifer", c’est une dynamique universelle : la position dans l’ordre mondial détermine la survie d’un superorganisme. Être vu comme dominant attire soutien, ressources et influence. Le déclin, en revanche, isole.
Howard Bloom étudie comment les systèmes de croyances légitiment et perpétuent ces hiérarchies sociales.
Il s’intéresse à l’exemple de l’hindouisme, qu’il analyse non seulement comme une religion, mais comme un outil politique raffiné.
Selon lui, ce système de pensée a permis de justifier la domination des envahisseurs aryens sur les populations indiennes conquises. Le système des castes, observe Howard Bloom, n’a pas simplement organisé la société : il a transformé une conquête militaire en ordre social inattaquable divinement ordonné, gravé dans la spiritualité même de la culture.
Ce phénomène, ajoute l’auteur, ne se limite pas à l’Inde. Toutes les grandes civilisations se sont servies de leurs idéologies et religions pour sanctifier les privilèges des classes dominantes issues d’anciennes conquêtes. Elles les ont utilisées comme des "fers à souder", pour maintenir l’ordre hérité de la violence initiale. C’est ainsi que les élites, souvent issues de conquérants, légitiment leur position : non par la force brute, mais par des récits sacrés ou idéologiques de droit divin, de mérite moral, ou de supériorité culturelle.
Au fond, les croyances façonnent non seulement ce que nous voyons comme "juste" ou "naturel", mais aussi l’architecture invisible des dominations sociales.
Partie 8 : Qui sont les prochains barbares ?
Cette partie du "Principe de Lucifer" démontre que la domination dans l'ordre de préséance n'est jamais définitive. Ainsi, aucune civilisation ne reste éternellement au sommet. Les superorganismes dominants finissent toujours par être renversés, souvent par ceux qu’ils ont méprisés ou ignorés.
Howard Bloom développe cette idée que les grandes civilisations sont régulièrement renversées par des peuples "barbares" qu'elles méprisaient, avec une série d’exemples frappants : l’Égypte conquise par les Hyksos, Babylone tombant face aux Perses, la Perse vaincue par les Grecs... Et plus récemment, l’ascension de l’Allemagne surpassant la France, ou encore celle des États-Unis et de la Russie devenant les nouvelles puissances du XXe siècle.
Conclusion de l’auteur : le mépris des superpuissances les rend aveugles et leur suffisance vulnérables face à des adversaires sous-estimés mais déterminés.
Dans ce chapitre, Howard Bloom aborde frontalement l'existence de cultures qui glorifient la violence et le meurtre.
Il s’attaque en particulier au fondamentalisme islamique moderne, en analysant son expansion et sa rhétorique belliqueuse. À travers les écrits de l'Ayatollah Khomeini et d'autres leaders religieux, Howard Bloom montre comment certaines interprétations de l'Islam prônent ouvertement la guerre contre les "infidèles".
L’auteur souligne, par ailleurs, l'influence croissante de cette idéologie : les mouvements fondamentalistes gagnent du terrain dans de nombreux pays, de l'Afrique à l'Asie, en passant par l'Occident. Il conteste les universitaires qui minimisent cette menace en arguant de la diversité de l'Islam. Pour lui, même une minorité violente peut prendre le contrôle d'une société, comme l'ont prouvé les nazis en Allemagne.
Howard Bloom s'inquiète également de la combinaison de cette idéologie expansionniste avec l'accès aux armes modernes, y compris nucléaires, qui pourrait selon lui menacer la survie même des sociétés occidentales..
Howard Bloom élargit sa réflexion en étudiant la violence endémique dans d’autres régions du monde, au-delà du fondamentalisme islamique :
En Amérique latine, il met en évidence des formes de brutalité politique et sociale antérieures à l’influence américaine : dictatures sanglantes, guérillas, meurtres de masse.
En Afrique, il décrit comment de nombreux dirigeants post-coloniaux ont perpétré des politiques de terreur, voire de génocide, contre certaines ethnies ou opposants politiques.
Howard Bloom n’épargne pas non plus l’Occident : l’histoire des États-Unis, marquée par l’extermination des Amérindiens, montre que toutes les sociétés portent en elles un potentiel de barbarie.
Mais pour lui, la différence tient à la manière dont une culture gère ce potentiel. Certaines sociétés cherchent à canaliser la violence par le droit, le dialogue, les institutions démocratiques. D’autres, au contraire, valorisent le meurtre comme mode de régulation sociale.
Sa conclusion : il est vital de préserver et promouvoir les valeurs démocratiques des sociétés qui privilégient le dialogue à la violence.
Dans ce chapitre, Howard Bloom explore une possible origine psychologique de la violence culturelle : il affirme que le manque d'affection physique dans l'enfance corrèle avec la violence à l'âge adulte.
En effet, l’auteur s’appuie ici sur les travaux du chercheur James W. Prescott, qui a étudié 49 sociétés primitives, pour établir un constat : plus les contacts affectifs sont absents pendant l’enfance, plus ces cultures valorisent la violence à l’âge adulte.
Howard Bloom applique cette théorie à la société islamique traditionnelle, qui serait marquée, selon lui, par une certaine froideur paternelle et par la répression des gestes d’affection, en particulier entre hommes et femmes.
Il rapproche ce modèle de l’Angleterre puritaine des XVIe et XVIIe siècles, où la distance affective envers les enfants allait de pair avec une société rigide et brutale.
Pour Howard Bloom, le message est clair : le lien physique, l’étreinte, n’est pas un détail affectif, c’est une fondation biologique de la paix sociale. L’absence d’amour incarné peut engendrer des générations prêtes à haïr.
Howard Bloom s’attaque ici à un piège dans lequel tombent toutes les civilisations dominantes : la suffisance, cette certitude arrogante d’être à l’abri.
Il nous met alors en garde contre les dangers de cet excès de confiance, de cette autosatisfaction, qui peut mener, lance-t-il, à la chute des civilisations.
Il évoque, comme exemple, la Chine impériale, qui, deux fois dans son histoire, a été envahie peu après avoir désarmé, convaincue que sa grandeur la protégeait. Il cite aussi Byzance, rongée de l’intérieur par ses querelles intestines avant sa conquête par l’Empire islamique.
Howard Bloom établit aussi un parallèle audacieux avec l’Occident contemporain. Selon lui, nos débats internes passionnés nous aveuglent, au point de ne plus voir les menaces extérieures se profiler, comme l'illustre la réaction américaine à l'attentat contre les Marines au Liban en 1983.
En bref, la suffisance, selon l’auteur du "Principe de Lucifer" n’est pas un confort, c’est un aveuglement. Et c’est souvent ce qui précède la chute.
Dans ce chapitre, Bloom déconstruit les présupposés des politiques d’aide internationale occidentales. Il explique que dans de nombreuses cultures, recevoir des dons est perçu comme une humiliation, car cela confirme leur position inférieure dans la hiérarchie mondiale.
À travers des exemples historiques et anthropologiques - des rituels de Nouvelle-Guinée à l'Iran moderne - Howard Bloom démontre que le prestige et le statut sont souvent plus importants que le bien-être matériel.
Il raconte comment, malgré l'amélioration considérable de leur niveau de vie sous le Shah pro-américain, les Iraniens ont préféré suivre Khomeini qui leur rendait ce que l’argent ne pouvait acheter : la dignité et la fierté de se considérer moralement supérieurs face à l'Occident.
Dès lors, pour Howard Bloom, la quête de prestige des nations du tiers-monde implique nécessairement la volonté d'abaisser leurs "bienfaiteurs" occidentaux dans l'ordre de préséance mondial. L’enjeu est donc moins économique que symbolique : le respect, dans l’ordre mondial, est un besoin aussi vital que le pain.
Dans ce chapitre, Howard Bloom réfute l'idée que l'amélioration du niveau de vie, autrement dit la richesse et le confort, mènerait naturellement à la paix.
Au contraire, explique l'auteur, l'histoire montre que la prospérité nouvelle stimule souvent l'agressivité, comme ce fut le cas avec la Libye post-pétrolière ou avec les Mongols dont les conquêtes furent précédées par une montée en puissance économique.
Howard Bloom s'appuie sur la biologie pour expliquer ce phénomène. La prospérité agit comme un accélérateur hormonal, indique-t-il alors : elle élève les niveaux de testostérone, stimule l’excitation, renforce l’ambition… et réveille l’agressivité.
L'auteur compare ce mécanisme à celui du crapaud du désert, passif en temps normal, mais qui devient sexuellement et socialement actif uniquement lorsque les ressources sont abondantes.
Finalement, cette programmation biologique a des conséquences claires : apporter des ressources à une société n’éteint pas son potentiel conflictuel, elle peut même le réveiller. L’aide au développement, aussi bien intentionnée soit-elle, ne garantit donc en rien un monde plus paisible. La paix, affirme Howard Bloom, ne naît pas d’un plein ventre, mais d’un équilibre beaucoup plus complexe entre instincts, récits et structure sociale.
Pour clore la 8ème partie du "Principe de Lucifer", Howard Bloom revient sur trois grands idéaux qui traversent de nombreux discours politiques : Liberté, Paix, Justice. Mais derrière leur noblesse apparente, il dévoile une réalité plus cynique : ces termes servent souvent à maquiller des luttes pour le pouvoir dans l'ordre de préséance.
Il cite d’abord Vercingétorix, qui prêchait la "liberté gauloise"… tout en imposant sa propre tyrannie. Puis Khomeini, dont la "justice" islamique après la révolution iranienne s’est révélée plus brutale encore que le régime du Shah qu’elle prétendait combattre.
Pour Howard Bloom, la "paix" signifie souvent "maintenons le statu quo maintenant que je suis au sommet". La "justice", elle, devient le cri de ralliement de ceux qui veulent bousculer l’ordre établi pour grimper dans la hiérarchie. Quant à la "liberté", elle peut dissimuler une volonté de contrôle plus rusée encore que l’oppression.
Au final, ces concepts fonctionnent fréquemment comme des outils idéologiques au service des superorganismes sociaux : ils permettent de légitimer leur expansion, de rallier les foules, et de gagner des points dans l’ordre de préséance global.
Partie 9 : L’ascension et la chute de l’empire Américain
Dans ce nouveau chapitre, Howard Bloom établit un parallèle saisissant entre le déclin de l'Empire britannique à la fin du XIXe siècle et les États-Unis aujourd’hui.
L'auteur analyse comment la Grande-Bretagne victorienne, alors au sommet de sa puissance, a perdu sa suprématie en négligeant les nouvelles technologies émergentes (chimie, électricité) au profit de ses acquis industriels. Pendant que l'Allemagne et les États-Unis s'emparaient de ces innovations pour bâtir l’avenir, les industriels britanniques, aveuglés par leur autosatisfaction, s'accrochaient aux anciennes technologies et misaient sur leur force militaire.
Howard Bloom voit les mêmes signes de déclin dans l'Amérique contemporaine : chute de la production mondiale, déficits croissants, système éducatif défaillant et surtout incapacité à transformer ses innovations en produits commerciaux.
Pour l'auteur, comme la Grande-Bretagne qui perdit sa domination au profit de nations plus innovantes, les États-Unis risquent de décliner face à des concurrents plus dynamiques, comme notamment le Japon, en oubliant que la vraie puissance réside dans l'innovation continue plutôt que dans la force militaire.
Ainsi, le message de l’auteur est clair : la vraie suprématie ne vient pas des armes, mais de la créativité. Et une nation qui cesse d’innover, même si elle reste militairement redoutable, finit toujours par perdre son rang.
Howard Bloom analyse ensuite comment les sociétés en déclin cherchent systématiquement des boucs émissaires symboliques, souvent liés à la culture ou à la sexualité.
Pour cela, il compare deux périodes de l’Histoire : l'Angleterre de la fin de l’ère victorienne qui, face à son déclin économique, persécuta Oscar Wilde et fustigea l’art moderne sous la plume de Max Nordau, et l'Amérique contemporaine qui, confrontée à sa perte de puissance, s'attaqua au rock, au sexe et à la contre-culture à travers des figures comme Allan Bloom (auteur du célèbre "The Closing of the American Mind").
Dans les deux cas, ces hystéries morales masquent surtout une réalité bien plus embarrassante. Elles servent, nous dit l’auteur, à détourner l'attention des véritables causes du déclin : l’échec de l'innovation technologique, la stagnation économique, la peur de perdre le contrôle.
Howard Bloom met ici en lumière un mécanisme psychologique à l’œuvre dans toutes les sociétés : le "transfert d'agression". Ce phénomène se produit lorsque, face à une menace qu'ils ne peuvent affronter, les individus et les groupes s'en prennent à des cibles plus faibles.
L’auteur illustre ce comportement avec une expérience réalisée sur des rats de laboratoire : mis sous stress, les rats se battent… non pas contre la source du stress, mais entre eux.
Ce même schéma se retrouve à l’échelle des nations. Howard Bloom cite l’Amérique de l’après-guerre qui, impuissante face à l’expansion soviétique, retourna son agressivité contre ses propres citoyens avec le maccarthysme, puis contre ses alliés, comme lors de la crise de Suez.
Pour l’auteur, cette tendance à chercher des boucs émissaires finit souvent par nuire à ceux qui l'exercent : elle fragilise la cohésion intérieure, isole sur la scène internationale, et accélère le déclin de ceux qui y cèdent.
Dans ce chapitre, Howard Bloom s’intéresse à un mécanisme aussi ancien que le monde : le déni des puissances en déclin face aux menaces montantes.
Il commence par observer un comportement étonnamment fréquent chez les animaux : faire comme si tout allait bien pour préserver son statut un peu plus longtemps. Du berger allemand qui évite de croiser le regard d’un chien plus gros aux chimpanzés vieillissants qui ignorent ostensiblement leurs rivaux, l’auteur fait remarquer que ce refus de voir est, en fait, une stratégie de survie sociale profondément ancrée dans le règne animal.
Howard Bloom applique cette analyse aux nations : il fait, par exemple, observer que l’Amérique des années 1930, affaiblie par la crise, a fermé les yeux sur les provocations japonaises jusqu’à l’attaque de Pearl Harbor. À l’inverse, il mentionne les puissances montantes, comme la Prusse de Bismarck qui, sûre de sa force, cherchait activement la confrontation pour affirmer son rang.
Selon l'auteur, le déni actuel des États-Unis face aux crises internationales (comme le génocide cambodgien) est le symptôme d’une puissance sur le déclin qui préfère détourner le regard que d’admettre sa vulnérabilité, qui feint de ne pas voir pour ne pas perdre la face. De la même façon que le vieux chimpanzé feint de ne pas voir ses rivaux pour préserver son statut.
Dans ce chapitre, Howard Bloom va plus loin. Il analyse comment le rang d’une nation dans la hiérarchie mondiale influence profondément son rapport à la nouveauté.Il tire une observation simple du comportement des oiseaux qui évitent l'inconnu quand ils ont faim mais l'explorent quand ils sont rassasiés. C’est exactement ce que font les sociétés : celles en déclin se replient sur les traditions tandis que celles en ascension embrassent l'innovation.
Howard Bloom compare l’Amérique des années 1960, audacieuse, inventive, portée par le rock contestataire et l’anticonformisme, à celle des années 1980, marquée par un retour au conservatisme et à la tradition. Selon lui, cette bascule reflète une perte de confiance dans sa propre position dans l’ordre mondial, un sentiment de déclin national.
Autrement dit, l’innovation n’est pas qu’une affaire de technologie, c’est aussi une expression directe de la position dans la hiérarchie planétaire.
Howard Bloom poursuit avec un avertissement : il met en garde contre le danger du déni face au déclin.
Il décrit ce qu’il appelle la fermeture perceptuelle : un processus par lequel les individus - et les sociétés - cessent de voir la réalité quand celle-ci devient trop menaçante ou trop inconfortable.
L’auteur rapporte plusieurs expériences menées sur des rats : lorsque ceux-ci se retrouvent dans un environnement qu’ils ne peuvent ni contrôler ni comprendre, ils finissent par s’enfermer dans une résignation aveugle, et cessent toute exploration ou tentative de changement.
Howard Bloom y voit un parallèle évident avec l’Amérique contemporaine qui refuse de reconnaître sa perte de leadership technologique et économique et préfère croire qu’elle est toujours au sommet malgré l’effondrement de multiples indicateurs à ce sujet.
Il compare cette attitude à celle de la Chine impériale, qui, se croyant invincible, s’est isolée du monde, a refusé l’innovation… et a fini par succomber aux puissances occidentales qu’elle méprisait.
Selon l'auteur, si les États-Unis continuent de nier leur propre déclin, ils connaîtront le même sort que toutes les grandes puissances trop sûres d’elles-mêmes. Non pas à cause d’un ennemi plus fort, mais à cause d’un aveuglement choisi.
Dans ce chapitre, Howard Bloom déconstruit l’idée reçue selon laquelle le stress lié à la compétition et à l'ambition serait nocif.Pour lui, ce n’est pas la compétition ou l’ambition qui détruisent, au contraire. Ce qui mine réellement l’être humain, ce sont la perte de liens sociaux, le sentiment d’impuissance et la chute dans la hiérarchie.
Le défi et l'activité sont vitaux pour notre épanouissement tant physiologique que psychologique, tandis que l’inaction, l’isolement et la dévalorisation sociale sont nos véritables sources de souffrance.
Il oppose à l’Amérique contemporaine, obsédée par la détente, la relaxation, et le bien-être passif, le modèle japonais, où le travail intense et l’effort sont valorisés.Et paradoxalement, malgré une pression sociale forte, les Japonais affichent une meilleure santé globale que les Américains.
Le vrai poison, selon Howard Bloom, n’est pas le stress… c’est le vide. Ce que notre organisme réclame, ce n’est pas moins de pression, mais un objectif, une place, une raison de lutter.
Howard Bloom conclut l’avant-dernière grande partie de son livre "Le Principe de Lucifer" en explorant le tempo psychologique des civilisations. Autrement dit, comment le rythme mental d'une société reflète sa position dans l'ordre de préséance.
Il compare les sociétés à des crapauds du désert, capables d’alterner entre des phases de torpeur, de léthargie et des phases d’hyperactivité selon les conditions. Ainsi, les civilisations qui montent battent la mesure sur une "horloge rapide" : elles innovent, créent, se projettent vers l’avenir. Celles qui déclinent, en revanche, ralentissent, s’ancrent dans la nostalgie, cherchent la sécurité plutôt que l’élan.
Howard Bloom évoque, à ce propos, l’Amérique contemporaine : son tempo s’alourdit, son énergie se dissipe. Il en appelle alors à une réaccélération de l’esprit collectif. Et pour cela, il propose de se tourner vers une nouvelle frontière : l’espace.Explorer l’espace, dit-il, ne serait pas seulement une avancée technologique. Ce serait un échappatoire possible face à notre tendance biologique à la violence, une opportunité de coopération mondiale, et une manière de réactiver le dynamisme qui fait progresser les civilisations.
Le message d’Howard Bloom est ici à la fois stratégique et existentiel : pour rester vivante, une société doit garder le rythme du mouvement, de l’exploration, et de l’audace.
Partie 10 : Le paradoxe luciférien
Dans la dernière partie du "Principe de Lucifer", Howard Bloom livre sa conclusion finale sur la nature ambivalente du superorganisme social : pour lui, le superorganisme, bien que brutal, est la condition de toute avancée humaine.
À travers l’exemple de l’Empire romain, à la fois cruel et fondateur de progrès durables, l’auteur montre que la violence n’est pas l’opposé du progrès, mais parfois son moteur. Que le superorganisme permet un niveau d'organisation et de progrès impossible aux individus isolés.
Ainsi, les grandes réalisations humaines ne sont pas le fruit de héros solitaires, mais bien de structures collectives (superorganismes) capables de mobiliser des millions d’individus autour d’un récit commun.
En résumé, pour Howard Bloom, trois grandes forces façonnent l'histoire humaine :
Le superorganisme (la société organisée comme un corps collectif),
Les mèmes (les idées contagieuses qui nous gouvernent),
L’ordre de préséance (la hiérarchie invisible qui règle les rapports de domination).
C’est cette "trinité", à la fois créatrice et destructrice, que l’auteur nomme le Principe de Lucifer : une dynamique évolutive où la beauté, la culture et la coopération naissent… de la lutte, du conflit, et de l’ombre
Dans l'épilogue du "Principe de Lucifer", Howard Bloom confronte deux visions de l'évolution : celle d’un univers condamné à la décadence, et la sienne, celle d’une nature en perpétuelle complexification.
Il observe que cette progression a cependant un coût : l’évolution est un processus dur, souvent impitoyable. Comme un sculpteur taille dans la matière brute, la nature crée en détruisant. Chaque avancée, du simple organisme à la conscience humaine, s’est faite, en effet, au prix de souffrances, de luttes, de dominations.
Mais, pour Howard Bloom, si la violence et la compétition sont inscrites dans notre code biologique, l’imagination humaine nous offre une échappatoire. Nous avons, dit-il, la capacité unique de rêver la paix et de tenter de la bâtir. C’est là notre défi, et notre responsabilité : transformer notre héritage luciférien en projet collectif de dépassement. Non pas nier notre nature, mais l’orienter. Faire de notre imagination la force qui dompte nos instincts et élève notre humanité.
Conclusion de "Le principe de Lucifer | Une expédition scientifique dans les forces de l’Histoire !" de Howard Bloom
Les 4 idées clés à retenir absolument du livre "Le principe de Lucifer"
"Le principe de Lucifer" nous explique clairement que l’agressivité humaine n’est ni accidentelle ni anormale. Au contraire, elle constitue, assure l’auteur, un mécanisme biologique profondément inscrit dans notre ADN.
Aussi, pour Howard Bloom, la compétition, le conflit et les instincts de domination ne sont pas seulement des défauts de caractère, mais de véritables moteurs de l’évolution des sociétés. "La violence n’est pas l’exception à la règle, elle est la règle elle-même" affirme-t-il, pour souligner combien notre évolution est façonnée par ces forces destructrices autant que créatrices.
Dans "Le principe de Lucifer", Howard Bloom partage une analogie intéressante : les sociétés humaines, soutient-il, fonctionnent comme des superorganismes. Elles obéissent à des logiques collectives qui dépassent la conscience individuelle : chaque individu contribue ainsi inconsciemment à une dynamique collective, parfois violente.
Selon lui, ces mécanismes sociaux s’apparentent aux réseaux neuronaux. Influencés par des forces invisibles comme les mèmes, ces "virus mentaux" propagent idées et orientent les comportements de masse à notre insu.
Ainsi, des concepts tels que le pouvoir, la hiérarchie et l’influence naissent d’interactions subtiles qui échappent souvent à notre conscience.
Une des idées fortes du livre est la nécessité presque vitale, et depuis toujours, d’un ennemi pour structurer les sociétés.
Howard Bloom explique, en effet, tout au long de son livre comment le groupe se consolide autour de l’idée du "nous contre eux", et comment la haine et la désignation d’un adversaire commun renforcent paradoxalement la cohésion interne. En d’autres termes, l’hostilité envers un ennemi désigné, qu’il soit externe ou interne, agit comme un ciment social et un moteur de mobilisation collective.
L’auteur démontre que la haine envers l’autre n’est pas une anomalie temporaire, mais un mécanisme de survie profondément enraciné dans notre nature sociale.
"Le principe de Lucifer" nous révèle enfin le rôle fondamental des mèmes : ces unités culturelles transmissibles façonnent nos idées, nos croyances, nos comportements et donc finalement le cours de l’histoire.
Howard Bloom montre plus précisément comment ces mèmes agissent comme des réplicateurs autonomes, parfois bénéfiques, parfois destructeurs. En influençant notre perception du monde, ilspeuvent ainsi guider une civilisation entière vers la paix ou la guerre. Ces croyances, explique-t-il, deviennent, en effet, parfois si puissantes qu'elles dominent notre capacité à raisonner, et génèrent conflits ou harmonie selon leur nature et leur diffusion dans la société.
Qu’est-ce que vous apprendrez dans le livre "Le principe de Lucifer" ?
"Le Principe de Lucifer" est un livre qui change la perspective. Il vous apportera une grille de lecture nouvelle - et d’une certaine façon dérangeante - pour mieux comprendre l’Histoire humaine, les rapports de pouvoir, les conflits idéologiques et les mécanismes de domination.
En mêlant biologie, sociologie, psychologie et histoire, ce livre vous permettra de :
Déchiffrer les dynamiques collectives qui gouvernent les sociétés modernes et passées, et comment elles génèrent des conflits.
Comprendre pourquoi certaines idéologies triomphent et d’autres échouent.
Identifier les manipulations invisibles derrière les discours de paix, de justice ou de liberté et ce qu’elles affectent dans notre vie quotidienne, du plus intime au plus global.
Anticiper les conflits, les mécanismes de bouc émissaire et les formes de contagion émotionnelle dans les groupes.
En comprenant ces mécanismes, vous gagnerez en ouverture d’esprit, en analyse et en recul face aux événements mondiaux contemporains et historiques, ce qui peut être particulièrement utile pour elles et ceux qui souhaitent mieux saisir les tensions géopolitiques ou améliorer leur vie sociale et professionnelle en comprenant les jeux de pouvoir et de domination implicites autour d'eux.
Dès lors, cette lecture fournit des outils précieux pour anticiper les réactions humaines dans les conflits, identifier les manipulations et comprendre comment agir pour évoluer positivement dans un environnement complexe et parfois hostile.
Pourquoi je recommande la lecture du livre "Le principe de Lucifer" d'Howard Bloom ?
La lecture de "Le Principe de Lucifer" nous apprend que comprendre la violence, c’est comprendre l’humanité.
En effet, comprendre la violence et l'agressivité humaines est indispensable pour appréhender clairement le fonctionnement du monde et des sociétés dans lesquelles nous vivons.
Malgré un ton parfois déroutant par son réalisme cru, ce livre nous oblige à dépasser nos visions naïves ou moralisantes sur la nature humaine pour affronter ce que nous sommes vraiment, individuellement et collectivement.
Mais loin de prôner le fatalisme, il nous donne des clés pour mieux décrypter les dynamiques sociales, politiques et interpersonnelles et ainsi transformer notre conscience en levier d’action.
"Le principe de Lucifer" est une lecture incontournable pour les passionnés d’histoire, de géopolitique, de psychologie sociale, mais aussi pour quiconque souhaite aller au-delà des apparences et comprendre ce qui véritablement, en tout cas aux yeux d’Howard Bloom, anime notre monde.
Points forts :
Une approche interdisciplinaire brillante et sourcée combinant psychologie sociale, biologie et histoire.
Une explication captivante des mécanismes cachés derrière l’agressivité et la violence humaine.
Un éclairage inédit sur plusieurs concepts, dont celui de superorganisme et l’impact des mèmes dans les sociétés humaines.
Une écriture vive et percutante qui marque durablement les esprits.
Points faibles :
Un contenu ou ton parfois provocateur qui pourraient déranger certains lecteurs sensibles.
La complexité parfois de certaines théories biologiques qui pourrait ralentir les lecteurs non habitués à ces sujets.
Ma note :
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Résumé de "La mise en scène du discours | Porter sa parole en public de manière engageante et mémorable" d’Éric Bah : dans cet ouvrage, Éric Bah partage des stratégies oratoires en quatre étapes, allant de la préparation minutieuse d'une prise de parole en public jusqu'à la gestion des imprévus, en passant par l'entrée en scène et la maîtrise des techniques d'engagement. C’est un livre ultra concret, qui apprend à faire d'un discours non pas une simple allocution mais une expérience mémorable, capable de captiver l'attention et de créer une connexion authentique avec un auditoire.
Par Éric Bah, 2023, 250 pages.
Chronique et résumé de "La mise en scène du discours | Porter sa parole en public de manière engageante et mémorable" d'Éric Bah
Introduction
La première page du livre "La mise en scène du discours" nous plonge dans une histoire captivante : celle d'un homme pauvre recevant une graine qui, une fois arrosée de ses larmes, génère un arbre merveilleux.
Éric Bah établit un parallèle entre cette parabole et nos discours écrits : ce sont, lance-t-il, des textes "endormis" que nous devons réveiller. Ce sont des phrases qui s’enchainent, "des mots qui sommeillent, des mots qui attendent, pour prendre leur sens, que tu les réveilles, que tu y verses ta sincérité comme sur la graine du pauvre homme", écrit-il. Et cela passe par la mise en scène… "la mise en sons, en couleurs… en caresses, en odeurs…"
L'auteur rappelle ensuite que si les principes antiques d'art oratoire demeurent pertinents, notre époque impose de nouveaux défis face à la guerre de l'attention. Dans ce contexte, la mise en scène du discours devient cruciale pour capter l'intérêt d'un public constamment sollicité.
"La mise en scène du discours" est un livre qui promet donc un parcours complet pour transformer nos prises de parole en expériences mémorables.
Chapitre I - Veillée d'armes
Éric Bah commence le premier chapitre de son livre "La mise en scène du discours" en soulignant l'importance des derniers préparatifs avant une prise de parole.
Ces ultimes réglages concernent plusieurs aspects fondamentaux : l'éthos, le pathos, le style oratoire, les supports visuels, la préparation physique et la tenue vestimentaire.
1.1 - L'éthos
Dans cette partie, l'auteur examine le concept d'éthos, l'un des trois piliers de la rhétorique avec le logos et le pathos.
L'éthos représente la crédibilité de l'orateur et se compose de cinq vertus essentielles :
La sympathie,
La légitimité,
La pertinence,
L'intégrité,
La sincérité.
Éric Bah rappelle que l'éthos commence à se construire dès l'apparition de l'orateur sur scène, voire avant dans certains contextes. Il précise : "L'éthos t'impose d'abord comme autorité, avant de se solidifier peu à peu au service de ta persuasion". L'auteur insiste sur le fait que cette crédibilité n'est pas immuable et doit s'adapter à l'auditoire.
Pour se montrer sympathique, l'orateur doit afficher un air avenant, paraître détendu et bienveillant. La légitimité, quant à elle, permet d'installer rapidement la confiance en démontrant l'expertise nécessaire pour traiter le sujet. La pertinence consiste à aligner son approche avec les attentes spécifiques de l'auditoire. L'intégrité exige une cohérence entre les paroles et les actes, tandis que la sincérité implique d'exprimer des émotions réellement ressenties.
L'éthos peut être véhiculé par divers moyens : diplômes, expérience, relations, histoire personnelle, tenue vestimentaire, comportement, gestuelle ou choix rhétoriques.
L'auteur illustre son propos avec l'exemple de Simone Veil qui, dès le début de son discours sur la dépénalisation de l'IVG, pose les premières pierres de son éthos en une seule phrase.
1.2 - Le pathos
Ensuite, Éric Bah analyse l'importance des émotions dans l'art oratoire.
Le pathos désigne l'ensemble des émotions que l'orateur cherche à susciter chez son auditoire pour persuader et pousser à l'action.
L'auteur s'appuie sur les travaux du neurologue Antonio Damasio pour affirmer que les émotions influencent puissamment la prise de décision, l'attention, l'apprentissage et la mémorisation. Il raconte : "Tous les fans d'Elvis Presley, de Bob Marley ou de Michael Jackson peuvent dire ce qu'ils faisaient au moment de l'annonce de la mort de leur idole", illustrant ainsi comment l'émotion stimule la mémoire.
Pour exciter les passions, Éric Bah présente trois techniques principales :
La description => montrer l'émotion plutôt que la dire ;
L'amplification => augmenter l'intensité émotionnelle ;
La matérialisation => recourir à des objets ou à des témoignages.
L'auteur conseille de procéder par contraste émotionnel pour éviter la saturation, et de suivre une progression croissante jusqu'au finale. Il souligne que pour toucher les autres, l'orateur doit d'abord être touché lui-même. À ce propos, il cite Quintilien : "On n'est échauffé que par le feu et mouillé que par l'eau".
1.3 - Avec style
Dans cette partie, l'auteur explique que le style est ce qui donne du relief au discours et traduit l'originalité de l'orateur. Il rappelle que si le texte peut emporter l'approbation, c'est le style qui provoque l'admiration.
Éric Bah distingue trois styles oratoires, suivant la tradition cicéronienne :
Le style simple => conversationnel, objectif, pour instruire.
Le style tempéré => léger, humoristique, pour plaire.
Le style sublime => solennel, émotionnel, pour émouvoir.
Pour illustrer ces styles, l'auteur donne des exemples concrets : la narration de l'avocat Berryer pour le style simple, l'introduction humoristique du chef d'orchestre Benjamin Zander pour le style tempéré, et le discours d'André Malraux lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon pour le style sublime.
L'auteur aborde ensuite les figures de style qui enrichissent le discours, en se concentrant sur les plus utiles en improvisation :
Les figures de répétition => anaphore, épiphore,
Les figures antithétiques => oxymore, antithèse,
Les figures d'amplification => hyperbole, gradation,
Les questions rhétoriques.
Pour finir cette partie sur le style, Éric Bah évoque l'importance des punchlines, ces phrases-chocs qui marquent les esprits, et présente le concept italien de "sprezzatura" : cette grâce qui émane d'un orateur capable de paraître naturel tout en maîtrisant parfaitement son art.
1.4 - Les supports visuels
L'auteur passe en revue les différents supports visuels qui peuvent accompagner un discours :
Pour le diaporama, il conseille de rester l'acteur principal et de maintenir le contact visuel avec l'auditoire. Il met en garde : "Ne te sers pas du grand écran comme d'un prompteur. Ne lis pas, parle."
Concernant la vidéo, il recommande de privilégier des formats courts et d'expliquer ce qu'il faut en retirer.
Éric Bah présente également le tableau blanc, utile pour noter des idées ou faire des croquis, mais dont le caractère éphémère nécessite une bonne gestion de l'espace.
Le paperboard, quant à lui, peut servir à afficher le plan du discours ou à noter des mots compliqués, des chiffres ou des schémas.
Enfin, l'auteur mentionne la tablette graphique et les accessoires, citant l'exemple de Steve Jobs qui, pour présenter le MacBook Air, utilisa simplement une enveloppe de bureau.
1.5 - Préparation physique
Dans cette partie, Éric Bah nous invite à prendre soin de notre corps avant une prise de parole. Il recommande un dîner léger la veille pour faciliter le sommeil et consacre plusieurs paragraphes aux temps de digestion des différents aliments.
L'auteur insiste sur l'importance d'une bonne nuit de repos et conseille de programmer son réveil en fonction de ses cycles de sommeil personnels.
Éric Bah vante également les mérites des exercices d'assouplissement, particulièrement ceux du yoga, qui offrent de nombreux avantages avant une intervention oratoire : ils augmentent l'endurance, améliorent la posture, réduisent le stress, stimulent les fonctions cognitives et renforcent la confiance en soi.
1.6 - De la tenue
L'auteur affirme que la tenue vestimentaire donne une première impression avant même que l'orateur ait ouvert la bouche. Il rappelle, à ce propos, l'importance de s'adapter au contexte tout en gardant à l'esprit que "ton message est plus important" que ta tenue.
Éric Bah partage une check-list détaillée qui couvre tous les aspects de l'apparence : du couvre-chef (à éviter) aux chaussures (discrètes et bien entretenues), en passant par les cheveux, les lunettes, le maquillage, les bijoux, les tatouages et les piercings.
1.7 - Avant de partir
Dans cette dernière section, l'auteur met en garde contre un repas trop copieux avant une intervention : "l'afflux de sang dans ton abdomen dû à la digestion priverait ton cerveau de la quantité de sang nécessaire à la vivacité d'esprit que demande une allocution".
Il conseille de préparer une check-list complète incluant les tenues vestimentaires, le matériel, la connectique, les accessoires et les documents nécessaires.
Enfin, Éric Bah aborde le concept de "fatigue décisionnelle", s'appuyant sur les propos de Barack Obama et les recherches du psychologue Roy Baumeister. Il recommande de limiter au maximum les décisions à prendre le jour de l'intervention pour rester en pleine possession de ses moyens.
Chapitre II - En position
Le chapitre 2 du livre "La mise en scène du discours" porte sur cette période critique entre l'arrivée sur le lieu de l'intervention et l'entrée en scène.
Éric Bah attire l’attention sur l’importance d'arriver suffisamment en avance pour peaufiner les derniers détails qui feront la différence dans votre prestation.
2.1 - À l'arrivée
L'auteur recommande de rencontrer le maître de cérémonie dès votre arrivée pour valider plusieurs éléments essentiels : votre présentation, l'heure exacte de passage et la durée de votre intervention. Il précise : "Assure-toi qu'il sera en mesure de te présenter comme tu l'entends".
Concernant la disposition de la salle, Éric Bah présente différentes configurations possibles (théâtre, U, cercle, école, etc.) en analysant pour chacune sa capacité d'accueil, la visibilité offerte et la facilité d'échanges entre participants. Il conseille également de prendre possession de l'espace scénique en répétant vos déplacements et en vérifiant les aspects techniques (éclairage, son, gestion du temps).
2.2 - Dernières répétitions
Pour ces ultimes répétitions, l'auteur distingue trois phases :
La répétition en solo, où vous pouvez encore ajuster quelques détails sans bouleverser la structure.
Les essais avec la régie son.
La validation du déroulé complet avec le maître de cérémonie.
Entre ces préparatifs et l'ouverture des portes, il est judicieux de s'accorder un moment de repos pour faire descendre la pression. Éric Bah conseille également d'accueillir personnellement le public pour créer un lien de confiance avant même de monter sur scène.
2.3 - Aie confiance !
Face au trac qui s'intensifie à l'approche de l'intervention, l'auteur rappelle qu'il s'agit d'un signe positif montrant l'importance accordée à sa prestation. Il note que "ce qui peut être le plus déstabilisant, c'est le regard des autres" et propose des techniques pour l'apprivoiser.
La visualisation positive constitue un outil puissant pour diminuer le stress et augmenter la confiance. L'auteur explique comment activer mentalement une ancienne situation de réussite avant de visualiser l'ovation finale souhaitée.
Éric Bah évoque également le phénomène d'habituation qui rend le trac de moins en moins paralysant avec l'expérience. Pour rester concentré, il préconise de limiter les distractions et propose l'usage de certaines huiles essentielles ou de techniques comme la cohérence cardiaque.
2.4 - Avant d'entrer en scène
Dans les derniers moments, l'auteur conseille de vérifier la durée exacte dont vous disposez (en ayant préparé des versions à 75 % et 50 % de votre discours) et de réactiver votre intention, c’est-à-dire ce que vous souhaitez que votre auditoire sache, pense ou fasse après vous avoir écouté.
Pour ces ultimes secondes, Éric Bah décrit deux approches :
Celle du dynamisme => exercices physiques, cris ;
Celle de la sérénité => respiration, méditation.
"Les deux approches sont efficaces pour évacuer le stress", conclut-il, l'essentiel étant de choisir celle qui correspond à votre tempérament.
Chapitre III - À l'assaut
Le moment tant attendu arrive - celui où l'orateur prend la parole devant son public. Éric Bah décrit cette étape comme celle où toute la préparation va enfin porter ses fruits. Il note que "le temps va passer tellement vite qu'il n'existera plus".
3.1 - L'entrée en scène
L'auteur nous invite à faire une dernière inspection avant d'entrer en scène. Idéalement, un assistant vérifiera que votre tenue est impeccable, car "comment veux-tu qu'un auditeur t'écoute sérieusement s'il note un détail insolite dans ta tenue ?" Il conseille également de vider ses poches pour éviter tout bruit parasite.
Pour l'entrée proprement dite, Éric Bah préconise de marcher avec assurance jusqu'au centre de la scène, puis de s'arrêter, dos droit, épaules relâchées. Il suggère d'imaginer des racines sortant de vos pieds pour plonger profondément dans le sol : "Plus stable grâce à cet ancrage, tu gagneras en énergie, en confiance, en autorité".
3.2 - Bien commencer
Selon l'auteur, bien commencer un discours tient en quatre lettres, résumées par l'acronyme ACIS :
Attention => D'abord, il faut attirer l'attention dans les trente premières secondes - délai critique pour convaincre l'auditoire de vous écouter jusqu'au bout.
Connexion => Ensuite, il convient d'établir la connexion avec le public pour permettre la transmission des informations et des émotions.
Intérêt => La troisième étape consiste à susciter l'intérêt en montrant à l'auditoire l'utilité de votre message pour lui.
Sujet => Enfin, il faut clarifier le sujet pour rassurer le public sur la direction que prendra le discours.
Éric Bah énumère ensuite les sept erreurs à éviter lors de l'ouverture :
Dire bonjour,
Se présenter,
S'excuser,
Remercier,
Démarrer en trombe,
Montrer de l'hésitation
Raconter sa préparation.
Il affirme : "Tu as la chance que des gens soient venus t'écouter. Fais-leur honneur en rentrant tout de suite dans le sujet".
3.3 - La connexion
Pour l'auteur, la connexion est ce "lien impalpable qui lie l'orateur à son public", fait d'empathie et de complicité.
Cette connexion doit idéalement se déployer sur trois dimensions :
Entre l'orateur et l'ensemble du public,
Entre les participants eux-mêmes,
Entre l'orateur et chacun des participants.
Pour tisser ces liens, plusieurs outils sont à notre disposition :
Adapter notre style (vocabulaire, ton) à notre auditoire sans nous renier,
Utiliser le sourire qui "est réellement contagieux",
Parler aux gens de ce qui les intéresse,
Utiliser le "nous" pour créer un sentiment d'appartenance,
Maintenir un contact visuel personnalisé avec différents membres de l'audience.
3.4 - La posture
L'auteur rappelle que "le corps est au service de la parole" et que posture et état d'esprit s'influencent mutuellement.
Il convient alors de se tenir droit, pieds légèrement écartés, en évitant tout balancement qui nuirait à l'ancrage et donnerait une impression d'instabilité.
Concernant la gestuelle, Éric Bah cite Sacha Guitry : "Tous les gestes sont bons quand ils sont naturels. Ceux qu'on apprend sont toujours faux". Il suggère de se concentrer sur deux éléments pour que la gestuelle suive naturellement : se sentir en confiance et travailler ses intonations vocales.
L'auteur met cependant en garde contre certains gestes parasites à éviter absolument : mains cachées, bras croisés, mains en cache-sexe, bras ballants, auto-contacts répétitifs et jeux avec les bijoux.
Pour les déplacements sur scène, il propose trois modes d'utilisation de l'espace :
Le mode structurel => changer de zone à chaque chapitre du discours.
Le mode temporel => utiliser la largeur de la scène comme ligne du temps (passé/présent/futur).
Le mode émotionnel => exploiter les réactions différentes du cerveau selon le côté visuel sollicité
L'auteur explique que pour toucher davantage l'émotion du public, il est préférable de se placer côté jardin, autrement dit dans le champ visuel gauche des spectateurs, "la partie gauche du corps étant gérée par l'hémisphère cérébral droit, en charge des informations émotionnelles".
3.5 - Le regard
Pour Éric Bah, le regard est capital. Il est "le plus important" de toutes les expressions faciales.
Le regard assure la connexion dans les deux sens : il transmet vos émotions au public tout en vous renseignant sur son état d'esprit.
L'auteur détaille différentes situations de gestion du regard : lors de la lecture d'un texte, avec un diaporama, ou pendant l'utilisation d'un prompteur. Dans tous les cas, il recommande de privilégier au maximum le contact visuel avec l'auditoire.
Pour balayer efficacement la salle du regard, il propose la méthode de la triangulation qui consiste à dessiner mentalement deux triangles inversés couvrant l'ensemble de la salle, assurant ainsi que personne ne se sente exclu.
3.6 - La voix
Éric Bah explique que contrairement à l'idée reçue, il ne faut pas être naturel mais "paraître naturel" sur scène. Pour cela, il recommande de travailler particulièrement sa voix à travers plusieurs aspects :
Une bonne diction pour se faire comprendre sans effort.
Un débit mesuré et varié : environ 150 mots par minute, mais pouvant varier de 120 à 230.
Des modulations en tonalité et en volume pour éviter la monotonie.
Il rappelle l'importance de l'intonation, "ce qui rend le discours vivant". Celle-ci doit refléter sincèrement les émotions que l'orateur cherche à transmettre.
3.7 - Les silences
Dans cette partie, l'auteur développe une véritable théorie du silence dans l'art oratoire. Il affirme que "le silence n'est pas l'absence de son" et qu'il fait pleinement partie de l'éloquence.
Éric Bah distingue deux erreurs à éviter :
La prodigalité de silences => trop de silences ou des silences trop longs.
L'avarice de silences => un débit incessant.
Il affirme : "le silence est un marqueur de structure" qui articule le discours et permet de faire saillir certains mots ou phrases.
L'auteur décrit ensuite l'utilité du silence selon trois perspectives :
Pour le discours : articulation, transition, mise en relief.
Pour le public : compréhension, assimilation, maintien de l'attention.
Pour l'orateur : réflexion, respiration, charisme.
Il accorde une attention particulière au premier silence qui précède la parole, permettant d'attirer l'attention et de préparer l'auditoire, ainsi qu'au dernier silence qui marque la fin définitive du discours et maintient l'émotion au niveau atteint.
3.8 - Le flow
Éric Bah présente ici ce qu'il appelle l'état de grâce de l'orateur, citant les travaux de Mihály Csíkszentmihályi sur le "flow". Cet état se caractérise par "l'engagement dans une tâche précise qui exige des aptitudes appropriées, un contrôle sur ses actions et une concentration intense".
Dans cet état idéal, l'orateur devient littéralement sa prise de parole, dans une forme d'unité avec son action où l'ego s'efface. L'auteur fait référence au concept taoïste de "wuwei" (非無為), le "non-agir" où "l'événement se déroule harmonieusement sans son intervention et comme par enchantement".
Pour atteindre cet état, l'auteur suggère de s'entraîner constamment à prendre la parole dans les conditions les plus diverses, afin de "dompter son esprit".
3.9 - Finir proprement
Pour conclure efficacement, Éric Bah propose l'acronyme DEBOU –(Digest, Émotion, Bouger, Ourlet) qui résume les quatre missions d'un finale réussi :
Proposer un digest => résumer les points clés du discours.
Susciter l'émotion => intensifier le pathos pour marquer les mémoires.
Faire bouger le public => appel à l'action clair et précis.
Coudre l'ourlet => terminer de manière nette et définitive.
L'auteur met en garde contre sept erreurs qui peuvent ruiner un finale :
Improviser,
Hésiter,
En rajouter,
Digresser,
Bâcler,
S'excuser
Parler après.
3.10 - La sortie
Éric Bah rappelle que "ta prestation n'est pas terminée tant que tu es sur scène".
Après la dernière phrase, il recommande de rester silencieux, d'accueillir les applaudissements avec le sourire, puis de rejoindre tranquillement les coulisses. Il avertit : "Ne parle pas après les applaudissements" pour éviter que des mots banals ne remplacent dans les mémoires le finale soigneusement composé.
3.11 - Répondre aux questions
Dans cette dernière partie de chapitre, l'auteur présente la session de questions-réponses comme "un exercice oratoire à part entière" qui offre une nouvelle opportunité de marteler son message de façon plus personnalisée.
Pour s'y préparer, Éric Bah nous encourage à anticiper toutes les questions possibles, y compris les objections et critiques, et suggère même de confier à un complice deux questions que vous aimeriez qu'on vous pose.
L'auteur conseille de garder toujours une attitude détendue et bienveillante, même face aux questions difficiles. Il distingue deux types de questions épineuses :
Les "questions blanches" => auxquelles on ne sait pas ou ne peut pas répondre.
Les "questions rouges" => où l'auditeur cherche à nuire.
Pour chaque situation délicate, l'auteur propose des stratégies précises : reformuler, faire valider sa compréhension, désigner un expert dans la salle, ou utiliser différentes techniques d'esquive lorsque nécessaire.
Éric Bah conclut en rappelant d'inclure toute la salle dans ses réponses : "Lorsque quelqu'un te pose une question, n'en fais pas une conversation à deux".
Chapitre IV - L'arsenal
Dans le quatrième chapitre de "La mise en scène du discours", Éric Bah présente les outils supplémentaires qui permettent à l'orateur de passer à un niveau supérieur.
L'auteur y détaille six compétences essentielles qui, une fois maîtrisées, démarqueront l'orateur des autres et graveront son message dans les mémoires.
4.1 - Savoir conter
L'art de raconter des histoires, ou storytelling, constitue selon Éric Bah une compétence millénaire mais toujours d'actualité. Ce n'est pas un hasard si les récits ont traversé les siècles, des tablettes babyloniennes aux séries Netflix, en passant par les grottes de Lascaux.
L'auteur explique que l'histoire est surtout puissante car elle touche par l'émotion plutôt que par l'argumentation rationnelle. Les discours les plus marquants contiennent généralement peu d'informations factuelles, mais beaucoup d'émotions. "La médecine, le commerce, le droit, l'industrie sont de nobles poursuites et sont nécessaires pour assurer la vie. Mais la poésie, la beauté, l'amour, l'aventure, c'est en fait pour cela qu'on vit", cite l'auteur en reprenant une réplique du film "Le Cercle des poètes disparus".
Selon Éric Bah, une histoire efficace dans un discours remplit cinq fonctions :
Soutenir le message,
Illustrer un argument,
Susciter l'intérêt,
Maintenir l'attention,
Favoriser le passage à l'action.
L'auteur détaille ensuite sept formats de récit utilisables :
L'anecdote => histoire courte et épurée, souvent peu connue, qui établit une proximité avec l'auditoire.
Le vécu => récit personnel où l'orateur est impliqué, créant une identification forte.
Le conte => récit fictionnel avec part de merveilleux, qui nous replonge en enfance.
La légende => récit avec un fond de vérité historique embelli, invitant au dépassement.
La fable => court récit humoristique avec morale, où dialoguent hommes, animaux et objets.
La parabole => récit symbolique tiré du quotidien, cachant un enseignement moral.
L'allégorie => figure de rhétorique à double sens permettant de faire passer une vérité.
Pour créer une bonne histoire, Éric Bah indique qu'elle doit comporter quatre éléments clés :
L'identification => le public se reconnaît dans le personnage,
Le basculement => passage de l'ordinaire à l'extraordinaire,
Les obstacles => défis rencontrés,
L'enseignement => lien avec le message.
L'auteur termine cette partie en insistant sur l'importance de vivre pleinement son histoire quand on la raconte, de parler au présent et de stimuler au moins trois sens pour la rendre mémorable.
4.2 - L'humour
Éric Bah présente l'humour comme "une arme de séduction massive" qui dispose favorablement l'auditoire. Il précise que l'humour ne doit jamais détourner du message principal : ce n'est pas un spectacle de stand-up, mais bien un outil au service de la persuasion.
L'humour apporte de nombreux bienfaits, tant pour la santé que pour les relations. L'auteur relate l'histoire de Norman Cousins qui aurait soulagé sa maladie grâce au rire, et mentionne des études montrant que le rire libère des hormones bénéfiques pour la santé.
Pour les relations avec l'auditoire, l'humour :
Maintient l'attention,
Procure de la détente,
Accroît la confiance sociale,
Fait naître un sentiment d'appartenance,
Favorise l'apprentissage et la mémorisation.
Éric Bah présente un inventaire détaillé des genres d'humour utilisables par les orateurs, de l'autodérision à l'humour littéraire, en passant par l'humour populaire, l'humour communautaire ou encore l'humour anglais.
L'auteur décrit également 14 techniques humoristiques pratiques comme : la vanne à trois temps, le boomerang, l'intrus, la fausse piste, la contradiction ou encore le détail qui tue. Un outil précieux pour tout orateur désireux d'intégrer l'humour à ses discours.
4.3 - Vendre
Dans cette partie, Éric Bah explique que vendre pendant un discours ne signifie pas forcément encaisser de l'argent, mais plutôt transformer un participant en client au sens large (abonné, suiveur, lecteur, etc.).
L'auteur préconise de suivre la structure AIDA :
Attirer l'Attention,
Éveiller l'Intérêt,
Susciter le Désir,
Pousser à l'Action.
Il conseille également de se limiter à vendre une seule chose et non de se transformer en "supermarché" de services, car trop de choix freine la décision.
Éric Bah souligne le rôle fondamental des émotions dans la vente, s'appuyant sur les travaux du neurologue Antonio Damasio qui montre que l'émotion est indispensable au processus de décision. "On achète en raison des émotions positives associées aux bénéfices perçus", note l'auteur.
Pour être efficace dans la vente, il recommande de présenter les bénéfices et non les fonctions, de vendre un changement plutôt qu'un produit, des émotions plutôt que des faits. La visualisation constitue l'outil majeur pour y parvenir, en faisant imaginer au public soit les conséquences négatives de ne pas adopter la solution (visualisation infernale), soit les bénéfices qu'elle apportera (visualisation paradisiaque).
L'auteur met finalement l’accent sur le rôle capital de la crédibilité et de la confiance, ainsi que sur la nécessité d'un appel à l'action clair qui dit quoi faire, quand le faire et comment le faire.
4.4 - Improviser
Paradoxalement, Éric Bah affirme que l'improvisation demande un énorme travail de préparation.
Il distingue trois éléments indispensables - le plan, l'ouverture et le finale - et deux éléments optionnels - les transitions et les punchlines.
Il est, par ailleurs, conseillé de connaître par cœur l'ouverture et le finale, et de mémoriser le plan sous forme linéaire ou de mindmap selon sa façon de penser, indique l’auteur. Ce dernier met enfin en garde contre le danger des citations approximatives, en illustrant son propos par un célèbre "bushisme" où George W. Bush s'emmêle dans un dicton.
Éric Bah présente trois techniques d'improvisation efficaces :
L'adaptation => se renseigner sur son public et intégrer des références à sa communauté.
Les histoires improvisées => ne retenir que le story-board et les images fortes afin de garder l'histoire vivante.
L'enquête => poser une question ouverte au public et rebondir sur les réponses, en préparant à l'avance des commentaires pour les réponses prévisibles.
4.5 - Interagir
L'interaction avec le public présente de nombreux avantages selon l'auteur. Elle maintient l'attention, rend le discours dynamique et renforce la relation entre l'orateur et la salle.
Éric Bah s'appuie sur les travaux de John Medina qui indique qu'un être humain ne peut maintenir son attention que pendant dix minutes consécutives. L'interaction permet de réinitialiser cette capacité d'attention en transformant l'auditeur en acteur.
L'auteur présente cinq formats d'interaction :
La question rhétorique => question sans réponse attendue, servant à marquer le plan, insuffler le doute, anticiper les objections ou émettre des suggestions.
La question fermée => question appelant un "oui" ou un "non", utile pour mesurer l'engagement ou obtenir l'adhésion.
La question ouverte => question permettant une variété de réponses, qui anime l'échange avec les participants.
Le vote => sondage à choix multiples, réalisable à main levée, par applaudissements, debout/assis ou électroniquement.
L'atelier => travail en petits groupes favorisant la cohésion et l'appropriation du contenu.
4.6 - Gérer les problèmes
Dans cette dernière partie, Éric Bah aborde les difficultés susceptibles de survenir pendant un discours et propose des solutions pratiques pour chacune.
Pour faire face à une réduction du temps de parole, l'auteur conseille de préparer à l'avance deux versions raccourcies du discours (à 75 % et 50 %) et du diaporama.
En cas de trou de mémoire, il suggère de commencer une phrase improvisée par le dernier mot prononcé, de proposer un exercice au public, ou en dernier recours, d'avouer honnêtement sa défaillance. "Personne ne t'en voudra d'avoir un trou de mémoire. Les gens sont de nature bienveillante", rassure l'auteur.
Éric Bah partage également des conseils pour gérer :
Les problèmes de micro,
L'oubli ou le dysfonctionnement du diaporama,
Les coquilles à l'écran,
Une salle presque vide,
Un public désintéressé,
L'absence de réaction,
L'absence de rires,
L'usage intensif des smartphones.
Face à tous ces défis, l'auteur préconise le calme, l'autodérision et l'adaptation. Il raconte notamment comment, lors d'un trou de mémoire où il cherchait le nom de la loi de Parkinson, il a fait preuve d'humour en remerciant la personne qui lui a soufflé la réponse : "Merci. Heureusement que ce n'était pas Alzheimer : je ne m'en serais jamais souvenu !"
Cette capacité à rebondir face aux imprévus complète l'arsenal de compétences de l'orateur accompli, prêt à délivrer un discours mémorable en toutes circonstances.
Épilogue
Pour conclure son ouvrage "La mise en scène du discours", Éric Bah partage le conte du sage Nasreddine Hodja qui, par trois fois, évite astucieusement de délivrer un sermon.
Cette histoire illustre en fait l'adaptation, compétence transversale fondamentale de l'orateur accompli. Et à travers elle, l’auteur nous rappelle, en effet, que l’orateur doit s’adapter "aux circonstances, aux conditions, et surtout au public, pour assurer la survie et l’essaimage de son message dans un monde de plus en plus bruyant".
Il nous encourage à multiplier les prises de parole, même au risque d'échouer, car c'est par l'expérience que l'on progresse.
"Trompe-toi, vautre-toi même, mais toujours relève-toi, encore plus adaptable, encore plus persuasif. Plus tu échoueras, plus tu réussiras. S’adapter, c’est triompher" conclut-il.
Conclusion de "La mise en scène du discours | Porter sa parole en public de manière engageante et mémorable" d'Éric Bah
Les 4 idées phares du livre "La mise en scène du discours" qu'il faut retenir !
Idée clé n°1 : La crédibilité de l'orateur s'établit bien avant les premiers mots prononcés
Éric Bah nous rappelle que l'éthos – cette crédibilité qui confère autorité de l'orateur –se construit dès notre apparition sur scène, voire avant. Cette crédibilité repose sur cinq piliers fondamentaux : la sympathie, la légitimité, la pertinence, l'intégrité et la sincérité.
L'auteur insiste aussi particulièrement sur les préparatifs qui précèdent une prise de parole en public : la préparation physique et mentale, la gestion du trac, le choix du style, des éventuels supports visuels ou encore la tenue vestimentaire. Ces éléments ne sont pas accessoires mais constituent les fondations sur lesquelles repose l'efficacité du message.
Comme l'écrit l'auteur : "L'éthos t'impose d'abord comme autorité, avant de se solidifier peu à peu au service de ta persuasion". Cette préparation méticuleuse permet d'être pleinement présent le jour J.
Idée clé n°2 : La maîtrise du corps et de la voix crée une connexion émotionnelle puissante avec l'auditoire
Éric Bah démontre brillamment que la parole ne représente qu'une partie de la communication. Il accorde une attention particulière aux éléments non-verbaux qui font la différence entre un discours oublié et une prestation mémorable.
L'auteur détaille avec précision comment l'entrée en scène, la posture, les déplacements, le regard et la voix permettent d'établir ce qu'il nomme le "lien impalpable" avec le public. Il met notamment en lumière l'importance des silences, véritables "marqueurs de structure" qui articulent le discours et permettent de faire ressortir certains mots ou phrases.
Enfin, le concept de "flow", cet état de grâce où l'orateur devient littéralement sa prise de parole, constitue l'aboutissement de cette maîtrise technique et émotionnelle.
Idée clé n°3 : L'orateur d'exception déploie un arsenal de compétences complémentaires qui élèvent son discours
La troisième grande idée de "La mise en scène du discours" concerne les compétences additionnelles qui permettent à l'orateur de se démarquer.
Éric Bah présente un véritable "arsenal" de techniques parmi lesquelles le storytelling occupe une place privilégiée. L'auteur présente sept formats de récits différents (anecdote, vécu, conte, légende, fable, parabole, allégorie) et explique comment une bonne histoire doit comporter quatre éléments clés : l'identification, le basculement, les obstacles et l'enseignement.
À cela s'ajoutent l'humour, l'art de vendre une idée, l'improvisation maîtrisée et l'interaction avec le public. Ces compétences ne sont pas superficielles mais constituent des leviers puissants de persuasion quand elles sont mises au service d'un message clair.
Idée clé n°4 : L'adaptation est la compétence transversale qui assure la réussite face à tous les défis
L'épilogue du livre révèle peut-être sa leçon la plus précieuse : la capacité d'adaptation est la qualité suprême de l'orateur accompli.
À travers le conte de Nasreddine Hodja, Éric Bah illustre comment cette flexibilité permet de faire face à n'importe quelle situation imprévue, qu'il s'agisse de problèmes techniques, d'un trou de mémoire, d'un public difficile ou d'une réduction du temps de parole.
L'auteur nous invite à multiplier les occasions de prendre la parole en public, même au risque de l'échec, car c'est par l'expérience que s'affine cette capacité d'adaptation. Sa conclusion est sans équivoque : "S'adapter, c'est triompher".
Qu'est-ce que la lecture de "La mise en scène du discours" peut vous apporter ?
"La mise en scène du discours" est un livre qui pourrait bien transformer profondément votre rapport à la prise de parole, car il vous fait comprendre qu'un discours réussi est, en fait, une expérience totale qui engage tout votre être.
C’est également un ouvrage qui fournit une véritable boîte à outils techniques pour parler en public.
En suivant la progression naturelle proposée par Éric Bah, vous apprenez à maîtriser chaque étape, qu’il s’agisse de la préparation méthodique en amont de votre prise de parole en public, de votre entrée en scène, de la façon de créer une connexion authentique avec votre auditoire ou encore de la gestion des situations imprévues.
Enfin, ce qui distingue particulièrement cet ouvrage, c'est sa capacité à allier conseils pratiques immédiatement applicables et réflexions plus profondes sur ce qui fait l'essence d'un discours ou d'une présentation inoubliable.
Vous y découvrirez comment orchestrer les silences aussi bien que les mots, comment utiliser les émotions sans tomber dans la manipulation, comment maîtriser le trac, optimiser votre concentration, adapter votre message à un public spécifique, favoriser et gérer les interactions ou encore éviter les erreurs.
Pourquoi lire "La mise en scène du discours" d'Éric Bah ?
"La mise en scène du discours" est un livre qui est écrit aussi bien pour les débutants que pour les orateurs confirmés ; chacun y trouvera matière à progresser.
Son approche particulièrement accessible et pratique vous aidera à développer votre impact à l'oral, que ce soit pour convaincre, vendre, former ou inspirer. Il s’adresse donc aux orateurs, conférenciers, formateurs, leaders, enseignants et à toute personne souhaitant mettre en valeur sa parole, un discours, un message.
Pour moi, "La mise en scène du discours" est un incontournable ! Une référence à lire absolument si vous cherchez à améliorer votre prise de parole en public, donner vie à un discours, le rendre percutant, donner vie à un texte endormi, et faire en sorte qu’on ne vous/l’oublie jamais !
Points forts :
Une approche structurée et chronologique qui suit les étapes réelles d'une prise de parole en public.
Un équilibre réussi entre techniques concrètes et dimensions émotionnelles de l'art oratoire.
Une richesse de formats narratifs et d'outils rhétoriques ultra concret et directement applicables.
Des conseils pratiques et exhaustifs sur la mise en scène d’une prise de parole en public, allant même jusqu’à la gestion des impondérables et situations difficiles.
Points faibles :
La richesse des conseils est telle qu’elle pourrait sembler trop dense à mettre en œuvre simultanément pour un débutant.
L'absence d'exercices pratiques structurés pour accompagner la progression du lecteur (heureusement, d’autres ouvrages d’Éric Bah en regorgent !).
Ma note :
★★★★★
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Résumé de "L'approche lean pour la transformation digitale" d'Yves Caseau : un manuel pratique — et plutôt technique — pour passer "du client au code" et "du code au client", c'est-à-dire transformer votre entreprise en douceur mais avec rigueur afin qu'elle réponde aux exigences du monde numérique.
Par Yves Caseau, 2020, 240 pages.
Chronique et résumé de "L'approche lean pour la transformation digitale" d'Yves Caseau
Introduction
Dans La méthode lean pour la transformation digitale, Yves Caseau propose une vision approfondie de la transformation digitale. Il met particulièrement en avant la réinvention de l'offre grâce à l’abondance de données, la connectivité et la puissance de calcul.
L’auteur décrit trois capacités majeures qui s’appuient sur l’apprentissage continu et la co-construction avec le client.
La première est la démarche Lean Startup, qui s’ancre dans l’écoute des besoins et l’expérimentation itérative.
La deuxième concerne un système d’information exponentiel, flexible et ouvert, capable d’évoluer rapidement tout en garantissant la qualité.
La troisième est l’organisation de micro-usines logicielles, conçues pour livrer fréquemment et intégrer les retours afin d’améliorer l’offre.
Yves Caseau insiste sur l’exécution, jugée cruciale pour concrétiser une stratégie digitale, mais qui est souvent mal déployée, malheureusement. Il aborde les notions de gouvernance et d’architecture, indispensables pour gérer la complexité tout en préservant modularité et qualité.
Une culture d’agilité, soutenue par le management et respectueuse du savoir-faire logiciel, nourrit l’innovation et accélère l’adaptation. À qui est destiné ce livre ? Principalement aux décideurs et aux informaticiens, et finalement à toutes les entreprises en quête d’une mise en œuvre de la transformation digitale.
Première partie. Transformation digitale : orientation client et homéostasie
1 — Pourquoi une transformation digitale ?
Numérique ou digital ?
Yves Caseau explique qu’il utilise le terme numérique pour parler de l’usage des ordinateurs et des données. Il n'emploie digital (terme anglophone) que pour décrire la transformation digitale, terme associé à l’adaptation continue des entreprises face à l’essor d’Internet et du Web.
L’auteur insiste sur l’importance de comprendre cette nuance, car la révolution numérique a commencé bien avant l’apparition du concept de digital transformation. Il précise que l’arrivée de nouveaux acteurs (les big tech, notamment) a provoqué une accélération qui a obligé les entreprises à innover pour ne pas se laisser distancer.
« Markets are conversations »
Le spécialiste de la transformation digitale montre que le monde numérique génère une abondance de produits, où les entreprises luttent pour capter l’attention. Elles doivent passer du push marketing (où l’entreprise impose son message) à un pull marketing, qui mise sur l’écoute et la pertinence.
Il évoque la notion d'« économie de l’attention », caractérisée par une surcharge informationnelle et où chaque consommateur devient unique (personnalisation de l'offre). L’échange prend alors la forme d’une conversation, au sein de laquelle la confiance et la personnalisation sont essentielles.
]]>Résumé de « Commencer par pourquoi : comment les grands leaders nous inspirent à passer à l’action » de Simon Sinek : avec 18 millions de vues, sa conférence TED est l’une des plus fameuses de l’histoire de la série — mais avez-vous lu le livre ?
Par Simon Sinek, 2015, 230 pages.
Titre original : Start with why: How Great Leaders Inspire Everywone to Take Great Actions, 2009.
Chronique et résumé de "Commencer par pourquoi : comment les grands leaders nous inspirent à passer à l'action" de Simon Sinek
Préface
« Il y a des dirigeants et il y a des leaders. Les dirigeants occupent une position de pouvoir ou d’influence. Les leaders nous inspirent. Qu’il s’agisse d’individus ou de sociétés, nous suivons les leaders non pas parce que nous y sommes obligés, nous les suivons pour nous-mêmes. Nous suivons les leaders non pas pour eux, mais pour nous. Ce livre s’adresse aux personnes qui veulent inspirer les autres et à celles qui veulent trouver quelqu’un qui les inspire. » (Commencer par pourquoi, Phrase mise en exergue du livre)
Introduction
Selon Simon Sinek, les leaders efficaces se distinguent par une forme singulière "de pensée, d'action et de communication". Cet état d'esprit leur permet d'inspirer plus de monde et de mieux réussir que les autres.
Il ne s'agit pas de don. Bien sûr, il existe des leaders très talentueux. Mais ce n'est pas le plus déterminant. Ce qui compte, c'est vraiment cet état d'esprit. Et celui-ci peut être appris ! N'importe qui peut apprendre à penser, agir et communiquer efficacement en suivant le modèle qui sera présenté dans ces pages.
L'auteur présente enfin quelques figures clés de cet ouvrage :
Les frères Wright ;
Dr. Martin Luther King Jr. ;
Steve Jobs et Steve Wozniak d'Apple.
Ces personnes ont été des leaders inspirés et inspirants. Pourquoi ? Eh bien… justement, car ils ont commencé par se demander "pourquoi" !
Partie 1 — Un monde qui ne commence pas par pourquoi
1 — Présumer que vous le savez
Simon Sinek s'intéresse à la façon dont nos hypothèses affectent nos actions. Souvent, nous avons le nez dans le guidon. Or, une perspective plus large sur le monde peut conduire à un succès plus durable.
Il illustre cette idée en comparant les constructeurs automobiles américains à leurs homologues japonais.
Dans l'industrie automobile américaine, les travailleurs de la chaîne de montage utilisent souvent un maillet en caoutchouc comme outil de réglage final pour les portes de voiture.
En revanche, les constructeurs automobiles japonais conçoivent leurs véhicules pour s'assurer que les portes s'adaptent parfaitement dès le début.
À partir de cet exemple, l'auteur développe deux approches distinctes du leadership.
Les dirigeants qui choisissent de manipuler les situations et les gens pour atteindre les résultats souhaités, compromettant volontairement leurs principes pour un succès immédiat. Ils peuvent utiliser des tactiques qui génèrent des résultats rapides, mais finissent par éroder la confiance et l'authenticité.
Les dirigeants qui commencent avec une vision claire du résultat final qu'ils veulent atteindre. Ces dirigeants opèrent avec une compréhension profonde de leur "pourquoi" — leur but et leurs valeurs — et utilisent cette compréhension pour guider leurs décisions et leurs actions.
Selon Simon Sinek, ce deuxième type de leader est focalisé sur le long terme. Les dirigeants qui connaissent leur "pourquoi" sont authentiques et inspirants. Ils sont aussi plus confiants et rassurants. Enfin, ils sont davantage capables de promouvoir lune culture de la collaboration et du travail partagé.
2 — Des carottes et des bâtons
Dans Commencer par pourquoi, l’auteur examine ensuite les deux principales incitations utilisées par les entreprises pour attirer les clients :
Les « carottes », c'est-à-dire la promesse de récompense(s) ;
Les « bâtons », à savoir la mise en évidence de douleurs et de coûts.
Une grande partie des techniques de vente contemporaines s’appuient sur la mise en exergue de « points de douleurs » à évacuer… c’est-à-dire de « bâtons ».
Ces stratégies de persuasion publicitaire — ce que les marketeurs nomment copywriting, notamment — se rencontrent partout. Elles jouent sur les prix, la peur ou encore la pression par les pairs.
En tant que consommateurs, certaines nous sont familières et nous ne sommes pas "dupes". D'autres, toutefois, agissent plus implicitement.
Pour Simon Sinek, c'est toutefois insuffisant. En fait, ces tactiques sont des solutions à court terme qui doivent être constamment répétées pour rester efficaces. Le risque étant, pour l'entreprise, de perdre son identité et, finalement, sa rentabilité.
Partie 2 — Une perspective différente
3 — Le cercle d'or
Dans Commencer par pourquoi, Simon Sinek introduit sa propre conception de la persuasion. Il nomme « cercle d’or » les trois questions suivantes :
Pourquoi = le but et la raison d'être de l'organisation ;
Comment = sa proposition de valeur unique ;
Quoi = les produits/services tangibles qu'elle offre.
Le plus souvent, les entreprises privées ou publiques peuvent exposer leur "quoi", mais sont beaucoup plus embêtées lorsqu'il s'agit de parler de leur "comment" et, surtout, de leur "pourquoi".
Pourtant, c'est par là qu'il faudrait commencer ! C'est "la" clé pour établir des liens durables avec les clients ou les usagers. Lorsqu'une organisation communique efficacement ses valeurs et son but, elle s'adresse directement au cœur des individus et ceux-ci entrent plus facilement en résonance avec elle.
L'exemple le plus fameux est celui d'Apple. Les produits d'Apple sont techniquement similaires à ceux de ses concurrents, mais l'entreprise se démarque nettement dans la mesure où elle commence par son "pourquoi".
Pensez à sa plus célèbre publicité inspirée de 1984 de George Orwell. L'enjeu de la marque à la pomme : remettre en question le statu quo et libérer les individus de leurs chaînes. Ce mantra primordial insuffle de la vie à toute l'entreprise et lui donne son cachet d'authenticité. Les consommateurs, eux, entrent directement en empathie avec cet objectif : "Moi aussi, je veux être autonome et original".
4 — Ce n'est pas une question d'opinion, mais de biologie
Quelles sont les raisons de ce comportement ? En fait, Simon Sinek explique que les humains ont un désir inné d'appartenir à des communautés, c'est-à-dire à des groupes partageant les mêmes valeurs et croyances.
Ce besoin très fort de l'humanité correspond au niveau « pourquoi » du cercle d'or.
Par ailleurs, d'un point de vue neurologique, il existe une différence entre :
Le néocortex, qui gère la pensée et l'analyse rationnelles ;
Le cerveau limbique, qui régit les émotions, la confiance et la loyauté.
Le premier est lié au "quoi", tandis que c'est davantage dans le second que s'ancre le "pourquoi". Les entreprises (ou les organisations au sens large) qui commencent par leur "pourquoi" puisent dans ce désir naturel d'appartenance.
Pourquoi, dans ce cas, la plupart des entreprises commencent par « quoi » et « comment » ? Eh bien, parce que ce sont aussi des aspects que les clients privilégient :
La qualité du produit ;
Son prix bas ;
Ses fonctionnalités ;
Etc.
Tous ces aspects sont importants et sont "calculés" par la partie rationnelle du cerveau. Toutefois, c'est à un niveau plus profond (et plus ancien, selon la théorie de l'évolution), que l'auteur propose d'agir.
5 — La transparence, la discipline et la constance
Dans Commencer par pourquoi, Simon Sinek souligne l’importance de maintenir le bon ordre dans le cercle d’or. Chaque niveau implique un degré d’engagement différent :
Lorsque les décisions sont basées sur des éléments tangibles ou des mesures rationnelles (« quoi »), le plus haut niveau de confiance est formulé selon une phrase du genre : « Je pense que c'est la bonne décision ».
Les décisions instinctives (« comment ») produisent un niveau de confiance semblable à « La décision semble juste ».
Lorsque les décisions sont enracinées dans un "pourquoi" clair, le plus haut niveau de confiance est "Je sais que c'est juste".
Le consommateur qui connaît les raisons d'agir d'une organisation peut facilement l'expliquer et se sentir à l'aise avec son choix, comme s'il était tout à fait "naturel".
Partie 3 — Les leaders ont besoin d'adeptes
6 — L'émergence de la confiance
Simon Sinek explique comment la confiance émerge dans les organisations et comment l'alignement du "pourquoi", du "comment" et du "quoi" peut favoriser cette confiance.
Du point de vue de l'auteur, la confiance commence à s'épanouir lorsque les gens et les organisations font preuve d'un type de motivation qui va au-delà de l'intérêt personnel. À noter : c'est ce qui est parfois appelé motivation oblative.
L'auteur considère que la vision qui consiste à se démarquer constamment de ses concurrents n'est pas viable à long terme. C'est une culture du « quoi » qui risque à tout moment d'oublier son "pourquoi".
En effet, en se concentrant uniquement sur "ce qu'ils font" (quoi), ils restent constamment le nez dans le guidon. Par contre, les entreprises qui s'appuient sur leur "pourquoi" peuvent agir avec plus de flexibilité.
Voici deux exemples qui vont en sens inverse :
Apple, avec son "pourquoi" clairement identifié (voir plus haut), a pu sans problème diversifier ses propositions de services et de produits des ordinateurs aux iPads et aux iPhones.
Dell, quant à elle, a eu du mal à se diversifier au-delà des ordinateurs et en est finalement restée à son activité principale. L'entreprise s'est trop focalisée sur ce qu'elle faisait (son produit, leur qualité) et n'a pas cherché à "vendre" sa raison d'être.
Connaissez-vous "l'avantage du premier déménageur" ? C'est le nom que Simon Sinek donne à l'avantage compétitif que peuvent engranger les entreprises qui savent capitaliser sur leur "pourquoi". Il donne un autre exemple, toujours avec Apple (et Steve Jobs) en héros de l'aventure :
Creative, l'un des premiers producteurs de lecteurs MP3 s'est concentré sur les spécifications techniques lors de ses campagnes publicitaires ;
Apple a commercialisé l'iPod en vantant la possibilité de mettre "1 000 chansons dans votre poche".
Cette approche plus sensationnelle d'Apple fait tilt auprès des consommateurs et leur permet de dominer le marché.
Enfin, l'auteur souligne l'importance d'embaucher des employés qui sont passionnés par le « pourquoi » de l'entreprise. Les employés qui se connectent au « pourquoi » sont plus productifs et innovants. Ils contribuent davantage à la vie de celle-ci et créent une émulation positive pour tout le groupe.
7 — Comment se produit un point de bascule
Comment les idées et les innovations se propagent-elles ? Comment se produit le "point de bascule" qui fait d'un simple produit une référence, voire une norme que tout le monde utilise "doit" utiliser ? Pour l'expliquer, l'auteur s'inspire de la loi d'Everett M. Rogers sur la diffusion des innovations.
Cette loi décrit la courbe en cloche de l'adoption des produits. Il existe plusieurs types de consommateurs :
Innovateurs, c'est-à-dire ceux qui prennent le risque d'adopter une technologie en premier, lorsque celle-ci n'a pas encore été complètement testée ou validée par le public ;
Adopteurs précoces qui souhaitent être à la pointe de la technologie ;
Majorité précoce, qui ne veut pas être en reste et cherche à se maintenir dans la course au progrès ;
Majorité tardive, qui emboite le pas pour entrer dans ce qui devient une "norme" ;
Retardataires, qui adoptent la technologie après tout le monde.
Il y a peu d'innovateurs et peu de retardataires, comparativement aux autres segments. C'est pourquoi la courbe est "en cloche".
Cette analyse classique résonne avec le propos de Simon Sinek. En effet, selon ce dernier, les organisations devraient se concentrer sur l'attraction de personnes qui s'alignent sur leur "pourquoi" et qui croient en leur cause. En l'occurrence, ce sont les innovateurs bien sûr, mais surtout les adopteurs précoces.
Ceux-ci représentent environ 15 % à 18 % du marché. Ils jouent un rôle déterminant pour atteindre ce "point de bascule", cette "masse critique" requise pour qu'une idée ou un produit soit accepté par le grand public.
Dans Commencer par pourquoi, l’auteur cite le mouvement des droits civiques comme exemple du cercle d’or et de la loi de la diffusion de l’innovation. Selon lui, le Dr. Martin Luther King Jr. est devenu le symbole du mouvement des droits civiques, car il a su toucher ces adopteurs précoces avec une vision claire et une communication percutante.
Partie 4 — Comment rallier ceux qui croient
8 — Commencer avec pourquoi, mais savoir comment
Simon Sinek explore ensuite les concepts d'énergie et de charisme. Ceux-ci sont capitaux pour penser le leadership.
L'énergie motive ;
Le charisme inspire.
Si vous connaissez votre raison d'être, vous pouvez développer votre charisme. Est charismatique celui qui croit en quelque chose qui le dépasse. Simon Sinek illustre cela avec les exemples de Bill Gates et de Steve Ballmer.
Steve Ballmer est énergique, il sait mobiliser les troupes ;
Bill Gates respire le charisme malgré sa timidité naturelle.
Les dirigeants charismatiques, qui sont animés par un « pourquoi » fort, laissent un impact durable et obtiennent plus facilement l'engagement des autres. Ces visionnaires ont de l'imagination et une vue précise pour l'avenir. Ils sont la quintessence des personnalités "pourquoi".
Par contraste, les dirigeants qui se focalisent sur le « comment » sont pragmatiques : ils cherchent des solutions pratiques et sont réalistes ; ils pensent au jour le jour. Les personnalités "comment" peuvent très bien réussir, mais elles créeront rarement des entreprises qui changent le monde.
Par ailleurs, ces deux types de personnalités sont souvent complémentaires. Un dirigeant "pourquoi" a souvent besoin d'une personne de type "comment" pour donner vie à sa vision. C'était le cas de Walt Disney, par exemple, qui a pu compter sur son frère Roy pour faire de ses rêves une réalité.
Cette distinction s'étend à la vision et à la mission d'une organisation.
La vision représente l'intention du fondateur, le « pourquoi » derrière la fondation de l'entreprise.
La mission prédit « comment » l'entreprise créera cet avenir. C'est le mode d'emploi.
Lorsque ces deux dimensions sont au clair, l'organisation a toutes les chances d'être un succès, aussi bien en interne (relations entre les collaborateurs) qu'à l'externe (relations avec les clients, surtout, mais aussi les fournisseurs, etc.).
9 — Savoir pourquoi, savoir comment. Ensuite, quoi ?
Simon Sinek continue son parcours et aborde l'évolution du rôle des dirigeants. Lorsqu'une entreprise de développe, elle doit passer du centre du cercle d'or (le "pourquoi") vers son extérieur (le "comment", puis le "quoi").
Au commencement d'une organisation, les fondateurs ont un contact direct avec le monde extérieur. Ils s'expriment et sont écoutés. Mais progressivement, les fondateurs deviennent un symbole du message principal. Or, il en faut plus pour mettre en œuvre et faire fonctionner une organisation.
Pour exposer son idée, Simon Sinek réexpose la distinction entre cerveau limbique, centre des émotions et des décisions irrationnelles, et le néocortex rationnel. Au niveau de l'entreprise, les fondateurs sont l'équivalent du système limbique, tandis que les cadres dirigeants représentent usuellement le néocortex.
La communication doit utiliser les émotions. Pour cela, elle peut s'appuyer sur des métaphores, des images et des symboles. Lorsqu'il est bien compris et exécuté, le marketing communique les valeurs et les croyances de l'entreprise au monde.
Mais il n'est pas toujours facile d'exprimer ses émotions, et c'est pourquoi tant d'organisations peinent à se faire connaître et à se développer !
10 — Communiquer, ce n'est pas parler, c'est écouter
Dans Commencer par pourquoi, Simon Sinek insiste tout particulièrement sur le pouvoir des symboles dans la communication. Les symboles rendent l’intangible (invisible, abstrait, etc.) tangible. Ils tirent leur sens des associations que les gens créent.
Les logos jouent ce rôle de symbole. Par exemple, le logo de Harley-Davidson symbolise bien plus que l'entreprise. Pour les amoureux de motos, il incarne tout un ensemble de valeurs et un style de vie à part entière.
L'auteur en revient encore une fois à Apple pour montrer la discipline importante qu'il faut pour parvenir à communiquer son "pourquoi" sans se perdre. Il en vient ensuite à la description d'un test : le test du céleri !
"Ce n’est pas seulement CE QUE vous faites ou COMMENT vous le faites qui compte. Le plus important, c’est que le QUOI et le COMMENT soient cohérents avec votre POURQUOI. C’est seulement à ce moment-là que vos pratiques seront meilleures. Il n’y a rien de mauvais en soi à regarder ce que font les autres pour apprendre. Le défi est de savoir quelles pratiques ou quels conseils il faut suivre. Heureusement, il existe un simple test que vous pouvez utiliser pour trouver exactement quels QUOI et COMMENT sont les bons pour vous. Il s’agit d’une simple métaphore appelée le test du céleri." (Commencer par pourquoi, Chapitre 10)
Ce « test de céleri » a une base simple : pour choisir quels sont les exemples sur lesquels vous pouvez vous appuyer ou les innovations que vous pouvez faire dans votre entreprise, ne vous contentez pas de copier ce que font les autres. Passer chacune de ces propositions au crible de votre "pourquoi".
Si votre ambition est de manger sainement, vous opterez pour ceux qui vous proposent du céleri et non des M&Ms. En agissant avec cette boussole intérieure, vos décisions (et votre communication) s'aligneront sur vos croyances et vos objectifs fondamentaux.
Mais ce n'est pas tout ! Vous économiserez également du temps et d'autres précieuses ressources en évitant de vous éparpiller.
Partie 5 — Le plus grand défi est la réussite
11 — Lorsque le pourquoi devient vague
Dans ce chapitre, SImon Sinek discute de ce qui se passe lorsque les entreprises perdent de vue leur "pourquoi" d'origine. Deux exemples éminents, Volkswagen et Walmart, servent à l'auteur pour nous mettre en garde.
Volkswagen, qui signifie littéralement « voiture du peuple », a construit une image de marque autour de voitures fiables et abordables pour tout le monde. L'emblématique VW Beetle représentait la liberté et une vie simple et insouciante. Cependant, lorsque Volkswagen a sorti la VW Phaeton pour un public très aisé, elle a contredit son propre "pourquoi" et n'a pas réussi à trouver un écho auprès des consommateurs.
Walmart connait sensiblement la même histoire. L'enseigne s'adresse historiquement à des personnes aux revenus modestes. À la mort de son fondateur, l'entreprise se restructure et opte pour une politique impitoyable auprès de ses fournisseurs et ses employés notamment. Sa réputation en pâtit très fortement et elle perd ce qui faisait sa raison d'être.
Rester attaché à sa cause ou à sa croyance s'avère être le véritable test de l'intégrité d'une organisation.
12 — Une rupture peut survenir
Chaque entreprise évolue selon un cycle de vie déterminé :
La passion des débuts ;
Les risques pour faire vivre concrètement cette vision ;
La solidification de structures pour la faire "tenir" et la transformer en "mission".
L'entreprise peut devenir une référence et entrer dans le cœur de tous ou bien oublier son "pourquoi" (voir plus haut). La croissance comporte elle-même ses risques.
Pour de nombreuses entreprises, une « rupture » entre le "pourquoi" et le "comment" se produit au fur et à mesure qu'elles ont de plus en plus de succès. L'auteur définit cette rupture comme ce qui se passe lorsque le « pourquoi » et le « quoi » divergent.
Au fur et à mesure que les entreprises grandissent et se globalisent, la prise de décision se décentralise. Il n'est pas rare, alors, que les collaborateurs — voire les cadres eux-mêmes — perdent de vue le "pourquoi" de l'entreprise. Ils ne commencent à compter que sur le "quoi" pour éclairer leurs décisions.
Partie 6 — Découvrir pourquoi
13 — Les origines du pourquoi
Devez-vous réellement faire des études de marché pour connaître vos clients et trouver votre niche ?
Simon Sinek met cette théorie classique de la création d'entreprise en question. Selon lui, la vision du fondateur doit primer sur l'adaptation au consommateur. Le "pourquoi" ne ressort pas de statistiques, de sondages ou d'entretiens approfondis avec les clients et les employés.
Une fois que celui-ci est trouvé, le défi consiste à rester fidèle à soi-même face aux pressions extérieures et à l'évolution de la situation.
Simon Sinek révèle également les origines de ce livre. Selon lui, elles sont justement à trouver dans son propre échec à rester fidèle au « pourquoi » de sa première entreprise.
Lorsqu'il commença son activité d'entrepreneur, il était rempli d'excitation et de fierté car son entreprise avait survécu au-delà des trois premières années — ce qui est un succès en soi, considérant que 90 % des entreprises font faillite dans les 3 ans qui suivent leur création.
Cependant, au fur et à mesure que l'entreprise se développait, il se rendit compte que sa passion déclinait et que l'entreprise se transformait pour lui en une routine désagréable.
L'auteur explique alors que cet ennui, mais aussi son manque de confiance en lui-même et sa trop grande faiblesse à l'égard de ses concurrents l'ont incité à se lancer dans une analyse approfondie de ce qui distinguait sa propre expérience entrepreneuriale des entreprises plus prospères.
Il a tout particulièrement cherché à comprendre pourquoi des entreprises comme Apple surpassent systématiquement leurs rivaux. C'est alors qu'il a identifié un fil conducteur qui lui a permis de concevoir le cercle d'or présenté au premier chapitre.
Peu à peu, il a reconnu que ses propres difficultés découlaient d'une perte de son « pourquoi ». Trouvant que son analyse était pertinente, il s'est décidé à la partager avec autrui. Et c'est comme ça que tout a recommencé et qu'il a connu, cette fois, le succès !
14 — La nouvelle concurrence
Simon Sinek part d'une distinction essentielle pour penser la concurrence : celle contre les autres et celle contre soi-même.
Si vous (ou votre organisation) êtes en concurrence avec le monde, vous aurez des difficultés à trouver du soutien et à ne pas vous essouffler dans la durée. Vous chercherez à améliorer vos produits et services, mais au prix d'une course épuisante et sans fin.
Cependant, si vous (ou votre entreprise) êtes en concurrence avec vous-même, vous chercherez avant tout à améliorer vos réalisations antérieures, sans être constamment dans la comparaison. Vous pourrez plus aisément attirer les autres à vous et collaborer avec eux, ce qui diminuera la pression et la fatigue.
Cette "nouvelle concurrence" (celle contre soi-même) vous oblige à conserver votre vision, tout en l'affinant et la transformant. La concurrence classique nous amène à trop regarder à l'extérieur et à perdre notre spécificité. La nouvelle, au contraire, nous impose de regarder toujours davantage en nous-mêmes.
Seules les plus grandes conservent cette clarté sur leur « pourquoi », année après année. Oui, le chemin vers un succès durable réside dans le fait de commencer par pourquoi et de rester attaché à sa vision, tout en s’attachant à s’améliorer de façon continue.
Une entreprise fidèle à sa vision se simplifie la vie de bien des manières :
La qualité de ses décisions est accrue ;
La loyauté de ses membres s'approfondit ;
La confiance du public est durable.
L'optimisme et l'innovation font partie intégrante de sa culture.
Postface — Faites partie de ce mouvement, partagez votre vision du monde
Le cercle d'or de Simon Sinek. Source : Wikipedia
Conclusion sur "Commencer par pourquoi : comment les grands leaders nous inspirent à passer à l'action" de Simon Sinek :
Ce qu’il faut retenir de "Commencer par pourquoi : comment les grands leaders nous inspirent à passer à l'action" de Simon Sinek :
Une chose est sûre : Simon Sinek sait présenter sa pensée. D’ailleurs, si vous n’avez toujours pas vu la vidéo YouTube de sa présentation TED, c’est le moment ! Ce livre en est la continuation et l’approfondissement.
Sa théorie du "cercle d'or" lui permet de développer son argument central, selon lequel le but d'une personne ou d'une organisation est la clé de sa réussite.
Dans Commencer par pourquoi, Il affirme que les individus et les organisations influents commencent toujours par exposer clairement « pourquoi » ils font ce qu’ils font, puis qu’ils vont progressivement vers l’extérieur pour expliquer « comment » ils accomplissent cet objectif et — enfin — ce (« quoi ») qu’ils font pour l’accomplir.
Commencer par pourquoi est particulièrement important pour au moins 3 raisons :
Inspirer et motiver plus efficacement les autres.
Donner un cap pour les décideurs et les cadres qui doivent maintenir une cohérence au fil du temps.
Accroître la fiabilité et, ce faisant, la confiance des clients et des parties prenantes.
Contribuer à une plus grande résilience de l'individu ou de l'organisation, puisque le but sert d'ancre en période d'incertitude ;
Fournir un héritage durable, qui va au-delà du simple succès immédiat ou du profit.
Tout au long de Commencer par pourquoi, Simon Sinek prend des exemples dans les mondes de l’entreprise, mais aussi de la politique. À ce titre, ses deux exemples phares sont Apple et le Dr. Martin Luther King Jr. Ce dernier a profondément influencé le Mouvement pour les droits civils en clamant un « pourquoi » clair et puissant (le fameux discours « I have a dream » ou « J’ai un rêve », prononcé en 1963).
Points forts :
Un livre court, mais très clair et bien construit ;
Des exemples qui permettent de bien comprendre le propos ;
Une théorie assez simple, qui peut être facilement mise en application pour les autoentrepreneurs.
Point faible :
Quelques répétitions.
Ma note :
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Résumé de « À nous d’écrire l’avenir » d’Eric Schmidt et Jared Cohen : un essai sur l'avenir du numérique qui a marqué les esprits, rédigé par deux spécialistes internationalement reconnus, tous deux anciens cadres supérieurs de Google.
Par Eric Schmidt et Jared Cohen, 2014.
Titre original : « The New Digital Age », 2013.
Chronique et résumé de « À nous d’écrire l’avenir : Comment les nouvelles technologies bouleversent le monde » d’Eric Schmidt et Jared Cohen
Présentation d’Eric Schmidt, de Jared Cohen et de leur ouvrage The New Digital Age
Eric Schmidt a été Président directeur général de Google dans les années 2000, puis a siégé à son conseil d’administration. Il a notamment été proche de l’administration de Barack Obama quand celui-ci était au pouvoir. Ses conférences et ses analyses connaissent un grand succès dans le monde entier.
Jared Cohen a notamment été conseiller d’Hillary Clinton quand celle-ci était au département d’État. Il a pensé et mis en œuvre le concept de « diplomatie numérique ». Durant les années 2010, lorsque ce livre a été écrit, Jared Cohen était le directeur du think thank de Google, Google Ideas.
The New Digital Age, traduit en français sous le titre À nous d’écrire l’avenir, a été un véritable phénomène éditorial outre-Atlantique lors de sa parution en 2013.
Pour l’essentiel, c’est un livre qui s’appuie sur l’énorme expérience de ses deux auteurs, ainsi que sur des entretiens réalisés avec de nombreux dirigeants, activistes et même terroristes de par le monde.
Son intention est de décrire la façon dont le numérique modifie les rapports entre individus, États et société civile. Plus précisément, l’ouvrage explore l’avenir en s’efforçant de proposer des prédictions sur de nombreux aspects des relations humaines et sociales.
Important : en rédigeant cette chronique, nous avons choisi de discuter, lorsque cela était nécessaire, les propositions principales des auteurs.
Par moments, nous montrons toute la justesse de leurs évaluations en donnant des exemples de ce que nous vivons aujourd’hui.
À d’autres moments, nous tempérons leurs propos, en montrant que leurs prédictions ne se sont pas réalisées.
Introduction
Internet est à la fois grisant et terrifiant. Cette technologie nous ouvre des possibilités inédites en termes de communication, mais pas seulement. C’est l’ensemble des rapports humains et sociaux qui s’en trouve modifié.
Voici ce qu’ils affirment d’entrée de jeu :
« Ceci n’est pas un livre sur les gadgets, les applis pour smartphone ou l’intelligence artificielle […]. C’est un livre sur la technologie, mais plus encore sur l’homme, sur sa façon d’interagir, d’adopter la technologie, de s’y adapter et de l’exploiter dans son milieu, aujourd’hui et demain, partout dans le monde. Surtout, c’est un livre sur l’importance du fait qu’une main humaine conduise l’avènement du nouvel âge numérique. Car toutes les possibilités que représentent les technologies de la communication, leur bon ou leur mauvais usage, ne dépendent que des individus. Oubliez ce qu’on raconte sur la prise du pouvoir par les machines. Ce qu’il adviendra ne dépend que de vous. » (À nous d’écrire l’avenir, p. 22)
Les défis sont de taille. Sans régulation, nous trouvons absolument de tout sur le Net. Le meilleur comme le pire ; pensons par exemple aux arnaques en ligne ou aux forums terroristes.
La prolifération rapide des technologies numériques est un aspect majeur du phénomène, ainsi que l’accroissement régulier de leur puissance ou efficacité. Plus de monde disposant d’appareils toujours plus performants : tel est le paysage qui se dessine pour les auteurs.
Les deux mondes, physique et numérique, vont s’entrelacer et parfois aussi s’entrechoquer. Nos institutions devront s’adapter. Nous ne pouvons encore connaître le résultat final de ce processus qui vient juste de commencer. Globalement, vivrons-nous mieux ou moins bien ?
Eric Schmidt et Jared Cohen cherchent, dans cet ouvrage, à apporter quelques clés d’analyse pour penser le développement technologique et ces implications sociales et culturelles. Voyons avec eux ce qu’ils en pensent !
1 — Notre avenir personnel
Les auteurs nomment « connectivité » ou « connectivité numérique » le fait majeur que l’humanité dans son ensemble soit en passe de pouvoir communiquer en ligne via des téléphones mobiles. Quels sont ses avantages et ses inconvénients pour notre vie individuelle ?
Efficacité accrue
La connectivité — via les smartphones essentiellement — est capable d’aider de nombreuses personnes dans de nombreuses régions du monde. Y compris dans les pays moins développés et les zones les plus rurales, les changements se font sentir durablement.
Au-delà de l’utilisation du mobile pour diverses situations, c’est l’usage des données qui prend une importance massive. En connaissant mieux ses consommateurs, une entreprise peut lui fournir des services plus adaptés à ses besoins.
Autre progrès à garder à l’œil : les imprimantes 3D. Celles-ci révolutionnent la façon de produire les objets. En plaçant le processus de fabrication d’objets complexes à portée de tout un chacun ou presque, ce type de technologie facilite grandement la diffusion des innovations.
Les auteurs abordent aussi la question de l’intelligence artificielle et de la robotique. Si les robots à formes humaines seront sans doute réservés à une élite, une foule d’objets intégreront bientôt — ou intègrent déjà — des éléments de l’une ou l’autre de ces technologies.
Erich Schmidt et Jared Cohen abordent enfin trois types de « reconnaissance » :
Vocale (que nous utilisons pour nos recherches ou pour la domotique) ;
Gestuelle (que nous trouvons par exemple sur les consoles de jeu, mais aussi ailleurs) ;
Mentale ou par la pensée (déjà utilisé pour des prothèses et membres artificiels, par exemple).
Plus d’innovation, plus d’opportunités
Bien sûr, les technologies numériques offrent la possibilité de communiquer plus rapidement, quelles que soient les distances géographiques. Les entreprises profitent et profiteront encore davantage à l’avenir de la possibilité de travailler de façon décentralisée.
Le travail à distance est amené à devenir une chose de plus en plus commune. Chacun d’entre nous pourra proposer des services à d’autres personnes à l’autre bout du monde. À l’inverse, nous pourrons nous adresser à des professionnels de notre choix, sans nous soucier qu’ils soient proches ou loin.
Tous ces flux de communications intensifient la mondialisation et le niveau d’innovation globale et les opportunités d’affaires.
À côté de ces deux aspects, il faut aussi penser à l’éducation. Les auteurs affirment que la démocratisation des technologies d’information et de communication vont permettre à un plus grand nombre d’enfants d’être éduqués — et mieux éduqués.
En effet, selon eux, l’enseignement à distance et par moyens numériques autorise une plus grande modularité. Par ailleurs, les systèmes de création collective de connaissances, tels que Wikipédia, génèrent des compétences importantes tels que l’esprit critique et la résolution de problèmes.
Attention : sur ces derniers points, il importe de noter que les prévisions des auteurs ne se sont pas vraiment confirmées. En effet, les MOOCs et autres types d’enseignement à distance n’ont pas vraiment connu le succès attendu. Par ailleurs, à en croire certains experts, il n’est pas sûr qu’Internet et les outils numériques améliorent véritablement la qualité de l’éducation.
Une meilleure qualité de vie
Une prédiction tout à fait juste d’Erich Schmidt et Jared Cohen (parmi beaucoup d’autres) est la suivante : « Vous seul, et pas le programme de télévision, déciderez quoi regarder sur vos écrans ». En effet, nous avons désormais Netflix — notamment !
Au-delà des gadgets, de réelles améliorations de vie découlent et découleront de la révolution numérique, pour les auteurs. Dans le domaine de la sécurité, bien sûr. Mais aussi de la santé.
Par exemple, nous aurons de plus en plus de capteurs sur nos dispositifs portables. Ceux-ci prendront des mesures de notre corps en temps réel et nous avertiront de notre état de façon régulière. Ceux qui ont des smartphones et des montres connectées le savent déjà !
C’est ce qui est nommé le « soi quantifié » (quantified self), dont parle aussi — pour le critiquer cette fois — Yuval Noah Harari dans Homo Deus. Mais pensez aux bénéfices que cela peut avoir pour les personnes avec des maladies chroniques…
De façon générale, la médecine devient chaque jour plus mobile et plus personnalisée. Et cela passe par les smartphones des personnes. Certes, les auteurs sont conscients que cela ne remplace pas des systèmes de soins performants. Mais ils considèrent néanmoins que c’est un progrès souhaitable.
La frange supérieure
« La connectivité profitera à tout le monde. Ceux qui n’en disposent pas du tout en disposeront un peu, et ceux qui en disposent déjà en auront encore plus », annoncent Erich Schmidt et Jared Cohen.
Les plus aisés pourront bénéficier d’une domotique complètement intégrée à leur smartphone ou à un simple dispositif de contrôle vocal, par exemple. Ils contrôleront toute leur maison d’un son ou d’un geste.
Les auteurs annoncent également que les voitures sans conducteur seront une réalité. À noter : en 2023, elles le sont presque (pensons notamment aux Tesla qui incorporent des fonctionnalités avancées) mais ce n’est pas encore complètement une réalité quotidienne, même pour les plus riches d’entre nous !
2 — L’avenir de l’identité, de la citoyenneté et du journalisme de reportage
Les auteurs affirment que la population virtuelle devient plus importante que celle de la Terre. Qu’est-ce que cela signifie ?
En un mot, que chacun d’entre nous a plusieurs identités en ligne. Autrement dit, si la Terre entière est connectée, eh bien il y a mécaniquement « plus » de « personnes » dans le monde virtuel. Pourquoi ? Eh bien justement car chaque individu « réel » a plusieurs « personnalités » virtuelles.
La révolution des données
Le plus important dans tout cela est sans doute la révolution des données. Nous laissons de plus en plus de traces de nous (nos personnalités virtuelles, nos comptes de ceci ou cela, nos mouvements d’achat, etc.) en ligne.
Ce que nous nommons aujourd’hui le Big Data est bel et bien une réalité. Les entreprises et les États captent de plus de plus d’informations nous concernant. Souvent, pour améliorer nos expériences de consommation ou pour nous permettre d’accéder à des services publics.
Les flux constants de données et la possibilité de les utiliser dans un sens ou dans un autre vont créer, selon les auteurs, une « ère de la pensée critique ». Plus de lanceurs d’alerte, plus de contrôle des propos, plus de transparence.
À noter : il faudrait tempérer ce propos. Nous voyons aujourd’hui abonder les fake news et autres dénonciations en ligne. Contrairement à l’esprit critique, celles-ci font plutôt proliférer une « ère du complot et du soupçon généralisé ».
Les traces dureront dans le temps et autoriseront certaines personnes à en juger d’autres. Il faudra donc faire de plus en plus attention à ce que nous publions sur le Net. Cette préoccupation est bel et bien présente dans nos quotidiens, aujourd’hui.
De nouveaux métiers vont apparaître, tôt ou tard :
Entreprises consacrées à la confidentialité et à la réputation (elles existent) ;
Assurances proposant d’assurer nos identités en ligne contre le vol ou le piratage.
Les auteurs continuent le chapitre en discutant des activités de WikiLeaks. Ils ont interviewé Julian Assange et mentionnent quelques extraits de leurs discussions. Les pratiques d’Alexeï Navalny sont aussi discutées.
La crise du journalisme
Le journalisme est devenu du journalisme web. Le journalisme se transforme chaque jour à plusieurs niveaux (que nous pouvons encore observer en 2023) :
Rapidité et nouveaux canaux de distribution de l’information (réseaux sociaux) ;
Restructuration des grandes entreprises d’information ;
Diversification des tâches du journaliste et formes plus collaboratives ;
Apparition de nouveaux types d’informateurs (non seulement locaux, mais en ligne) ;
Interférences entre « journalisme » et « marque personnelle » de certaines célébrités ;
Plus grande difficulté des gouvernements autoritaires à museler la presse, via la création d’une presse indépendante en ligne.
Reconsidérer la confidentialité — différentes implications pour différents citoyens
« La sécurité et la confidentialité relèvent d’une responsabilité que se partagent les entreprises, les usagers et les institutions qui nous entourent », rappellent les auteurs.
En effet, nous attendons des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) qu’elles protègent nos données. Par ailleurs, nous devons y veiller nous-mêmes et la puissance publique doit aussi prendre des mesures en ce sens.
Il importe par exemple de rappeler que, depuis la rédaction de cet ouvrage, l’Union européenne a adopté le Règlement général de protection des données (RGPD) censé réguler les échanges de données entre entreprises et citoyens.
Chacun de nous sera de plus en plus confronté au jugement d’autrui et à une forme d’évaluation constante. Et de fait ! N’est-ce pas une chose à laquelle nous nous sommes déjà habitués avec toutes les évaluations et recommandations que nous envoyons/recevons sur les différentes plateformes… ?
Cette vigilance accrue de chacun vis-à-vis de chacun pourra créer des tensions, mais améliorera globalement la transparence. Un faux expert ou un politicien corrompu peut désormais se cacher moins longtemps.
Les auteurs traitent des conséquences de la connectivité dans plusieurs types de régimes, des plus démocratiques aux plus autoritaires. Ils montrent que les États seront souvent tentés d’utiliser ces techniques pour augmenter le niveau de contrôle sur leurs ressortissants.
Pensons par exemple à la Chine aujourd’hui et à son utilisation des réseaux sociaux…
Stratégies d’adaptation
Quatre grandes stratégies d’adaptation à la « révolution des données » voient le jour et continuent de se développer aujourd’hui :
Les entreprises doivent inventer des dispositifs pour assurer la confidentialité et la sécurité des données ;
Le droit est un moyen efficace d’obliger les entreprises à agir dans le sens voulu par les citoyens d’un pays ou d’une région (c’est le cas avec le RGPD) ;
La société civile se lève aussi régulièrement pour dénoncer et mener des campagnes de sensibilisation aux enjeux du Big Data (nous pouvons penser, entre autres, à la création du parti pirate) ;
Les citoyens peuvent également choisir d’interagir directement entre eux sans passer par une tierce partie sur Internet, via des dispositifs PeerToPeer (P2P) et chiffrés.
État policier 2.0
Un jeu de chat et de la souris s’installe entre les États autoritaires et les individus cherchant à y échapper ou à renverser le pouvoir. Les technologies numériques servent aux premiers à créer une surveillance plus subtile et accrue. Mais elles sont également utilisées par les seconds pour lui résister !
La récolte de données en ligne et l’usage de logiciels de reconnaissance faciale à grande échelle sont déjà des réalités dans de nombreux pays. Les données biométriques (traits du visage, empreintes digitales, etc.) sont particulièrement recherchées par les administrations.
Dans les États démocratiques, il importe que des débats aient lieu pour décider de ce qui pourra être fait de ces données.
3 — L’avenir des États
Les États ne peuvent pas contrôler tous les flux d’informations qui circulent et s’amplifient constamment sur Internet. Mais ils ont un pouvoir sur l’infrastructure matérielle qui le rend possible.
N’oublions pas, en effet, qu’Internet n’existe que par l’entremise d’un gigantesque réseau de machines connectées entre elles, notamment par de la fibre optique.
Mais il y a d’autres problèmes qui surgissent. Comment évoluent les relations entre États dans le monde virtuel ? C’est l’une des questions intéressantes posées par les auteurs Eric Schmidt et Jared Cohen.
La balkanisation d’Internet
Chaque État tente de former un Internet à son image. Par exemple, chaque pays filtre ce qui est permis ou non. Il agit en fonction de normes qui lui sont propres. Les infrastructures diffèrent également.
Le grand réseau d’Internet se fractionne donc en réseaux régionaux ou nationaux. C’est une vérité aujourd’hui, puisque les services, les sites et les possibilités qu’offrent aujourd’hui Internet en Chine, en Russie, en Afrique ou en Europe sont bel et bien différents.
Les auteurs abordent plus en détail les cas de :
La Chine ;
L’Allemagne ;
La Malaisie.
Mais ils parlent aussi de l’Arabie Saoudite, de l’Iran et de bien d’autres pays.
Selon Eric Schmidt et Jared Cohen, en tant que consommateurs, nous ne nous rendons pas vraiment compte de ce phénomène de « balkanisation » (fragmentation) d’Internet.
Multilatéralisme virtuel
Cette fragmentation n’empêche pas la collaboration entre États. Celle-ci se fait sur base d’affinités politiques ou idéologiques. Les États-Unis et l’Europe partagent par exemple un grand nombre de services.
Cette réalité vaut également pour les pays autoritaires, qui s’échangent leurs savoirs et savoir-faire. Les auteurs rapportent par exemple comment Huawei, géant chinois des télécommunications, a proposé son aide à l’Iran en matière de censure.
Des accords multilatéraux sont également constamment établis afin de protéger les droits de propriété intellectuelle liés aux nouvelles technologies. Ceux-ci permettent à la fois de créer des alliances commerciales et de se protéger de concurrents indésirables.
Indépendance virtuelle
Eric Schmidt et Jared Cohen évoquent la possibilité que certaines communautés, comme les Kurdes par exemple, utilisent le monde numérique pour réclamer leurs droits.
Il est en effet possible d’imaginer des « déclarations d’indépendance virtuelles », lorsque celles-ci sont impossibles à créer dans le monde physique.
À noter : en 2023, il ne semble pas que ce type d’événement se soit produit.
Provocation numérique et cyberguerre
« Ceux qui sous-estiment la menace de la cyberguerre le font à leurs risques et périls. Le phénomène ne mérite peut-être pas tant de battage, mais le danger est bien réel. Les cyberattaques sont chaque année plus fréquentes et plus précises. Plus nous enchevêtrons notre existence avec les systèmes d’information numérique, plus nous devenons vulnérables. » (À nous d’écrire l’avenir, p. 155)
En 2023, nous savons que de nombreuses cyberattaques ont lieu. Elles sont organisées par les États eux-mêmes — la Russie, par exemple, qui affectionne ce moyen d’action. Parfois aussi par des groupes plus ou moins bien intentionnés.
Les entreprises et les individus peuvent être tantôt victimes, tantôt à la source de cyberattaques ou de piratages informatiques. Qui n’a pas eu affaire à au moins une tentative d’hameçonnage frauduleux pour récupérer ses données bancaires ?
Pour en revenir au niveau des États, les auteurs citent l’importance cruciale des fabricants de matériel de télécommunications. Les accords commerciaux qui se créent entre les États et ces firmes peuvent poser des questions de sécurité.
Un exemple récent, datant de 2020 : la controverse qui a explosé en Europe et aux États-Unis autour de l’implantation de la 5G par l’entreprise Huawei.
La guerre des codes
Cette section traite en particulier de l’espionnage industriel. Les auteurs insistent tout particulièrement sur le caractère volontariste des autorités (et entreprises) chinoises en ce domaine. Mais les États-Unis et les pays occidentaux ne sont pas en reste.
C’est une véritable guerre économique qui se passe en sous-main, sans que les consommateurs que nous sommes se rendent compte de grand-chose au quotidien !
4 — L’avenir de la révolution
C’est aujourd’hui un fait connu : les nouvelles technologies d’information et de communication ont joué un rôle certain dans les révolutions du Printemps arabe.
De fait, la société civile est amenée à être de plus en plus active avec les réseaux sociaux et les moyens techniques mis à sa disposition. Toutefois, tous les soubresauts révolutionnaires n’aboutiront sans doute pas. C’est ce que les auteurs analysent dans ce chapitre.
Facile au début…
Eric Schmidt et Jared Cohen se montrent particulièrement optimistes quant à l’émergence de nouveaux leaders d’opinion et de mouvement sociaux grâce au Web 2.0 et aux nouvelles formes de connectivité.
« Ces nouveaux mouvements révolutionnaires comprendront plus de participants occasionnels ou anonymes qu’aujourd’hui, pour la simple raison que le citoyen aura une plus grande maîtrise du moment et de la forme de son action », selon les auteurs.
La structure classique des mouvements militants est appelée à se modifier. De nouvelles formes d’organisation émergent et se solidifient grâce aux moyens numériques. Le crowdsourcing permet par exemple d’obtenir du soutien en ligne.
Une manifestation contemporaine de ceci est le nombre de pétitions qui circulent en ligne. En avez-vous déjà signé certaines ? Ou avez-vous, par exemple, contribué à récolter des fonds lors d’une campagne éclair sur Facebook. ?
Les auteurs affirment également que les personnes se tiendront au courant des manifestations dans le monde entier et ils prévoient l’éclosion encore plus marquée d’un « tourisme de la révolution ».
Il est certain que les réseaux sociaux offrent la possibilité de se tenir au courant et de se réunir beaucoup plus facilement qu’auparavant. Aujourd’hui, vous pouvez suivre les déplacements de Greta Thunberg (presque) en direct et la rejoindre dans ses actions si le cœur vous en dit !
… mais plus difficile à conclure
Toutefois, ces technologies ont des pouvoirs limités. Ces pouvoirs ne sont pas suffisants pour créer le changement décisif qui fait basculer un mouvement du soulèvement à la révolution réussie. Mais ces technologies peuvent assurément jouer un rôle important, comme les printemps arabes l’ont démontré.
Les auteurs reviennent sur certains événements de 2010-2012 en Lybie et en Tunisie. Mais ils abordent aussi le cas des troubles en Afrique du Sud. Plus généralement, ils traitent d’une question centrale : l’importance de ne pas laisser les mouvements de résistance aux mains de quelques célébrités.
Or, cette tendance est accrue par les réseaux sociaux. Par ailleurs, les mouvements peuvent prendre plus de « place » dans le monde virtuel qu’ils n’en prennent dans le monde physique. Cela crée des « dégonflements » de mouvements ou de « faux départs ».
Répression et endiguement virtuels
Les États autoritaires cherchent aussi à faire taire activement ces groupes. Pour cela, ils peuvent « couper » la connexion ou tenter de le faire. Ils peuvent également agir par la violence ou trouver des moyens plus subtils de « tuer dans l’œuf » les tentatives de rébellion.
Répression virtuelle et physique vont maintenant de pair. Des « infiltrés » des gouvernements en place peuvent contribuer à semer le trouble dans les mouvements qui se constituent en ligne, par exemple.
Ou même encore plus subtil : offrir des espaces virtuels de « défoulement » où les personnes peuvent clamer leur rage et leur mécontentement… Sans jamais passer à l’action.
Ces stratégies font partie de ce que Erich Schmidt et Jared Cohen nomment des stratégies d’« endiguement virtuel ».
Plus de « printemps »
Le cas du Printemps arabe est particulier pour plusieurs raisons. En effet, les auteurs analysent que :
Le monde arabe se distingue par son identité régionale (histoire, langue, culture) ;
Les réseaux religieux organisés jouent le rôle d’une société civile organisée.
Toutes les régions du monde n’ont pas ces caractéristiques et certains pays sont plus isolés, moins organisés que d’autres. La révolution ne peut donc éclore partout où les régimes autoritaires existent, même avec l’aide des technologies numériques.
Un problème de taille émerge également, que les auteurs évoquent en citant l’ancien Premier ministre de Singapour, Lee Hsien Loong :
« Le danger auquel nous risquons d’être confrontés à l’avenir, c’est qu’il sera beaucoup plus facile d’être opposé à quelque chose qu’en faveur. » (À nous d’écrire l’avenir, p. 217-218)
Cette prédiction se retrouve aujourd’hui dans nombre des comportements visibles sur Internet. De nombreux experts ont analysé, depuis plus de dix ans, l’évolution de campagnes de haine contre tel ou tel phénomène. Oui, il est plus facile d’être « contre » que « pour » quelque chose.
Si vous voulez en savoir plus à ce sujet, lisez la suite du chapitre où les auteurs décortiquent un cas cocasse, mais fascinant : celui du « currygate » qui a explosé au Singapour en 2010.
5 — L’avenir du terrorisme
Les auteurs craignent l’alliance mortifère entre terrorisme et numérique.
Nous le savons aujourd’hui : comme tous les autres mouvements, les groupes terroristes recrutent sur Internet (via des sites ou des chaînes YouTube) et communiquent via des moyens numériques.
Nouvelle porte, nouveaux risques
Par ailleurs, Internet permet également d’apporter des connaissances autrement impossibles à acquérir. Les personnes mal intentionnées peuvent, à tout moment, trouver sur le Net comment fabriquer une bombe ou autre.
Par ailleurs, comme nous l’avons déjà évoqué, les terroristes peuvent opérer directement dans le monde virtuel et, par ce biais, endommager des infrastructures ou créer des dommages bien réels. Ce sont les cyberattaques.
À l’heure actuelle, les terroristes ambitieux doivent se rendre maîtres des médias. Même les plus antimodernes et antioccidentaux n’ont pas le choix : s’ils veulent que leur action soit plus efficace, ils sont contraints d’exceller dans ces technologies.
En fait, c’est même le « marketing numérique », comme disent les auteurs, qu’ils doivent maîtriser.
Eric Schmidt et Jared Cohen abordent aussi la question des prisons. Documents à l’appui, ils remarquent que les prisonniers parviennent à se munir de matériel informatique même dans les régions les plus reculées de la planète. Ils discutent également d'une mesure radicale : geler l’identité virtuelle des détenus.
L’avènement des hackers terroristes
Une information importante est à retenir ici : à l’heure des pirates et des hackers, il n’est pas besoin d’être très nombreux pour avoir un impact significatif dans l’espace virtuel.
« En fait, il n’y a pas de masse critique à atteindre — un seul individu doué peut faire agir des milliers d’ordinateurs à sa volonté », rappellent les auteurs, qui donnent plusieurs exemples édifiants.
De l’autre côté, les États et leurs forces militaires cherchent eux aussi à débaucher des hackers afin de les faire travailler avec eux. Les petits génies turbulents de l’informatique deviennent des talents hautement recherchés !
Le talon d’Achille des terroristes
« Le revers de la médaille du cyberterrorisme, c’est qu’elle réduira la marge d’erreur de ses adeptes », disent Eric Schmidt et Jared Cohen. Oui, car toute connexion signifie potentiellement une possibilité de découverte. Or les terroristes doivent rester cachés.
À l’heure d’Internet, une seule petite erreur et ce peut être la fin d’un terroriste. Et il n’y a pas de raison de penser que ceux-ci ne feront pas d’erreurs, de temps à autre. Comme tout un chacun, ils deviennent eux aussi accrocs aux smartphones et ne prendront pas toujours les bonnes décisions.
Par ailleurs, attraper un ou plusieurs terroristes signifie aussi mettre la main sur le réseau qu’ils utilisent. Cette mine d’information peut conduire à d’autres arrestations, etc.
Interdit aux gens cachés
Les auteurs font ici une prédiction étonnante. Selon eux, certains gouvernements — y compris qualifiés de démocratiques comme les États-Unis — pourraient bien imposer aux personnes d’être connectées.
« Les gouvernements en viendront peut-être à considérer, par exemple, qu’il est trop risqué de laisser des citoyens “hors-circuit”, totalement déconnectés de l’écosystème numérique. Il ne fait aucun doute qu’à l’avenir, comme aujourd’hui, certains individus résisteront à l’adoption et à l’utilisation de la technologie […] Pourtant, il est fort probable que les autorités soupçonneront quiconque choisira la disparition totale d’avoir quelque chose à cacher […] » (À nous d’écrire l’avenir, p. 256-257)
Cette prédiction fait un peu peur. N’aurons-nous plus la possibilité de choisir notre mode de vie, avec ou sans moyens numériques ? Heureusement, pour l’instant et à notre connaissance, aucune mesure radicale de ce genre n’a été prise dans les pays occidentaux.
Par contre, ce qui a bel et bien créé l’inquiétude des pays occidentaux, c’est la machine de guerre du renseignement qui a été mis en place par les États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001. Les auteurs en parlent pendant de longues pages.
Si vous voulez en savoir plus à ce sujet, vous pouvez aussi lire l’autobiographie d’Edward Snowden, Mémoires vives.
La conquête des cœurs et des esprits gagne le monde virtuel
Google Ideas est une branche de Google qui étudie notamment le phénomène de la radicalisation. Les études qui y sont menées montrent que les causes de celle-ci sont à chercher dans les sentiments d’abandon ou de recherche de sens ressentis par les jeunes gens.
Eric Schmidt et Jared Cohen montrent qu’il est possible d’enrayer ce phénomène en créant des opportunités et des distractions liées au numérique. Oui, pour les auteurs, la lutte contre la radicalisation passe par la technologie.
En résumé, « la clé consiste simplement à laisser les gens s’adapter aux produits selon leurs besoins et sans que cela demande trop d’expertise technologique ». Il suffit de mettre à disposition des personnes désœuvrées les moyens de bricoler par eux-mêmes des dispositifs techniques qui donnent un peu plus de sens à leur existence.
Bien sûr, le terrorisme ne sera pas exterminé de cette façon. Il est même plus que probable qu’il ne le soit jamais complètement, quels que soient les moyens employés. Mais ce qui est sûr, c’est que les entreprises technologiques sont appelées à jouer un rôle toujours plus important dans l’effort pour en maîtriser le développement.
6 — L’avenir du conflit, du combat et de l’ingérence
« Jamais dans le passé nous n’avons été aussi conscients des nombreux conflits en cours dans le monde […] Mais la presse se nourrit d’images sanglantes. Et ce qui a changé, ce n’est pas le nombre des conflits, c’est leur visibilité. En vérité, nous vivons des temps plus pacifiques que jamais. » (À nous d’écrire l’avenir, p. 271)
C’est aussi ce que dit un auteur comme Hans Rosling dans son livre Factfulness.
Pour autant, les conflits, plus ou moins importants, ne sont pas près de disparaître complètement (et nous en avons des preuves supplémentaires en 2023).
Moins de génocides, plus de harcèlement
Les auteurs étudient ici les mouvements de répression à l’encontre de minorités dans plusieurs pays. Cette répression peut s’exercer de façon plus ou moins forte et trouver des moyens de s’exprimer en ligne.
Par exemple, un gouvernement peut prendre des mesures discriminatoires pour que certaines parties de sa population n’aient pas accès aux services numériques de base. Il a aussi les moyens de les « harceler » en lui barrant l’accès à des ressources données ou en créant des campagnes diffamatoires.
Cette discrimination virtuelle est dangereuse, car le Web permet — comme nous l’avons déjà souligné — un anonymat et donc une forme de libération de la haine et de déshumanisation des rapports humains.
Conflit multidimensionnel
Dans les conflits armés, les « bons » se distinguent parfois difficilement des « méchants ». Les deux camps d’une guerre commettent des actes horribles.
En fait, c’est aussi pourquoi ils se livrent à une intense « guerre de communication », chacun essayant de justifier ses actions et de mettre l’accent sur les atrocités de l’autre partie.
Avec la venue des fake news — et depuis quelques années seulement des deep fakes —, la question de la manipulation des informations se fait encore plus pressante et complexe.
Le rôle des analyses et de l’esprit critique n’en devient que plus capital. C’est ce que les auteurs nomment la « vérification numérique ». Celle-ci revient aux journalistes, bien sûr, mais pas seulement. Les gouvernements doivent également être capables de distinguer le vrai du faux pour savoir comment agir.
Une proposition des auteurs mérite d’être signalée : envoyer des équipes internationales de « vérification numérique » sur les conflits, considérées comme intervenants neutres (comme la Croix-Rouge par exemple).
La guerre automatisée
Dans cette section, les auteurs se penchent sur la possibilité que les robots remplacent les guerres entre humains. Il y a déjà bien des formes robotiques qui sont utilisées dans les guerres (des missiles à tête chercheuse aux drones, etc.). Mais la guerre peut-elle être totalement automatisée ?
Eric Schmidt et Jared Cohen détaillent les différents projets en cours (en 2012) pour doter les soldats de plus grands moyens ou pour les remplacer dans certains cas. Ils terminent par évoquer les nombreuses questions qui se posent, telles que les capacités de discernement ou la responsabilité pénale du robot, par exemple.
Nouvelles ingérences
Les coalitions d’États qui voudront intervenir dans les conflits seront amenées à unir leurs forces pour créer des zones sécurisées en matière de communication, notamment.
7 — L’avenir de la reconstruction
Après un conflit ou une catastrophe, les technologies de communications numériques jouent un rôle important pour la reconstruction. Elles ne peuvent pas tout faire, bien sûr. Leur rôle est même limité. Mais elles importent dans la mesure où elles facilitent les relations entre parties prenantes.
Les communications d’abord
Les auteurs plaident ici pour la priorisation de la reconstruction du secteur des télécommunications. « Le remise en service et la modernisation des réseaux de communication sont déjà le ciment des méthodes de reconstruction actuelles », rappellent les auteurs. Il faudra, selon eux, amplifier encore cette approche.
Les auteurs donnent différents exemples de reconstructions passées :
En Irak après la chute de Saddam Hussein ;
En Afghanistan après la chute des talibans ;
À Haïti, après le tremblement de terre de 2010 ;
Après le Printemps arabe.
Les États et les institutions qui aident à la reconstruction devraient privilégier la mise en place d’infrastructures de télécommunication de pointe. C’est un atout pour la coordination du travail. Mais aussi pour la reprise économique.
« Dans l’idéal, les efforts de reconstruction ne se bornent pas à recréer ce qui existait auparavant, mais, dans la mesure du possible, à améliorer la situation d’origine et à développer des pratiques et des institutions qui réduisent le risque de répétition des catastrophes. » (À nous d’écrire l’avenir, p. 333)
Or, pour les auteurs, les technologies numériques peuvent améliorer considérablement la situation d’origine en créant une sorte de filet de sécurité virtuel pour les institutions physiques, voire pour le gouvernement lui-même.
En cas de nouvelle catastrophe, les institutions virtuelles pourront prendre le relai et les données d’un État pourront être sauvegardées.
Opportunisme et exploitation
Dans les moments qui suivent une catastrophe naturelle ou un conflit, de nombreux acteurs interviennent et certains d’entre eux cherchent à tirer profit de la situation. L’égoïsme se tient côte à côte des gestes d’altruisme.
Au-delà de ce problème, la connectivité rend possible l’action d’un plus grand nombre de personnes et d’institutions à la reconstruction. Notamment par les plateformes de collecte de fonds en ligne ou la mobilisation plus rapide d’équipes d’urgence.
Les organisations non gouvernementales (ONG) utilisent désormais les méthodes du marketing numérique. C’est ce qui est aussi appelé marketing social. Toutes les ressources offertes par les nouvelles technologies de l’information et de la communication sont mises à profit par les associations caritatives et la société civile.
L’un des problèmes, selon les auteurs, est que nous risquons de nous retrouver « bombardés » par les demandes d’aides ou d’intervention. Il y aura une grande concurrence pour attirer l’attention du citoyen aisé occidental vers tel ou tel problème.
Finalement, c’est tout le secteur des ONG et de l’aide humanitaire qui devra se recomposer à partir de l’intrusion du marketing numérique.
Faire place à l’innovation
Eric Schmidt et Jared Cohen donnent des exemples d’innovations créées après une crise pour aider les populations à reconstruire leurs infrastructures et leurs institutions. Ou à sauver des vies !
Plus que jamais, le téléphone portable, muni d’applications spécialisées, devient un outil multifonctionnel qui pourra être utilisé positivement. Pourquoi ? Car il accroît la possibilité d’agir de chaque personne. Grâce à nos smartphones, nous pouvons :
Téléphoner pour prévenir de quelque chose (bien sûr !), mais aussi ;
Envoyer une photo (en cas d’agression ou de vol, par exemple) ;
Participer à des campagnes de fonds ;
Aider à géolocaliser tel individu, etc. ;
Témoigner sur les réseaux sociaux et créer des groupes ;
Et bien d’autres choses encore, car un grand nombre d’applications peuvent être créées pour soutenir la reconstruction.
Les auteurs abordent également la question de la traçabilité des armes ou des biens de première nécessité grâce aux puces RFID (radio frequency identification).
Ils évoquent également les innovations créées lors de différents processus de reconstruction, au Rwanda, en Colombie et en Irak, notamment.
Et ils terminent par cette note positive :
« De tous les sujets que nous avons abordés, l’avenir de la reconstruction est peut-être celui qui prête le plus à l’optimisme. Peu de choses sont aussi destructrices qu’une catastrophe naturelle ou la guerre, voire les deux, mais il apparaît nettement que les processus de transition suivant une crise tendent à devenir plus brefs et plus satisfaisants. Pour une fois en matière de géopolitique, le monde semble disposé à tirer les enseignements de chaque cas de reconstruction, à retenir ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et ce qui mérite perfectionnement. » (À nous d’écrire l’avenir, p. 368)
Conclusion
Le numérique n’en est qu’à ses débuts. Une nouvelle révolution industrielle est en cours et il sera — selon les auteurs — impossible de l’arrêter. Le rythme de croissance est tel que, bientôt, tout le monde sera équipé. De nouvelles technologies, plus performantes, ne cesseront de voir le jour.
Telle est la vision positive et volontariste d’Eric Schmidt et Jared Cohen. Selon eux, même si elle n’est pas la panacée, la technologie informatique est néanmoins une formidable opportunité pour l’humanité.
Pour terminer les auteurs évoquent 4 grandes lignes de bouleversements en cours :
L’alliance de plus en plus forte de la machine et de l’humain ;
L’intrication de plus en plus forte des mondes virtuel et physique ;
Le doublement du travail des États, obligés d’intervenir dans ces deux mondes ;
Le rapport à nos données et à la vie privée.
En 2023, nous sommes toujours aux prises avec ces questions — et nous le sommes sans doute pour quelque temps encore ! Elles deviennent, de jour en jour, d’une actualité plus brûlante.
Conclusion sur « À nous d’écrire l’avenir : Comment les nouvelles technologies bouleversent le monde » d’Eric Schmidt et Jared Cohen :
Ce qu’il faut retenir de « À nous d’écrire l’avenir : Comment les nouvelles technologies bouleversent le monde » d’Eric Schmidt et Jared Cohen :
Ce livre est un plaidoyer pour « plus » de numérique, dans tous les aspects de nos relations sociales et humaines. Les auteurs ne nient pas les dangers et l’instabilité qui peut découler de l’adoption de nouvelles technologies. Mais ils pensent que les gains dépasseront les pertes.
Surtout, ils invitent tout un chacun à se saisir des opportunités offertes par cette nouvelle « connectivité » numérique. Chacun d’entre nous peut, à son échelle, créer une différence. En partageant des informations, en créant des applications ou par bien d’autres actions encore…
« Combien d’idées, de perspectives et de créations va produire la véritable inclusion technologique mondiale, et à quelle vitesse leur effet se fera-t-il sentir ? L’arrivée de nouveaux participants dans le monde virtuel est une bonne nouvelle pour eux, mais aussi pour nous. Le bénéfice collectif du partage du savoir et de la créativité des humains se multiplie de façon exponentielle. » (À nous d’écrire l’avenir, p. 370)
Progressivement, l’humanité toute entière se dotera d’outils numériques. Même les zones reculées pourront participer à l’évolution du monde virtuel et en profiter. Finalement, c’est là le fer de lance d’Eric Schmidt et Jared Cohen (qui, ne l’oublions pas, prêchent pour leur chapelle) : diffuser les technologies numériques le plus largement possible dans le monde.
Points forts :
Une pensée originale, ambitieuse et stimulante ;
Des exemples à la fois personnels et issus des plus importantes personnalités du monde ;
Un style tout à fait simple et accessible, sans (trop de) jargon technique.
Point faible :
Il faut être conscient que c’est le point de vue de cadres dirigeants de Google. Leur vision n’est donc pas « neutre », mais naturellement dirigée dans le sens d’un optimisme technologique (comme c’est le cas pour les ouvrages de Bill Gates, tel que Climat, par exemple).
Ma note :
★★★★★
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Résumé de « L'Âge de l'IA » de Henry Kissinger, Eric Schmidt et Daniel Huttenlocher : si vous voulez réfléchir aux avancées récentes de l'intelligence artificielle et à ses effets sociaux, économiques et géopolitiques, alors ce livre — best seller acclamé, entre autres, par le Wall Street Journal, The Financial Times et The Economist — est fait pour vous !
Par Henry Kissinger, Eric Schmidt et Daniel Huttenlocher (2022)
Titre original : The Age of AI, 2022.
Chronique et résumé de « L'Âge de l'IA » de Henry Kissinger, Eric Schmidt et Daniel Huttenlocher
Chapitre 1 — Où nous en sommes
Trois événements récents suscitent l’attention des auteurs.
AlphaZero
Tout d’abord, il y a la victoire d’AlphaZero (IA développée par Google) sur Stockfish, un autre programme informatique. Ce qu’il y a d’original, c’est que AlphaZero et Stockfish ne sont pas du tout conçus de la même façon.
Stockfish est une IA "ancienne manière", à qui des humains ont transmis leurs connaissances. Sa particularité, par rapport à l'intelligence humaine, est qu'elle calcule beaucoup plus vite.
AlphaZero est une IA qui a appris par elle-même, en jouant des parties contre elle-même et en développant ses propres combinaisons gagnantes.
Autrement dit, AlphaZero joue d'une manière nouvelle, exécute des coups auxquels aucun humain ne se serait risqué. Comme le dit Gary Kasparov, cité par les auteurs, "Le jeu d'échecs a été bouleversé dans ses racines mêmes".
De nouvelles molécules
Le Massachussetts Institute of Technology (MIT) a développé une IA capable de classer et sélectionner des molécules pour leurs propriétés antibiotiques. Ce qui étonne les auteurs, c'est que l'IA a créé des liens et établit des catégories que les scientifiques n'avaient pas forcément faites.
Autrement dit, elle a sélectionné des molécules sur des bases nouvelles, qui demeuraient inaperçues aux chercheurs :
"L'intelligence artificielle que les chercheurs du MIT ont entraînée n'a pas simplement récapitulé les conclusions issues des qualités des molécules déjà observées antérieurement. Elle a plutôt détecté de nouvelles qualités moléculaires — des relations entre des aspects de leur structure et de leur capacité antibiotique — que les humains n'avaient jamais perçues et encore moins définies." (L'Âge de l'IA, Chapitre 1)
ChatGPT-3
Quelques mois plus tard, la société OpenAI a annoncé avoir développé son modèle génératif de troisième génération : GPT-3 (GPT pour "generative pre-trained transformer"). Aujourd'hui, nous le connaissons tous sous le nom de ChatGPT-3 (et maintenant, avec les avancées réalisées depuis, nous connaissons les modèles 3.5 et 4).
La nouveauté de ce modèle informatique est sa capacité à générer du texte d'apparence humaine à partir d'un simple prompt ou morceau de texte (bout de phrase, question, paragraphe, etc.).
À la différence des deux premières IA mentionnées plus haut, celle-ci n'est pas limitée aux échecs ou à la recherche moléculaire. Il peut répondre aux questions sur un grand nombre de sujets. Mais comme dans les deux cas précédents, une part du fonctionnement de cette IA demeure mystérieuse, car nous ne comprenons pas totalement comment la machine élabore et choisit ses combinaisons/réponses.
Objet du livre
Le livre a pour ambition de penser la "révolution" de l'IA ou, pour le dire plus précisément, de l'"apprentissage machine". Pour les auteurs, son développement semble "inévitable". Pour autant, nous pouvons en déterminer le sens, la destination.
D'où l'importance de se poser des questions, telles que :
Comment l'avenir de l'IA affectera la perception, la cognition et les interactions humaines ?
Quel sera l'impact de l'IA sur notre culture, notre conception de l'humanité, et, finalement, de l'histoire ?
L'humanité et le changement technique
Henri Kissinger, Eric Schmidt et Daniel Huttenlocher montrent que l'homme a, de tout temps, été confronté au changement technique. La voiture a remplacé le cheval ; le pistolet a remplacé la lance, etc. Il y a une foule d'exemples !
Cela dit, l'IA crée un changement plus important que les autres. Pourquoi ? Car elle s'applique à tous les secteurs de la vie humaine et que nous en contrôlons plus difficilement les ressorts. Par ailleurs, il s'agit d'une technologie qui se situe au niveau du "mental" et qui pourrait donc bien modifier nos façons de percevoir, de penser et d'agir dans le monde.
Désormais, nous avons à imaginer un monde où des découvertes et des décisions de première importance sont prises par des machines ou des collaborations machine-humain. Cela transforme la manière dont nous considérons nos propres pouvoirs et ceux des machines.
Chapitre 2 — Comment nous en sommes arrivés là : technologie et pensée humaine
Dans ce chapitre, les auteurs dressent un portrait de l'humanité au fil des âges. Ils passent en revue les différentes époques de l'humanité :
Antiquité ;
Moyen-Âge ;
Renaissance et modernité ;
Lumières et époque contemporaine.
Selon eux, l'intelligence artificielle a le pouvoir de nous faire passer à un nouvel âge de l'humanité. Autrement dit, nous serions sur le point de transformer en profondeur nos façons de nous rapporter au monde, aux autres et à nous-mêmes.
Pour étudier plus en détail ce point, Henri Kissinger, Eric Schmidt et Daniel Huttenlocher n’hésitent pas à revoir les classiques de la philosophie. Ils discutent les thèses de grands auteurs tels que :
Platon ;
Descartes ;
Leibniz et Spinoza ;
Kant ;
Berkeley ;
Diderot ;
Mais aussi des scientifiques Niels Bohr et Werner Heisenberg (à l'origine de la physique quantique).
Ce chapitre très érudit nous aide à mieux cerner les transformations de nos manières de penser au fil du temps. Et, notamment, cela nous permet de mieux comprendre comment nous nous sommes rapportés à la technique — en la considérant tantôt comme un simple outil, tantôt comme une menace ou comme un espoir.
Finalement, le chapitre se termine par une réflexion sur l'information et notre nouvelle impatience. Sommes-nous encore capables de transformer l'information en connaissance, puis en sagesse ? Avec l'abondance des contenus sur le web et la connexion permanente, nous pouvons parfois en douter.
Dans ce cas, les logiciels dotés d'IA vont-ils venir prendre la place de nos capacités mentales les plus précieuses (imagination, réflexion, etc.) ? Peut-être. En tout cas :
"En étant appliquée à de plus en plus d'éléments dans nos vies, l'IA est en train d'altérer le rôle que nos esprits ont traditionnellement joué dans la mise en forme, l'ordonnancement et l'évaluation de nos choix et de nos actions." (L'Âge de l'IA, Chapitre 2)
Chapitre 3 — De Turing à aujourd’hui — et au-delà
Henri Kissinger, Eric Schmidt et Daniel Huttenlocher continuent leur exploration en se rapprochant de plus en plus de l’époque présente. Ils étudient dans ce chapitre les débuts de l’informatique et de l’IA.
En voici trois étapes importantes :
1943 : création du premier ordinateur moderne.
1950 : article d'Alan Turing sur l'IA et invention du "test de Turing".
1956 : définition de l'IA par John McCarthy.
John McCarthy définit l'intelligence artificielle comme des "machines qui réalisent des tâches caractéristiques de l'intelligence humaine". C'est aussi ce que cherche à valider le test de Turing. À cette époque, ces auteurs focalisent leur attention sur les performances réalisées par les machines… Et c'est par ce biais qu'ils définissent l'intelligence.
Pendant longtemps, les machines n'ont pas vraiment réussi ces tests. Mais depuis peu, elles y parviennent plutôt bien. C'est pourquoi il importe de creuser un peu ce qu'il s'est produit au cours des 70 dernières années !
L'évolution de l'IA
Pour évoquer les problèmes qui se sont posés aux chercheurs, les auteurs choisissent de traiter de la question de la reconnaissance visuelle. En tant que jeunes enfants, nous pouvons faire cela sans problème. Mais pour les IA, c'est beaucoup plus compliqué !
En fait, il était tellement difficile de parvenir à reproduire mécaniquement et numériquement des tâches aussi simples que, pendant les années 1980 et 1990, il y eut peu de progrès. Les historiens de l’IA parlent d’« hiver de l’IA » pour caractériser cette période.
C'est alors qu'une nouvelle façon de considérer le problème permit de faire un bon en avant. Plutôt que d'essayer de mettre des informations à tout prix dans la "tête" des machines, il était préférable de les laisser apprendre toutes seules.
Comment ? En créant ce qui est aujourd’hui à la base de l’apprentissage machine : les réseaux de neurones.
"Pour identifier une image de chat, ils réalisèrent qu'une machine doit "apprendre" une variété de représentations visuelles de chats en observant l'animal dans des contextes variés. Pour rendre possible l'apprentissage des machines, ce qui importait était le chevauchement entre les diverses représentations d'une chose, et non son modèle idéal (...)." (L'Âge de l'IA, Chapitre 3)
L'IA moderne
Les réseaux de neurones ont fait avancer les recherches en IA. Ils permettent aux machines de capturer des relations complexes et profondes. Pour ce faire, il faut entraîner les IA avec un grand nombre de données et les laisser créer leurs propres catégories.
Oui : le big data est ici essentiel. En fait, la précision et la pertinence de l'apprentissage dépendent de la quantité et de la qualité des données qui sont fournies à la machine.
L'un des problèmes posés par ce type de technologie est son coût en termes de ressources. Il faut non seulement beaucoup de données, mais aussi une grande puissance de calcul.
Différentes tâches, différents styles d'apprentissage
Pour les machines, chaque tâche (reconnaître des images, générer du texte, etc.) requiert de nouvelles façons d’apprendre. Henri Kissinger, Eric Schmidt et Daniel Huttenlocher choisissent de présenter trois formes d’apprentissage machine particulièrement importantes.
Les spécialistes parlent d'apprentissage :
Supervisé ;
Non supervisé (ou autosupervisé) ;
Par renforcement.
Dans le premier cas, les machines sont guidées par les chercheurs. Ceux-ci leur fournissent des données d'entrée et de sortie "annotées" (déjà précatégorisées, en quelque sorte) et entraînent les machines à effectuer les bonnes associations.
Dans le cas de l'apprentissage non supervisé, les données sont fournies sans être annotées ; ce sont des données "brutes". Seules les données d'entrée sont fournies.
Enfin, l'apprentissage par renforcement est celui qui donne le rôle le plus "actif" à la machine. Ici, l'IA est un "agent" qui doit interagir avec un environnement contrôlé (artificiel). La machine va apprendre en ajustant progressivement ses réponses pour qu'elles deviennent correctes. Le feedback est ici essentiel.
Pour plus d'informations sur l'histoire et les types d'IA, consultez la chronique de L'IA pour les nuls !
La puissance de l'apprentissage machine
Les auteurs sont particulièrement enthousiastes à l'idée du développement de l'IA. Ils explorent rapidement ses possibilités dans trois secteurs :
Agriculture ;
Médecine ;
Finance.
Ils approfondissent davantage son rôle dans la communication et la traduction. Vous souvenez-vous des anciens traducteurs automatiques ? Ils fonctionnaient assez mal. Mais depuis quelques années, ils ont fait des progrès fulgurants, grâce à l’apprentissage machine et aux réseaux de neurones.
BERT, de Google, est le plus utilisé de ces réseaux pour la traduction et la génération de textes. Les spécialistes appellent "transformeur" (ou "transformer") les réseaux de ce type (bidirectionnels).
Une autre technique très utilisée (en complément de la première) se nomme "parallel corpora". C'est elle qui a permis à Google Translate d'améliorer ses résultats de 60 % !
Mais créer du texte est une opération qui va encore un pas plus loin.
"Pour illustrer ; un réseau de neurones standard peut identifier une image d'un visage humain, mais un réseau de neurones génératif peut créer une image de visage humain qui semble réelle." (L'Âge de l'IA, Chapitre 3)
L’une des techniques supplémentaires développées pour arriver à cette fin est le GAN (pour « generative adversial network »). En gros, c’est comme si vous utilisiez les deux parties de votre cerveau : l’une pour brainstormer et l’autre pour décider quelle est l’option la plus réaliste.
Les limites de l'IA et sa gestion
Les IA contemporaines sont capables de générer des connaissances étonnantes auxquelles les humains n'auraient pas pensé. Ce fut le cas pour la découverte de nouvelles molécules ou pour le jeu d'échecs.
Toutefois, ces machines ne peuvent pas expliquer ou justifier ces résultats. Pourquoi ? Car elles ne réfléchissent pas. "L'IA ne réfléchit pas ; c'est aux humains de décider de la signification de ses actions". Ceci implique que c'est aux humains de gérer les IA et leurs résultats.
Une autre limite de l'IA est qu'elle fait des erreurs — et même parfois des erreurs qu'un humain considérerait comme rudimentaires. À d'autres moments, ces erreurs sont des "biais" qui sont induits par ses créateurs.
Par ailleurs, l'IA n'est pas consciente d'elle-même. "Elle ne sait pas qu'elle ne sait pas", disent les auteurs.
Où est l'IA ?
Les recherches en IA ont explosé depuis quelques années. Mais elles se situent principalement en Chine et aux États-Unis. C'est là où les investissements sont les plus importants et où les résultats sont les plus prometteurs.
Comment ce champ de recherche va-t-il évoluer ? Difficile à dire. Nous ne sommes pas, comme dans le champ des microprocesseurs, face à une évolution de type "loi de Moore". Mais ce n'est pas impossible non plus que le nombre de neurones par réseau augmente de façon très rapide.
Cela dit, cette augmentation quantitative ne prédit en rien le succès de l'intelligence artificielle en termes qualitatifs : un cerveau peut avoir plus de connexions neuronales et ne pas être plus intelligent pour autant.
Le rêve de l'intelligence artificielle générale
L'intelligence générale artificielle (IGA) consiste en une intelligence artificielle capable de trouver des réponses sur n'importe quel sujet et pouvant exercer toutes les tâches mentales d'un humain. Certains chercheurs et philosophes souhaitent voir advenir ce type nouveau d'IA. Toutefois, son développement est très cher et peu peuvent s'y risquer.
D'autre part, les auteurs se montrent prudents, car l'IGA, tout comme l'IA, dépend de ses concepteurs. Et ici encore, des biais peuvent très bien survenir.
Enfin, Henri Kissinger, Eric Schmidt et Daniel Huttenlocher diminuent la différence entre les deux types d'IA et se focalisent sur le fait que, peu à peu, les IA interviendront dans tous les domaines de notre vie. Nous collaborerons avec elles de plus en plus souvent.
Les auteurs prennent plusieurs exemples :
La conduite de voitures autonomes ;
Le pilotage des avions ;
La découverte de nouveaux traitements médicaux ;
Le codage de programmes informatiques ;
La création de publicités ou de textes dans le copywriting.
Chapitre 4 — Les plateformes de réseau global
« Les réseaux sociaux, les recherches sur le web, la vidéo en streaming, la navigation, le covoiturage, et bien d’autres services en ligne ne pourraient pas exister tels que nous les connaissons sans l’utilisation étendue — et chaque jour grandissante — de l’IA. » (L'Âge de l'IA, Chapitre 4)
Le problème principal de l'IA, pour les auteurs, n'est pas le risque de fabriquer un jour des robots humanoïdes aussi intelligents, voire supérieurs à nous.
L'enjeu éthique se situe plutôt dans le fait que des IA de toutes sortes nous entourent déjà et fonctionnent autrement que les humains. En fait, elles fonctionnent d'une façon que nous comprenons mal ou — pour la plupart d'entre nous — que nous ne comprenons pas du tout.
Pourtant, ces technologies modifient nos vies individuelles, sociales et politiques. Sans grande révolution apparente, jour après jour, elles modifient « le tissu de base de l’activité humaine ». Et cela ne serait pas possible sans ce que Henri Kissinger, Eric Schmidt et Daniel Huttenlocher nomment les « plateformes de réseau ».
Comprendre les plateformes de réseau
Les plateformes de réseau sont "des services numériques qui génèrent de la valeur par ajout d'autres utilisateurs en très grand nombre, souvent à une échelle transnationale et globale".
La particularité économique de ces plateformes est que la présence accrue d’utilisateurs ne diminue pas leur valeur pour les utilisateurs déjà existants. Au contraire ! L’attractivité de ces plateformes grandit à mesure qu’il y a plus d’utilisateurs qui y entrent. Les auteurs nomment ce phénomène un « effet positif de réseau » (positive network effect).
Or, les IA jouent un grand rôle dans ces plateformes — et, avec elles, le big data, c’est-à-dire la collection de données à grande échelle.
Les auteurs donnent deux exemples de la puissance (et de l'omniprésence) de l'IA dans ces plateformes :
Facebook utilise entre autres l'IA pour réviser ses contenus ;
Google a introduit l'IA dans son algorithme de recherche.
L'intelligence non humaine s'est infiltrée au cœur de ces plateformes. Et celles-ci croissent de façon telle (grâce à l'effet positif de réseau) qu'elles mettent en péril les équilibres sociaux, politiques et économiques traditionnels.
Communauté, vie quotidienne et plateformes de réseau
Premièrement, nos relations quotidiennes à nos communautés (famille, amis, etc.) ont changé. Nous avons appris peu à peu à nous laisser guider par les recommandations des algorithmes pour des actions de la vie de tous les jours.
De nouvelles relations profondes nous unissent aux IA. D'un côté, nous les adoptons. De l'autre, elles utilisent des données très personnelles pour nous répondre. Et ces réponses, nous n'en comprenons pas l'origine, car l'IA "raisonne" à sa manière. Nous devons donc — et nous le faisons souvent de bonne grâce — nous confier en son pouvoir.
Pour donner un exemple de ces nouvelles relations avec nos machines, les auteurs prennent l'exemple de la navigation par GPS, qui inclut également des algorithmes pour déterminer la meilleure route à suivre.
Si ces enjeux vous passionnent, sachez que c'est une question qu'explore aussi Y. N. Harari dans Homo Deus.
Firmes et nations
Les GAFAM ont un poids politique important. En fait, par certains aspects, certaines plateformes de réseau accaparent certaines prérogatives de l'État. Elles ont aussi une capacité à influencer sur les choix politiques des citoyens en drainant plus ou moins correctement le flux des informations.
Des questions doivent être soulevées, telles que :
L'État doit-il intervenir davantage dans la régulation des plateformes ?
Les plateformes de réseau dopées à l'IA nous aident-elles à dépasser les différences culturelles ou nous enferment-elles dans nos particularismes nationaux ?
Plateformes de réseau et désinformation
La désinformation est un problème sérieux que les gouvernements du monde entier cherchent à endiguer. Mais ne soyons pas naïfs : c'est aussi une arme qu'ils utilisent les uns contre les autres.
Henri Kissinger, Eirch Schmidt et Daniel Huttenlocher explorent la question à partir de deux exemples :
ChatGPT et ce type de modèles conversationnels et leur capacité à entrer dans des conversations pour y instiller le doute, la haine et la violence.
L'utilisation de TikTok et les débats autour de sa régulation au niveau national et international dans les pays occidentaux.
Plateformes de réseau et géopolitique
Les auteurs passent ici en revue les enjeux et les intérêts liés aux acteurs internationaux suivants :
États-Unis ;
Chine ;
Asie de l'Est et du Sud-Est ;
Europe ;
Russie.
Plateformes de réseau basées sur l’IA et notre futur humain
Voici la conclusion de ce chapitre dense, dont certains éléments ont ici été repris, par les auteurs :
"Les opérateurs des plateformes de réseau devront faire face à des choix qui vont au-delà du simple service de clients et de la réalisation d'objectifs commerciaux. Jusqu'à maintenant, ils n'ont pas été obligés de définir une éthique (claire) au-delà du besoin organique de servir l'intérêt de leurs utilisateurs et de leurs actionnaires. Mais dans la mesure où ils ont assumé des rôles plus larges et plus influents, dont ceux d'influencer les activités des gouvernements, ils doivent prendre en main des défis élargis." (L'Âge de l'IA, Chapitre 4)
Pour résumer, la position des auteurs est que les firmes gestionnaires des plateformes de réseau (typiquement, les GAFAM, mais aussi d'autres) :
Ont investi des rôles auparavant délégués à d’autres institutions, comme l’État ;
Que ces transformations ne sont pas vraiment prêtes à disparaître ;
Qu'il faut donc qu'il y ait une réflexion — en interne et avec l'extérieur — sur leurs objectifs et sur leur façon d'agir.
Chapitre 5 — Sécurité et ordre mondial
La sécurité est l'objectif premier de toute société. Une société qui ne se protège pas finit par cesser d'exister en tant qu'entité autonome. La technologie, par ailleurs, a toujours aidé les nations à se défendre — et à attaquer.
Les auteurs commencent par rappeler les grandes époques et les grandes réflexions autour des relations entre guerre et technologie. Ils évoquent notamment l’importance de la Première Guerre mondiale (1914-1918) et les réflexions de théoriciens majeurs comme Karl Clausewitz.
L’âge de la cyberguerre et l’IA
Les armes issues de l'intelligence artificielle pourraient rendre la sécurité internationale plus difficile à maintenir. La situation pourrait devenir plus imprévisible.
Notons que les armes assistées par l'IA sont déjà parmi nous. Les pilotes d'avion assistés par IA sont déjà une réalité. Le ciblage de missiles, les drones, etc., tout cela incorpore déjà de l'IA à différents degrés.
L'IA est devenu un enjeu qu'aucun état-major ne peut plus ignorer. Les inventions qui ont déjà été inventées resteront et d'autres viendront. Simplement car elles assurent un avantage sur les autres. Il devient donc de plus en plus urgent de comprendre ce nouvel équilibre des forces et de le gérer au mieux.
Les armes nucléaires et la dissuasion
Nous pouvons nous appuyer sur l'histoire du nucléaire militaire pour penser la régulation de l'IA dans ce même domaine.
La politique de dissuasion était-elle une bonne solution ? Elle avait pour ambition de dire à l'ennemi : "n'agis pas contre moi, car tu risques le pire". Ici, la quête de sécurité s'est transformée en recherche de l'arme la plus puissante au monde.
Résultat : un équilibre très instable et dangereux ; une anxiété grandissante parmi les populations et un contrôle de façade.
Le contrôle des armes
La politique de non-prolifération se mit en place plus ou moins en parallèle à celle de la dissuasion. Ces négociations passèrent par la voie diplomatique des traités. Elles aboutirent à un contrôle plus solide.
Comme nous allons le voir plus en détail maintenant :
"L'émergence des nouvelles technologies a aggravé les dilemmes des armes nucléaires." (L'Âge de l'IA, Chapitre 5)
Le conflit à l’âge numérique
L'équilibre entre rivaux est essentiel. Lorsqu'un pays renforce sa puissance, l'autre voudra faire de même. Si les acteurs de ce jeu ne savent pas quelles sont les forces de l'autre, les mauvais calculs se multiplient et la tentation est grande de mal agir.
Aujourd'hui, ces calculs guerriers sont entrés dans une phase d'abstraction encore jamais atteinte. Pourquoi ?
Car, désormais, la guerre n'a plus seulement lieu dans le monde physique, mais aussi — simultanément — dans le monde numérique. Par ailleurs, les armes numériques assistées par l'IA sont plus "obscures", techniquement parlant, que leurs homologues nucléaires.
En clair, les attaques sont moins facilement "compréhensibles" et il est plus difficile d'y répondre. Ces caractéristiques ont favorisé une tendance à l'attaque de la part de certains États.
L’IA et la perturbation de la sécurité
Cette section amplifie la précédente. Une réflexion est particulièrement troublante :
"Si les décideurs politiques concluent que l'assistance de l'IA (...) est nécessaire pour comprendre les capacités et les intentions de l'adversaire (...), ainsi que pour savoir que lui répondre de façon appropriée, la délégation de décisions critiques semble inévitable." (L'Âge de l'IA, Chapitre 5)
La question qui se pose est la suivante : comment éviter que la guerre ne devienne une affaire de machines et qu'elle perde toute raison humaine ?
Gérer l’IA
Henri Kisssinger, Eric Schmidt et Daniel Huttenlocher rappellent ici, à nouveau, l'importance d'établir des traités qui établissent clairement des limites aux recours de l'IA militaire. Les États les plus puissants doivent prendre conscience de leurs responsabilités en s'inspirant de ce qu'il s'est passé avec les armes nucléaires.
Impact sur les technologies civiles et militaires
Selon les auteurs, il existe trois qualités qui permettent habituellement de distinguer l'usage militaire de l'usage civil des technologies :
La différenciation technique (modification des techniques) ;
La concentration du contrôle (le gouvernement peut les contrôler plus facilement) ;
L'amplitude de l'effet (leur effet destructif est annulé ou beaucoup moins important).
L’IA « casse » cette façon de voir les choses car elle est intrinsèquement de double usage. La technologie ne change pas entre les deux usages (c’est du code), elle est facilement diffusable (d’ordinateur à ordinateur) et elle peut avoir des effets importants même dans son usage « civil ».
Une vieille conquête dans un nouveau monde
Les auteurs proposent 6 voies d'action pour contrôler les arsenaux d'armes (combinant des armes traditionnelles, nucléaires, numériques et assistées par IA). En voici le résumé :
Les dirigeants doivent être prêts à se parler de façon régulière ;
Les risques liés à l'armement nucléaire ne doivent pas être oubliés ;
Chaque gouvernement disposant de pouvoirs militaires en matière numérique et IA doit établir clairement sa doctrine et ses limites ;
Il doit aussi organiser un processus strict de révision interne et la mise en place de garde-fous ;
Des procédures de prise de décision en situation de haut risque doivent être créées et respectées ;
Des lignes rouges doivent être établies collectivement et une logique de non-prolifération doit voir le jour.
Chapitre 6 — IA et identité humaine
"Dans une ère où les machines rempliront de plus en plus les tâches que seuls les humains étaient habitués à faire, que constituera donc notre identité comme êtres humains ?" (L’Âge de l’IA, Chapitre 6)
Quelles seront les qualités humaines qui seront célébrées à l'âge de l'IA ? En fait, pour les auteurs, c'est la notion même de raison qui va s'en trouver bouleversée. Et avec elle se trouve modifiée notre représentation d'autres qualités, telles que notre libre arbitre.
Nous avons deux manières de nous comporter face à ces évolutions :
Ou nous réagissons instinctivement ;
Ou nous prenons le temps de répondre de façon consciente.
Transformer l’expérience humaine
Pour la plupart des gens, l'IA aura des avantages dans la vie de tous les jours. Les auteurs prennent de nombreux exemples, de l'entrepreneur qui l'utilise pour créer de nouveaux produits à la personne qui l'utilise pour son organisation quotidienne.
Le fossé se creuse toutefois entre ceux qui comprennent le fonctionnement et les enjeux de l'IA et ceux qui l'utilisent sans pour autant en cerner les tenants et les aboutissants. Ces derniers pourraient avoir le sentiment de perdre le contrôle de leur existence et se sentir perdus face à la montée en puissance de l'IA.
Des emplois vont disparaître et d'autres être créés. Dans le lot de ceux qui perdront leur emploi, il y en aura certainement qui développeront une aversion persistante pour la technologie. Le grand enjeu, pour tous ceux qui resteront sur le carreau, sera de développer de nouvelles compétences.
La prise de décision
Imaginez-vous un monde social complètement gouverné par les IA, dans lequel les décisions seraient prises sur des bases que nous ne comprendrions pas, car elles seraient enfouies dans les lignes de code des machines. Ce serait une situation terrible pour nous les humains, qui avons besoin de raisons pour agir et obéir.
En ayant à l'esprit cette version assez cauchemardesque, certaines personnes pourraient rejeter complètement les IA pour ne pas se sentir coupées de leur propre sens moral et de leurs raisonnements. Ils voudraient garder le pouvoir de conférer du sens — du sens compréhensible — aux choses et aux actions.
Pour Henri Kissinger, Eric Schmidt et Daniel Huttenlocher, cette solution serait toutefois intenable. Il est impossible de s'extraire complètement du monde et de refuser toute technologie.
La logique de la découverte scientifique
Les scientifiques apprennent à utiliser l'IA. Auparavant, ils comptaient surtout sur leurs théories et sur les expériences "faites de main d'homme" pour réaliser des progrès. Mais l'IA vient changer la donne.
Désormais, celle-ci apporte un angle nouveau à la recherche, notamment en agrégeant de grands échantillons de données sans avoir besoin de théorie sous-jacente.
Les auteurs donnent l'exemple d'AlphaFold, une IA (de Google) qui a aidé les chercheurs à résoudre le problème appelé de "pliage des protéines".
L’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie
Les auteurs parlent d'une différence à venir entre "IA natives" et les autres. Dans un futur plus ou moins proche, les enfants qui auront grandi depuis leur plus jeune âge entourés par les IA n'auront pas le même rapport que leurs aïeux avec cette technologie.
Les auteurs prévoient même la venue d'assistants numériques "tout en un" capables de jouer, d'éduquer et de guider les plus jeunes.
Ils insistent également sur le paradoxe actuel concernant l'information : de plus en plus disponibles, nous avons de moins en moins la capacité de nous attarder sur elle en profondeur.
Les nouveaux intermédiaires de l’information
L'IA sert aujourd'hui d'intermédiaire dans la création, la sélection, la distribution et la consommation des informations. Jusqu'à maintenant, les réseaux sociaux cherchent essentiellement à nous présenter les informations que nous aimons le plus, afin d'accroître notre présence sur leur plateforme.
Nous pouvons repenser les modes de filtrage de l'information. Certains préféreront sans doute en rester à un mode purement humain. Mais d'autres voies sont envisageables : permettre aux algorithmes de nous surprendre et de corriger nos biais de confirmation, par exemple.
Un nouveau futur humain
Les forces de la foi et de la raison, qui conduisent les hommes habituellement, vont se trouver mises en concurrence avec la puissance de l’IA. L’une et l’autre seront toujours des guides pour l’action humaine, mais leur place sera redéfinie par le développement et les progrès de l’IA.
Dans beaucoup de domaines, l'IA et les humains apprendront à collaborer. Mais des conflits entre décisions humaines et décisions prises par l'IA peuvent survenir. Il sera important de bien organiser les rôles et les responsabilités de chacun.
Les sociétés humaines devront aussi décider ce qui est permis et ce qui ne l'est pas. Les valeurs humaines jouent ici un grand rôle. Quelle société souhaitons-nous ? Dans chaque cas, nous devrons trancher.
Les perceptions de la réalité et l’humanité
Pour les auteurs, il en va d'un véritable et profond changement d'ère. Il s'agit d'une révolution dans nos manières de penser et d'agir.
"Le monde médiéval avait son imago dei, ses modèles féodaux et agraires, son respect pour la monarchie et son orientation vers les hauteurs vertigineuses des cathédrales. L'âge de la raison avait son cogito ergo sum et sa quête pour de nouveaux horizons — et, avec elle, de nouvelles hypothèses sur les capacités de l'individu et de la société. L'ère de l'IA doit encore définir ses principes d'organisation, ses concepts moraux, ainsi que ses aspirations et son sens des limites." (L'Âge de l'IA, Chapitre 6)
Pour Henri Kissinger, Eric Schmidt et Daniel Huttenlocher, cette révolution est déjà en marche et c'est aujourd'hui qu'il faut commencer à penser sérieusement comment nous allons y répondre.
Chapitre 7 — IA et avenir
Les auteurs comparent la révolution de l'IA à la révolution enclenchée par l'invention de l'imprimerie au XVe siècle. L'impression de livre changea complètement le rapport à la connaissance, d'abord, puis aux relations.
De fil en aiguille, c'est toute la société qui se transforma sous l'impulsion de cette invention. Elle ouvrit de nouveaux chemins pour le développement des sciences, de la politique et de la religion, notamment.
"Aujourd'hui, une nouvelle époque fait signe. En son sein, à nouveau, la technologie transformera la connaissance, la découverte, la communication et la pensée individuelle. (...) La révolution de l'IA accomplira quelque chose de similaire : accès à de nouvelles informations, production. de nouvelles avancées scientifiques et économiques — et ce faisant, elle transformera le monde." (L'Âge de l'IA, Chapitre 7)
Nous voilà prévenus par les auteurs : la révolution de l'IA est en marche. Selon eux, cette (r)évolution est implacable. Henri Kissinger, Eric Schmidt et Daniel Huttenlocher se montrent raisonnablement optimistes.
Bien sûr, disent-ils, des dangers ne manqueront pas de se présenter, des problèmes surviendront et beaucoup de personnes et d'institutions seront désorientées ; mais dans l'ensemble, la somme d'avantages sera supérieure et le progrès gagnera.
Pour les auteurs, le point clé est de bien comprendre que l'IA nous ouvre la voie vers une nouvelle compréhension de la réalité. L'IA n'agit pas comme les humains. Elle propose de nouvelles perspectives, de nouvelles formes de l'expérience.
Il se peut aussi que l'IA fasse tourner les têtes, selon les auteurs. Plus ses recommandations seront pertinentes et moins nous les comprendrons (le commun des mortels, du moins). Mais au moins nous les comprendrons, au plus nous serons tentés de les considérer comme des "oracles" divins.
Refuser l'usage de l'IA restera un choix possible, mais il deviendra potentiellement de plus en plus coûteux, tant de nombreux services y seront connectés.
L’intelligence artificielle générale
Les auteurs reviennent ici sur les propos tenus au chapitre 3. L'intelligence artificielle générale est encore en projet : son ambition est de pouvoir réaliser toutes les tâches qu'un humain réalise, aussi bien ou mieux que lui.
Mais comment penser un monde où des machines nous égaleraient ou nous surpasseraient potentiellement en tout ? L'éthique de l'IA est un domaine appelé à prendre de plus en plus d'ampleur dans les années à venir, notamment pour penser ces questions et proposer des cadres pour l'action.
IA, information libre et pensée indépendante
Les notions de "nuisible" et de "désinformation" ne doivent pas être laissées aux plateformes privées. Les gouvernements peuvent et devront trouver leurs propres limites et les imposer aux algorithmes.
Chaque société le fera en fonction de ses valeurs, même si cela risque de générer des conflits avec les plateformes de réseau, en grande majorité transnationales.
IA et ordre international
Finalement, Henry Kissinger, Eric Schmidt et Daniel Huttenlocher reviennent sur leurs propos du chapitre 5. Pour gérer les aspects les plus destructifs de l'IA, la diplomatie aura un rôle fort à jouer. Face à l'incertitude et au risque, les États devront s'entendre au moins sur certains principes clés pour éviter l'escalade et l'affrontement.
Mais le dernier mot des auteurs n'est pas pour autant pessimiste. Au contraire, ils nous engagent à embrasser dès maintenant la question de notre coexistence avec l'IA :
"L'intelligence humaine et l'intelligence artificielle sont en train de se rencontrer, et vont s'appliquer à des objectifs nationaux, continentaux et même mondiaux. Comprendre cette transition et développer une éthique pour cela demandera de l'engagement et des contributions de nombreux éléments de la société : scientifiques, stratégistes, hommes d'État et philosophes, hommes d'église et grands patrons. Cet engagement doit être réalisé au sein des nations et entre elles. Maintenant est venu le temps de définir à la fois notre partenariat avec l'intelligence artificielle et la réalité qui en résultera." (L'Âge de l'IA, Chapitre 7)
Conclusion sur « L'Âge de l'IA » de Henry Kissinger, Eric Schmidt et Daniel Huttenlocher :
Ce qu’il faut retenir de « L'Âge de l'IA » de Henry Kissinger, Eric Schmidt et Daniel Huttenlocher :
Voilà un livre qui donne un peu peur, mais aussi diablement envie de penser ! Si vous êtes curieux, vous aurez vraiment envie d'en savoir plus sur tous les enjeux qui sont développés dans ce livre. D'ailleurs, c'est sa grande force : dresser un tableau général des transformations en cours et de leur impact potentiel.
Le point clé à retenir : pour Henry Kissinger, Eric Schmidt et Daniel Huttenlocher, l'IA est un phénomène civilisationnel qui va transformer de nombreux pans de notre expérience, au point de nous faire basculer d'une "ère" (celle de la raison, dans laquelle nous sommes toujours) à l'autre — celle de l'IA.
Leur titre est donc bien choisi !
Points forts :
Des chapitres courts, mais très instructifs et bien construits ;
Une véritable expertise sur le sujet avec ces 3 auteurs de renommée internationale ;
Un livre qui donne véritablement de la matière à réflexion.
Point faible :
Les auteurs ne remettent pas une seule seconde en doute le présupposé selon lequel l'IA va se développer et devenir plus puissante. C'est leur point de départ, et ils ne le lâchent pas. Pourtant, nous pouvons nous demander si d'autres avenirs ne sont pas possibles…
Ma note :
★★★★★
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Résumé de « Reinventing organizations. Vers des communautés de travail inspirées » de Frédéric Laloux : un ouvrage qui offre une théorie, de nombreux exemples et de nombreuses pistes pour faire évoluer les organisations vers un nouveau stade de complexité et de mieux-être à tous les niveaux — un livre devenu en très peu de temps un classique absolu de la littérature de management !
Frédéric Laloux, 2014, 484 pages.
Chronique et résumé de « Reinventing organizations. Vers des communautés de travail inspirées » de Frédéric Laloux
Frédéric Laloux et « Reinventing organizations » : quelques mots de contextualisation
Ce livre s’est vendu à plus de 250 000 exemplaires dans le monde : autrement dit, c’est un best-seller de la littérature du management ! Frédéric Laloux l’a conçu progressivement, pendant plusieurs années, en s’appuyant sur des enquêtes et sur son expérience au sein de l’entreprise de consulting Mc Kinsey.
Il existe une version résumée et illustrée de l’ouvrage, parue également aux éditions Diateino. Celle-ci se lit plus facilement.
Introduction
Les humains évoluent, leurs conceptions du monde changent. Ils croient durant des années quelque chose qui se révèle erroné le lendemain. Mais il n’y a pas là à juger ou à critiquer le niveau d’intelligence de celles et ceux qui nous précèdent. Il faut plutôt honorer celles et ceux qui participent à nous faire voir le monde autrement et de façon plus riche.
Les modèles d’organisation (des entreprises, mais aussi de l’administration et des organisations du secteur associatif) qui nous servent encore aujourd’hui pourraient bien ne plus être adaptés à notre situation. Malgré les progrès énormes réalisés, en matière de prospérité, d’espérance de vie et d’éducation notamment, il y a quelque chose qui cloche.
Dans tous les secteurs d’activité, le travail est devenu de plus en plus le lieu de souffrances. Qu’on soit au bas ou en haut de l’échelle, de véritables malaises s’installent et s’enveniment. Cette crise invite à se demander : un autre modèle, plus enrichissant, plus sensé, peut-il émerger ?
Il s’agit avant tout d’une question pratique qui implique une foule d’interrogations sur les manières de transformer les façons dont nous organisons le travail, concrètement. Les enjeux d’une telle modification dépassent le cadre de cet ouvrage, mais on peut apercevoir leur caractère colossal :
« Ce n’est probablement pas une exagération, mais une triste réalité : la survie des espèces, des écosystèmes, et même de l’humanité dépend d’un changement radical dans notre façon de penser les entreprises et l’économie. » (Reinventing organizations)
Première partie. Histoire et développement des organisations
L’humanité avance par « sauts ». Sauts à la fois psychologiques, cognitifs, sociaux, politiques, moraux. À chaque fois, la complexité gagne du terrain. Il en va de même avec les organisations. À chaque fois que l’humanité a fait un bon en avant, elle a inventé un nouveau modèle organisationnel plus complexe que le précédent.
Chapitre 1.1. D’un paradigme à l’autre : modèles d’organisation d’hier et d’aujourd’hui
Frédéric Laloux utilise le travail de Ken Wilber, philosophe de la conscience humaine, pour catégoriser ces stades d’évolution et les nommer selon une couleur particulière. Son travail a notamment influencé la Spirale Dynamique.
L’idée première est que tout se modifie à chaque stade : la manière de voir le monde, la technologie, les structures de pouvoir et donc, le modèle organisationnel. C’est le point sur lequel entend insister l’auteur.
Autre idée clé : nous serions à l’orée d’un nouveau changement de stade que l’on peut nommer « évolutif » ou, en suivant le code couleur, « opale » (Teal, en anglais). Comment le sait-on ? Parce que la crise guette. Beaucoup de gens sont en souffrance ; la planète l’est aussi. Il y a des crispations face au changement, mais tous sentent sa nécessité.
Pour faire émerger ce nouveau modèle, il faut bien sûr vaincre ces résistances et toutes celles et ceux qui vous feront penser qu’il ne s’agit que d’une chimère. C’est possible ! Comme a été possible, en son temps, le développement des sciences ou de la démocratie.
Chapitre 1.2. À propos des stades de développement
Frédéric Laloux reprend cinq stades principaux qu’il analyse en détail dans la première partie de l’ouvrage :
Impulsif ou Rouge ; Conformiste ou Ambre ; Réussite ou Orange ; Pluraliste ou Verte ; Évolutif ou Opale.
Passons les quatre premiers en revue.
→ La vision rouge du monde ou le stade impulsif
Le chef est le garant de l’ordre social. Le pouvoir brut domine tout, non pas la loi. Les désirs du chef sont des ordres et se transforment en la règle pour tous. Bref, s’il y a une loi, c’est celle du plus fort ! Vous êtes soit dominant soit dominé.
Dans ce schéma, les organisations sont semblables à des meutes de loups. On en trouve encore des exemples dans des organisations violentes telles que la Mafia, les gangs de quartiers ou les entreprises fortement « paternalistes ».
L’innovation propre à ce modèle est d’avoir introduit dans les relations sociales la division du travail (chacun a sa place) et l’autorité hiérarchique.
→ La vision ambre du monde ou le stade conformiste
Historiquement, ce modèle apparaît aux alentours de 4 000 avant notre ère, en Mésopotamie. Désormais, l’impulsivité première est maîtrisée et retournée vers soi grâce à la Loi, qui s’applique à tous. Celui qui l’enfreint se sent coupable et honteux.
Ce modèle a créé des organisations hautement hiérarchisées ; les places sont stables (on parle ici de fonctions) et cette sécurité est assurée par la croyance à la Loi. La prévision et le conformisme sont des valeurs partagées par tous. Des exemples ? Il y en a à foison : l’Église, l’armée, les administrations, etc.
Quelles sont les avancées liées à ce stade ? La reproductibilité des processus (rituels, travail) et la stabilité des hiérarchies. Ces deux caractéristiques ont permis de faire croître les Empires, l’agriculture et l’architecture, par exemple.
→ La vision orange du monde ou le stade de la réussite
Voici venu le temps de la Révolution industrielle et scientifique. Le temps de la démocratie libérale, aussi ! La Loi, qui opposait le Bien au Mal et rendait les individus conformistes et coupables, est balayée par l’Innovation et le désir de Progrès.
La logique et la découverte sont à l’ordre du jour. Mais aussi et peut-être surtout, au niveau du management : le profit. Il s’agit de faire apparaître et de générer toujours davantage de revenus.
S’il fallait utiliser ici une métaphore, ce serait plutôt celle de la machine. Pour garantir l’efficacité (et donc le profit), tout doit fonctionner mécaniquement et automatiquement. Les multinationales d’aujourd’hui, les Écoles de commerce, les Banques de Wall Street sont toutes prises dans ce modèle.
Les avancées principales de ce stade sont :
L’innovation (nouveaux produits, nouveaux profits, nouvelles parts de marché, etc.) ; La responsabilité (incitations au travail, évaluation de la performance, etc.) ; La méritocratie (c’est aux plus intelligents et aux plus agiles de diriger).
Mais là-dedans, où se trouve le sens ? L’approche matérialiste du stade Orange épuise les « ressources » (un mot qui vient de son propre vocabulaire) humaines et naturelles. Ce « toujours plus » est comme un cancer qui ronge les sociétés contemporaines.
→ La vision verte du monde ou le stade pluraliste
Dès le XVIII et le XIXe siècle, cette vision du monde pris forme grâce aux mouvements antiesclavagistes, féministes, etc. Mais ce n’est qu’à partir de la seconde moitié du XXe siècle qu’elle s’exprima plus clairement et complètement. La vision verte du monde inspire la pensée académique post-moderne, mais aussi les associations de la société civile.
La famille fait office de métaphore adéquate. Pourquoi ? Car il s’agit de retrouver les liens de communauté perdus avec le stade Orange. Le bonheur ne peut être seulement individuel ; il doit passer par tous et donc être aussi collectif.
Certaines entreprises contemporaines se sont constituées selon un modèle pluraliste : c’est le cas, par exemple, de Southwest Airlines ou de Ben & Jerry’s (les glaces, oui !). Celles-ci appliquent un « management doux » où la hiérarchie n’a plus sa place et où les ordres sont remplacés par la participation à une vision commune.
Les profondes transformations organisationnelles de ce stade sont :
L’autonomisation (motiver plutôt que diriger, mais aussi éviter les rapports hiérarchiques) ; La culture des valeurs (elles sont au cœur de la stratégie et permettent à chacun de se reconnaître comme faisant partie du groupe) ; Le respect des parties prenantes (ce ne sont pas seulement les actionnaires qui comptent, mais tous ceux pour lesquels l’entreprise importe).
Dans la réalité, les entreprises vertes conservent souvent des structures de type Orange. C’est un stade qui a donc quelques difficultés à se trouver.
À noter pour conclure ce chapitre : en fait, le quotidien est multicolore. Aucune organisation n’est « seulement » Orange, ou Rouge, ou Verte. Il y a des mélanges à tous les étages ! Par ailleurs, nulle vision du monde n’est vraiment « meilleure » qu’une autre, selon l’auteur, mais simplement plus « complexe ».
Chapitre 1.3. Le stade évolutif Opale
Abraham Maslow, le célèbre psychologue étatsunien ayant créé une hiérarchie des besoins, parle d’« accomplissement de soi ». Parallèlement ou à sa suite, d’autres ont étudié l’émergence de ce nouveau stade à la fois d’un point de vue psychologique et social. Quelles en sont les caractéristiques ?
Le monde est ici conçu comme le lieu de la découverte de son potentiel unique, le lieu où l’individu peut croître et devenir un Soi complet, en harmonie avec les autres. Cela passe par la:
Maîtrise de l’ego (notamment, les peurs, les besoins, les désirs, etc.) ; Rencontre avec sa propre « justesse intérieure » (ce qui nous est propre et intime) qui doit nous guider ; Représentation de la vie comme le lieu du déploiement de soi (développement de cette singularité) ; Focalisation sur ses forces intérieures (abandon du jugement, patience et confiance en soi) ; Acceptation de l’adversité (humilité et attitude d’apprentissage) ; Sagesse au-delà du rationnel (mise en avant de l’intuition, notamment) ; Quête de la plénitude (pleine authenticité en relation à soi, aux autres et à la vie en général, qui implique entre autres la réconciliation des oppositions traditionnelles, telles que le féminin et le masculin, etc.).
Cela a-t-il un sens lorsqu’on parle d’organisations et d’entreprises ? Eh bien oui ! Ce qui peut paraître complètement éloigné du management ne l’est pas : en fait, les individus qui trouvent leur vocation sont naturellement plus efficaces. Et puis, imaginez une entreprise où chacun maîtriserait son ego… Mais pour en savoir plus et ne pas en rester aux hypothèses, il faut passer à la deuxième partie !
Deuxième partie. Structures, modes de fonctionnement et culture des organisations Opale
Cette deuxième partie utilise un matériau empirique abondant pour analyser comment fonctionnent les organisations Opale. Douze organisations ont été sélectionnées, précisément car elles mettent déjà en œuvre des principes nouveaux de management. Ce sont comme des « aliens », des étrangers vivant cachés parmi leurs contemporains ; mais ces aliens sont des innovateurs aux superpouvoirs !
L’auteur a enquêté dans ces organisations, notamment à partir d’un questionnaire très complet de 45 questions portant sur tous les aspects du management, depuis les processus directeurs jusqu’aux détails les plus pratiques du quotidien (réunions, gestion des conflits, etc.).
Chapitre 2.1. Trois avancées et une métaphore
Tandis que le paradigme Orange utilisait volontiers la métaphore de la machine et que le paradigme Vert pouvait davantage être relié à l’image de la famille, le paradigme Opale se développe autrement : l’organisme vivant fait figure de métaphore adéquate.
Par ailleurs, comme tout stade organisationnel, le stade Opale introduit des révolutions dans la manière de concevoir le management. Quelles sont-elles ?
L’autogouvernance : pas de hiérarchie ni de recherche de consensus, mais fonctionnement horizontal. L’affirmation de soi (wholeness) ou la plénitude : pas de « soi professionnel » privilégiant seulement une facette (masculine, rationnelle, etc.), mais pratique du travail dans la plénitude de ce que nous sommes. La raison d’être évolutive : pas d’avenir préconçu et maîtrisé, mais un processus de devenir qui implique une écoute profonde des besoins et désirs.
Ces trois révolutions de la vision du monde Opale appliquée au management feront l’objet des chapitres suivants. Frédéric Laloux utilise son enquête auprès des entreprises suivantes pour dégager plus précisément les implications et les enjeux de ces trois points fondamentaux :
AES (secteur de l’énergie, groupe mondial, 40 000 collaborateurs, à but lucratif) ; BSO/Origin (conseil en informatique, groupe mondial, 10 000 collaborateurs, à but lucratif) ; Buurtzorg (Santé, Pays-Bas, 7 000 collaborateurs, à but non lucratif) ; ESBZ (Collège et lycée, Allemagne, 1 500 personnes, parents et enfants compris, à but non lucratif) ; FAVI (Métallurgie, France, 500 collaborateurs, à but lucratif) ; Heligenfeld (Hôpitaux psychiatriques, Allemagne, 700 collaborateurs, à but lucratif) ; Holacracy (Modèle d’exploitation des entreprises) ; Morning Star (Agroalimentaire, États-Unis, de 400 à 2 400 collaborateurs, à but lucratif) ; Patagonia (Prêt-à-porter, États-Unis, 1 350 collaborateurs, à but lucratif) ; RHD (Service à la personne, États-Unis, 4 000 collaborateurs, à but non lucratif) ; Sounds True (Média, États-Unis, 90 collaborateurs et 20 chiens, à but lucratif) ; Sun Hydraulics (Composants hydrauliques, groupe mondial, 900 collaborateurs, à but lucratif).
Chapitre 2.2. Autogouvernance (structures)
Faut-il absolument un chef qui décide ? L’entreprise a-t-elle vraiment besoin d’une structure hiérarchique ? La réponse à ses deux questions est « non » ! L’expérience de ces entreprises le montre : il est possible — et même souhaitable — de gérer la complexité sans recourir à ces formes.
→ La hiérarchie ne sait pas gérer la complexité
Au sommet de la pyramide hiérarchique, les dirigeants sont débordés. Trop de responsabilités, de choses à penser ; le temps est compté pour prendre les décisions.
Pourtant, de l’économie mondiale à l’écosystème d’une forêt, en passant par le cerveau humain ou le vol en escadrille des oiseaux, l’histoire et la nature nous montrent que des formes d’organisation non centralisées existent et fonctionnent bien !
Tirons-en les conséquences : il est possible de faire marcher des organisations humaines sans passer par ce vieux modèle. Burrtzorg compte 9 000 salariés, et n’a ni manager ni chef. Mais avant d’aller plus loin, résolvons quelques malentendus. L’autogouvernance, est-ce que c’est…
L’anarchie ? Non ! les membres se coordonnent, respectent certains rôles et processus. Le consensus et les réunions à n’en pas finir ? Encore non ! Les réunions y sont, en fait, moins présentes. Une expérimentation trop jeune ? C’est faux : des entreprises autogouvernées existent depuis des décennies et ont prouvé leur efficacité et leur résilience face aux crises.
→ L’autogouvernance exige la mise à niveau de presque toutes les pratiques managériales de base
Bien sûr, il ne suffit pas d’abandonner la structure pyramidale du jour au lendemain. Il faut penser à son système de remplacement en amont et aller dans le détail en reformulant les principales pratiques et structures :
Structure de l’organisation ; Fonctions de direction ; Circuit d’informations ; Prise de décisions ; Architecture des réunions ; Gestion de projet ; Investissements ; Budgets ; Objectifs ; Gestion de la performance ; Rémunération et primes ; Gestion de conflit ; Gestion de crises ; Licenciements.
→ Structure de l’organisation
Prenons deux exemples.
Buurtzorg fonctionne à partir d’unités de base de 10 à 12 personnes, qui fonctionnent en autonomie. Pas de chef au-dessus, mais un coach régional qui n’a pas d’autorité sur les équipes coachées (40 à 50), mais peut leur venir en aide si elles en expriment le besoin. Le siège est composé de 28 personnes qui se chargent des questions administratives. Pas de RH, pas de comité exécutif… C’est si simple, et ça marche ! FAVI fonctionne par mini-usines dédiées à un client en particulier. Un cas simple : pour gérer les commandes, le commercial s’adresse directement aux ouvriers qui planifient eux-mêmes la tâche. En 25 années, pas un seul retard de livraison à dénombrer !
Chapitre 2.3. Autogouvernance (processus)
→ Prise de décisions
Nous sommes habitués à la décision autoritaire, à la décision consensuelle et à la décision majoritaire. Mais il y a d’autres façons de faire et une en particulier : la sollicitation d’avis.
Selon ce système, tout le monde peut prendre des décisions, y compris celles qui engagent l’argent de l’entreprise. Mais il y a des règles :
Solliciter celle ou celui dont c’est le domaine d’expertise ; Celles et ceux qui devront vivre avec les conséquences de cette décision ; Le décideur prend sa décision après examen rigoureux et mûre réflexion.
Tous les membres de l’entreprise se retrouvent à la fois solliciteurs (décideurs) et sollicités. Prendre les autres en considération et créer des liens : voilà les points forts de ce système.
Plus les décisions sont importantes, et plus le nombre de personnes consultées doit croître.
→ Rémunérations fixes et variables
Est-ce possible de se passer de « bonus » et même d’objectifs ? Eh bien oui ! Cela peut paraître étonnant, et pourtant cela fonctionne. L’argent offre une bien maigre motivation, en réalité. Pourquoi ? Car cela implique une vision pessimiste des travailleurs ; on s’imagine qu’ils ne travaillent que pour gagner de l’argent, et pas pour s’épanouir.
Plutôt qu’offrir des primes individuelles, il est possible de répartir une partie des bénéfices entre tous. Pour le salaire de base, la solution mise en œuvre par Morning Star (géant US de la tomate) vaut particulièrement le détour. Elle consiste à laisser chacun demander l’augmentation qu’il estime juste. Une commission de collègues lit et donne son avis, mais ne peut imposer la décision. Néanmoins, si un collègue exagère dans sa demande, une procédure de résolution des conflits peut être proposée.
→ Gestion de la performance
La pression de la direction (associée aux bonus financiers) pour conserver la motivation des employés est un leurre . Le plus souvent, cela conduit à une démotivation complète. Pour donner une véritable motivation intrinsèque aux membres de l’entreprise, il faut plutôt compter sur :
l’émulation des collègues (l’envie de faire aussi bien qu’une autre équipe, l’entraide et la supervision de chacun par chacun) ; les exigences du marché (la réalité du marché est sue des employés).
→ La multiplicité des hiérarchies naturelles
S’il n’y a plus d’autorité hiérarchique établie par des normes dans les organisations Opale, il y existe en revanche des hiérarchies naturelles, venant des compétences ou des qualités de chacun. Untel sera bon dans l’écoute, l’autre dans la planification ; celle-ci sera experte en techniques de pointe et celle-là maîtrisera la résolution des conflits à merveille.
« L’absence de manager libère l’espace pour des hiérarchies naturelles, spontanées et fluides de reconnaissance, d’influence ou de compétence. Il n’est pas question de considérer que tous les individus sont égaux. Certains auront tendance à se concentrer sur des rôles plus limités. […] D’autres auront une contribution plus large. […] Il ne s’agit pas de rendre tous les collaborateurs égaux, mais de permettre à chacun d’être pleinement lui-même, dans toute sa force et toute sa santé. » (Reinventing organizations)
Chapitre 2.4. En quête de plénitude (processus RH)
→ Être pleinement soi-même sur le lieu de travail
Parfois, nous l’oublions. Et pourtant, nous portons très souvent un masque lorsque nous sommes au travail. Nous cherchons à répondre à ce que l’organisation attend de nous. Ce faisant, nous enfouissons nos aspirations propres.
Celles-ci ne sont pas vraiment bienvenues dans l’espace professionnelle. Par contre, l’ego peut s’y exprimer dans une certaine limite. L’ego, c’est d’abord le souci de reconnaissance, d’avoir raison, d’avoir du succès et de faire bonne impression. Pourrait-on inverser le phénomène ?
Affirmer ce que l’on est réellement (nos aspirations profondes) nous paraît risqué. Et cela l’est parfois réellement : nous pouvons mettre en péril notre poste en étant honnête. Mais la peur vient aussi de la direction de l’entreprise elle-même, qui estime qu’une organisation où chacun laisserait libre cours à sa singularité deviendrait vite ingérable.
Dans cette situation, les jeux d’ego sont parfois tout ce qui nous reste. Nous développons aussi une attitude dure et froide, rationnelle et déconnectée des émotions. En un sens, on ne donne accès qu’à notre côté « masculin » (celui auquel répondent prétendument toutes ces caractéristiques) au détriment de notre part féminine. Les qualités de soin, de vulnérabilité, d’écoute, d’intuition et de spiritualité sont refoulées.
→ Le travail comme lieu de la quête de plénitude
L’autogouvernance est un bon moyen d’aller vers plus de plénitude. Ne plus avoir à plaire au chef et être autonome dans ses choix, cela aide. Mais ce n’est pas toujours suffisant. C’est pourquoi certaines organisations ont mis en place des procédures pour créer un sentiment de sécurité renforcé.
Voici deux exemples.
Sounds True, par exemple, diffuse des messages de maîtres spirituels. Et accepte aussi les chiens ! Des gestes simples qui font entrer la vie en entreprise. Les enfants des salariés de Patagonia peuvent jouer et apprendre au Centre de développement de l’enfant intégré dans l’entreprise. Pendant les repas, les enfants sont en présence des parents. Conséquence ? Les relations se transforment, les masques tombent.
De nombreuses caractéristiques liées à l’organisation doivent être modifiées pour laisser les personnes être elles-mêmes : depuis les façons de recruter jusqu’aux manières de procéder aux évaluations. Passons en revue quelques pratiques mises en place par les entreprises pionnières étudiées par Frédéric Laloux.
→ Un espace protecteur
L’association RHD (Resources for Human Development) prend en charge des personnes en difficulté. Elle fonctionne sur la base de l’autogouvernance. En plus, elle a installé la bienveillance au cœur de son activité.
Une « Charte des droits et des responsabilités des salariés et des clients » a été conçue pour inviter chacun à respecter les valeurs d’intégrité, de respect et d’ouverture. Chacun est invité à prendre connaissance et à réfléchir à ces règles. À leur tour, ces principes sont traduits en pratiques concrètes. Une référence commune est créée, à partir de laquelle travailler.
→ Espaces de recueillement
Heiligenfeld est une entreprise de soins psychiatriques et de réadaptation. Joachim Galuska, son fondateur, cherche à intégrer une vision holistique à sa pratique, en y intégrant notamment une dimension spirituelle et collective. Ici :
Les salariés peuvent prendre une demi-heure pour méditer en groupe, chaque jour ; Des séances de coaching individuel sont ouvertes à tous les salariés ; Deux à trois fois par an, un coach extérieur vient dénouer les problèmes ; Quatre fois par an, des journées silencieuses, en pleine conscience, sont organisées — les patients, aussi bien que les salariés, y participent ;
En outre, chaque mardi matin, une introspection collective a lieu autour d’un sujet particulier, pendant une heure et quart. Ces groupes de travail très particuliers (pas d’objectif à atteindre, pas de compte rendu) connaissent un grand succès.
→ Narration
La narration permet de créer un fond d’histoires partagées. De cette façon, la confiance gagne du terrain. L’association Centre for Courage & Renewal propose par exemple un rituel d’embauche au cours duquel le nouveau venu est accueilli par des histoires et des vœux prononcés par les autres employés.
ESBZ est une institution scolaire qui pratique aussi la narration. La « réunion de congratulation » est préparée et animée par les élèves. Ceux-ci racontent, devant parents et professeurs, des histoires sensibles, amusantes où ils se remercient les uns les autres. C’est ainsi que le sentiment de communauté se crée !
→ Réunions
Comment transformer ce lieu habituel de combat d’egos en un espace d’écoute ? Différentes techniques existent, mais l’une d’entre elles consiste à « faire sonner les cymbales » lorsque la réunion dérape. L’auteur raconte en détail cette technique aussi simple que fascinante dans le livre.
→ Engagement et horaires de travail
Dans une entreprise fonctionnant de façon autogouvernée, il n’y a plus besoin de mentir pour respecter ses obligations familiales ou personnelles. Les remplacements sont discutés entre les salariés, dans leurs petites équipes. Chacun peut prendre tour à tour, un peu plus de travail. Ce faisant, chacun peut aussi honorer ses engagements non professionnels.
→ Évaluation des performances
La peur est souvent au rendez-vous de ces évaluations ! Comment la supprimer ? Une solution expérimentée par Sounds True consiste à transformer ce moment en réflexion collective, au cours de laquelle le salarié évalué échange avec le groupe.
Dans un premier temps, le salarié fait le point sur ses réalisations et ses aspirations. Dans un deuxième temps : le groupe pense à vous en silence, puis répond à deux questions en évitant tout jugement :
Qu’est-ce que travailler avec toi m’apporte de plus précieux ? Quel est le domaine dans lequel je perçois que tu pourrais changer et grandir ?
Une feuille avec toutes les réponses est remise ensuite au salarié « évalué ». Un troisième temps consiste à poursuivre la réflexion en face à face avec un collègue.
Chapitre 2.5. À l’écoute du projet des entreprises Opale
Les entreprises Opale refusent que le sentiment de concurrence et la course à l’argent prennent la main sur le reste. Cette vision est celle du paradigme Orange, principalement, et beaucoup d’entreprises ont de grandes difficultés à s’en défaire. Même lorsqu’elles affichent ouvertement une « mission » ou une « profession de foi » !
→ Est-ce que votre entreprise a une raison d’être noble ?
Prendre cette question au sérieux peut provoquer de grands changements. Prenons l’exemple de Jos de Blok, de l’entreprise Buurtzorg. Il aide ses concurrents à mettre en place la méthode qu’il a créée ! Il ne cherche pas d’abord le profit, mais l’instauration d’un système de soins où les patients puissent mener une vie riche et autonome.
→ Le concept de raison d’être est plus qu’une noble mission
En fait, il s’agit surtout d’en finir avec l’idée de maîtrise sur l’avenir, de prévision et de planification. Finie, la logique stratégie --> exécution ! L’entreprise ressemble à un organisme vivant et non à une machine. Elle a son énergie propre, ses propres buts qui se dévoilent peu à peu, au cours de son existence.
À la maîtrise fait place l’écoute. Il s’agit de deviner le sens qui est pris et de l’accompagner. On prend la température et on répond ; on cesse de prévoir/établir une stratégie et de donner des ordres d’exécution.
→ Stratégie
Les entreprises étudiées par Frédéric Laloux n’ont aucune stratégie à 3 ou 5 ans ! Cela vous semble fou ? C’est que vous avez oublié les avantages de l’autogouvernance. Chaque collaborateur, dans une entreprise Opale, est un « capteur » qui peut être moteur du changement. Il n’y a plus de tête-cerveau qui pilote l’ensemble !
« L’innovation ne résulte pas d’une initiative centralisée, planifiée, mais d’une adaptation permanente aux marges : un organisme capte un changement dans l’environnement et cherche une réponse. Certaines ne prennent pas ; d’autres se diffusent rapidement dans tout l’écosystème. La réalité est l’arbitre suprême. » (Reinventing organizations)
Bien sûr, les fondateurs (DG) peuvent aussi solliciter l’avis des autres collaborateurs pour effectuer un changement. Mais désormais, ils ne sont plus considérés comme les seuls êtres capables de donner une direction à l’entreprise.
D’autre part, cela ne signifie pas que la réflexion stratégique et la mise en place de certaines priorités soient interdites. Elles sont parfois nécessaires, lors des crises ou bien lorsque la raison d’être ne suffit pas à mettre tout le monde en synergie. Collectivement, l’entreprise peut décider de donner, pour un temps, plus d’importance à la normalisation qu’à l’innovation, par exemple.
Dans ce cas, la clé du succès est de ne pas en faire une loi d’airain : ce sont des indicateurs qui permettent un guidage général, mais qui n’empêchent aucunement de sentir et de répondre au jour le jour aux sollicitations du moment.
→ Budget
Quelle illusion ! Il y a tant d’événements extérieurs qui peuvent venir rebattre les cartes de vos prévisions financières que l’exercice confine souvent à l’absurde. Pire, il est démoralisant. Il indique que le seul objectif est le profit et rien d’autre.
Mais alors, les salariés n’ont-ils pas non plus d’objectifs chiffrés, dans les entreprises Opale ? Eh bien non ! Le salarié y prend les décisions (autogouvernance), vient tel qu’il est (plénitude) et sait pourquoi il travaille (raison d’être évolutive) : c’est plus que suffisant pour le motiver à l’action !
→ Gestion du changement
Tandis que les consultants et managers des entreprises Orange pensent que le changement est difficile, voire impossible, celles et ceux qui s’inscrivent dans un paradigme Opale le considèrent comme la plus naturelle des choses. Une forêt n’est-elle pas en constante évolution ?
Certes, lorsque vous êtes bien ancré dans une habitude, changer n’est pas simple. Et pourtant, si vous êtes bien entouré et protégé, que vous sentez aussi sa nécessité intérieure, alors le changement devient beaucoup plus facile.
Finalement, c’est probablement sur la raison d’être évolutive que nous avons le plus à apprendre. Si l’autogouvernance et la plénitude commencent à être bien comprises et à entrer dans les mœurs, l’idée de raison d’être évolutive doit encore faire son chemin en pratique.
Chapitre 2.6. Une raison d’être commune
Autant être clair une fois de plus : si toutes ces pratiques sont mises en œuvre dans le seul but de faire plus de profit, elles sont vouées à l’échec ! Pourquoi ? Parce que toutes les parties de la vision du monde Opale sont liées. En « maquillant » d’Opale une structure fondamentalement Orange, vous ne feriez qu’ajouter confusion et cynisme dans votre entreprise.
Les pionniers qui ont été présentés par Frédéric Laloux dans ce livre ont agi différemment. C’est par nécessité intérieure qu’ils ont transformé les façons de diriger une entreprise. Ils ne voulaient pas réduire les coûts, ni devenir plus agiles ou novateurs, mais trouver des manières de faire qui correspondent à leurs valeurs. L’efficacité n’était pas oubliée, mais elle était placée au second, voire au troisième rang des préoccupations.
Troisième partie. L’émergence des organisations Opale
Après avoir décrit des organisations qui fonctionnent déjà sur le modèle Opale, Frédéric Laloux s’est intéressé à la façon dont ce modèle pourrait se généraliser. Pour ce faire, il a interrogé ces organisations sur leur émergence. Comment ont-elles vu le jour ?
De là, il a pu tirer des enseignements utiles pour les organisations qui voudraient soit être créées sur cette base, soit faire évoluer leurs pratiques à partir d’un autre modèle existant. Cette partie cherche également à insuffler aux entrepreneurs la force d’agir pour le changement !
Chapitre 3.1. Les conditions nécessaires
Selon Frédéric Laloux, il n’y aurait finalement que deux conditions absolument nécessaires pour créer des structures et des pratiques Opale au sein d’une organisation et plus précisément d’une entreprise.
Le dirigeant : il doit porter une vision Opale. Les cadres qui l’accompagnent devraient aussi la porter, mais ce n’est pas obligatoire ; L’actionnariat : les propriétaires doivent suivre leur dirigeant et comprendre, eux aussi, la vision du monde Opale. Sans cela, le conseil d’administration reprendra le contrôle par d’autres moyens (Orange, etc.) dès que l’entreprise connaîtra une crise.
Entrons un peu plus dans le détail de ces deux conditions.
→ Le dirigeant (DG)
Quel est son rôle au sein d’une entreprise Opale ? Il est bien sûr - cela ne change pas — l’ambassadeur principal de celle-ci vis-à-vis du monde extérieur (fournisseurs, clients, autorités de tutelle, etc.). Pour le reste, tout change ! Il n’est plus en charge de la fixation des objectifs ni de l’animation des réunions, pour ne citer que quelques fonctions traditionnelles. Mais alors, que fait-il ?
Le dirigeant d’une entreprise Opale remplit surtout deux autres rôles :
Être le garant de l’espace où se déploieront les modes opératoires Opale ; Être un exemple du comportement Opale.
Le premier rôle n’est pas si facile à jouer, car les vieilles habitudes sont tenaces. En cas d’abus ou de problème, le dirigeant doit garder le cap et ne pas revenir aux anciennes solutions. Par exemple, devant un abus de bien social, la réaction première pourrait être la mise en place d’un système de surveillance qui diminue le niveau de confiance général.
Face à cela, le dirigeant a le devoir de dire « non ». Il doit montrer, par un discours clair, qu’il souhaite privilégier et protéger une « culture fondée sur [la] croyance en la valeur, en la dignité et l’honnêteté de chaque salarié. »
L’auteur évoque quelques cas plus problématiques dans le livre, comme la pression d’un gros client exigeant la création d’un poste entrant en contradiction avec une organisation Opale (voir page 342).
Dans tous les cas, le dirigeant devra se montrer créatif, quitte à être un brin provocateur, afin de respecter la vision évolutive de l’entreprise. L’idéal, bien sûr, est que tous les membres de l’entreprise défendent les valeurs opales ; mais ce n’est pas absolument requis.
→ Incarner de façon exemplaire les trois révolutions Opale
« Les DG fondateurs des entreprises autogouvernées ne détiennent pas d’autorité hiérarchique, mais ils exercent le plus souvent une forte autorité morale. Chacun de ceux avec qui je me suis entretenu durant cette enquête avait une conscience aiguë du poids de sa présence, de ses mots et de ses actes. » (Reinventing organizations, p. 343)
Le DG doit en particulier être capable d’incarner ces trois principes clés :
Autogouvernance (en réfrénant son envie de prendre le contrôle) ; Authenticité (en privilégiant l’ouverture, la sincérité et la fragilité dans les réunions et à l’égard des collègues) ; Écoute et raison d’être (laisser son ego de côté et interroger le sens global de l’entreprise).
Par ailleurs, le dirigeant n’a pas à être « surbooké » ! Sur ce point, il est un collègue comme un autre. Ils peuvent participer à toutes les activités de l’entreprise, mais en se demandant, comme tout autre membre, quelle est la valeur qu’il apporte.
Le dirigeant veillera aussi à diriger en sollicitant les avis. Par exemple, en faisant le tour de l’usine (si elle est petite) ou en utilisant un blog, comme l’a fait De Blok, le dirigeant de Buurtzog.
Chapitre 3.2. Créer une entreprise Opale
Qu’est-ce qui vous attire dans la création d’une entreprise Opale ? Est-ce davantage le principe de l’autogouvernance, ou le besoin de plénitude ? Frédéric Laloux vous incite à réfléchir à toutes ces questions et à d’autres encore.
Pensez par exemple en profondeur à la raison d’être de votre entreprise, mais aussi à la forme qu’elle devrait prendre. Considérez également la possibilité de choisir des co-fondateurs pour vous accompagner dans la tâche.
Il n’y a pas de recette miracle pour créer une entreprise Opale. Chaque situation est unique ! Toutefois, vous pourrez générer des pratiques saines qui seront un terreau fertile pour la suite.
→ Postulats et valeurs générales
Il est largement préférable de clarifier les postulats et les valeurs de fond dès le départ et en groupe. Cela est requis notamment afin que les décisions en matière de processus opératoires ne soient pas considérées comme absurdes. En l’occurrence, vous devez vous concentrer sur la perception de l’humain qui est le socle de toutes les pratiques de l’entreprise.
Contrairement à une entreprise Orange, par exemple, qui considère à la base que toute personne est égoïste et fainéante par nature, mettez en avant par la discussion des postulats comme la bonté et l’envie de donner le meilleur de soi. L’anthropologie (la conception de l’être humain), trop souvent sous-jacente dans les modèles managériaux, doit ici être mise au premier plan.
→ Trois pratiques en lien avec l’autogouvernance
Si vous voulez être aidés dans le détail, vous pourrez vous fier à Holacracy. Si vous souhaitez aller sur votre propre chemin, mais avoir quelques repères néanmoins, assurez-vous de voir ces trois points dès le début de l’aventure.
La sollicitation d’avis : personne, pas même vous, le DG, n’est là pour « valider » une décision ; tous les employés ont le pouvoir de décider et de demander des avis, que vous pouvez donner en tant qu’expert (mais pas imposer comme la solution) ; Une mécanique de résolution des conflits : ne les réglez pas à la place des personnes impliquées, mais définissez un mécanisme clair qui permette de le faire de façon juste ; Évaluation par les pairs et processus salariaux : adoptez une approche collective et ouverte de négociation des salaires, puis envisagez de créer une procédure d’évaluation par les pairs.
→ Quatre pratiques en lien avec la plénitude
Dès le commencement, pensez à travailler cet aspect, s’il n’est pas complètement chez vous. Pour vous aider à atteindre plus de plénitude dans votre rôle de DG, brainstormez les points suivants.
Les règles de base d’un espace protecteur : définition collective des valeurs et des règles qui en découlent. Les locaux professionnels, bureaux ou usines : choix en commun de la décoration, l’agencement, l’ambiance. Le processus d’intégration : élaboration d’un rituel d’accueil et d’un plan de formation pour les nouveaux. Méthodes de réunion : création d’un protocole adapté pour inciter chacun à se connecter à son soi profond.
→ Deux pratiques en lien avec la raison d’être
Incarner les valeurs et le sens de l’entreprise ne signifie pas adopter une attitude de prophète seul sur la montagne. Au contraire, vous devrez tout faire pour vous assurer de transmettre le sentiment que chacun peut réaliser le projet de l’entreprise.
« Ce qui est sain pour le fondateur que vous êtes, c’est de voir, dès le début, que l’entreprise a sa vie et son projet propres, distincts de vos souhaits et de vos désirs. Pendant une brève période, c’est peut-être surtout vous qui allez les exprimer, mais, dès que d’autres vous rejoindront, ils devraient eux aussi être capables de sentir quel est le projet global et trouver leur façon propre d’entrer en relation avec lui et lui donner expression. » (Reinventing organizations, p. 372)
Pensez à utiliser :
Le recrutement, c’est-à-dire à voir dès le départ si ça « colle » profondément entre le candidat et vous ; Le rituel de la chaise vide, dans lequel un employé se place en situation de représentation du projet de l’entreprise et répond à une question posée par l’assemblée (par exemple, « Est-ce que cette réunion a vraiment été utile à l’entreprise ? »).
Chapitre 3.3. Transformer une entreprise
Il vous faudra tout d’abord chercher à rencontrer les deux conditions nécessaires : la volonté du DG et du conseil d’administration. Sans cela, il sera très difficile, sinon impossible, de mettre en place un changement en profondeur.
Ensuite, vous pouvez y aller par paliers et commencer par l’une des trois révolutions : l’autogouvernance, la plénitude et la raison d’être). Chaque structure évolue à son propre rythme, a sa propre vie. Essayez de suivre ce rythme et de réaliser la « mue » progressivement. Dans tous les cas, soyez à l’écoute et sentez ce qu’il faut faire en premier.
→ Créer les conditions de l’autonomie
Les échelons « inférieurs » de l’entreprise (ouvriers, par exemple) aiment entendre parler d’autonomie. Ils accueillent généralement les propositions qui vont dans ce sens avec joie. À moins, bien sûr, que l’habitude de l’obéissance et de la soumission ne soit trop ancrée.
Assurez-vous en premier lieu que le sentiment d’autonomie soit approprié par tous au niveau psychologique. Cela peut prendre du temps. La raison d’être de l’entreprise, l’émulation des collègues et la pression du marché peuvent ici jouer un rôle favorable.
Pour les cadres moyens et supérieurs, le changement sera accueilli avec moins de spontanéité joyeuse. Leur poste pourrait être en jeu ; ils ne seront donc pas très favorables au changement. Le cas de Zorbist, raconté dans l’ouvrage (p. 380-383), est exemplaire d’une transition réussie.
Comment agir ? Vous pouvez :
Opter pour un chaos créatif, durant lequel les nouvelles structures vont se mettre en place (à partir de la suppression d’un outil clé du management comme la pointeuse, par exemple) ; Redéfinir les procédures par la base, en organisant des événements pour imaginer le futur de l’entreprise ; Passer par Holacracy et son modèle « prêt à l’emploi ».
→ Créer les conditions de la plénitude
Vous pourrez aller pas à pas, en suivant par exemple le calendrier de l’entreprise. Par exemple, si le temps d’évaluation est venu, proposez de le transformer en une évaluation par les pairs où ce sera le processus d’apprentissage et la vocation du collègue qui sera au centre des préoccupations.
Enlevez, autant que possible, votre masque. Expliquez les raisons (vues plus haut) pour lesquels il vaut mieux être sincère et centré, même au travail. Faites-vous des ambassadeurs et laissez-les prendre des initiatives.
Si vous décidez de mettre en place les conditions de la plénitude en une fois et de façon globale, pourquoi ne pas organiser une journée complète, hors site, durant laquelle toute votre équipe réfléchira à la question suivante : quelles conditions vous permettraient d’être pleinement vous-même au travail ? L’auteur donne les détails d’une telle procédure aux pages 388-393.
→ Créer les conditions de la réalisation de la raison d’être évolutive
Pas question de générer une profession de foi superficielle : vous et vos collègues, vous devez trouver ce qui vous anime vraiment, ce pour quoi l’entreprise vous paraît mériter l’existence. Ce pour quoi vous et vos collègues vous pouvez « donner » à elle.
Plusieurs méthodes sont citées par l’auteur en passant (Théorie U, démarche appréciative), mais le plus important, pour Frédéric Laloux, consiste à prendre le temps qu’il faut pour trouver ce sens profond. Il peut surgir après une réunion ou après 30 !
Bien entendu, ce processus doit être collectif, au maximum. Une fois que la raison d’être est trouvée, vous cherchez à l’inscrire dans le quotidien de tous vos collaborateurs. Pour ce faire, bannissez la langue de bois, parlez franchement et exprimez clairement vos idées. Bref : communiquez par les moyens qui vous semblent les plus appropriés (blog, magazine, mails, etc.).
Les personnes souhaitent travailler pour une entreprise qui « fasse sens ». Laissez-les s’imprégner et reformuler cette raison d’être et ils travailleront avec passion.
Chapitre 3.4. Les résultats
→ La preuve par l’exemple
Une fois que les pingouins sont dans l’eau, ils sont heureux et agiles. Lorsqu’ils sont sur terre en revanche, ils sont gauches et pas très efficaces. L’environnement fait beaucoup !
« Au stade Opale, la motivation bascule vers des facteurs intrinsèques : faire ce que l’on sent juste, en relation à ses valeurs et à ses convictions. […] Cela ne veut pas dire que l’efficacité ne compte pas dans le paradigme Opale : mais elle compte pour une raison différente. Quand nous cherchons à donner corps à une raison d’être qui fait profondément sens, nous voulons être efficaces ! » (Reinventing organizations, p. 398-399)
Mais quels sont les résultats ? Grâce aux exemples issus de ses recherches, Frédéric Laloux démontre la viabilité financière des entreprises Opale. Le cas de la croissance de l’entreprise néerlandaise Buurtzorg est éloquent. Ainsi que celui de FAVI, la fonderie de cuivre française, passée de 80 à 500 employés en 30 ans.
L’auteur ne fait pas de fausses promesses, il ne cherche pas non plus à valider complètement scientifiquement son hypothèse, mais il cherche à montrer honnêtement ce en quoi il croit profondément : l’entreprise de stade Opale permet de viser des résultats quasi irréalisables autrement.
→ Les moteurs d’une performance révolutionnaire
Comment ? Car l’entreprise Opale libère des « énergies », au sens large de ce mot, qui étaient restées inexploitées dans le passé (grâce à la raison d’être, au pouvoir mieux réparti, à l’usage des talents de chacun, etc.).
Par ailleurs, cette énergie est mieux canalisée. Et cela, grâce à une prise de décision plus fluide, une perception plus fine des problèmes et un alignement sur la raison d’être évolutive.
« Jusqu’à maintenant, nous avons dirigé les entreprises selon des schémas rigides, effrayés par la nature désordonnée et incontrôlable de l’évolution. Nous sommes peut-être en train de nous préparer au grand saut, à lâcher nos tentatives de maîtriser la vie et de la faire entrer dans les plans étriqués que nous lui avions tracés, à ouvrir les portes, à inviter l’évolution, le processus le plus puissant que la vie ait jamais mis en œuvre, à doper nos initiatives collectives. » (Reinventing Organisations, p. 406)
Chapitre 3.5. Entreprises Opale et sociétés Opale
Selon des recherches citées par l’auteur, seulement 5 % de la population occidentale verrait le monde selon un angle de vue Opale. Si l’hypothèse de ce livre est juste, une bascule pourrait néanmoins se produire dans les années à venir.
Les pionniers étudiés dans ce livre (en particulier dans la partie 2) feront des « petits ». Et lorsque ce sera le cas, cela ne changera-t-il pas la société dans son ensemble ? Même s’il est risqué de parler de l’avenir, Frédéric Laloux veut prendre le pari d’une (r) évolution Opale.
→ À quoi pourrait ressembler une société Evolutive Opale ?
Voici quelques traits mis en avant par l’auteur :
Une croissance zéro et une économie circulaire ; Une autre façon de consommer, moins matérialiste ; Des changements profonds dans les conceptions de certains secteurs et métiers ; D’autres systèmes monétaires, moins d’épargne et plus de liens ; Une modification profonde des rapports de propriété ; Des rapports entre humains à la fois plus locaux et plus globaux ; La fin du travail tel que nous le connaissons ; Un renouvellement démocratique vers plus de participation ; De nouvelles voies pour la spiritualité au-delà du pur matérialisme.
Quant à savoir si la société actuelle s’effondrera d’un seul coup (théorie de l’effondrement de Jared Diamond) ou si elle évoluera progressivement vers le modèle Opale, cela reste indécis. Frédéric Laloux est toutefois optimiste : il est possible de se transformer rapidement, sans attendre la catastrophe.
→ Les entreprises Opale dans une société Opale
La frontière entre entreprises et associations sans but lucratif est brouillée par l’émergence des entreprises Opale. L’actionnariat devra donc clairement repenser son rôle. Si la société Opale ne valorise ni la thésaurisation ni la propriété, comment réimaginer le rôle des actionnaires ?
L’auteur plaide pour la création d’un riche tissu partenarial constitué de partenaires de gérance qui participeraient au financement des entreprises qui leur tiennent à cœur, sans espérer aucun versement automatique de dividendes.
La flexibilité du travail sera aussi plus grande, les frontières entre entreprises plus poreuses. Avec des entreprises guidées par leur raison d’être, la concurrence cèdera la place à des collaborations plus ou moins temporaires.
→ Créer l’avenir
« La meilleure façon de prédire l’avenir, c’est de le créer. » (Peter Drucker)
En citant ici le célèbre consultant étatsunien Peter Drucker, Frédéric Laloux veut nous exhorter à avoir confiance en l’avenir. Il est possible de le construire à partir de ce que nous avons du stade Opale et des exemples qui nous ont été fournis par les pionniers étudiés dans ce livre.
Annexes
En annexe, vous trouverez :
Les questionnaires d’enquête utilisés ; Une réflexion sur le stade évolutif postérieur au stade Opale ; Un récapitulatif utile des principaux éléments structurels d’une entreprise Opale ; Un comparatif des formes d’organisation Opale et Orange.
Conclusion sur « Reinventing organization. Vers des communautés de travail inspirées » de Guillaume Lamarre :
Un guide indispensable pour les managers qui aspirent à un profond changement :
Ce livre est novateur et même provocateur. Pour toutes celles et ceux qui agissent dans le milieu du management « classique », c’est-à-dire dominé par une vision mécaniste du monde, la pilule risque d’avoir du mal à passer. Et pourtant, il ne faut pas avoir fait beaucoup d’études pour se rendre compte que le modèle Orange d’organisation a du plomb dans l’aile : épuisement des ressources naturelles et des travailleurs, réduction de l’existence à une pure recherche infinie de profits, perte de sens, etc.
Les entreprises qui se meuvent dans une vision du monde Verte, c’est-à-dire pluraliste, sont plus enclines à entendre le message de Frédéric Laloux. Elles ont déjà pris conscience et réagit à aux problèmes de fond générés par le modèle productiviste Orange. Il existe aujourd’hui de nombreuses organisations qui se tournent vers cette approche pluraliste et ouverte.
Mais l’auteur va encore plus loin. En dénichant des « pionniers » en Europe, mais aussi aux États-Unis, il montre que ceux-ci sont en train de développer une vision du monde évolutive, qui rompt avec l’approche pluraliste et ses contradictions internes. Ce faisant, il nous pousse à suivre l’exemple et à découvrir ce que nous pouvons faire grâce au modèle Opale.
Ce qu’il faut retenir de « Reinventing organizations. Vers des communautés de travail inspirées » de Frédéric Laloux :
Le message le plus important à retenir est simple : nous pouvons nous transformer rapidement. L’espoir est permis (et requis) ! La confiance dans notre capacité à changer les choses est le moteur qui les transformera effectivement. C’est pourquoi tout le travail de l’auteur est dirigé vers une mise en application des principes qu’il a aidé à mettre au jour dans le monde des organisations.
Je citerai les deux dernières phrases du livre, qui paraphrasent les propos d’auteurs qui l’ont inspiré :
« Nous vivons une époque extraordinaire. Je suis parfois impatient de voir ce que l’avenir va nous apporter. Pour reprendre les mots de Wealthey et de Kellner-Rogers, je ne peux que me demander : si nous réussissons à être dans le monde dans toute la plénitude de notre humanité, de quoi serons-nous capables ? » (Reinventing organizations)
Vous voulez, vous aussi, devenir un manager bienveillant ? Formez-vous grâce à l’ouvrage de Frédéric Laloux et consultez les autres ressources déjà disponibles sur des Livres pour changer de vie !
Points forts :
Un effort de théorisation important ; Une approche novatrice qui bouscule les certitudes ; De nombreux exemples, issus d’un travail empirique de grande ampleur ; Une explication détaillée du fonctionnement des organisations Opale (on n’en reste pas aux grands principes, mais on va dans le détail !) ; L’écriture reste claire, malgré des thématiques parfois abstraites et de nombreux développements parallèles.
Point faible :
Nous pouvons nous poser la question du caractère « occidentalo-centré » du propos. Sont-ce, encore et toujours, les Occidentaux qui sont à la pointe de l’évolution ? Bien sûr, nous pouvons critiquer et même ne pas être d’accord avec le modèle proposé, mais nous devons tout de même reconnaître le travail de longue haleine, impressionnant et original qui a été mené par l’auteur. Pour cette raison, je conserve les 5 étoiles !
Ma note :
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Résumé de « Management situationnel. Vers l’autonomie et la responsabilisation » de Dominique Tissier : un ouvrage de référence qui guide les managers vers plus d’autonomie et de collaboration. Par Dominique Tissier, 2018, 184 pages, nouvelle édition augmentée (1re édition 1988). Chronique et résumé de « Management situationnel. Vers l’autonomie et la responsabilisation » de Dominique Tissier
Chapitre 1 – Le management situationnel, toujours d’actualité Le management situationnel est une approche pertinente et efficace qui a séduit des dirigeants et des entreprises du monde entier. L’auteur l’a expérimentée avec succès auprès de plusieurs équipes de deux grandes entreprises pendant 30 ans. Pourquoi cette longévité et cette pertinence aujourd’hui ? Selon l’auteur, le management situationnel ne propose pas une recette miracle, mais une méthode et un cadre adapté aux évolutions du monde de l’entreprise aujourd’hui. Pris dans une digitalisation croissante et une demande de collaboration instantanée, les différents acteurs de l’entreprise ont besoin de faire preuve d’autonomie, de prendre des initiatives tout en restant connectés aux objectifs communs du travail. Le management situationnel constitue un guide précieux pour des contextes et des situations très variés. Le management situationnel et les autres méthodes de management Plusieurs autres méthodes de management cohabitent avec le management situationnel (méthodes inspirées du Lean management, méthode agile, actionnariat salarié, eRH, architectures de bureaux plus adaptées à la collaboration, etc.). Si les méthodes peuvent varier, les résultats recherchés sont similaires : plus d’autonomie dans les équipes, une meilleure collaboration, des systèmes d’évaluation revisités. L’objectif final est d’obtenir l’engagement humain et la performance économique. Mais la multiplication des méthodes peut mener à la confusion et à des incohérences ce qui conduit au résultat inverse à celui escompté : tensions, malaises, désengagement, etc. Face à ces dangers, l’auteur déconseille fortement de se ruer sur les solutions préfabriquées de ceux qu’il nomme des « gourous » de la pensée managériale. Cohérence et adaptation Vous devez rester cohérents et adapter votre méthode de management aux différentes évolutions et situations qui traversent l’entreprise et vos équipes. Différents points doivent être discutés précisément parmi les membres concernés dans l’entreprise : le rôle du management, la définition et l’évaluation des méthodes et des objectifs. Des actions de formation doivent être régulièrement organisées pour stimuler l’engagement de chacun (forums, groupes de pairs, ateliers de travail, etc.). Méthodes et pratiques sont toutes deux indispensables et se complètent. Chaque manager doit avoir une marge de manœuvre pour adapter son style de management en fonction des situations, des contraintes et de la personnalité de chaque collaborateur. Il faut savoir discerner les degrés de maturité qui permettent la responsabilisation d’une équipe sur certains sujets (pas nécessairement tous les sujets), quand une expertise est nécessaire face au travail collaboratif, si les valeurs de l’entreprise sont assez précises pour être opérantes, etc. Le management situationnel, un cadre de référence plutôt qu’un modèle Selon Dominique Tissier, pour parvenir au management collaboratif et responsabilisant, vous devez choisir les méthodes les plus adaptées à une situation réelle donnée. Il ne s’agit pas d’appliquer des solutions faciles et toutes faites. Mais à l’inverse, vous devez observer, analyser, évaluer le contexte, les besoins, les compétences de chacun et faire aussi avec votre propre personnalité. Et il faut accepter que cela puisse prendre un peu de temps. C’est un travail qui se fait dans la durée. Les notions de « cycle de développement » et de « posture » sont importantes. Il n’y a pas une « bonne posture », mais plusieurs qui peuvent être amenées à évoluer au fil du temps et des situations. Vous devez être en mouvement et adapter les réponses aux problèmes qui se présentent tout en restant « attentif à la personne et à son développement ». Le management situationnel et les générations Y et Z Selon Dominique Tissier, le management situationnel est adapté au profil des jeunes qui entrent aujourd’hui sur le marché du travail. Il répond à leurs attentes en termes de connexion à des canaux d’informations variés et sans filtre hiérarchique, notamment via les réseaux sociaux. En même temps qu’il laisse plus de liberté à chacun, le management situationnel prône un encadrement et un accompagnement sérieux. Il invite aussi à des actions équilibrées de formation et d’autoformation dans l’entreprise pour aller vers plus de collaboration et de responsabilisation. Management situationnel et leadership Selon le management situationnel, management et leadership sont indispensables et complémentaires. Le management fait référence à des objectifs à atteindre dans un périmètre et un secteur d’action définis et par la collaboration de différents acteurs. Le leadership est inclus dans le management et se réfère à la capacité d’une personne à inspirer et à entraîner ses collaborateurs, à travers sa personnalité et son aura, dans des projets collectifs. Les travaux consacrés aux leaders Différents travaux portent sur les leaders.
Les travaux portant sur les qualités des leaders : l’auteur annonce qu’il traitera des travaux portant sur les qualités des leaders dans une partie ultérieure de l’ouvrage, s’inspirant des ouvrages de Howard Gardner, professeur à la Business School d’Harvard. Les travaux qui portent sur « le leader comme héros » : Dominique Tissier cite l’ouvrage de référence de Joseph Campbell (Le Héros aux mille et un visages). La figure du héros mythique inspire un scénario qui se répète et qui se base sur l’idée qu’un héros a de bonnes chances de succès, qu’il sait où il va, mais que son chemin est parsemé d’incertitudes, ce qui suscite l’engagement des collaborateurs dans le collectif pour passer les différentes étapes. En tant que leader, vous pouvez vous positionner de la sorte. Les études sur « l’après-héros » : À travers l’exemple de Périclès (400 avant J.-C.), un des premiers grands leaders de l’histoire, l’auteur montre l’indispensable complémentarité du management et du leadership. Le management permet d’assurer la pérennité de l’organisation, pour porter les changements nécessaires, faire face à de graves crises. Le leader disparait un jour et à lui seul, il ne suffit pas.
Gouverner dans la durée Le management situationnel, comme son nom l’indique, est un management qui s’adapte aux situations et aux circonstances. Si un changement important a lieu en entreprise, il peut être important de faire appel à une posture de leadership forte. Au contraire, si l’entreprise est bien engagée dans une progression régulière, le leadership peut se mettre en second plan, de manière à préparer le moyen terme et à anticiper des changements à venir. L’auteur cite le « commandement adaptatif » très présent dans des métiers qui nécessitent des formes de mobilisation diverses en fonction des circonstances (armée, pompiers, ambulanciers). La forte structuration de l’environnement de travail et un contexte de court terme incitent à un fort contrôle et beaucoup d’organisation. À l’inverse, un contexte de long terme laisse plus de place à l’autonomie. Prendre en compte l’ensemble des critères en fonction de la situation peut parfois se révéler un exercice difficile. L’auteur cite Hersey et Blanchard qui invitent à réfléchir à partir de la différence observée entre l’état des besoins de l’entreprise et de l’état des compétences des équipes :
Si les compétences et l’engagement sont adaptés aux besoins, vous pouvez laisser plus d’autonomie aux équipes. Si ce n’est pas le cas, vous pilotez davantage, vous organisez le plan d’action et les moyens.
Ainsi le management situationnel évolue et s’adapte en fonction de la progression de l’organisation et de ses besoins pour aller vers plus de collaboration et d’autonomie. Le management situationnel au quotidien Le management situationnel propose ainsi une approche moderne adaptée aux évolutions de nos sociétés. Le manager est à la fois celui qui dirige, mais aussi celui qui assure un dialogue avec ses équipes tout en répondant aux besoins de formation et de progression de chacun. Il adapte son mode de management en fonction du degré de maturité des collaborateurs et des équipes tout en prenant en compte la situation. Progressivement, les équipes deviendront plus autonomes et le manager pourra déléguer davantage, ce qui libérera de l’espace pour de nouveaux projets. Ce que propose ce livre L’auteur précise que la première édition de l’ouvrage date de 1987. Les nouvelles éditions se sont ensuite enrichies. Les approches du management ont évolué en tenant compte d’un contexte plus large pour considérer les environnements de travail et les modes d’organisation. L’autonomie, individuelle et des équipes, a été davantage mise en avant. Les outils et les méthodes ont également été actualisés. Questionnaire : Êtes-vous un manager situationnel ? « Ce questionnaire a pour but d’introduire de façon vivante et active les notions du management situationnel. (…) Vous allez trouver huit situations dans lesquelles un responsable se voit engagé dans une interaction avec une personne ou un groupe de personnes. À chaque fois, quatre choix s’offrent à lui. » (Management situationnel, p. 35)
Chapitre 2 – La carte des modes de management Mon management, une affaire de tempérament ? Il est fréquent de parler des managers à partir d’adjectifs qualificatifs qui caractérisent leurs traits de personnalité (agréable, ouvert, exigeant, fatigant, etc.). L’auteur propose l’approche des modes de management qui s’intéresse davantage à ce que fait concrètement la personne pour diriger. En tant que manager, vous devez être conscient des traits dominants qui caractérisent votre style de management et que vous avez tendance à adopter le plus souvent. Vous devez aussi être capable de vous adapter en fonction des situations pour faire varier ce style le cas échéant. Dominique Tissier donne l’exemple d’un manager qui serait très relationnel et qui aimerait le dialogue et le travail en équipe. Si vous êtes ce type de manager, il vous faudra aussi redéfinir et restructurer des missions et des processus et varier les styles de management. Vous l’aurez compris, il vous faut avant tout observer, analyser et vous adapter en fonction des situations sans pour autant laisser de côté votre propre personnalité. Tirez le meilleur de vous-même et adoptez des comportements adaptés aux contextes. Soyez fluide et sachez mobiliser différents modes de management suivant les contraintes et les demandes actuelles. Les quatre modes de management Dominique Tissier insiste sur la nécessité pour les managers de créer et de se porter garants d’environnements de travail qui favorisent de bonnes relations entre les collaborateurs. Il est important que la direction de l’entreprise octroie suffisamment de marges de manœuvre aux managers pour créer ces environnements de travail. Les quatre modes de management définis par l’auteur selon deux axes (organisationnel/relationnel) présentés à travers un schéma très efficace à la page 48 :
Structurer/piloter : peu relationnel, très organisationnel ; Dynamiser/entraîner : très relationnel, très organisationnel ; Associer/faire collaborer : très relationnel, peu organisationnel ; Responsabiliser/déléguer : peu relationnel, peu organisationnel.
Les composantes du mode relationnel identifiées par l’auteur sont : recevoir les collaborateurs pour les écouter et les conseiller, créer une ambiance de travail qui favorise l’expression individuelle, associer les collaborateurs à la prise de certaines décisions, former une équipe de travail qui permette des relations constructives et chaleureuses entre les individus, etc. Les composantes du mode organisationnel identifiées par l’auteur sont : l’investissement par le manager pour focaliser son énergie et celle des autres sur l’organisation au point de vue des missions, des rôles, des systèmes, des outils de gestion, des systèmes d’information, des règles du jeu, des modes de fonctionnement des équipes. Le management de type 1 (M1) : Structurer/piloter Ce secteur est caractérisé par des comportements fortement organisationnels et faiblement relationnels. Quand trop de dérives et de dispersions apparaissent, il est mobilisé pour reposer les bases d’une organisation et revenir à des fondamentaux unifiés du système de management : outils et méthodes d’information, de gestion, d’évaluation des performances. Attention cependant à bien doser ce qui est essentiel à la structure et à ne pas introduire un excès de directivité, de formalisme, de réunions et de contrôles. Cela risquerait de créer un cadre pesant et envahissant qui nuirait à l’action et à l’objectif recherché d’efficacité. À la page 52, vous trouvez un tableur listant précisément des actions que vous pouvez mettre en place pour établir et faire vivre un cadre structurant ainsi que les outils et les méthodes de pilotage nécessaires. Le management de type 2 (M2) : Dynamiser/entraîner Ce secteur se réfère au leadership, à la « capacité pour le management à fixer un cap et à donner envie d’aller dans la direction indiquée » (Management situationnel, p. 53). Dans cette posture, vous devez convaincre vos collaborateurs et vos équipes de l’intérêt et de la validité des résultats fixés et des moyens mis en œuvre pour les atteindre. Vous insufflez l’énergie et l’enthousiasme nécessaires au bon déroulement du travail collectif. Vous encouragez un esprit de solidarité qui donne à chacun l’envie de s’investir dans son travail et avec ses collègues. Gardez toujours en tête les éléments de réponse à la question du « pourquoi ? » et devenez capable de les décliner en fonction des collaborateurs et des situations. Ainsi vous indiquez le sens du travail de chacun et les managers peuvent effectuer une transmission commune de ces mouvements insufflés. Chaque manager peut alors adopter un type de management spécifique, en fonction des situations. L’auteur insiste sur l’importance de créer des « fiertés locales » et de renforcer le sentiment d’appartenance en valorisant la mise en place d’outils, de méthodes et de procédures à succès par les équipes. Le manager doit être investi pour créer et encourager ces dynamiques collectives. À la page 55, vous trouvez un tableur listant précisément des actions que vous pouvez mettre en place pour donner un cap, construire un futur, convaincre et entraîner les personnes. Le management de type 3 (M3) : Associer/faire collaborer Le management collaboratif cherche à faire s’exprimer le potentiel de chacun des collaborateurs. En tant que manager, vous invitez chacun à sortir de sa zone de confort pour aller vers plus de créativité et vers la recherche de solutions dans l’esprit d’un travail partagé. Vous vous mettez en retrait pour laisser les échanges se faire. En revanche, vous pouvez intervenir pour réguler des débordements, synthétiser, relancer les échanges, insuffler de la bonne humeur. Vous assurez un cadre « léger, mais suffisant » (Management situationnel, p. 57). L’auteur rappelle ici les principes de base de quelques méthodes de management existantes. Il montre comment elles peuvent contribuer à un « management collaboratif moderne ». → Le brainstorming Un animateur enregistre tout ce qui se dit pendant une réunion, chacun est encouragé à collaborer et à donner des idées, à rebondir sur celles des autres, dans un esprit constructif. Le tri des idées est fait ultérieurement. → Le lean management Il se caractérise par une organisation très structurée et visuelle avec différentes méthodes de mesure du temps de travail et des tâches effectuées. Les méthodes collaboratives y ont aussi toute leur place. L’expérience a montré que des chantiers d’améliorations associant tous les types de collaborateurs, notamment les postes opérationnels, sont les plus performants. → Le scrum C'est la plus connue des « méthodes agiles ». Le client joue un rôle de pilote dans les équipes. Des outils visuels permettent de planifier et d’organiser le travail collaboratif de l’équipe. Dans des réunions quotidiennes, chacun s’exprime sur ses réalisations et les difficultés qu’il rencontre. Une base de temps courte (deux semaines) permet de faire apparaître rapidement des résultats. L’équipe est accompagnée, et non pas dirigée. → Le design thinking Celui-ci consiste à s’immerger dans l’expérience des utilisateurs (de produits ou de services) par des méthodes d’observation. Les informations recueillies sont ensuite analysées et restituées sous la forme de visuel, de photo, de récit. Cette méthode donne des résultats très efficaces et créatifs qui permettent d’aller vers plus d’innovation. → Le mentoring Il s'agit ici d'aider la personne à trouver par elle-même des réponses à des situations complexes. En tant que manager, vous pouvez vous positionner temporairement en position de mentor. Vous ne donnez pas à la personne les solutions auxquelles vous pensez, mais vous élaborez un questionnaire qui lui permet d’analyser la situation et de formuler ses propres solutions. Ainsi vous accompagnez la personne vers plus d’autonomie. Ce rôle est à distinguer de celui de tuteur (qui enseigne en guidant) et de coach (qui aborde les dimensions personnelles et psychologiques). À la page 64, vous trouvez un tableur listant précisément des actions que vous pouvez mettre en place pour associer les personnes et renforcer le travail collaboratif transverse des équipes au quotidien. Le management de type 4 (M4) : Responsabiliser/déléguer Pour bien déléguer, définissez les domaines d’action que vous souhaitez conserver et ceux que vous souhaitez confier à d’autres. L’auteur vous conseille de clarifier vos activités futures et de réaliser un compromis entre les besoins de l’entreprise et vos goûts et plaisirs personnels. « Quels sont donc ces sujets que vous pourriez choisir de ne pas déléguer ?
Les changements d’ampleur, les virages stratégiques ;
Les opérations majeures concernant les personnes (recrutement ou départ de collaborateurs directs, orientations de la politique salariale) ;
Une partie du management de l’équipe directe ;
Les activités de représentation extérieures à l’organisation, à l’entreprise, les relations publiques ;
L’innovation, le métier dans son excellence. » (Management situationnel, p. 66-67)
La délégation vous permettra de vous concentrer davantage sur la réalisation de ces activités stratégiques. Le mode responsabilisation est plus ambitieux que le mode délégation. Chaque équipe a la responsabilité de nombreux sujets qui sont discutés collectivement (sécurité, planning de travail, congés, recrutements, environnements de travail, etc.). Chaque équipe doit garder une taille relativement limitée. Si l’organisation croît, plutôt que d’agrandir la taille des équipes, on crée de nouvelles équipes de taille équivalente. Attention, certains managers ne sont pas prêts à passer en mode M4 dans un délai court. Il faudra parfois leur laisser le temps de s’approprier cette démarche et ses objectifs. Certains peuvent même refuser cette démarche. Toutefois, rassurez-vous : d’autres vous suivront. À la page 74, vous trouvez un tableur listant précisément des actions que vous pouvez réaliser pour créer et mettre en place un environnement de travail favorable à la délégation vers les personnes et à la responsabilisation des équipes. Premier dépouillement : Êtes-vous un manager situationnel ? Dominique Tissier vous propose un dépouillement du questionnaire que vous avez réalisé à la fin du chapitre 1. Vous analysez vos résultats à la lumière des éléments qui viennent de vous être présentés dans le chapitre 2. L’auteur présente également une analyse des modes mixtes, c’est-à-dire qui combinent différents modes de management :
Les secteurs voisins : M1/M2, M2/M3, M3/M4 ; Les secteurs « croisés » : M1/M3, M2/4, M1/M4.
Pour finir, la « dominante » idéale est exposée.
Chapitre 3 – Les voies de l’autonomie. Comment adapter le mode aux situations « L’autonomie professionnelle se définit dans l’entreprise comme la combinaison de la compétence et de l’engagement d’une personne ou d’un groupe dans le cadre d’un objectif, d’une mission, d’un projet. Elle est relative à une situation précise, ce qui signifie qu’une même personne possède des degrés d’autonomie professionnelle variés selon les situations qu’elle rencontre. Le rôle du manager est de s’adapter en permanence à l’autonomie des individus ou des groupes et de faire progresser cette autonomie vers les niveaux les plus élevés compatibles avec les contraintes de l’environnement de travail » (Management situationnel, p. 83). Dans ce chapitre, l’auteur annonce qu’il étudie les pièges à éviter pour amener vers plus d’autonomie en référence aux quatre modes étudiés dans le chapitre précédent. Plusieurs facteurs de l’environnement de travail jouent un rôle dans le mode de management adopté :
la culture de l’entreprise ; la nature des activités exercées ; les attentes de la hiérarchie et des collègues ; l’autonomie des collaborateurs.
Dans un premier temps, il est nécessaire de s’adapter à l’environnement tel qu’il existe. Puis il est intéressant de chercher à le faire évoluer pour aller vers plus de collaboration et de délégation. L’acquisition des conduites autonomes dès la petite enfance Les conduites autonomes s’acquièrent dès la petite enfance à travers l’éducation que l’on reçoit de la part des personnes adultes qui s’occupent de nous. Ces personnes nous enseignent le respect de certaines règles de sécurité (pour traverser la route, utilisation de l’électroménager) et à prendre soin de nous-mêmes (se laver, s’habiller, aller à l’école, faire ses devoirs, etc.). Des règles de politesse sont enseignées et des limites sont posées. L’enfant acquiert aussi progressivement de l’autonomie en vivant avec les personnes chargées de son éducation. Il analyse et reproduit les comportements qu’il observe. L’accompagnement et les encouragements des éducateurs jouent un rôle central. Les règles enseignées sont sociales : elles permettent d’adopter un comportement adapté à la vie en société. Dans le cas où l’on ne suit pas ces règles, des sanctions apparaissent. L’acquisition de l’autonomie par la socialisation Dominique Tissier indique que la socialisation commence, comme l’acquisition de l’autonomie, dès la petite enfance. La socialisation correspond à l’envie d’être avec d’autres personnes, d’échanger, de partager, de passer du temps, de collaborer à des projets collectifs. Au cours de l’enfance et de l’adolescence, une socialisation réussie passe par la recherche d’un compromis réussi entre la socialisation et la différenciation. La socialisation C'est le fait d’appartenir à un groupe qui exige que l’on se conforme (du moins en partie) à ses normes. Plus généralement dans la vie collective, une socialisation réussie se traduit par le respect des :
Lois et des réglementations ; Autres personnes avec qui l’on communique ; Règles du jeu (souvent implicites) des activités collectives.
Une bonne socialisation permet aussi de transgresser certaines règles intelligemment, lorsque le contexte le permet et si cela est justifié par un intérêt plus grand. La différenciation C'est la capacité à exprimer ses propres opinions et désirs, à affirmer sa personnalité propre. Il s’agit ici de trouver et d’affirmer sa place à travers la construction d’un espace personnel propre et l’affirmation de différents rôles :
par rapport aux autres dans différents groupes (délégué, animateur, joueur de tel instrument, gardien de but, etc.) ; en relation aux proches (parents, amis, petit-ami, etc.) ; dans l’espace virtuel des réseaux sociaux.
Cette quête d’autonomie est complexe et difficile. Des phases de dépression et de dévalorisation de soi peuvent apparaître, tout comme des conduites à risque (alcool, drogues, etc.). Avoir de l’espace pour agir Expérimenter et pouvoir proposer du neuf est indispensable à la conquête de l’autonomie. Les évaluations que nous recevons sur nos agissements (compliments, valorisations, encouragements) jouent un rôle très important. Elles contribuent au fait que l’on se sent « utile » pour des actions collectives (société, famille, groupe sportif ou politique, etc.). Si les bons éléments de l’autonomie et de la socialisation sont mis en place dans l’enfance et l’adolescence, il y a de fortes chances que la personne, devenue adulte, bénéficie d’une socialisation réussie au niveau professionnel. Elle a alors « la capacité à agir, même en situation compliquée, tendue, exigeante, à chercher des moyens d’action pour obtenir un résultat avec les autres, à s’autoriser à dire “je”, à prendre des risques, à entreprendre. » (Management situationnel, p. 88). À l’inverse, si tous les éléments de l’autonomie et de la socialisation ne sont pas là — ou que certains sont en excès par rapport à d’autres —, l’adulte peut rencontrer des difficultés importantes dans sa vie professionnelle. L’auteur résume ainsi les fondamentaux de l’acquisition de l’autonomie :
Respecter des cadres et des limites, les fondamentaux de la vie collective ; Trouver sa place physiquement, humainement, virtuellement ; Pouvoir agir et se savoir utile ; Accompagner selon le besoin, de manière dosée.
L’autonomie dans l’organisation, dans l’entreprise Selon Dominique Tissier, les personnes arrivent dans l’entreprise « porteuses de leur histoire d’autonomie ». En tant que manager, vous devez être attentif aux besoins de la personne pour la guider vers plus d’autonomie. Demandez-vous alors :
Quels sont les attendus de la mission de cette personne, quelles sont les capacités qu’elle démontre et en conséquence quels sont ses besoins ; Comment l’accompagner dans son apprentissage et lui laisser la possibilité d’expérimenter et d’explorer par elle-même.
À la page 90, Dominique Tissier liste un ensemble de conseils pratiques et de points d’attention pour favoriser l’adaptation à l’entreprise d’une nouvelle personne, « débutante ou expérimentée », pour favoriser « la montée en autonomie », notamment :
Faire le point sur les expériences de la personne et les écarts possibles avec la culture d’entreprise ; noter les points de vigilance ; Poser le cadre, donner les informations nécessaires, observer comment la personne décode la culture d’entreprise et les règles ; Faciliter l’accueil physique avec les personnes de l’équipe et de l’entreprise et l’accès aux outils de communication virtuelle.
De son côté, si vous êtes nouveau collaborateur, vous devrez rester attentif au respect des règles et à la nécessité de « rester vous-même ». Vous devrez éviter deux écueils :
Celui du conformisme qui vous amènera à être simple exécutant sans jamais apporter de contribution ; Celui de la déviance qui pourrait vous amener à une transgression complète du cadre et des règles et à la rupture avec les autres collaborateurs.
Évaluer l’autonomie professionnelle de tous pour mieux accompagner Chacun, en fonction de son histoire personnelle et de son parcours professionnel, se situe à un niveau différent sur l’axe de l’autonomie. L’auteur commence par préciser les caractéristiques de chacune des extrémités de l’axe de l’autonomie.
Très faible autonomie = grandes difficultés à intégrer et à respecter un cadre, à suivre des règles, à être à l’heure, à écouter, à se concentrer. Beaucoup d’attention et un encadrement très précis et spécifique sont alors nécessaires. Très forte autonomie = grande facilité à intégrer le cadre et à comprendre les codes explicites et implicites de l’entreprise, à répondre aux attendus. Le danger est une progression en décalage avec les autres et la naissance de tensions et de jalousies.
Entre ces deux extrêmes, la plupart des collaborateurs répondent globalement aux attendus de leurs missions pour acquérir les fondamentaux, trouver leur place et agir. Toutefois, des différences importantes peuvent exister entre les personnes. C’est pourquoi le manager doit adapter son mode de management aux besoins des personnes. Il doit observer la progression de chacun, dimensionner les missions, mettre en place des mesures d’accompagnement qui permettent d’aller vers plus d’autonomie. Les trois dimensions de l'autonomie professionnelle Dominique Tissier identifie alors trois dimensions de l’autonomie professionnelle.
Dimension 1 – La situation : le périmètre à l’intérieur duquel l’autonomie se manifeste (poste, rôle, mission, projet, etc.). Dimension 2 – La compétence : forgée à la fois à partir des expériences de la personne qui lui ont permis d’acquérir un ensemble de savoirs. Elle est aussi alimentée à partir de sa capacité à mobiliser pour obtenir des aides et des informations utiles. Le manager ou d’autres professionnels (coach, mentor, tuteur, formateur, etc.) peuvent accompagner chacun pour améliorer sa compétence. Dimension 3 – L’engagement : pour être bien engagé, chaque collaborateur doit se sentir en accord et enthousiaste vis-à-vis des missions globales de l’entreprise et des missions locales auxquelles il participe. Des marques de reconnaissance, la visibilité sur les perspectives et de bonnes relations contribuent à alimenter l’énergie et l’envie de chacun.
Ces dimensions sont à prendre en compte « pour poser un diagnostic et déterminer le mode de management approprié ». Le triangle de l’autonomie : les principes du management vers l’autonomie croissante À la page 96, un schéma représente le triangle de l’autonomie. Chaque sommet du triangle correspond à chacune des dimensions (situation, compétence, engagement). Le savoir-faire se situe entre l’autonomie et la compétence. Le vouloir faire se situe entre l’autonomie et l’engagement. Entre les pages 96 et 98, vous trouverez un récapitulatif complet des différentes composantes du management situationnel abordées jusqu’alors.
Chapitre 4 – Les cycles de management : la personne, l’équipe Pour mener des personnes vers de hauts niveaux d’autonomie, le manager a une triple tâche. Il doit adapter son mode de management en fonction des contraintes de l’environnement et des niveaux d’autonomie déjà existants des personnes et des équipes. Il a aussi pour tâche d’établir des cycles pour faire évoluer l’autonomie. Le cycle de la personne À la page 102, deux schémas présentent les caractéristiques des cycles progressifs et régressifs. À chaque type d’autonomie (consulter le chapitre 3) correspond un mode de management (consulter chapitre 2) :
Très faible autonomie = M1 — structurer/piloter Faible autonomie = M2 — dynamiser/entraîner Autonomie modérée = M3 — associer/faire collaborer Forte autonomie = M4 — responsabiliser/déléguer
Le cycle progressif de la personne Il se caractérise par le passage progressif entre les différents types d’autonomie et de management pour aller d’une très faible vers une forte autonomie. Pour une même personne, il est possible d’adopter des types de management différents en fonction du niveau d’autonomie de la personne pour la mission ou la tâche qui lui est confiée. Vous observez comment la personne évolue dans l’environnement professionnel et sur les différentes tâches qui sont les siennes. Vous pouvez alors planifier différentes étapes pour accompagner la progression de la personne vers plus d’autonomie. L’auteur, Dominique Tissier, identifie deux parties dans le cycle progressif.
Première partie du cycle progressif : vous, manager, avez un « rôle moteur » dans le groupe et vous êtes « décideur, pédagogue, initiateur ». Au début d’un projet, vous vous concentrez sur l’organisation. Vous dosez les missions confiées à chacun, ni trop faciles, ni trop difficiles pour stimuler et encourager les réussites justifiées. Deuxième partie du cycle progressif : elle commence lorsque la personne managée manifeste son autonomie. Vous, manager, avez un « rôle accompagnateur ». Dans ce cas, vous passez en mode M3 (associer/faire collaborer). Vous valorisez alors les idées et les propositions du collaborateur et redirigez celles qui s’éloignent trop du cadre de la mission. Progressivement, vous diminuez les échanges.
À la fin du cycle progressif, la personne est complètement autonome sur l’activité et sollicite le manager lorsqu’elle le juge nécessaire. Le cycle régressif de la personne Vous constatez qu’un collaborateur ou son équipe semblent démotivés, moins engagés et que les résultats ne sont plus au rendez-vous comme dans une période précédente. Vous établissez alors un dialogue subtil avec le collaborateur pour comprendre les raisons de ce changement. Dans ce cadre, vous lui laissez de la place pour exprimer ses raisons et les solutions qu’il envisage. Enfin, vous définissez ensemble les actions à mettre en œuvre. Il est important d’effectuer le changement du mode de management le plus rapidement possible pour éviter de revenir à un management plus directif et organisationnel. Le cycle de l’équipe L’auteur se place ici au moment où un manager constitue une équipe de collaborateurs. Comment mettre en place une équipe performante où tout le monde travaille ensemble en bénéficiant des compétences de chacun ? Dominique Tissier décrit alors les quatre niveaux d’autonomie (de 1 à 4) et propose un ensemble d’actions de transition à réaliser pour passer d’un niveau à un autre. Autonomie 1 L’équipe est en cours de formation et les relations sont superficielles. Il n’y a pas encore de véritable confiance et de dialogue établi entre les membres. Les problèmes ne sont pas évoqués. Le manager pose plusieurs fondamentaux :
Espace ; Temps ; Méthode ; Rythme de travail ; Echanges entre les membres ; Modes de communication ; Activités pour insuffler une dynamique dans l’équipe.
Autonomie 2 Les relations progressent au sein de l’équipe (confiance, solidarité) et des objectifs communs sont envisagés. Pour renforcer l’engagement et les compétences, le manager organise des séquences de travail en commun courtes, puis plus longues. Il mixe habilement le mode informatif/consultatif (afin de permettre à l’équipe de s’approprier les objectifs de l’entreprise/M2) et le mode collaboratif (en étant à l’écoute de différentes propositions/M3). Attention : si trop de M2 = sentiment pour les collaborateurs de n’être qu’associés aux détails ; si trop de M3 = sentiment de flou pour les collaborateurs qui peuvent se retirer des échanges ou exprimer des prises de position trop personnelles. « Le but essentiel de cet apprentissage progressif bien dosé est d’obtenir des résultats en commun, et de démontrer à tous la valeur ajoutée réelle du travail d’équipe pour maîtriser les sujets partagés et les sujets plus difficiles qui demandent la contribution de tous. Lorsque cette démonstration est faite, un cap important est passé et le dosage M2/M3 va clairement évoluer vers le M3. » (Management situationnel, p. 116) Autonomie 3 Chacun a une place dans l’équipe et des modes de fonctionnement en commun ont été établis. Le manager régule les confrontations qui émergent et qui sont le plus souvent constructives. L’équipe recherche des solutions communes, exerce de la créativité. Vous, manager, devez alors bien définir pour quels domaines et sujets vous continuez d’agir. Et vous pouvez alors laisser l’équipe passer en autonomie sur les autres sujets. Des rencontres, moins fréquentes, continuent à avoir lieu. Toutefois vous restez attentif au fonctionnement des membres des équipes entre eux. Vous n’hésitez pas à jouer différents rôles et à faire intervenir des professionnels extérieurs si cela est nécessaire pour assurer certaines compétences. Vous continuez à accompagner les parcours individuels. Autonomie 4 Les membres de l’équipe agissent de manière coordonnée par rapport aux objectifs communs. Le dialogue entre les membres est ouvert, constructif, dynamique et permet de réévaluer avec succès les modes de fonctionnement et les objectifs. Vous, manager, restez vigilant pour assurer le bon fonctionnement de l’équipe. Vous pouvez décider de revenir en M3, puis en M2 ou en M4 en fonction de la situation. Grâce au travail déjà effectué pour faire progresser l’autonomie, tout retour à un niveau d’autonomie antérieur sera plus bref que lors de la phase précédente. Second dépouillement : Adaptation du mode à l’autonomie des individus et des groupes Cet exercice pratique est composé de deux parties :
Quelques rappels sur l’autonomie des équipes Analyse des réponses au questionnaire sur 8 cas
Chapitre 5 — Comment évaluer l’autonomie professionnelle en situation Les éléments présentés dans les chapitres précédents ont permis de comprendre que l’autonomie d’une personne en situation professionnelle est relative. Elle dépend de l’objectif, de la compétence et de l’engagement. Dans ce chapitre, Dominique Tissier présente et analyse un dialogue entre un manager et un collaborateur. Il distingue quatre niveaux d’autonomie du collaborateur :
A1 – très faible = il sait peu et ne veut pas plus A2 – faible = il sait peu et veut plus A3 – modérée = il sait, mais veut à certaines conditions A4 – forte = il sait, mais veut à certaines conditions
Chaque niveau d’autonomie est illustré par un extrait du dialogue entre le manager et le collaborateur et par une liste d’éléments concrets regroupés en trois sections :
Caractéristiques du comportement Facteurs possibles d’engagement Actions qui peuvent lui permettre de progresser
Chapitre 6 — Mettre en œuvre : pour devenir un manager situationnel Partir d’un autodiagnostic ou, mieux, d’un diagnostic partagé À vous de jouer pour observer, analyser et définir quel est votre style de management. Par exemple, suivez le guide d’autodiagnostic proposé par l’auteur à la suite de ce chapitre (pages 149 à 160). Vous pouvez aussi partager ce bilan de votre expérience de management avec des personnes de confiance et des personnes de votre équipe pour définir des axes de progression et de développement. Envie d'inspiration ? Prenez connaissance de ces citations pour devenir un bon (un grand) manager ! Se donner un but à moyen terme Cet autodiagnostic va vous permettre de définir vos objectifs sur quelques années à venir et la ligne directrice à suivre. Pour cela, vous allez établir un lien entre cette évaluation, vos propres envies et les besoins de l’entreprise ou de l’équipe que vous dirigez. Vous allez ainsi actualiser la définition de votre mode de management. S’occuper de chacun : le contrat annuel « Sur une base annuelle, semestrielle, trimestrielle, selon votre activité et votre organisation des entretiens de performance, examinez les activités ou objectifs de chacun et réfléchissez au mode de management que vous allez adopter. Parlez-en avec chaque personne, demandez-lui de réfléchir à l’avance à la manière dont vous allez travailler ensemble pendant la période concernée (rappelez-vous, cela va changer d’une période à l’autre). Passez un contrat sur cette manière de travailler ensemble. » (Management situationnel, p. 147). À la fin de chaque période, réalisez un bilan, avec la personne ou l’équipe concernée. Observez et analysez ensemble les difficultés et les progrès qui ont surgi pendant la période que vous aviez déterminée ensemble. Vous pouvez alors réévaluer votre mode de management pour la période à venir et adapter les missions. Pour adapter les missions, distinguez ce qui relève de trois domaines différents.
L’activité courante : répondre à des objectifs quantifiés, suivre des indicateurs de performance. Le progrès : faire évoluer les façons de travailler. Le développement : acquérir de nouvelles compétences, suivre une formation.
Guide d’autodiagnostic : Quelles sont vos pratiques managériales ? Dominique Tissier propose dans ces pages (149 à 160) un guide d’autodiagnostic et de bilan personnel de vos activités de manager. Il vous aide à définir « un plan de développement de votre management pour les mois à venir ». Vous pouvez aussi le consulter pour réaliser des diagnostics réguliers pour suivre vos progrès et préparer des échanges avec des collaborateurs. Le guide est organisé suivant les quatre modes du management situationnel :
Structurer, piloter, organiser ; Dynamiser, entraîner, mobiliser, faire adhérer ; Associer, faire collaborer et participer ; Responsabiliser, déléguer.
À chaque mode correspond un tableur à remplir. Sur la colonne verticale du tableur, l’auteur propose une série d’actions détaillées à évaluer en fonction de vos :
Points forts et vos points faibles ; Points d’amélioration ; Priorités.
À la page 60, une feuille de synthèse vous propose de noter « les priorités que vous retenez pour faire évoluer vos pratiques de management ». Ce dernier tableur vous permet de visualiser et d’ordonner les priorités et d’établir des liens entre elles.
Chapitre 7 — Conduire le développement des managers à partir du management situationnel Dominique Tissier recommande aux grands groupes d’associer le management situationnel aux programmes déjà mis en place pour accompagner le management (instituts, universités). Pour les entreprises de taille plus réduite, il conseille le recours à des intervenants extérieurs. Afin d'aller vers des modes de management plus collaboratifs et adaptés aux enjeux actuels. Cela permet de répondre à des questions éthiques (accompagnement des employés), mais aussi à des questions de performance. En effet, le management M3/M4 crée de l’engagement et produit plus de résultats. L’auteur définit deux options pour aller vers un management M3/M4. Option 1 : profitez des changements, provoquez-les pour accélérer le processus « Les changements sont de très belles opportunités pour repenser le management lors d’une nouvelle stratégie de croissance, d’une acquisition, d’un changement d’équipe de direction, de déménagement dans de nouveaux bureaux. » (Management situationnel, p. 162). La plongée vers, ou dans, un nouvel environnement de travail est alors l’occasion de nombreux réexamens et redéfinitions de questions centrales du management concernant les missions, les postes, l’autonomie, les marges de manœuvre laissées aux acteurs de terrain, les besoins communs et individuels. Option 2 : profitez des insatisfactions en cours, des tensions pour faire évoluer le management Cette option existe lorsqu’il n’est pas possible d’envisager des changements importants, mais plutôt des lignes de progression vers plus de collaboration et d’autonomie.
Établissez un diagnostic des critiques adressées par différentes parties prenantes de l’entreprise et des évolutions possibles envisagées. Vous pouvez vous appuyer sur des comparaisons avec d’autres entreprises, solliciter des interventions d’experts extérieurs. Ce diagnostic peut se réaliser rapidement. Dominique Tissier cite le cas d’un diagnostic réalisé en deux jours. Définissez des lignes de progrès en collaboration avec l’équipe de direction et quelques groupes de travail en mode M3 : défis, orientations des métiers, organisations, rôles, processus, etc. Définissez les points d’ancrage prioritaires pour pérenniser les processus collaboratifs et autonomisant. L’auteur définit ici un ensemble de propositions, comme la formation de « pôles de compétence » à l’intérieur des équipes dans différents domaines.
Les valeurs du management situationnel Pour finir, à la page 166, l’auteur rappelle les valeurs du management situationnel. Il énonce concrètement le rôle et la responsabilité du manager et notamment :
Le manager doit accompagner le développement des personnes tout en cherchant à atteindre les objectifs de l’organisation ; Il est toujours possible de progresser dans l’exercice du management ; Le mode de management adopté provient à la fois de facteurs personnels et de l’environnement de travail ; L’évolution doit se faire de façon progressive, étape par étape ; Tous les modes de management gardent une valeur, notamment pour faire face aux changements toujours plus rapides appelant à des réactions variées et immédiates.
« L’efficacité à long terme consiste à faire progresser l’autonomie professionnelle des individus et des équipes dont on a la responsabilité et à faire évoluer son environnement de manière à pouvoir adopter des modes de plus en plus collaboratifs et délégatifs » (Management situationnel, p. 166). Bibliographie À la fin de l’ouvrage, le lecteur trouvera des liens web (vidéos et site de l’auteur notamment) et une bibliographie commentée et sélective.
Parmi les pionniers, l’incontournable Peter Drucker Le management situationnel L’école française Livres portant sur les différentes parties (M1, M2, M3, M4) Ouvrages portant sur le développement des équipes Regards d’hommes d’expérience
L’ouvrage se termine par un index. Conclusion sur « Management situationnel. Vers l’autonomie et la responsabilisation » de Dominique Tissier : Un ouvrage alliant théorie et mise en pratique : Voici un ouvrage de référence pour qui veut découvrir ou renforcer sa connaissance théorique et pratique du management situationnel. L’auteur, Dominique Tissier, est ingénieur des Mines et diplômé en psychologie. Il a été responsable de la Direction de Développement du groupe Michelin jusqu’en 2015. Actuellement il intervient en tant qu’expert, journaliste et consultant auprès de programmes de management et d’entreprises. Fort de ses études et de son expérience professionnelle, Dominique Tissier nous guide ainsi entre les différentes facettes et étapes du management situationnel tout en variant les explications. Il propose des exercices pratiques à partir de questionnaires qui sont dépouillés. Ce qu’il faut retenir de « Management situationnel. Vers l’autonomie et la responsabilisation » de Dominique Tissier : La pratique du management situationnel est exigeante, mais très stimulante et enrichissante. Elle vous invite à vous questionner sur vos pratiques de management et à les adapter aux situations et aux personnes. En faisant preuve d’une bonne méthodologie, d’observation et d’analyse, vous y parviendrez ! Vous mènerez ainsi vos équipes vers plus d’autonomie et collaboration pour de meilleurs résultats. Et ceci, à la fois sur le plan du développement humain et des performances de l’entreprise. En suivant une progression précise et bien documentée, ce livre vous présente les différentes composantes du management situationnel et les écueils à éviter. De nombreux conseils judicieux, des méthodes précises et des schémas enrichissent le texte. Pour comparer les approches et aller plus loin, consultez aussi la chronique sur Le management bienveillant. Points forts :
Des explications claires et détaillées accompagnées de schémas éclairants ; Une série de questionnaires invitant à la réflexion sur ses pratiques de management ; Des points de résumé et de synthèse réguliers.
Point faible :
Quelques répétitions et un langage parfois abstrait et technique.
Ma note : Avez-vous lu le livre de Dominique Tissier « Management situationnel. Vers l’autonomie et la responsabilisation » ? Combien le notez-vous ? [ratings] Visitez Amazon afin de lire plus de commentaires sur le livre de Dominique Tissier « Management situationnel. Vers l’autonomie et la responsabilisation » Visitez Amazon afin d’acheter le livre de Dominique Tissier « Management situationnel. Vers l’autonomie et la responsabilisation »
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Résumé de « Les lettres de Jeff Bezos. 14 principes pour faire croître votre entreprise comme Amazon » de Steve Anderson : un livre passionnant issu d’une lecture approfondie et originale des lettres envoyées par Jeff Bezos à ses actionnaires — laissez-vous convaincre par ces quatorze thèses claires qui n’ont qu’un seul but, vous aider à faire décoller votre entreprise ! Par Steve Anderson (avec Karen Anderson), 2020, 237 pages. Titre original : The Bezos Letters. 14 Principles to Grow your Business Like Amazon. Chronique et résumé de « Les lettres de Jeff Bezos. 14 principes pour faire croître votre entreprise comme Amazon » de Steve Anderson
L’auteur et l’ouvrage Steve Anderson est un spécialiste du risque, de la technologie et de la productivité. Avec plus de 340 000 followers, il a notamment été choisi parmi les 150 personnalités à suivre sur LinkedIn. Sa femme, Karen Anderson, est écrivaine et journaliste. Elle a également contribué à l’écriture de cet ouvrage. Ils ont créé un site internet qui accompagne le livre et permet de réaliser les exercices qui se trouvent en fin de chapitres : TheBezosLetters.com. N’hésitez pas à y faire un tour et, éventuellement, à contacter le couple par ce biais.
Partie introductive. Le risque et la croissance Selon Steve Anderson, Jeff Bezos est le « maître du risque ». Pourquoi ? Parce que celui-ci a su lier le risque à son activité commerciale de façon positive, intuitive et intentionnelle. Contrairement à de nombreuses autres entreprises, le créateur d’Amazon pense que le risque est une occasion d’apprendre et qu’il vaut la peine de suivre son intuition, à condition d’avoir clairement ses objectifs en tête. Les débuts C’est à 30 ans que Jeff Bezos crée Amazon. Nous sommes alors en 1994 et internet n’est encore qu’une technologie d’initiés, ou presque. Il souhaite créer la plus grande librairie du monde, non pas physique, mais en ligne. Or, cela lui a réussi, puisqu’il fait aujourd’hui partie des multinationales les plus florissantes des États-Unis et du monde. En 2018, Amazon a atteint et dépassé la valeur de mille milliards de dollars. Comment a-t-il transformé son projet de librairie en ligne en l’affaire la plus lucrative du siècle ? C’est ce que Steve Anderson se propose d’étudier en examinant les lettres que son fondateur a envoyé aux actionnaires durant toutes les années de développement de l’entreprise. Retour sur risque Au lieu de parler de retour sur investissement, l’auteur propose le concept de « retour sur risque ». Que faut-il entendre par là ? Simplement l’idée selon laquelle le risque lui-même est un investissement. Oser peut rapporter gros ! Première partie. Le cycle de croissance : testez « Chez Amazon, tester est une façon de vivre ; cela signifie encourager tous les membres des équipes à essayer de nouvelles choses pour améliorer la façon dont Amazon fait des affaires. Si quelque chose ne fonctionne pas, ils ne sont pas punis — ils sont encouragés à examiner ce qui ne fonctionne pas et à apprendre de cela. » (Les lettres de Jeff Bezos, p. 29) Autrement dit, le risque, ici, n’est pas vu comme quelque chose de négatif, comme un échec, mais bien comme une occasion d’aller plus loin. Comme nous allons le voir, c’est ce qui rend Amazon si créatif. Chapitre 1 : Encouragez l’« échec réussi » L’échec réussi désigne précisément ce que l’échec vous a appris et la manière dont vous allez transformer cet apprentissage en action. Risque et espace Selon Steve Anderson, il n’est pas impossible que Jeff Bezos, né en 1964, ait été influencé par la conquête de l’espace. Les missions Apollo sont un exemple d’échecs réussis. La première mission fut un drame ; mais ce fut aussi ce qui poussa la NASA à se surpasser. Un pas de géant pour l’humanité… C’est ainsi que durant la décennie des années 60, la NASA réussit progressivement à faire mieux, avec les missions Apollo suivantes. Lorsque les astronautes états-uniens foulèrent le sol lunaire le 20 juillet 1969, cela marqua l’accomplissement de tous ces efforts. « Houston, on a un problème… » Après ce premier alunissage humain, les missions devinrent plus routinières. Pourtant, un jour, un problème survint… C’est à cette occasion qu’on entendit ce fameux : « Houston, on a un problème ». Il y avait un véritable péril pour les personnes à bord de la navette Apollo 13. Le retour fut l’occasion d’un intense suspense, mais aussi d’un apprentissage essentiel. Bien sûr, vous pouvez apprendre autrement. Mais c’est dans l’échec que vous apprendrez le mieux, c’est-à-dire le plus profondément. Jeff Bezos sait maîtriser cette dynamique ; en d’autres termes, il prend des risques de façon intentionnelle. C’est une sorte d’expérimentation continue au sein de son business model. Les échecs les plus réussis d’Amazon Le premier fut Amazon Auctions, une tentative de l’entreprise pour concurrencer eBay. Cela ne fonctionna pas, parce que les clients des deux enseignes ne souhaitaient pas agir de la même façon (les clients d’Amazon comptaient sur des prix fixes). Le second fut zShops, qui permettait à des vendeurs tiers d’utiliser la plateforme d’Amazon contre une petite taxe. Ce qui fut un échec, c’est l’idée de séparer ces vendeurs d’Amazon en créant des pages distinctes. Ce qui fonctionna en revanche — et qui fait encore une partie de la fortune de l’entreprise — c’est de permettre à ces vendeurs tiers de proposer leurs produits sur la Marketplace d’Amazon. Un échec à 178 millions de dollars Il en fut de même pour le Fire Phone, un mobile spécialement conçu pour faire des achats sur Amazon. Il était destiné à aider ses utilisateurs à faire du shopping sur le site en ligne. Mais ce fut un échec retentissant ! Tant que cela ? Pas vraiment… Malgré la fortune investie — 178 millions de dollars, donc — cette technologie fut utilisée pour la création de Echo et Alexa, deux dispositifs promis à de grands succès. L’échec réussi comme état d’esprit pour le succès Retenez ce point : il ne s’agit certainement pas d’incompétence — Amazon n’aime pas beaucoup cela — ni d’absence de peur d’ailleurs, mais simplement de la volonté de réaliser le meilleur possible. Mise en pratique. Encouragez l’« échec réussi » Première question : faites un inventaire de la « tolérance à l’échec » de votre entreprise. Comment l’échec est-il géré ? Deuxième question : quand avez-vous utilisé pour la dernière fois un échec comme « étude de cas » pour améliorer votre affaire ? Troisième question : Que pouvez-vous faire, dans votre commerce ou dans votre entreprise, pour communiquer sur le fait que l’échec est une occasion d’apprendre et de s’améliorer ? (Source : Les lettres de Jeff Bezos, p. 41)
Chapitre 2 : Pariez sur les grandes idées Ce qui fut un succès, ce fut l’idée de mettre les vendeurs tiers sur la même page qu’Amazon (à la différence de zShops). Cela permet au vendeur tiers d’accéder à la clientèle gigantesque d’Amazon, aux clients de comparer et d’avoir le choix, et à Amazon de gagner des commissions, tout en satisfaisant le client (même lorsque ce n’est pas lui, mais un vendeur tiers, qui empoche la vente). Un point important à souligner : les vendeurs tiers sont sélectionnés par Amazon qui exige d’eux un niveau de qualité équivalent à celui qu’il offre. Finalement, ces commissions rapportent énormément à Amazon. « En 2018, 58 % des produits vendus sur Amazon dans le monde venaient des vendeurs tiers… créant des milliards de dollars de revenus pour Amazon. » (Les lettres de Jeff Bezsos, p. 45) Parier sur la livraison gratuite : Super Save Shipping et Amazon Prime Pour les clients d’Amazon, le coût de la livraison était l’une des barrières les plus importantes à l’achat. Et ce, même si les avantages de la vente en ligne étaient assurés. Il fallait donc innover pour changer cette situation. Super Save Shipping fut le premier dispositif introduit : il permettait de se faire livrer gratuitement à partir de 25 $ d’achat. Amazon Prime arriva ensuite. Le système d’abonnement permettait aux clients de se débarrasser des coûts de transport et de bénéficier d’avantages divers : livraison en un jour, pas de limite minimum d’achat. Ce pari fut largement gagnant parce que, entre autres, les clients Prime dépensent en moyenne à peu près le double des clients non Prime par an (1 400 $ dollars contre 600). Parier sur l’effet de levier de l’infrastructure : les services web d’Amazon Amazon web services (AWS) a été créé aux alentours de 2003. Il s’agissait au départ de répondre à des enjeux informatiques en interne. En utilisant la technologie du cloud, Amazon souhaitait permettre à chacun de ses départements de bénéficier de services d’infrastructure à la fois personnalisés et communs. Finalement, cette idée sortit de son cadre initial pour devenir un vrai business. AWS propose des services de cloud à des individus, à des entreprises et à des gouvernements en optant pour une formule simple : le pay-as-you-go (paiement au fur et à mesure). Voici ce que Jeff Bezos lui-même pense du succès de cette entreprise : « Je crois que AWS est l’un de ces business de rêve qui offre ce qui peut servir aux clients et permettre des retours financiers pour de nombreuses années à venir. Pourquoi suis-je optimiste ? D’abord, l’étendue des possibilités est grande, puisqu’elle s’étend à tous les serveurs, les réseaux, les centres de données, l’infrastructure logicielle, les bases de données, les dépôts de données et bien plus. De façon similaire à Amazon, qui fait de la vente au détail sur tous les sujets, AWS ne connaît pas de contrainte au niveau de la taille du marché. » (Cité dans Les lettres de Jeff Bezos, p. 50) Parier petit sur les grandes idées Cela ne peut se dire que de façon relative, bien sûr, mais on peut dire qu’Amazon n’investit pas gros au départ. Par contre, plus il voit que l’idée paie, et plus il investit en elle. Plus il ajoute des services complémentaires aussi qui permettent d’attacher le client et d’augmenter le prix de vente. Les prochains grands paris Jeff Bezos le dit : il veut une quatrième grande idée, après celles de Marketplace (vendeurs tiers), Prime (abonnement et livraison gratuite) et AWS (infrastructures). L’une des pistes prometteuses est la création de magasins physiques. Mais ce pari sera-t-il gagnant ? Il faut s’assurer que les clients y trouvent leur compte. Quoi qu’il en soit, Jeff Bezos a déjà commencé à parier petit, notamment en créant des librairies physiques et des Amazon Go Stores, ainsi qu’en rachetant les magasins Whole Foods. Mise en pratique. Parier sur les grandes idées Première question : Quand avez-vous parié sur une grande idée pour la dernière fois ? Deuxième question : Que pouvez-vous faire pour encourager votre équipe (ou même vous-même) à explorer de nouvelles grandes idées ? Troisième question : Citez une grande idée là, tout de suite, sur laquelle vous pourriez miser ! (Source : Les lettres de Jeff Bezos, p. 53) Chapitre 3 : Dynamique pratique de l’invention et de l’innovation Pour avoir du succès, il ne convient ni de s’enfermer dans une seule idée ni de travailler seul. En réalité, il faut constamment innover sans craindre l’erreur, et bien s’entourer. Thomas Edison le savait ; Jeff Bezos aussi, 200 ans plus tard. Chez Amazon, l’expérimentation est encouragée à tous les niveaux de l’organisation et dans tous les départements. Chacun cherche l’amélioration, constamment. Peu importe que vous soyez une nouvelle recrue ou un cadre, la culture du travail d’Amazon fait de vous un innovateur ou un inventeur potentiel. Peu importe d’échouer. L’important est d’essayer avec sincérité. Et si cela réussit, vous serez encouragé à le développer et à le partager avec les autres. L’invention dynamique aide la créativité déchaînée C’est ainsi que vous reconnaîtrez les employés qui sont les plus créatifs ; c’est aussi de cette manière que vous les motivez davantage et que vous les poussez à agir de façon autonome. Les meilleures inventions viennent de ceux qui réalisent les tâches au quotidien ! Agir de façon délibérée en faveur de l’invention dynamique Cette culture interne est réellement mise en œuvre chez Amazon, alors qu’elle reste lettre morte dans d’autres compagnies. L’entreprise tente vraiment de convaincre ses employés que l’échec n’est pas mortel : les conséquences ne seront pas graves pour eux (ni licenciement, ni perte de salaire, etc.). Exploiter ses avantages Amazon connaît ce que les gens lisent et il doit être capable de tirer avantage de cela. C’est ce qu’il fait avec les librairies physiques. L’entreprise, ici, ne cherche pas à vendre un livre en particulier (le client qui sait ce qu’il veut lire achète directement sur Amazon en ligne). Elle cherche à proposer à son client ce qu’il veut lire ensuite. Pour cela, il lui propose un grand nombre d’informations et organise son magasin de façon particulière (en présentant, par exemple, chaque ouvrage face « couverture » et non sur la tranche). Pourquoi la pratique de l’invention dynamique et de l’innovation est essentielle Comme le dit Jeff Bezos : « Ces plateformes (Prime, AWS, etc.) […] créent des situations gagnant-gagnant et créent de la valeur pour les développeurs, les entrepreneurs, les clients, les auteurs et les lecteurs. » (Cité dans Les lettres de Jeff Bezos, p. 62) Lab126 — Le laboratoire d’invention d’Amazon Amazon détient son propre laboratoire d’invention et d’innovation. Le 1 est lié au A de Amazon (la première lettre de l’alphabet) et le 26 au Z de Amazon (la 26e lettre de l’alphabet et le lieu où se termine le logo en sourire de la marque). C’est là que se sont développés les projets du Kindle, du Fire Phone, d’Echo, etc. Et c’est là que bien d’autres projets verront le jour ! Mise en pratique. La pratique de l’invention dynamique et de l’innovation Première question : Prenez du temps dans les trente prochains jours pour vous demander quelle serait la prochaine chose que vous voudriez essayer dans votre business. Deuxième question : Comment mettre en place un « Lab126 » dans votre entreprise ? (Source : Les lettres de Jeff Bezos, p. 64) Deuxième partie. Construire « Chez Amazon, construire signifie faire d’une idée prometteuse une initiative stable. Amazon construit en s’assurant que chaque investissement soit basé sur ce que les clients veulent. La bonne nouvelle, c’est que les risques à court terme aident à découvrir les initiatives gagnantes et à éliminer les perdantes (et à apprendre d’elles) — ce qui est une façon de sauver du temps, de l’énergie et du capital. Amazon utilise la pensée à long terme pour assurer une fondation solide à chaque initiative (et chaque risque), afin que celle-ci puisse durer plusieurs années, voire au-delà, même si cela signifie faire des sacrifices dans l’immédiat. » (Les lettres de Jeff Bezos, p. 65) Chapitre 4 : Soyez obsédé par vos clients L’obsession est souvent considérée comme une caractéristique psychologique négative. Pourtant, c’est bien l’idée que veut transmettre Jeff Bezos : il s’agit d’avoir la satisfaction du client constamment à l’esprit, comme un mantra ou une idée fixe. Être une entreprise obsédée par ses clients C’est une question pratique. Il faut se mettre à la place du client. Parfois, vous pouvez répondre facilement ; parfois, vous avez besoin de données sur ce qu’il préfère. Quelles sont les solutions à leur proposer — si possible avant même qu’ils ne se rendent compte qu’il y avait un problème ? Amazon a conçu trois piliers de l’expérience client :
Les prix bas ; La meilleure sélection ; La délivrance rapide et pratique.
Que veut vraiment le client ? Bien souvent, les entreprises ne savent pas exactement ce que les clients veulent. À la place, ils s’imaginent que leur façon de communiquer avec eux au sujet de leurs nouveaux produits est inadéquate. En fait, ces entreprises sont obsédées par le produit qu’elles vendent, plutôt que par le client. Voici les questions à se poser — celles qu’Amazon ne manque pas de se poser :
« Qui est le client ? Quel est le problème ou l’occasion du client ? Quel est le bénéfice le plus important pour le client ? (Au singulier) Comment savez-vous ce dont le client a besoin ? À quoi ressemble l’expérience du client ? » (Les lettres de Jeff Bezos, p. 71)
Le service Client comme une extension de l’obsession à l’égard du client Lorsqu’un client appelle le service Client, il souhaite une réponse rapide et qui convienne à son mode de communication (mail, téléphone, etc.). Amazon laisse très peu attendre ses clients. L’entreprise cherche surtout à éviter au client d’avoir à chercher longtemps comment résoudre son problème (chat, mail, téléphone, etc.). Le plus important est de faire sentir au client qu’il est compris et qu’une solution en profondeur est recherchée. L’employé est placé en situation d’autonomie : il doit être capable de trouver les causes et les solutions du problème de façon indépendante. C’est ce qu’Amazon cherche également à implanter dans la culture des vendeurs tiers, en leur faisant notamment signer un Pack anti-frustration (Frustration-Free Packaging). La puissance des systèmes automatisés Ces systèmes permettent de détecter les produits ou services défaillants (par exemple, un film en streaming) et de rembourser le client de façon proactive. Cette façon d’aller au-devant d’une expérience client défectueuse (par exemple, si le visionnage du film est de mauvaise qualité) garantit le succès d’Amazon. Au-delà de l’attendu Être obsédé par le client a des effets sur la culture d’innovation de l’entreprise. Cette obsession pousse à aller toujours plus loin, au-delà des normes. Mise en pratique. Être obsédé par ses clients Première question : Asseyez-vous et écrivez une description de votre (bon) client typique. Quelles sont ses trois ou quatre caractéristiques principales ? Quels sont ses principaux problèmes que vous pourriez résoudre ? Deuxième question : Que pouvez-vous faire aujourd’hui pour améliorer l’expérience du client vis-à-vis de votre entreprise ? Troisième question : Mettez votre équipe au défi d’amener une nouvelle idée chaque semaine pour servir encore mieux les clients, quel que soit le coût de celle-ci. (Source : Les lettres de Jeff Bezos, p. 77)
Chapitre 5 : Appliquez la pensée à long terme « Nous sommes en train de travailler à quelque chose d’important, quelque chose qui importe à nos clients, quelque chose dont nous pourrons parler à nos petits-enfants. » (Jeff Bezos cité dans Les lettres de Jeff Bezos, p. 79) Être un « bon ancêtre » pour ses futurs successeurs et pour ses employés L’idée d’être un bon ancêtre, c’est-à-dire d’avoir participé favorablement au monde de demain (qui inclura peut-être vos petits-enfants), est une très bonne manière de se représenter le long terme pour votre entreprise. Que voulez-vous avoir réalisé dans 50 ans, voire plus ? Ruer dans Wall Street — Amazon donne l’exemple à Apple Certaines entreprises coupent court à l’obsession de Wall Street pour le court terme. Amazon est en première ligne de cette façon de faire. Apple suit également cette tendance en refusant de publier ses revenus trimestriels auprès des agents de la bourse de Wall Street. Tous deux considèrent que ces mesures à court terme ne sont pas adéquates. « Amazon veut casser la tendance, et donc sacrifier les profits de cette année pour investir dans la loyauté des clients à long terme et dans la création de produits qui créeront des profits plus importants l’année prochaine et pour les années à venir. La pensée à long terme permet à Amazon de focaliser son attention sur les chiffres qui comptent. Dans le cas d’Amazon, ces chiffres sont la croissance des clients et des revenus. Investir — en améliorant — dans l’expérience du client améliore la réitération des achats et la force de la marque de l’entreprise. » (Les lettres de Jeff Bezos, p. 85) Penser au long terme même quand le monde récompense la pensée à court terme Revenir à une pensée du long terme peut être difficile, lorsqu’on s’est habitué au court terme. Sur la base de son analyse des lettres aux actionnaires, Steve Anderson propose quelques points résumant l’approche à long terme qui prévaut chez Amazon, au niveau du management et de la prise de décision :
Se focaliser sur le client ; Mesurer l’efficacité des programmes et des investissements sur le long terme ; Apprendre des erreurs et trier régulièrement les bons et les mauvais projets ; Réaliser des investissements courageux ; Privilégier la maximisation de la valeur actuelle de la trésorerie ; Partager ses procédures de décision ; Maintenir une culture du changement, consciente des coûts ; Équilibrer la focalisation sur la croissance et l’attention au long terme ; Engager des personnes motivées et talentueuses.
Mise en pratique. Appliquer la pensée à long terme Première question : Avez-vous une liste d’objectifs à long terme (ou à plus long terme) pour votre entreprise — à la fois sur les plans financier et stratégique ? Deuxième question : Votre équipe est-elle seulement récompensée pour sa performance annuelle ou trimestrielle ou est-elle valorisée lorsqu’elle propose des actions qui donnent des résultats à long terme ? Troisième question : Comment pouvez-vous modifier les récompenses à court terme pour encourager la pensée à long terme ? (Source : Les lettres de Jeff Bezos, p. 90) Chapitre 6 : Comprenez votre volant d’inertie Le volant d’inertie est une métaphore qui vient de la mécanique : il s’agit d’une roue difficile à faire tourner au départ, mais qui, une fois mise en mouvement et prenant de la puissance, devient presque impossible à arrêter. Comment une entreprise passe-t-elle d’un état « bon » à un état « excellent » ? Comment gagne-t-elle en puissance et en inertie ? Telle est la question que cette image permet de poser. « Dans les affaires, pensez votre “volant d’inertie” comme un engrenage avec des rayons tout autour. Chaque rayon de l’engrenage est quelque chose qui apporte de la force pour faire tourner la roue — un élément clé de votre activité qui crée de l’élan et qui permet à votre entreprise d’aller là où vous voulez. » (Les lettres de Jeff Bezos, p. 92) Les activités initiatrices d’élan doivent, bien sûr, aller dans le même sens. Par exemple, si au niveau personnel vous souhaitez maigrir, le régime et l’exercice seront deux activités (deux rayons) qui permettront à votre volant d’inertie de la perte de poids de se mettre en branle de plus en plus rapidement. Voici les rayons du volant d’inertie (ou cercle vertueux) d’Amazon :
Un plus grand choix et un plus grand confort d’achat ; L’expérience du client ; Le trafic sur le site internet ; Le nombre de vendeurs ; La baisse des coûts de structure ; Des prix plus bas.
Ces rayons s’entretiennent mutuellement et vont dans le sens voulu par Amazon : à savoir la croissance. Comment les avantages principaux d’Amazon ont été conçus pour faire tourner le volant d’inertie d’Amazon Steve Anderson prend l’exemple d’Amazon Prime. Bien qu’étant un investissement risqué au départ, Amazon Prime avait pour vocation à améliorer l’expérience du client, à améliorer le confort d’achat et à attirer davantage de trafic sur le site, trois piliers du cercle vertueux. En outre, le succès de Prime a permis de faire baisser les coûts de livraison. En d’autres termes, Amazon Prime permet à Amazon de croître, ce qui permet à Amazon d’améliorer les services offerts par Prime, et donc de croître encore et encore, etc. Comment comprendre votre propre volant d’inertie Référez-vous aux livres de Jim Collins Good to Great (2001) et Turning the Flywheel (2019). L’auteur y pose les questions suivantes, reprises par Steve Anderson :
Comment votre volant d’inertie tourne-t-il ? Quels en sont les composants ? Quelle est la séquence de votre cercle vertueux ?
Mise en pratique. Comprendre votre volant d’inertie Première question : Qu’est-ce qui se trouve au centre du volant d’inertie de votre compagnie ? Deuxième question : Quels sont les facteurs clés ou les activités qui tournent votre volant d’inertie ? Troisième question : Comment ces moteurs se renforcent l’un l’autre pour faire tourner votre volant d’inertie plus rapidement ? (Source : Les lettres de Jeff Bezos, p. 98) Troisième partie. Cycle de croissance : accélérez « Pour Amazon, l’accélération est la façon dont vous faites quelque chose qui a été testé et construit et qui booste ensuite votre croissance. » (Les lettres de Jeff Bezos, p. 99) Chapitre 7 : Générez des décisions ultrarapides Le premier principe à mettre en œuvre est la prise de décision rapide. Cela signifie : éviter le temps perdu. Jeff Bezos résout le paradoxe de la décision rapide et de la vue à long terme en distinguant deux types de décisions :
Les décisions de type 1 qui sont essentielles et ont des conséquences majeures sans retour en arrière possible ; Celles de type 2 qui peuvent être changées ou annulées sans que le monde s’arrête pour autant.
Il encourage ses équipes à prendre des décisions de type 2, en insistant sur le fait que ces décisions ont un caractère singulier (il n’y a pas de décision toute prête), qu’elles se font en l’absence relative d’information et de consensus. Le plus important en la matière, pour un chef ou un cadre, consiste à savoir distinguer les décisions de type 1 et 2. Une fois qu’il a pris une décision, il importe que tous, même ceux qui n’étaient pas d’accord, s’engagent dans la même direction : c’est le principe du « disagree and commit » (désaccord et engagement). Comment accélérer la croissance en prenant des décisions ultrarapides Avec les décisions de type 2, les risques pris sont réversibles. Les employés ont suffisamment d’autonomie et de confiance pour rendre leur travail plus efficace, sans être sclérosés par la peur d’être puni ou de ne pas pouvoir revenir en arrière. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille accepter toutes les décisions ! Toutefois, il importe de laisser la porte ouverte au risque et aux décisions à impact limité, en faisant confiance à la compétence des équipes. Ce n’est pas pour rien que le processus de recrutement est si soigné chez Amazon. Les membres de l’entreprise doivent savoir prendre des risques intelligents, calculés rationnellement. La méthodologie de Bezos : l’histoire des six pages Cela peut paraître contreproductif, mais Jeff Bezos demande à chaque employé souhaitant prendre une décision de créer un mémo de six pages. Pourquoi ? Parce qu’il est essentiel de ralentir avant d’accélérer. Et cela vaut surtout pour les décisions de type 1. « L’histoire des six pages est un document créé autour de la nouvelle idée, écrit dans la forme d’une histoire. C’est une façon de raconter clairement l’idée ou le projet, comme si vous en discutiez avec quelqu’un et lui expliquiez ce que vous avez derrière la tête. Quand les gens parlent ensemble, ils ne parlent pas avec des bullet points. La narration est descriptive et se lit comme un livre, non comme un graphique en camembert. » (Les lettres de Jeff Bezos, p. 108) Les six pages vont servir tout au long du projet. Chacun des participants va pouvoir intervenir sur l’histoire, et on pourra y revenir si on se rend compte que l’idée ne fonctionne pas comme prévu, afin de faire le point sur ce qui a dérapé. C’est un processus collaboratif et itératif qui réduit le nombre des réunions et les rend plus efficaces. Les composants de l’histoire des six pages Voici le squelette d’une histoire de six pages proposé par Sandy Carter, VP des services web d’Amazon et reproduite par l’auteur des Lettres de Jeff Bezos (p. 113) :
Rédigez le communiqué de presse (celui dans lequel vous voudriez présenter votre projet au monde) ; Écrivez les FAQs (répondez à l’avance aux questions qui pourraient vous être posées) ; Définissez les interactions entre les utilisateurs (expliquez comment cela fonctionne) ; Concevez le manuel (donnez les instructions pour que ça marche) ; Répondez à ces questions :
Qui est le client ? Quel est le problème du client ou son opportunité ? Quel est son bénéfice le plus important ? (N’en choisissez qu’un, le plus significatif) Comment connaissez-vous les besoins du client ? (Assurez-vous qu’ils soient aux sources du projet) À quoi ressemble l’expérience du client ? (Anticipez les réactions et les réponses du client.)
Pourquoi cette méthodologie fonctionne-t-elle si bien pour Amazon ? Parce que nous aimons écouter des histoires, comme nous l’apprend d’ailleurs le succès du storytelling. Cela rend les participants à une réunion plus efficace, et cela oblige le rédacteur à placer son idée de façon plus globale, en l’intégrant dans le processus du cercle vertueux d’Amazon. D’un autre côté, comme les décisions de type 2 sont facilitées, cela laisse plus de temps pour mûrir les décisions de type 1. Mise en pratique. Générer des décisions ultrarapides Première question : Avez-vous un mécanisme pour distinguer entre des décisions de type 1 et de type 2 — et est-ce que quelqu’un dans votre équipe comprend cette différence ? Deuxième question : Avez-vous un système en place pour prendre des décisions de type 1 ? (Quelle est votre version du mémo de six pages ?) Troisième question : Avez-vous un mécanisme en place pour prendre rapidement des décisions de type 2 ? (Source : Les lettres de Bezos, p. 115)
Chapitre 8 : Simplifiez ce qui est complexe Créer Kindle pour simplifier la collection de livres et la portabilité Avec Kindle, Amazon facilite la vie des lecteurs, en leur permettant d’augmenter le nombre de livres qu’ils peuvent emporter partout avec eux. De ce fait, ils sont plus enclins à acheter plus de livres. En 2007, lors de la création de Kindle, 88 000 titres pouvaient être téléchargés. Aujourd’hui, ce sont des millions de livres qui peuvent être téléchargés en moins d’une minute sur le dispositif. De nouvelles fonctionnalités voient le jour également. Il ne s’agit pas d’imiter à tout prix le livre, mais de créer une expérience de lecture à la fois riche, comme celle d’un livre, et nouvelle. À l’heure actuelle, par exemple, vous pouvez également écouter des audiolivres. Créer Echo et Alexa pour rendre le quotidien plus simple Le Kindle est le fruit du Lab126. Mais celui-ci ne s’est pas arrêté là. Il a également développé Alexa, un robot ménager qui facilite la vie du quotidien. Comment ? Par la puissance de la reconnaissance vocale et du logiciel d’apprentissage qui permet à cette machine de s’améliorer avec l’usage. Echo (l’enceinte d’entrée de gamme) dispose également de cette technologie qui allie la puissance du hardware (pour l’écoute) et du software (pour la compréhension et la réponse aux questions). L’internet des objets permet d’aller encore plus loin. Ce à quoi Jeff Bezos n’avait pas pensé au départ. « L’impact d’Echo (Alexa) a été fortement influencé par le développement de l’internet des objets (IoT) — à savoir des dispositifs qui incluent tout depuis les lumières de votre chambre à coucher jusqu’à la liste de courses de la porte du réfrigérateur et qui peuvent être gérés depuis de simples commandes vocales. L’enceinte Echo peut service de centrale pour une myriade de dispositifs domestiques intelligents qui arrivent sur le marché. » (Les lettres de Jeff Bezos, p. 125) Self-Service Checkout et Amazon Go Jeff Bezos insiste souvent sur la nature de self-service d’Amazon. Les internautes achètent par eux-mêmes ce dont ils ont besoin, sans l’aide de vendeurs. C’est ce qu’il a voulu reproduire physiquement avec les magasins Amazon Go. Dans un magasin de ce type, vous entrez après vous être connecté à votre compte Amazon, puis commencez à parcourir et à mettre les produits dans votre panier (physique). Vous sortez sans passer par la caisse : sans vous en rendre compte, vous avez payé dès que vous avez effectué l’action de mettre le produit dans le panier. Vous recevez votre note par mail quelques minutes plus tard. La vie n’est-elle pas plus simple ? Vous n’avez qu’à faire un tour dans le magasin et sortir. Le reste est pris en charge. Utiliser les plans de compétence (skill blueprints) d’Alexa Alexa vous offre un autre service qui vous facilite le quotidien. Vous pouvez déléguer à Alexa des choses à faire ou à faire faire par d’autres membres de la famille. Par exemple, vous pouvez demander à Alexa de conserver un mot de passe et de le transmettre aux invités qui occupent votre maison, ou lui soumettre une liste de tâches à réaliser par les enfants. Quel est l’avantage de ce système ? Le gain de temps. Comme le dit Steve Anderson : « Amazon a utilisé la technologie pour accélérer le temps au bénéfice de ses clients. » (Les lettres de Jeff Bezos, p. 128) Commencer à simplifier les soins de santé L’une des dernières acquisitions d’Amazon, qui date de 2018, est PillPack. Que fait cette entreprise et en quoi rend-elle la vie de ses clients plus aisée ? Elle se charge de délivrer les médicaments aux personnes ayant des prescriptions complexes, en triant pour eux les cachets à prendre et en les fournissant en sachets uniques. Au lieu d’avoir à gérer plusieurs boites de médicaments différents, PillPack fournit la dose exacte des médicaments à prendre par jour. Ce service est gratuit pour les médicaments couverts par les assurances. Il facilite ainsi la gestion des recharges, des questions d’assurance et de prescription. Mise en pratique. Rendre simple ce qui est complexe Première question : Quelles sont les plus grosses « barrières à l’entrée » pour les nouveaux clients qui font affaire avec vous ? Deuxième question : Que pouvez-vous faire pour faciliter le commerce entre vous et vos clients existants ? Troisième question : Quelle est la partie de l’expérience client la plus compliquée ou la plus complexe et comment pouvez-vous la simplifier ? (Source : Les lettres de Jeff Bezos, p. 130) Chapitre 9 : Accélérez le temps avec la technologie « L’invention est dans notre ADN et la technologie est un outil fondamental que nous manions pour évoluer et améliorer chaque aspect de l’expérience que nous offrons à nos clients. Nous avons encore beaucoup à apprendre, j’espère et je m’attends à ce que nous continuions à avoir autant de plaisir à apprendre. » (Jeff Bezos, cité dans Les lettres de Jeff Bezos, p. 131) Pourquoi accélérer le temps avec la technologie est-il plus facile que jamais La numérisation des données et la puissance des ordinateurs s’accroît à une vitesse exponentielle. La compétition autour de ces technologies est elle aussi acharnée. Amazon reste modeste, mais veut avoir son mot à dire dans ce développement. Même si votre entreprise n’en est pas à ce stade, demandez-vous simplement si ses technologies ne sont pas obsolètes. Autrement dit, assurez-vous d’être toujours dans une logique de prise de risque et d’innovation. Une chose est sûre : aujourd’hui, ne rien faire serait pire que d’agir. Comment utiliser la technologie pour « accélérer le temps » Certaines entreprises prennent de l’avance et de la force grâce à des technologies nouvelles, tandis que d’autres ralentissent et doivent s’adapter. L’un des points forts de Jeff Bezos est qu’il est capable d’identifier les technologies qui surgissent et qui peuvent servir les principes fondateurs d’Amazon (comme l’obsession à l’égard du client). AWS et le lead de sept ans C’est à peu près ce qu’il s’est passé avec les AWS (Amazon web services), autrement dit le service de cloud d’Amazon, vendu aux autres entreprises, ainsi qu’aux gouvernements. Qu’a fait ici Jeff Bezos ? Il a transformé la technologie qui avait été utilisée pour développer la propre infrastructure d’Amazon en un service à proposer à d’autres secteurs. Un service qui est devenu très, très rentable ! « Tout à coup, c’était là » La technologie peut parfois donner l’impression d’arriver lentement, et de ne montrer ses effets que progressivement. Mais c’est trompeur. En fait, une technologie peut croître de façon exponentielle et s’implanter si rapidement qu’elle paraît soudainement évidente. « Il y a de nombreux exemples de technologies et de plateformes qui deviennent perturbatrices en peu de temps. On peut évidemment parler d’Uber et de Airbnb. Mais il y a encore beaucoup d’autres entreprises qui changent des industries entières du tout au tout. La perturbation ne survient pas toujours au niveau de l’industrie entière […], mais peut affecter une partie de vos affaires, en donnant à des entreprises qui adoptent ces technologies un avantage sur les autres. » (Les lettres de Jeff Bezos, p. 137) Centres de distribution On a vu qu’il avait développé, en interne, une infrastructure de cloud. Mais ce n’est pas tout. L’intelligence artificielle et la robotique sont mises à profit à d’autres niveaux. Amazon utilise notamment la technologie pour organiser la distribution des paquets, livrer rapidement et ainsi satisfaire le client. Depuis l’achat de Kiva System en 2012, Amazon perfectionne ses techniques de stockage et de distribution. Amazon dispose aujourd’hui de 175 centres de distribution en opération dans le monde. Il a déjà équipé 25 de ceux-ci de robots qui viennent en aide au travail des humains, comme dans le centre de Jeffersonville par exemple. Mise en pratique. Accélérer le temps avec la technologie Première question : Comment utilisez-vous la technologie pour accélérer la croissance de votre entreprise ? Deuxième question : De quelle façon pourriez-vous utiliser la technologie pour rendre une partie de votre affaire obsolète (avant que vos compétiteurs le fassent pour vous) ? (Source : Les lettres de Jeff Bezos, p. 140) Chapitre 10 : Faites la promotion de la propriété Un shareowner, en anglais, c’est-à-dire un actionnaire, prend des parts dans une société en les achetant. Il devient ainsi un propriétaire de la société, et non un locataire. Cela a des conséquences pour Jeff Bezos. À savoir, en premier lieu, celui de se préoccuper de la société. Vous ne pouvez pas vous comporter à l’égard d’une propriété comme à l’égard d’un bien quelconque. En d’autres mots, vous devez vous comporter avec votre propriété selon une logique de long terme. Il s’agit, en fin de compte, d’un état d’esprit très différent. Prendre possession Il en va de même pour les employés, et surtout les cadres. Jeff Bezos les encourage à se concevoir eux-mêmes comme des propriétaires de l’entreprise, à penser et à agir de cette façon. Un propriétaire ne peut pas dire : « Cela n’est pas mon problème ». Il se sent impliqué et investi dans la résolution dudit problème. Comment promouvoir la propriété Voici les règles pour promouvoir la propriété parmi les investisseurs et les employés :
Les traiter comme des propriétaires en utilisant un langage approprié ; Donner aux employés des actions dans la société ; Faciliter la prise de décision ; Faire des réunions permettant de partager une « cause commune » ; Fournir à chacun des occasions d’inventer et d’innover ; Offrir la possibilité de se désengager quand ils le souhaitent ; Accepter le désaccord au sein du processus de prise de décision (et avancer quand même).
Les clients peuvent sentir « la propriété » aussi — Amazon Smile Il ne s’agit pas de propriété à proprement parler, mais du sentiment d’agir avec Amazon. Avec Amazon Smile, vous pouvez donner en faveur d’une association de charité de votre choix. À chaque achat, vous participez ainsi à renforcer une bonne cause, grâce et main dans la main avec Amazon. Ce geste donne un sentiment de communauté. Mise en pratique. Promouvoir la propriété Première question : Offrez-vous une compensation à votre équipe sous la forme d’une « propriété » de l’entreprise — celle-ci incluant un partage des profits ou de la croissance ? Deuxième question : Communiquez-vous régulièrement avec votre équipe sur les objectifs à court terme et sur les objectifs à long terme de votre affaire ? Troisième question : Y a-t-il une incitation (ou une barrière), pour les employés, à améliorer ou à réparer certains domaines de l’entreprise en dehors de leur propre département ou de leurs responsabilités ? (Source : Les lettres de Jeff Bezos, p. 147) Quatrième partie. Cycle de croissance : mesurez « Chez Amazon, la mesure est la manière par laquelle vous réalisez une croissance exceptionnelle sans sacrifier qui vous êtes ou ce que vous offrez. Cela requiert de créer et de maintenir une culture de l’innovation — une culture capable de prendre de risques au service du client [et] implique une concentration accrue sur les standards élevés et de ne pas sacrifier la qualité sur l’autel d’une plus grande profitabilité. Cela implique de mesurer ce qui compte et de questionner de façon continue ce que vous mesurez afin d’être sûr d’être focalisé sur les bonnes statistiques — mais sans oublier votre intuition dans le processus. » (Les lettres de Jeff Bezos, p. 149) Chapitre 11 : Maintenez votre culture Comment l’entreprise de Jeff Bezos a-t-elle maintenu sa culture en atteignant le nombre de 600 000 employés ? Probablement grâce à son leadership personnel, mais aussi au fait de rester concentré sur les objectifs clés de l’entreprise, la croissance en tête. Bien sûr, il est difficile de rester humble et focalisé sur le client à partir d’une certaine taille, mais c’est l’enjeu. La culture du « premier jour » est pour cela ardemment défendue par les équipes d’Amazon. C’est l’état d’esprit que les employés doivent avoir. Amazon a par ailleurs développé 14 principes que les cadres doivent toujours garder en tête. Les 14 principes de direction d’Amazon
L’obsession à l’égard du client ; La propriété ; L’invention et la simplification ; La justice ; L’apprentissage et la curiosité ; L’engagement et le développement d’employés ; La focalisation sur les plus hauts standards ; L’ambition (penser grand) ; Le biais pour l’action ; La frugalité (faire plus avec moins) ; La confiance acquise par l’écoute ; Le scepticisme et le goût du détail (à l’égard des données) ; L’engagement, même dans le désaccord ; La concentration sur le résultat.
Les innovations intérieures : une approche pour construire et conserver sa force de travail Amazon développe des techniques pour éviter le turn-over de ses équipes et ainsi conserver sa force de travail. Il a développé plusieurs programmes, tels que :
« Choix de carrière », qui permet aux employés d’employer une part de leur temps dans des formations ; « Payer pour arrêter », qui permet à un employé de partir d’Amazon de façon simplifiée, s’il ne se sent pas à l’aise avec ses missions ; « Virtual contact center » qui permet à un employé de travailler depuis la maison.
Les bénéfices de se souvenir des « premiers jours » Amazon cherche à rappeler son histoire à ses employés pour conserver sa culture d’entreprise. Jeff Bezos a par exemple nommé son bâtiment de Seattle, « Day 1 ». Mais ce n’est pas tout. L’entreprise cherche de façon répétée à montrer que c’est encore le « premier jour ». Ses principes de gestion en sont imprégnés ; les fameux « bureaux-portes » des débuts (Jeff Bezos avait construit son bureau en installant des pieds à une porte) se sont multipliés dans les bâtiments, rappelant aux employés (les « Amazoniens ») la frugalité et l’innovation des débuts. Mise en pratique. Maintenir sa culture Première question : Pouvez-vous articuler/expliciter ce qu’est votre culture d’entreprise ? Deuxième question : Si vous posiez la même question à vos employés, leur réponse serait-elle identique à la vôtre ? Troisième question : Quels sont les éléments clés positifs de votre culture d’entreprise que vous pourriez renforcer ? (Source : Les lettres de Jeff Bezos, p. 162-162)
Chapitre 12 : Focalisez-vous sur des standards élevés Steve Anderson cite le proverbe suivant pour résumer l’idée : « Si vous pensez qu’il est cher d’engager un professionnel, attendez d’avoir engagé un amateur. » « Les rehausseurs de barre » et les demandeurs d’emploi d’Amazon Lors des entretiens d’embauche, Amazon fait appel à des « rehausseurs de niveau » qui sont des responsables ayant démontré des compétences dans le choix des employés engagés. De façon plus générale, avant d’embaucher quelqu’un, le cadre doit se poser trois questions :
Admirez-vous cette personne ? Cette personne augmentera-t-elle le niveau moyen d’efficience du groupe dans lequel il entrera ? Dans quelle dimension (compétence, intérêt, etc.) cette personne pourrait-elle devenir une superstar ?
Investir en maintenant des standards élevés pour les parties tierces Il en va de même pour ceux qui travaillent pour Amazon, sans pour autant faire partie de l’entreprise. C’est le cas de certains livreurs qui travaillent en freelance. En 2018, Amazon a cherché à attirer de nouveaux entrepreneurs en leur offrant des conditions très intéressantes. À quatre conditions :
Être focalisé sur le client ; Diriger et motiver une équipe de délivreurs ; Travailler dur et démontrer des résultats ; Être résilient, c’est-à-dire capable de changer et de s’adapter.
Des standards élevés pour les « non amazoniens » Il en va de même pour les vendeurs tiers qui profitent de la Marketplace d’Amazon, comme on l’a vu plus haut. « Sous plusieurs aspects, l’investissement d’Amazon dans les vendeurs tiers opère à la façon dont les franchises assurent aux franchisés de maintenir les standards de la marque. […] Les clients savent exactement à quoi s’attendre lorsqu’ils vont dans une entreprise franchisée […]. » (Les lettres de Jeff Bezos, p. 172) Comment investir dans des standards élevés pour votre entreprise Focalisez-vous sur l’expérience du client. Cela requiert une approche holistique. Commencez par définir les standards que vous souhaitez atteindre et maintenir. Investissez-y ensuite de façon constante, jusqu’à atteindre ce que vous voulez de meilleur pour vos clients. Pour ce faire, vous devrez aussi garder cette mentalité du premier jour. Cela signifie simplement éviter de perdre de vue la croissance et l’innovation. Comme le dit Jeff Bezos : « Le Jour 2 est l’arrêt du mouvement. Suivi par l’inutilité. Suivi à son tour par l’atrocité et le pénible déclin. [Puis] la mort. Et c’est pourquoi c’est toujours le Jour 1. » (Jeff Bezos, cité dans Les lettres de Jeff Bezos, p. 173) Mise en pratique. Se focaliser sur des standards élevés Première question : Quelles sont les trois ou quatre caractéristiques importantes de vos employés les plus performants ? Deuxième question : Vous focalisez-vous (ainsi que vos responsables de recrutement) sur ces caractéristiques lorsque vous engagez du personnel ? Troisième question : Qui est responsable du « contrôle qualité » dans votre compagnie — et comment s’en occupent-ils ? (Source : Les lettres de Jeff Bezos, p. 174) Chapitre 13 : Mesurez ce qui compte, interrogez ce qui doit être mesuré et faites confiance à votre instinct « Un grand nombre de décisions importantes que l’on réalise sur Amazon.com peuvent être faites grâce aux données. Il y a une bonne et une mauvaise réponse, une meilleure réponse et une pire, et les maths peuvent nous dire laquelle est laquelle. Ce sont nos décisions préférées. » (Jeff Bezos, cité dans Les lettres de Jeff Bezos, p. 175) La mesure ne concerne pas seulement les données financières Les données ne concernent pas seulement l’argent dépensé ou récolté (bien que cela soit important pour Amazon également !). Non, l’information la plus anecdotique peut être utilisée pour connaître la meilleure manière de servir le client et lui fournir une meilleure expérience du site internet (en lui proposant des articles pertinents, par exemple). Le design web est devenu une véritable science chez Amazon, au point que l’entreprise a développé un Weblab qui analyse tous les changements graphiques et ergonomiques possibles en vue de choisir les meilleurs. Des tests peuvent être effectués pour savoir si les clients préfèrent ou non les changements opérés sur la plateforme de vente en ligne. Mesurer les finances La méthode de calcul financière d’Amazon est propre à Jeff Bezos. Celui-ci ne calcule pas bénéfice, bénéfice par action, taux de croissance des bénéfices, mais par « flux de trésorerie disponibles ». « Les flux de trésorerie disponibles (free cash flows) sont définis comme les flux de trésorerie nets générés par les activités d’exploitation moins les achats d’immobilisations, y compris les logiciels à usage interne capitalisés et le développement de sites web, tous deux présentés dans nos états des flux de trésorerie. » (Jeff Bezos, cité dans Les lettres de Jeff Bezos, p. 179) Ce concept n’a rien de simple. Mais le plus important à retenir, pour une société petite ou grande, est de se focaliser sur une seule mesure : celle qui correspond le mieux au type de progrès que vous voulez engranger pour votre organisation. Définissez des données que vous pourrez utiliser pour calculer cette mesure et savoir si vous avancez dans la bonne direction. Faire confiance à son instinct Les données chiffrées ne sont pas les seuls guides valables pour autant ! La curiosité, la remise en question, l’attention à la moindre anecdote — qui sont souvent révélatrices et précieuses — peuvent vous permettre de sentir l’évolution de votre entreprise et l’état de satisfaction de votre clientèle. Et même lorsque vous analysez les données — une étape cruciale et obligatoire, surtout quand l’entreprise grandit en taille — vous devez vous servir de votre intuition. Les données ne sont pas toujours (voire jamais) compréhensibles d’elles-mêmes, il faut les interpréter. En alliant votre sens de l’observation et votre instinct aux données, vous deviendrez capable de leur donner sens et de prendre de meilleures décisions. La confiance de ses clients Les clients savent que vous utilisez les données pour améliorer leur expérience de navigation. Ils sont intelligents et ils vous font confiance. C’est donc à vous d’honorer ce crédit qu’ils vous offrent pour améliorer constamment votre service ou votre proposition commerciale. Mise en pratique. Mesurez ce qui compte, questionnez ce que vous mesurez et faites confiance à votre instinct Première question : Avez-vous identifié les principales données clés de votre affaire ? Deuxième question : Êtes-vous capable de trier effacement toutes les données, de mesurer et d’arriver à comprendre quelles sont les données qui comptent vraiment ? Troisième question : (Vous êtes en train de mesurer quelque chose, pas vrai ?) (Source : Les lettres de Jeff Bezos, p. 184) Chapitre 14 : Croyez que c’est toujours le Jour n° 1 Le Jour n° 1 est moins une date qu’un concept et un état d’esprit. L’obsession du client est la caractéristique principale de ce concept. C’est ce qu’il s’agit de ne jamais oublier et de maintenir, au-delà de toute routinisation des procédures. Jeff Bezos a commencé toute son entreprise en ligne et il avait un besoin impérieux de changer d’échelle, en convainquant toujours plus de clients (puisque ses marges n’étaient pas très importantes). En outre, ce concept lui a permis de créer une mythologie autour du commencement, puisqu’à la différence d’une entreprise physique, aucune inauguration grandiose n’a été organisée pour célébrer le début de l’aventure. Résister aux excuses Le Jour n° 1 est une idée qui permet également d’éviter les excuses qui dérivent de l’habitude et du relâchement qu’induit la création d’une procédure. Souvent, l’on accuse la méthode ou les procédés, plutôt que soi-même. En rappelant à ses employés que les choses sont toujours en mouvement et commencent, ici et maintenant, Jeff Bezos souhaite leur rappeler qu’ils sont responsables de leurs actes. Il ne s’agit pas, bien sûr, de défendre l’anarchie et de nier tout intérêt à l’ordre et à la standardisation. Chaque entreprise a besoin de créer des routines pour avancer et se développer. Celles-ci doivent aider à la prise de décision, mais elles ne peuvent se substituer à l’obsession de l’entreprise : servir le client. Embrasser les tendances externes C’est une autre raison qui pousse à se sentir toujours au premier jour ! Être toujours le Jour n° 1, c’est être encore attentif à l’environnement duquel on émerge et qui nous entoure. Autrement dit, c’est ne pas oublier qu’il peut exister des forces qui peuvent rendre votre modèle obsolète, et c’est aussi être capable de prendre des risques pour rester dans la course et vous adapter. La vitesse l’emporte sur la perfection L’important pour Jeff Bezos et Amazon, nous l’avons dit, c’est la croissance (qui passe par une attention de tous les instants à la satisfaction du client). Pour croître rapidement, il importe de ne pas viser la perfection, mais plutôt la vitesse. Il faut agir vite, quitte à commettre quelques erreurs, et apprendre tout aussi rapidement. Évitez les atermoiements de la culpabilité ; apprenez et agissez en conséquence. Cela fonctionne tout particulièrement pour les décisions de type 2. S’engager en faveur du « Jour 1 » en agissant et en pensant comme une start-up Voici la conclusion de Steve Anderson au sujet du Jour n° 1. « L’état d’esprit du Jour n° 1 promu par Jeff Bezos peut être appliqué à n’importe quel type d’entreprise dans n’importe quelle industrie, depuis la start-up jusqu’aux compagnies grandes et matures. Il n’est pas facile d’être une entreprise du Jour n° 1, mais il importe avant tout de se rappeler qu’il s’agit d’un état d’esprit. L’appliquer au sein d’une grande entreprise vous aide à éviter a déchéance et à rester focalisé sur ce qui fait de vous une entreprise couronnée de succès. » (Les lettres de Jeff Bezos, p. 190) Mise en pratique. Penser que c’est toujours le « Jour n° 1 » Première question : Si votre entreprise a plus de cinq ans, demandez-vous ce que vous faisiez au commencement et que vous voulez encore continuer à faire. Deuxième question : Si votre affaire a moins de cinq ans, demandez-vous ce que, dans dix ans, vous aimeriez continuer à faire (en plus de gagner davantage d’argent). Troisième question : Peu importe que votre entreprise soit jeune ou vieille, demandez-vous ce que vous pouvez faire de façon régulière pour conserver cet état d’esprit du « Jour 1 ». (Source : Les lettres de Jeff Bezos, p. 192) Chapitre 15. Un état d’esprit du risque et de la croissance De la Marketplace d’Amazon aux services web (Amason web Services), en passant par Kindle et par Prime, Amazon innove. Non pas en prenant des risques à l’aveuglette, mais en apprenant de ses échecs et en osant, de façon intentionnelle, aller à contre-courant en croyant en ses idées. Aujourd’hui, Jeff Bezos n’est plus aux manettes du quotidien d’Amazon. Il cherche à anticiper la trajectoire sur le long terme, à identifier les voies dans lesquelles il estime qu’il sera profitable de s’engager. Comment Jeff Bezos a-t-il développé un état d’esprit du risque et de la croissance ? Parti d’un investissement de 300 000 $ (un don de ses parents), Bezos est devenu, 20 ans plus tard, l’homme le plus riche du monde (selon le magazine Forbes, qui l’a déclaré tel en 2018). Élevé avec amour et respect par son grand-père dans un ranch du Texas, parti ensuite à Princeton pour étudier la physique — qu’il abandonne au profit de l’informatique et de l’électricité —, il crée sa famille à New York et prend le pouls de la révolution technologique en cours. Mais c’est à Seattle — siège de Microsoft et Baker & Taylor, un célèbre centre de distribution de livres — qu’il concrétise le rêve de créer sa propre entreprise. Amazon naît en juillet 1994 dans un garage de la ville. Curieux, à l’écoute des évolutions, aimant le risque et le changement, Jeff Bezos a patiemment réfléchi à ce qu’il pouvait faire de mieux. Il a ensuite consacré toute son énergie à développer son projet en utilisant toutes les ressources à sa disposition. Des chevaux plus rapides Steve Anderson raconte cette anecdote liée à Henri Ford, le célèbre constructeur automobile : si celui-ci avait demandé aux gens ce qu’ils voulaient, dit H. Ford, ils lui auraient répondu qu’ils voulaient des chevaux plus rapides. Ce n’est pas tout à fait ce qu’il leur a donné : il a créé la voiture (le Modèle T) avec, à l’intérieur, la puissance de plusieurs chevaux. C’est la marque d’un état d’esprit de croissance et de risque. Henri Ford a innové en allant contre les préjugés du temps. Chapitre 16. Au-delà d’Amazon Connaissez-vous Blue Origin ? C’est le projet d’exploration spatiale de Jeff Bezos, créé en 2000. Celui-ci veut prendre exemple sur les leçons de l’aviation commerciale pour construire les bases d’un commerce spatial en bonne et due forme, aux côtés des initiatives d’Elon Musk et de Richard Branson. Comment Jeff Bezos a-t-il identifié le rôle incalculable de l’infrastructure ? Jeff Bezos l’a toujours reconnu : il a bénéficié d’infrastructures ou de technologies parallèles qui ont considérablement aidé sa propre entreprise. C’est le cas de Fedex, qui organisait des livraisons express bien avant lui ; mais c’est le cas aussi du développement du paiement électronique par carte de crédit et de l’explosion des smartphones. Jeff Bezos sait qu’il ne construira pas de ses propres mains l’entreprise de l’espace. Ce que veut faire le fondateur d’Amazon aujourd’hui, c’est plutôt créer une infrastructure, semblable à celle dont il a lui-même profité, pour permettre aux générations futures de créer eux-mêmes ce projet. Le slogan de Blue Origin (appelé comme cela en référence à la Terre, la planète bleue, bien sûr) est Gradatim Ferociter : pas à pas, férocement. « Nous ne sommes pas dans une course, et il y aura de nombreux acteurs dans cette entreprise humaine pour aller dans l’espace au profit de la Terre. La part de Blue Origin dans ce voyage est de construire une route vers l’espace avec nos lanceurs réutilisables, afin que nos enfants puissent construire l’avenir. Nous allons procéder étape par étape, car c’est une illusion de croire que sauter des étapes nous y amènera plus rapidement. La lenteur est régulière [smooth], et ce qui est régulier est rapide. » (Jeff Bezos, cité dans Les lettres de Jeff Bezsos, p. 205) Quel est le plus grand risque ? Après avoir appliqué rapidement ses quatorze principes au projet Blue Origin, Steve Anderson conclut son ouvrage par ces mots : « Lorsque vous suivez les cycles de croissance et les 14 principes de croissance, vous pouvez, vous aussi, faire croître votre entreprise comme Amazon. Car oui, envoyer des personnes dans l’espace est risqué. La croissance d’une entreprise est une affaire risquée. La vie est risquée. Mais telle est la question : et si le plus gros risque était de ne pas prendre suffisamment de risques ? » (Les lettres de Jeff Bezos, p. 208)
Conclusion sur « Les lettres de Jeff Bezos. 14 principes pour faire croître votre entreprise comme Amazon » de Steve Anderson : Un livre de marketing à la gloire d’Amazon Ce livre est intéressant par sa méthode, d’abord. En utilisant les lettres aux actionnaires écrites par Jeff Bezos, Steve Anderson (et sa femme) parvient à dégager des principes restés implicites dans les discours du fondateur d’Amazon. Le contenu mérite également l’attention, puisque l’on apprend — même si c’est sous le prisme d’une appréciation unilatéralement positive de l’entreprise états-unienne — beaucoup de choses sur l’entreprise et sur l’homme qui se trouve à sa tête. Si vous voulez en savoir plus, n'hésitez pas à aller jeter un œil du côté des Secrets de la réussite de Jeff Bezos. Enfin, le livre offre au lecteur une sorte de schéma ou de marche à suivre pour questionner sa propre croissance commerciale et le développement de son entreprise. Ce qu’il faut retenir de « Les lettres de Jeff Bezos. 14 principes pour faire croître votre entreprise comme Amazon » de Steve Anderson : Voici, en résumé, le cycle et les 14 principes dégagés par l’auteur. A) Testez
B) Construisez
C) Accélérez
D) Mesurez
Points forts :
14 thèses limpides pour faire progresser votre affaire ; Une plongée dans les méthodes du géant de la distribution en ligne ; Des questions claires, en fin de chaque chapitre, pour vous aider à avancer.
Point faible :
Ce livre ne prend aucun recul critique vis-à-vis des défauts d’Amazon. Bien sûr, on pourra s’informer ailleurs !
Ma note : Avez-vous lu le livre de Steve Anderson « Les lettres de Jeff Bezos. 14 principes pour faire croître votre entreprise comme Amazon » ? Combien le notez-vous ? [ratings] Visitez Amazon afin de lire plus de commentaires sur le livre de Steve Anderson « Les lettres de Jeff Bezos. 14 principes pour faire croître votre entreprise comme Amazon » Visitez Amazon afin d’acheter le livre de Steve Anderson « Les lettres de Jeff Bezos. 14 principes pour faire croître votre entreprise comme Amazon »
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Résumé de « La règle ? Pas de règles ! Netflix et la culture de la réinvention » de Reed Hastings et Erin Meyer : un livre à deux voix, très original et qui a remporté un franc succès dans les librairies - un ouvrage pratique, surtout, grâce auquel vous apprendrez à diriger votre entreprise comme Reed Hastings, le patron de Netflix ! Par Reed Hastings et Erin Meyer, 2020, 293 pages. Titre original : No rules rules. Netflix and the Culture of Reinvention. Chronique et résumé « La règle ? Pas de règles ! Netflix et la culture de la réinvention » de Reed Hastings et Erin Meyer
Les auteurs Cofondateur de Netflix en 1997, Reed Hastings en est désormais le président-directeur général depuis 1999. Venu du monde des logiciels (il avait créé la société Pure Software en 1991, rachetée en 1997), le PDG du géant états-unien a conservé le goût des systèmes flexibles et adaptatifs. Reed Hastings est diplômé de Stanford et du Bowdin College. En plus de ses activités commerciales, il s’intéresse notamment beaucoup à l’éducation. Reed Hastings est également membre du conseil d’administration de Facebook. Erin Meyer est professeure dans l’une des écoles de commerce les plus réputées d’Europe : l’INSEAD (Institut européen d’administration des affaires) basé à Fontainebleau, Paris. Elle est l’auteur d’un petit livre pratique sur les meilleures façons de « franchir les frontières invisibles du commerce international » (c’est son sous-titre) : The Culture Map, sorti en 2014. Elle a été identifiée par la Thinkers50 Radar list comme l’un des cinquante penseurs commerciaux les plus influents au monde. À noter avant de lire cette chronique L’ouvrage est composé de 4 parties, appelées sections, et de 10 chapitres. Vous en trouverez le récapitulatif complet à la fin de cette chronique, mais voici déjà le plan des quatre sections principales :
Premières étapes vers une culture de la liberté et de la responsabilité ; Étapes suivantes ; Techniques pour renforcer la culture de la liberté et de la responsabilité ; Devenir global.
Remarque : afin de simplifier la lecture de cette chronique, j’ai modifié la plupart des sous-titres de l’ouvrage. À l’exception des derniers intertitres de chaque chapitre (que j’ai raccourcis et simplement intitulés « À emporter »), les sous-titres que vous rencontrerez dans ce résumé ne correspondent donc pas à ceux que vous pourrez retrouver dans le texte original.
Introduction Une culture d’entreprise sans règles ! Alors que la plupart des entreprises ont tendance à multiplier les règles et les processus à mesure qu’elles grandissent, Netflix est allée dans la direction opposée. Au fur et à mesure de sa croissance, l’entreprise a construit une culture qui consiste à avoir moins de règles. Comment y est-elle arrivée ? Elle a utilisé un processus en 3 étapes qui a été répété, encore et encore. Ce processus ressemble à ceci (on l’appelle aussi « le cycle Netflix ») :
Construire une densité de talents ; Augmenter le niveau de sincérité ; Trouver des moyens d’éliminer le contrôle.
Une croissance progressive Au cours de son développement, Netflix est passé par plusieurs étapes :
Une petite affaire de location de DVD par courrier ; La diffusion en continu du contenu d’autres personnes sur Internet ; La création de son propre contenu ; Une entreprise mondiale implantée dans 190 pays.
Tout au long de son évolution, la société a favorisé la flexibilité des employés et l’innovation.
Section 1. Premières étapes vers une culture de la liberté et de la responsabilité Pour créer une culture d’entreprise telle que celle de Netflix, vos actions initiales devraient être :
Créer un lieu de travail épatant pour les collègues ; Laisser les gens dirent ce qu’ils pensent ; Arrêter de contrôler les vacances et les dépenses.
Cela vous paraît surprenant ? On détaille cela tout de suite. Chapitre 1. Un excellent lieu de travail épate les collègues Des licenciements causés par la bulle Internet Officiellement lancé en 1997, Netflix a rapidement subi les conséquences de la bulle Internet de 2001, durant laquelle de nombreux entrepreneurs du web ont fait faillite. Pour survivre, l’entreprise a été contrainte de licencier un tiers de ses employés. Cela signifiait réduire son effectif de 120 à 80 personnes. Le jour de l’annonce des licenciements a été terrible, mais quelques semaines plus tard, quelque chose d’étrange s’est produit. En fait, selon Reed Hastings, l’ambiance s’est considérablement améliorée. Il y avait plus de « passion, d’énergie et d’idées. » Au début de l’année 2002, l’activité d’abonnement aux DVD par courrier était à nouveau en pleine croissance. Or, tout ce travail pouvait être réalisé par un nombre plus restreint de personnes à la fois plus motivées et plus dynamiques. Reed Hastings en a tiré une leçon managériale. En fait, les licenciements ont créé une augmentation spectaculaire de la « densité de talents ». Ce qui signifie que :
La quantité moyenne de talents par employé était plus élevée ; Les employés peu performants qui faisaient perdre du temps et de l’énergie à leur responsable avaient disparu ; Comme ceux qui restaient étaient excellents dans leur travail, cette nouvelle norme de performance est devenue contagieuse.
Résultat : moins de personnel, mais un environnement de travail plus dynamique Pour Erin Meyer, l’apprentissage clé de ceci est que : « Si vous avez une équipe entièrement composée de personnes très performantes, chacune d’entre elles pousse les autres à se dépasser ». » (Erin Meyer, La Règle ? Pas de règles !, chapitre 1) La création d’un lieu de travail dynamique est donc la première marche d’évolution à viser. Vous devez chercher à entourer vos meilleurs employés (comparés ici à des superstars) de personnes à la fois talentueuses et collaboratives. Un processus d’apprentissage réciproque se met alors en branle. Les employés commenceront à apprendre les uns des autres. Mieux, ils se motivent mutuellement sans avoir besoin directement des impulsions de l’équipe dirigeante. En tant que leader, vous devez donc chercher en premier lieu à mettre en place un tel environnement de travail. Bien sûr, cela implique de se séparer des personnes fainéantes et pessimistes qui freinent cette dynamique vertueuse. La culture de « la liberté et de la responsabilité » (appelée par les employés « F&R ») est une culture dans laquelle vous pouvez vous permettre de réduire les contrôles. Pourquoi ? Parce que les personnes talentueuses et dynamiques souhaitent un traitement en tant qu'adultes et veulent démontrer qu’elles peuvent faire les choses bien. Dans ce contexte, vous n’avez pas besoin d’établir des règles contraignantes, mais simplement d’agir en toute franchise. À emporter
« Votre rôle numéro 1 en tant que chef d’entreprise est de développer un environnement de travail composé exclusivement de collèges épatants.
Les collègues épatants accomplissent plus de tâches et sont exceptionnellement créatifs et passionnés.
Les idiots, les fainéants, les personnes douces qui ne performent pas, ou encore les pessimistes qui sont conservés dans l’équipe diminueront la performance de chacun. » (La règle ? Pas de règles! p. 11)
Chapitre 2. Dites ce que vous pensez réellement (avec une intention positive) « Ne dites de quelqu’un que ce que vous lui diriez en face » Chez Netflix, les gens sont encouragés à dire ce qu’ils pensent. Reed Hastings a vraiment mis tout en œuvre pour encourager les gens à s’exprimer. Les commentaires francs, transparents et constructifs sont toujours accueillis de façon positive. L’honnêteté, plutôt que les manigances et les non-dits, permet d’être plus rapide et donc plus efficace. La raison est simple : l’information est plus rapidement disponible et à moindre coût. C’est l’objectif de l’expression : « Ne dites de quelqu’un que ce que vous lui diriez en face ». Autrement dit, il s’agit d’énoncer systématiquement aux autres ce qu’on pense, de façon constructive (ce dernier point est évidemment essentiel). Ces retours constructifs sont encouragés aussi bien vers le haut de la hiérarchie, que vers le bas et de façon croisée au sein de l’entreprise. Voyons maintenant comment s’y prendre. Les directives 4A : des feedbacks qui augmentent la productivité Lorsque chacun s’exprime avec franchise, le groupe en apprend davantage. Ces retours d’information fréquents augmentent la rapidité et l’efficacité de chacun. Pour obtenir ce résultat, Netflix a conçu les « directives 4A ». La première mesure peut sembler contre-intuitive, tant elle est inhabituelle dans le monde de l’entreprise : les employés étaient activement encouragés à donner un feedback honnête à leurs patrons. Lors de chaque réunion individuelle, ces retours sont encouragés. Les dirigeants, pour leur part, sont tenus d’indiquer aux employés qu’ils ne seront pas punis pour avoir donné un avis honnête. Voici la signification des 4 A.
A1 : Objectif d’assistance (aim of assist) — le feedback doit être donné avec une intention positive plutôt qu’être le lieu de laisser échapper (venting of frustrations) ses frustrations. A1 : Utile et agissant (actionnable) – Le feedback doit se focaliser sur ce que la personne peut faire différemment. Il doit être spécifique et dirigé vers l’action. A3 : Appréciatif (appreciate) – La personne recevant le feedback doit reconnaître qu’elle écoute attentivement et avec un esprit ouvert. A4 : Accepter ou laisser de côté (accept or discard) – La personne recevant le feedback doit montrer qu’elle a écouté, mais peut soit appliquer soit ignorer les avis.
Les dirigeants doivent apprendre à donner et à recevoir de tels feedbacks 4 A. En fait, cette façon de faire détend l’atmosphère. Grâce à l’instauration de cette culture de la transparence et de la franchise, les gens parlent entre eux dès qu’ils constatent des problèmes, plutôt que de rester assis là sans rien faire. Reed Hastings analyse cela comme une boucle de rétroaction. Il s’agit en effet d’un retour d’information (un apprentissage) qui nous permet de fonctionner de façon plus efficace, car nous savons désormais comment mieux faire les choses. Cette rétroaction crée un sentiment de responsabilité mutuelle et réduit le besoin de verticalité et de normes strictes. Être à l’écoute Ces feedbacks constructifs ne fonctionnent que si les personnes s’écoutent mutuellement. C’est pourquoi, ici encore, il faut oser se débarrasser des personnes incapables d’écouter l’avis des autres et de le prendre en compte. Même s’il est brillant, quelqu’un lève les yeux au ciel lorsqu’une autre personne s’exprime difficilement ou insulte les plus faibles que lui empoisonnera la culture de groupe. En tant que leader, vous devez donc vous débarrasser de ces « abrutis ». En fait, comme le dit Reed Hastings, une culture de la franchise « exige que chacun réfléchisse attentivement aux directives des 4 A. Cela nécessite une réflexion et parfois une préparation avant de donner un feedback, ainsi qu’un suivi et un accompagnement de la part des responsables. » (Reed Hastings, La Règle ? Pas de règles ! chapitre 2) À emporter
« Avec de la franchise, les meilleurs performeurs deviennent des performeurs sensationnels. Des retours fréquents et honnêtes augmentent exponentiellement la vitesse et l’efficacité de votre équipe ou de votre force de travail.
Faites place à la sincérité en créant des moments de feedbacks dans vos réunions habituelles.
Coachez vos employés afin qu’ils donnent et reçoivent des retours de façon efficace, suivant les guidelines 4 A.
En tant que leader, sollicitez des retours fréquemment et répondez avec des indices d’appartenance [c’est-à-dire des paroles qui permettent de renforcer le sentiment d’appartenance au groupe] lorsque vous les recevez.
Débarrassez-vous des imbéciles lorsque vous installez une culture de la franchise. » (La Règle ? Pas de règles! p. 37)
Chapitre 3.a. Supprimez la politique de vacances Faire confiance Une fois que la densité de talents est élevée et que la franchise règne, vous pouvez commencer à relâcher certains contrôles et à offrir plus de liberté sur le lieu de travail. Le meilleur point de départ est de supprimer les contrôles sur les vacances et les dépenses. Cette liberté accordée donnera aux gens plus de contrôle sur leur vie et leur indiquera que vous faites confiance à vos employés dans la réalisation de leurs tâches. Par ailleurs, cette confiance en soi améliorera leur sentiment d’appartenance à l’entreprise, ce qui est une excellente chose. Des vacances illimitées La plupart des entreprises exigent que les employés effectuent des demandes de vacances. Le nombre de jours de congé autorisés chaque année est contrôlé : la direction cherche à s’assurer que vous ne prenez pas plus de temps que ce à quoi vous avez droit. Chez Netflix, vous pouvez prendre autant de temps que vous le souhaitez pour vos vacances. Aucune approbation n’est requise et personne ne contrôle le temps que vous prenez chaque année. Selon Reed Hastings, cette politique a plusieurs avantages :
Attraction des meilleurs talents, et en particulier les membres de la génération Z et les milléniaux, qui n’aiment pas beaucoup pointer à l’heure ; Suppression de la bureaucratie et des coûts administratifs liés au suivi de la politique de vacances ; Augmentation du niveau de confiance et de la responsabilité.
Les dirigeants eux-mêmes doivent prendre de grandes vacances afin de donner l’exemple ! Reed Hastings prend généralement six semaines de congés par an et parle beaucoup de ses vacances. Se sentir plus libre Cette attitude est liée à un autre principe en vogue dans l’entreprise du divertissement : « diriger en fonction du contexte, pas du contrôle ». Chaque manager est invité à expliquer à son équipe quelles sont les périodes tendues et celles qui le sont moins. De cette façon, chacun sait qu’il est bon d’être à son poste à telle époque, mais qu’il peut être libre à telle autre. Résultat ? Les gens sont plus satisfaits. Cela redonne aux employés du contrôle sur leur vie. Chapitre 3.b. Supprimez les approbations de voyage et de dépenses « Agissez dans le meilleur intérêt de Netflix » L’autre contrôle qui peut être supprimé une fois que vous avez instauré une atmosphère de franchise concerne les approbations des voyages et des dépenses. Il est étonnant de voir combien d’heures de gestion sont consacrées à ces questions. Tout d'abord, Netflix présente une directive sur les dépenses avec cette formulation :
« Dépensez l’argent de l’entreprise comme si c’était le vôtre ». Le problème est qu’il y a trop de variabilité. C’est pourquoi Netflix a évolué vers une autre formule ; « Agissez dans le meilleur intérêt de Netflix ».
Certes, il faut éradiquer les dépenses inconsidérées. C’est pourquoi, à la fin de chaque mois, l’équipe financière envoie aux managers un lien listant tous les reçus par employé. Les managers examinent les demandes de remboursement des dépenses des membres de leur équipe et discutent avec ceux qui dépensent trop. Ils parlent du contexte et informent leurs employés de ce qui est approprié et de ce qui ne l’est pas. Punir visiblement les abus Si ces responsables ou l’équipe financière découvrent que des personnes effectuent des dépenses inappropriées, ces employés sont licenciés ouvertement et sans ambages, afin que les autres comprennent les conséquences. C’est la contrepartie de la responsabilité. En fait, comme l’affirme Reed Hastings, les employés responsables veilleront entre eux à s’assurer que les actions de leurs coéquipiers sont conformes au bien de l’entreprise. À emporter
« Quand vous abandonnez vos politiques de frais de voyage et de dépenses, encouragez vos dirigeants à établir, en amont, le contexte permettant de savoir comment dépenser l’argent et, en aval, encouragez-les à vérifier les reçus. Si les gens dépensent trop, actualisez le contexte.
Sans contrôle des dépenses, vous aurez besoin d’un département des finances pour auditer les reçus accumulés annuellement.
Lorsque vous trouvez des gens qui abusent du système, renvoyez-les et parlez des abus de façon ouverte — même s’il s’agit de “performeurs stars”. Cela est nécessaire afin que les autres comprennent les conséquences d’un comportement irresponsable.
Certaines dépenses peuvent augmenter avec la liberté. Mais les coûts de la surdépense ne sont pas aussi élevés que les gains que la liberté vous apportera.
Avec cette liberté en matière de dépense, les employés seront capables de prendre des décisions financières rapidement qui aideront l’entreprise.
Sans le temps et les coûts administratifs liés aux bons de commande et aux processus d’approvisionnement, vous gaspillerez moins de ressources.
De nombreux employés répondront à cette nouvelle liberté en dépensant moins que s’ils étaient dans un système avec des règles. Lorsque vous dites aux personnes que vous avez confiance en elles, elles montrent qu’elles sont dignes de confiance. » (La Règle ? Pas de règles!, p. 70-71)
Section 2. Étapes suivantes Si vous voulez aller encore plus loin, vous devriez, encore et toujours :
Vous assurer de payer très bien vos meilleurs employés ; Ouvrir vos livres (de compte, notamment) ; Faire en sorte qu’aucune approbation ne soit requise.
Chapitre 4. Payez-vous les meilleures compétences du marché Les « rock stars » Reed Hastings vient de l’industrie des logiciels, où le « principe de la rock star » est bien connu. C’est l’idée selon laquelle les meilleurs talents sont vingt fois plus performants que les talents moyens, voire plus. Chez Netflix, il a divisé la force de travail en deux catégories :
les rôles opérationnels, qui reçoivent un salaire moyen ; les rôles créatifs, qui sont payés aux tarifs les plus compétitifs du marché.
Netflix préfère rémunérer très fortement un employé exceptionnel, plutôt que d’engager une douzaine de personnes aux performances moyennes. Cette approche permet d’augmenter le niveau d’innovation de l’entreprise. Un salaire élevé garanti Netflix refuse d’utiliser les primes de rémunération au rendement. Au lieu de cela, les employés talentueux reçoivent un salaire de base élevé garanti, et ces salaires sont ajustés chaque année pour refléter la façon dont le marché valorise ces compétences spécifiques. La rémunération est donc garantie dès le départ. Ceci dit, il n’y a aucune limite aux augmentations de salaire d’une année sur l’autre. Si un employé très innovant peut fournir des données montrant qu’il obtiendrait davantage chez un concurrent, Netflix s’alignera sur cette offre, voire la surpassera. En règle générale, si vous êtes approché par un chasseur de têtes, vous gardez cette information confidentielle. Vous n’aimez pas trop la divulguer à votre patron. Mais Netflix va dans la direction opposée ! Montrez l’offre qui vous est faite afin d’obtenir une augmentation. En agissant de la sorte, Netflix s’engage à conserver ses meilleurs éléments et à les rémunérer à la valeur réelle du marché. Engager moins, mais mieux « Afin de renforcer la densité de talents au sein de votre personnel, pour tous les rôles créatifs, engagez un employé exceptionnel au lieu de dix ou plus, de niveau moyen. Embauchez cette personne exceptionnelle au sommet de la fourchette qu’elle vaut sur le marché. Adaptez son salaire au moins une fois par an afin de continuer à lui offrir plus que ses concurrents. Si vous ne pouvez pas vous permettre de payer vos meilleurs employés au niveau le plus élevé du marché, laissez partir certaines des personnes les moins fabuleuses pour pouvoir le faire. De cette façon, les talents deviendront encore plus denses ». » (Reed Hastings, La Règle ? Pas de règles! chapitre 4) À emporter
« Les méthodes utilisées par la plupart des entreprises pour rémunérer les employés ne sont pas idéales pour une force de travail créative et à haute densité de talent.
Divisez votre force de travail entre les créatifs et les opérationnels. Payez les travailleurs créatifs au niveau le plus haut du marché. Cette façon de faire signifie engager un individu exceptionnel plutôt que dix personnes adéquates ou plus.
Ne payez pas en fonction de bonus liés à la performance. Placez plutôt ces ressources directement dans les salaires.
Apprenez aux employés à développer leurs réseaux et à investir du temps, régulièrement, dans la prise en compte de leur propre valeur et de celle de leurs équipes. Cela peut impliquer qu’ils prennent des appels de recruteurs, voire qu’ils aillent faire des interviews dans d’autres entreprises. Ajustez les salaires en fonction. » (La Règle ? Pas de règles ! p. 99)
Chapitre 5. Ouvrez les livres « Le soleil se lève » : privilégier la transparence La plupart des entreprises parlent de transparence, mais enferment ensuite leurs secrets et ne les partagent qu’en cas de nécessité. Netflix fait le contraire. Cette politique a un nom : « sunshining » (lever du soleil). Autrement dit, l’entreprise ouvre ses livres. Les gens apprennent à lire les comptes des profits et des pertes, et chacun reçoit toutes les données financières qu’il souhaite. Bien entendu, ces informations restent strictement confidentielles : aucun employé ne peut ensuite aller les divulguer à l’extérieur en vue, par exemple, d’en faire commerce. Ce faisant, l’entreprise traite ses employés comme des adultes. Elle leur offre la connaissance et l’occasion de contribuer à l’entreprise de manière significative. Les membres de Netflix voient aussi, de cette façon, qu’il n’y a pas de cercle restreint, pas d’élite qui détient des informations supérieures et cachées. Encore une fois, la transparence crée de la confiance. Les symboles de l’ouverture L’entreprise utilise beaucoup d’autres symboles pour renforcer ce message. Par exemple :
Il n’y a pas d’espaces fermés dans les bureaux de Netflix ; Reed Hastings, le PDG de Netflix, se rend facilement à pied au bureau d’une personne qu’il souhaite rencontrer, plutôt que de la convoquer dans son bureau ; Il n’y a pas d’assistants personnels, qui font souvent office de gardiens ; Personne n’a de casiers, parce que tout le monde est censé se faire entièrement confiance.
Cette politique de transparence est une manière, pour les employés, de se sentir propriétaires de l’entreprise, et donc d’accroître leur motivation et leur responsabilité dans le succès de l’entreprise. Mais Reed Hastings note une autre conséquence positive : cela rend le personnel plus intelligent. Pourquoi ? Car ils réfléchissent en adultes et prennent des décisions mûrement pensées par eux-mêmes, sans avoir besoin de l’avis de la hiérarchie. Désavantages et limites Un inconvénient potentiel de la transparence radicale est que les gens apprennent parfois à l’avance que leur emploi pourrait disparaître. Bien sûr, cela peut causer du stress, mais il est finalement préférable de pouvoir se préparer, plutôt que d’apprendre la nouvelle de façon abrupte. Autre point d’achoppement : la transparence doit-elle aussi s’appliquer à la vie privée d’une personne ? L’approche adoptée par Netflix est la suivante :
Si l’information concerne un événement survenu au travail, la transparence est de mise ; Si l’information concerne autre chose, il faut dire aux gens qu’ils n’ont pas à la partager et qu’ils peuvent la demander à la personne concernée.
Il est bon de parler de ses erreurs C’est un autre volet de la transparence. Reed Hastings, par exemple, parle ouvertement et longuement des erreurs qu’il a commises. Ce faisant, il se rend accessible et il stimule aussi la créativité en faisant comprendre à ses équipes que les erreurs sont acceptables, si elles sont commises ouvertement et avec de bonnes intentions. « Si vous avez les meilleurs employés sur le marché et que vous avez instauré une culture du retour d’information ouvert, le fait de révéler les secrets de l’entreprise augmente le sentiment d’appartenance et d’engagement du personnel. Si vous faites confiance à votre personnel pour traiter des informations sensibles de manière appropriée, la confiance dont vous faites preuve suscitera des sentiments de responsabilité et vos employés vous montreront à quel point ils sont dignes de confiance ». » (Reed Hastings et Erin Meyer, La Règle ? Pas de règles ! chapitre 5) À emporter
« Afin d’implanter une culture de la transparence, prenez en considération les messages symboliques que vous envoyez. Débarrassez-vous des bureaux fermés, des assistants qui agissent comme des gardes, et des espaces verrouillés.
Ouvrez les livres à vos employés. Apprenez-leur à lire le P&L. Partagez les informations financières et stratégiques sensibles avec chacun, au sein de l’entreprise.
Lorsque vous prenez des décisions qui impacteront le bien-être des employés, comme des réorganisations ou des mises à pied, divulguez l’information assez tôt à votre force de travail, avant que les choses ne soient solidifiées. Cela causera de l’anxiété et de la distraction, mais la confiance que vous construirez ainsi surpasse ces désavantages.
Lorsque la transparence entre en tension avec la vie privée d’un employé, suivez cette ligne directrice : si l’information concerne quelque chose qui s’est passé au travail, optez pour la transparence et parler honnêtement de l’incident. Si l’information concerne la vie personnelle de l’employé, dites aux personnes que ce n’est pas la place de la partager et dites qu’elles peuvent s’adresser directement à l’intéressé si elles le souhaitent.
Aussi longtemps que vous vous montrez compétent, parlez ouvertement et largement de vos propres erreurs — et encouragez tous les chefs d’équipe à faire de même — cela augmentera la confiance, la bonne volonté, et l’innovation au sein de l’organisation. » (La Règle ? Pas de règles ! p. 126)
Chapitre 6. Maintenant, relâchez davantage les commandes Encourager la prise de décision La suppression des limites de vacances et des politiques de dépenses était une première étape symbolique, mais l’étape suivante consiste à générer un lieu de travail où aucune approbation décisionnelle n’est requise. Dans un tel cadre, vous êtes censé faire confiance à chacun pour agir dans le sens favorable à l’entreprise. Lorsqu’une personne est engagée chez Netflix, le principe fondamental suivant lui est enseigné : « N’essayez pas de plaire au patron. Faites ce qui est bon pour l’entreprise ». On apprend également aux nouveaux employés la chose suivante. À leur arrivée, ils disposent d’un tas métaphorique de jetons avec lesquels ils peuvent faire des paris. Certains de ces paris seront réussis, d’autres échoueront. Leurs performances seront jugées en fonction de la taille de ce tas, et non en fonction de la réussite ou de l’échec d’un seul pari. Pour Reed Hastings, c’est la meilleure façon d’encourager l’innovation et la prise de décision. Le cycle d’innovation de Netflix Chaque fois que vous avez une nouvelle idée qui vous passionne, vous devez faire ceci :
Socialiser ; Tester ; Décider ; Célébrer.
C’est ce que Netflix appelle le « cycle de l’innovation ». Détaillons-la. Socialiser, c’est-à-dire faites connaître votre idée et laissez vos collègues vous dire s’ils l’aiment ou la détestent. En bref, obtenez des commentaires et des retours constructifs. S’il s’agit d’une grande idée, testez-la et analysez ce que les données montrent. Trouvez d’autres personnes qui font déjà ce que vous proposez, et essayez de tirer des enseignements de leur expérience. Faites un essai et demandez leur avis aux clients. Sur ces bases, pariez en partant du principe que vous choisissez d’aller de l’avant ou non et que vous êtes seul responsable du résultat. Aucune approbation n’est requise. Si le projet vous plaît, allez-y. Si votre pari se révèle gagnant, célébrez-le. Mais faites de même s’il échoue ! Mettez-le en lumière pour que tout le monde en tire les leçons. Netflix ne s’attend pas à ce que tous les paris réussissent : l’entreprise souhaite que les gens partagent ce qu’ils apprennent. « Nous ne devons pas avoir peur de nos échecs. Nous devrions les embrasser. Et ensoleiller encore plus les erreurs ! » (Reed Hastings, La Règle ? Pas de règles ! chapitre 6) À emporter
« Dans une entreprise innovante et rapide, l’appropriation des décisions critiques et importantes devrait être dispersée au sein de la force de travail à différents niveaux, et non pas allouée à un certain type de statut hiérarchique.
Afin que ceci fonctionne, le chef d’équipe doit apprendre à son groupe le principe de Netflix : “Ne cherchez pas à faire plaisir à votre chef.”
Lorsque de nouveaux employés rejoignent l’entreprise, dites-leur qu’ils ont un sac rempli de jetons métaphoriques qu’ils peuvent utiliser pour faire des paris. Certains auront du succès, d’autres non. La performance d’un travailleur sera jugée sur le résultat global de ses paris, non sur les résultats d’une simple mise.
Pour aider votre force de travail à faire de bons paris, encouragez-les à cultiver le dissentiment, à socialiser leurs idées et à tester leurs gros paris.
Apprenez à vos employés que lorsqu’un pari échoue, ils devraient s’en réjouir ouvertement [sunshine it openly]. » (La Règle ? Pas de règles ! p. 160)
Section 3. Techniques pour renforcer la culture de la liberté et de la responsabilité Vous souhaitez désormais renforcer votre culture de la liberté et de la responsabilité. Mais comment ? Suivez ce chemin :
Vivez selon le test du gardien ; Maximisez votre honnêteté en utilisant des cercles de feedbacks ; Dirigez en fonction du contexte, ne contrôlez pas.
Chapitre 7. Le test du gardien La métaphore de l’équipe sportive En 2008, Netflix était en pleine croissance. Des dizaines de nouveaux employés rejoignaient l’entreprise chaque semaine. Pour structurer cette augmentation, l’équipe de direction a commencé à utiliser la métaphore de l’équipe sportive professionnelle. Les questions à se poser Pour renforcer l’éthique et l’état d’esprit de l’équipe sportive, les managers sont invités à appliquer le « test du gardien ». En pratique, cela signifie que chaque manager doit régulièrement se demander s’il a la meilleure personne dédiée à chaque poste. Les chefs d’équipe doivent donc se poser la question : « Si un membre de votre équipe devait démissionner demain, essaieriez-vous de le faire changer d’avis ? Ou seriez-vous soulagé de le voir partir ? Dans ce dernier cas, vous devriez lui verser une indemnité de départ dès maintenant et chercher une star, une personne pour laquelle vous vous battriez. » (La Règle ? Pas de règles ! Chapitre 7) Netflix essaie d’appliquer ce test à l’ensemble de l’entreprise. Il ne s’agit pas de créer des systèmes de classement et de compétition, qui nuisent à la culture de la collaboration, de la liberté et de la responsabilité, mais de renforcer l’honnêteté. Les employés eux-mêmes sont encouragés à aller voir leur patron à tout moment et à lui demander : « Si j’envisageais de partir, jusqu’où iriez-vous pour me faire changer d’avis ? ». Cette démarche désamorce en grande partie les tensions et l’anxiété. La transparence, même en matière de licenciement Netflix fait également quelque chose d’intéressant lorsque des personnes sont licenciées. L’équipe se réunit et commence par noter les principales forces de l’employé licencié. Le manager explique ensuite pourquoi il a estimé que cet employé n’était plus le meilleur choix pour son poste. Les membres de l’équipe peuvent alors interroger le manager sur ce qui a été fait pour aider cette personne, et ainsi de suite. En mettant tout sur la table, tous les membres de l’équipe peuvent comprendre ce qui se passe. Netflix offre également une généreuse indemnité de départ à tout employé licencié. De nombreux anciens employés de Netflix ont utilisé ces indemnités pour démarrer leurs prochains projets. L’indemnité de départ comprend généralement plusieurs mois de salaire pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille, pendant que les ex-employés cherchent un nouvel emploi. Chaque année, Netflix enregistre en moyenne un taux de rotation volontaire de 3 à 4 % et un taux de rotation involontaire (personnes licenciées) d’environ 8 %. À emporter
« Afin d’encourager vos chefs d’équipe à se focaliser sur la performance, apprenez-leur à utiliser le test du gardien […].
Éviter les systèmes de classement qui créent de la compétition Internet et découragent la collaboration.
Pour une culture de la performance, la métaphore de l’équipe sportive est meilleure que celle de la famille. Encouragez vos managers à développer l’engagement, la cohésion et la camaraderie, tout en vous assurant que chaque joueur est à la bonne place.
Lorsque vous réalisez que vous devez laisser partir quelqu’un, au lieu de le mettre sur un certain type de PIP (performance improvement plan), ce qui est humiliant et coûteux sur le plan organisationnel, prenez tout cet argent et donnez-le à l’employé sous la forme d’une généreuse indemnité de départ.
L’inconvénient d’une culture de haute performance est que les employés peuvent avoir l’impression que leur emploi est en jeu. Pour réduire cette peur, encouragez-les à utiliser le test du gardien avec leurs managers […].
Lorsqu’un employé s’en va, parlez-en ouvertement avec l’équipe et répondez à leurs questions avec franchise. Cela diminuera leur peur d’être le suivant et augmentera la confiance envers l’entreprise et la direction. » (La Règle ? Pas de règles ! p. 186)
Chapitre 8. Maximisez la franchise « La franchise, c’est comme aller chez le dentiste » Les nouvelles personnes qui rejoignent Netflix sont souvent stupéfaites de voir à quel point la franchise fait partie intégrante de la culture de l’entreprise. Pour ces personnes qui viennent d’entreprises où l’on commande et contrôle, il n’est pas évident de se mettre soudain à signaler à son patron ce qu’il fait bien ou mal ! Mais comme le dit Reed Hastings : « La franchise, c’est comme aller chez le dentiste. Même si vous encouragez tout le monde à se brosser les dents quotidiennement, certains ne le feront pas. Ceux qui le font risquent quand même de ne pas voir les endroits inconfortables. Je ne peux pas garantir que la franchise que nous encourageons se produise tous les jours ». (Reed Hastings, La Règle ? Pas de règles ! chapitre 8) Dans de nombreuses entreprises, l’examen annuel des performances est le mécanisme qui permet de donner du feedback aux employés, mais celui-ci ne va que dans une seule direction et ne provient que d’une seule personne. Netflix a choisi d’utiliser un autre mécanisme : les feedbacks à 360°, écrits et en direct. Des évaluations écrites à 360 degrés Un 360 écrit est un rapport auquel n’importe qui chez Netflix peut ajouter ses commentaires. Sa préparation se fait dans le cadre d’un exercice annuel. En moyenne, les employés de Netflix reçoivent un retour d’information sur leurs performances de la part d’au moins 10 de leurs pairs. Ces commentaires sont signés par la personne qui les donne. Si vous voulez plus de détails, vous pouvez ainsi aller les voir pour en discuter. Par ailleurs, les employés sont amenés à évaluer leur patron dans le cadre de ces évaluations écrites à 360°, ce qui donne lieu à des discussions animées ! Les 360 degrés en direct En plus des évaluations écrites, Netflix organise des évaluations en direct. Comme leur nom l’indique, il s’agit de séances de feedback en présentiel durant lesquelles il est possible d’identifier et de désamorcer les tensions latentes au sein de l’équipe. Voici quelques caractéristiques de ces Live 360 :
Elles ont souvent lieu au cours d’un dîner ; Un groupe de 10 à 12 employés est la taille optimale ; Il est préférable de mandater un modérateur fort qui peut intervenir si la discussion s’écarte du sujet ; Les participants sont invités à donner un feedback constructif de type 4A ; Un équilibre d’environ 25 % de feedback positif et de 75 % de feedback de développement (choses à améliorer) est souhaité.
Voici quelques astuces supplémentaires données par Reed Hastings : « Les premières interactions de feedback donneront le ton de la soirée. Choisissez un récepteur de feedback qui recevra un feedback difficile avec ouverture et appréciation. Choisissez un donneur de feedback qui donnera le feedback difficile, tout en respectant les directives des 4 A. Souvent, le patron choisit d’être le premier à recevoir. Les 360° en direct fonctionnent en raison de notre forte densité de talents et de notre politique “pas d’abrutis brillants”. Si vos employés sont immatures, ont une mauvaise attitude ou manquent de confiance en eux pour montrer leur vulnérabilité en public, vous n’êtes peut-être pas prêt à organiser ces événements. Et même si vous êtes parfaitement prêt, vous aurez besoin d’un modérateur solide qui s’assurera que tous les commentaires s’inscrivent dans le cadre des 4 A et interviendra si quelqu’un dit quelque chose de déplacé ». » (Reed Hastings, La Règle ? Pas de règles ! Chapitre 8) À emporter
« La franchise, c’est comme aller chez le dentiste. Même si vous y encouragez tout le monde, certains ne le feront pas. Et même ceux qui le font peuvent encore avoir des soucis. Une séance approfondie tous les six à douze mois garantit des dents propres et un système de rétroaction en parfait état.
Les évaluations de performance ne sont pas le meilleur mécanisme pour un environnement de travail franc, principalement parce que les commentaires ne vont généralement que dans un sens (vers le bas) et ne proviennent que d’une seule personne (le patron).
Un rapport écrit à 360 degrés est un bon mécanisme de rétroaction annuelle. Toutefois, évitez l’anonymat et les notes numériques, ne liez pas les résultats à des augmentations ou des promotions, et ouvrez les commentaires à quiconque est prêt à les donner.
Les dîners en direct à 360 degrés sont un autre processus efficace. Prenez plusieurs heures, loin du bureau. Donnez des instructions claires, suivez les directives de retour d’information A4 et utilisez la méthode “Démarrer, Arrêter, Continuer” en cherchant à obtenir environ 25 % de positifs, 75 % de développement, tous exploitables et sans peluches. » (La Règle ? Pas de règles ! p. 204)
Chapitre 9. Dirigez en fonction du contexte, ne contrôlez pas Informer ses employés de la situation La plupart des organisations ont des dirigeants qui contrôlent tout ce qui se passe. Un patron approuve les initiatives à poursuivre et gère le temps de ses subordonnés directs. Un patron peut vérifier fréquemment pour corriger un travail qui n’est pas conforme aux normes, ou donner aux employés le pouvoir d’utiliser leur discrétion dans le cadre des contrôles mis en place. Diriger avec le contexte est beaucoup plus difficile car cela donne beaucoup plus de liberté et de discrétion aux employés. En tant que manager ou chef d’équipe, vous fournissez suffisamment d’informations pour que les employés comprennent la situation, puis vous leur faites ensuite confiance pour prendre de bonnes décisions et travailler sans surveillance. Le principal avantage de diriger en tenant compte du contexte est que chacun apprend à prendre de bonnes décisions par lui-même. Les trois conditions réunies chez Netflix Netflix a toujours suivi la philosophie selon laquelle il est préférable de diriger en fonction du contexte plutôt que de contrôler. Cela a été rendu possible chez Netflix grâce à ces trois conditions :
L’entreprise a une forte densité de talents. Elle est remplie de personnes qui sont motivées et extrêmement talentueuses. Ils n’ont pas besoin qu’on leur dise ce qu’ils doivent faire heure par heure et jour par jour. L’objectif de l’entreprise est d’être une force créative et d’innover, et non d’empêcher une erreur dans un système de production qui fabrique des millions de produits chaque année. Le PDG de Netflix est un ingénieur en logiciel et comprend que l’entreprise doit être un système à couplage lâche. Dans ce type de système, la conception des composants se fait de manière à pouvoir s'adapter sans devoir revenir en arrière et modifier la base. Cela rend Netflix flexible, avec une prise de décision décentralisée.
L’étoile Polaire de l’entreprise Quelques fois par an, Reed Hastings réunit les dirigeants de Netflix du monde entier pour une réunion de deux jours afin de s’assurer que tout le monde comprend l’« étoile polaire » de l’entreprise, c’est-à-dire la direction générale prise par Netflix. Des mémos sont ensuite envoyés via Google Docs à chaque employé de l’entreprise pour expliquer le contexte partagé lors de ces réunions. Tous les employés de l’entreprise ont ainsi le même accès à ces informations contextuelles. Puis, entre ces grandes réunions, l’équipe dirigeante organise des réunions individuelles avec chaque employé, une fois par an. Cela lui permet de comprendre le contexte en détail et cela permet aussi de mettre en évidence tout ce qui ne fonctionne pas (excès de dépenses, par exemple). La métaphore de l’arbre, plutôt que celle de la pyramide La plupart des organisations ont un organigramme qui ressemble à une pyramide. Netflix, quant à lui, ressemble à un arbre plutôt qu’à une pyramide. Le PDG est à la racine de l’arbre et le nourrit en lui fournissant un contexte. Il soutient les cadres supérieurs, qui à leur tour soutiennent les branches extérieures où les décisions sont prises. Par exemple :
En octobre 2017, Reed Hastings a déclaré aux hauts dirigeants de l’entreprise que la croissance internationale était la priorité absolue de Netflix et son plus gros moteur de revenus. Ted Sarandos, le directeur du contenu de Netflix, a décidé que, par conséquent, Netflix devait « prendre de gros risques et apprendre beaucoup » sur ces marchés internationaux. Il a déclaré à ses collaborateurs que Netflix devait devenir une machine à apprendre internationale. Melissa Cobb, qui rend compte à Ted Sarandos, a décidé que la seule façon d’y parvenir était que Netflix fournisse du matériel de qualité provenant du monde entier. Pour elle, il s’agit de « faire venir des cabanes de glace et des huttes de terre à Bangkok ». Dominique Bazay, qui rend compte à Melissa Cobb, a fait part de ses réflexions sur le contenu mondial et a décidé de viser haut pour tout contenu d’animation préscolaire qu’elle développe. Aram Yacoubian, qui rend compte à Dominique Bazay, était responsable de l’acquisition de contenu en Inde. Il a tenu compte de cette idée lorsqu’on lui a présenté une émission produite localement intitulée Mighty Little Bheem. Aram a acheté l’émission pour Netflix, mais a également donné de l’argent aux créateurs locaux pour améliorer l’animation. L’émission a été lancée en avril 2019, et en trois semaines, elle était devenue l’une des séries animées les plus regardées de Netflix. Elle compte désormais 27 millions de vues.
« La décision d’Aram d’acheter Mighty Little Bheem est un exemple clair de la manière dont Netflix dirige en fonction du contexte. Chaque leader, de moi-même à la racine de l’arbre jusqu’à Dominique au niveau de la branche intermédiaire, établit un contexte qui éclaire la décision d’Aram. Mais c’est Aram lui-même, en tant que capitaine informé, qui décide des émissions à acheter. Chez Netflix, il y a beaucoup d’histoires d’employés de niveau inférieur qui prennent des décisions financières de plusieurs millions de dollars sans l’approbation du patron. Les personnes extérieures sont souvent perplexes quant à la manière dont cela peut fonctionner dans une organisation financièrement responsable. La réponse est simple : c’est à cause de l’alignement ». » (Reed Hastings, La Règle ? Pas de règles ! Chapitre 9) À emporter
« Afin de diriger avec le contexte, vous devez avoir une densité de talents élevée, votre objectif doit être innovant (pas de prévention des erreurs) et vous devez fonctionner dans un système à couplage lâche.
Une fois ces éléments en place, au lieu de dire aux gens quoi faire, alignez-vous au pas de course en fournissant et en débattant de tout le contexte qui leur permettra de prendre de bonnes décisions.
Quand l’un des vôtres fait quelque chose de stupide, ne blâmez pas cette personne. Au lieu de cela, demandez-vous quel contexte vous n’avez pas réussi à définir. Êtes-vous suffisamment cohérent et inspirant au moment d’exprimer vos objectifs et votre stratégie ? Avez-vous clairement expliqué toutes les hypothèses et les risques qui aideront votre équipe à prendre les bonnes décisions ? Êtes-vous aligné avec vos employés sur la vision et les objectifs ?
Une organisation faiblement couplée devrait ressembler à un arbre plutôt qu’à une pyramide. Le patron est à la racine, soutenant le tronc des cadres supérieurs qui soutiennent les branches extérieures où se prennent les décisions.
Vous savez que vous dirigez avec succès avec le contexte lorsque vos employés font avancer l’équipe dans la direction souhaitée en utilisant les informations qu’ils ont reçues de vous et de ceux qui vous entourent pour prendre eux-mêmes d’excellentes décisions. » (La Règle ? Pas de règles ! p. 254)
Section 4. Devenir global Chapitre 10. Apportez tout au monde ! Une entreprise « sans règles » peut-elle se développer facilement à l’international ? Entre 2011 et 2015, Netflix s’est développé en s’implantant dans plusieurs pays à la fois. En 2016, l’entreprise a pris la décision de se lancer dans 130 pays en un jour ! La grande question était de savoir si la culture d’entreprise « sans règles » de Netflix fonctionnerait dans le monde entier. Pour s’adapter à la croissance internationale, Netflix a établi une carte culturelle d’entreprise en fonction de sept dimensions et comportements. Cette méthodologie était basée sur l’ouvrage de Erin Meyer, The Culture Map. Une fois que Netflix a identifié sa propre culture d’entreprise, l’entreprise a pu la comparer aux cultures des pays dans lesquels la société s’implantait. Cette carte comparative a ensuite servi de guide pour adapter la culture d’entreprise de Netflix aux préférences locales. Par exemple, dans certains pays, les employés sont naturellement prédisposés à consulter des guidelines ou à demander la permission lorsqu’ils prennent des décisions, plutôt que d’utiliser leur propre jugement. La carte culturelle l’a mis en évidence, et c’est pourquoi Netflix a pris soin de former les employés locaux sur la manière de procéder. Une fois qu’ils ont pris le coup de main, ces employés ont généralement aimé la liberté que cela leur donnait, même si cela était contraire à leurs habitudes. Ces cartes culturelles ont aidé Netflix à anticiper et à gérer les problèmes d’adaptation locale au fur et à mesure que l’entreprise se mondialisait. Les défis pour l’avenir C’est un premier défi : apprendre à adapter la culture de la liberté et de la responsabilité dans d’autres pays, tout en prenant en compte les différences culturelles. Voici la conclusion du PDG de Netflix, Reed Hastings. « À l’ère de l’information, dans de nombreuses entreprises et au sein de nombreuses équipes, l’objectif n’est plus la prévention des erreurs et la reproductibilité. Au contraire, c’est la créativité, la vitesse et l’agilité. À l’ère industrielle, l’objectif était de minimiser la variation. Mais aujourd’hui, dans les entreprises créatives, la maximisation de la variation est plus essentielle. Dans ces situations, le plus grand risque n’est pas de commettre une erreur ou de perdre la cohérence ; c’est de ne pas réussir à attirer les meilleurs talents, à inventer de nouveaux produits ou à changer rapidement de direction lorsque l’environnement se modifie. La cohérence et la répétitivité ont plus de chances d’étouffer les idées nouvelles que d’apporter des bénéfices à votre entreprise. Un grand nombre de petites erreurs, bien que parfois douloureuses, aident l’organisation à apprendre rapidement et constituent un élément essentiel du cycle d’innovation. Dans ces situations, les règles et les processus ne sont plus la meilleure réponse. Une symphonie n’est pas ce que vous recherchez. Laissez le chef d’orchestre et les partitions derrière vous. Créez plutôt un groupe de jazz. Le jazz met l’accent sur la spontanéité individuelle. Quand tout s’assemble, la musique est magnifique. » (Reed Hastings et Erin Meyer, La Règle ? Pas de règles ! Chapitre 10)
Conclusion sur « La Règle ? Pas de règles ! Netflix et la culture de la réinvention » de Reed Hastings et Erin Meyer : Un livre qui vous dévoile la culture d’entreprise de Netflix et qui vous propose de l’appliquer à votre organisation
« Netflix est différent. Nous avons une culture où aucune règle ne prévaut. » (Reed Hastings, La Règle ? Pas de règles ! Introduction)
Ce livre intéressera tous les entrepreneurs qui cherchent de nouvelles méthodes de gestion. Le présupposé du livre est simple : c’est en considérant ses collaborateurs comme des adultes, à la fois libres et responsables, qu’une entreprise peut atteindre des sommets et se renouveler sans cesse. Autrement dit, il faut privilégier la communication et tout faire pour que les employés soient conscients des enjeux de l’entreprise. À partir du moment où ceux-ci sont talentueux et intelligents, ils auront à cœur de faire évoluer votre affaire et de stimuler les autres à faire de même. Ce qu’il faut retenir de « La Règle ? Pas de règles ! Netflix et la culture de la réinvention » de Reed Hastings et Erin Meyer : Voici votre plan d’action, si d’aventure vous souhaitez placer vos pas dans ceux de Netflix et créer une culture de liberté et de responsabilité pour votre propre entreprise. Tout d’abord (section 1) :
Créez une pépinière de talents parmi vos collaborateurs (chapitre 1) ; Faites croître la franchise (chapitre 2) ; Supprimez les contrôles (vacances, voyages, dépenses - chapitres 3 a et b).
Ne vous arrêtez pas ! Continuez exactement dans ce sens (section 2) :
Améliorez sans cesse le niveau de talents dans vos équipes (chapitre 4) ; Gonflez à bloc la sincérité (chapitre 5) ; Éliminez les contrôles restants et instaurez l’autonomie dans la prise de décision (chapitre 6).
Oui, oui, une seule recette, aller encore plus loin dans cette direction. Voici quelques outils (section 3) :
Le test du gardien vous permettra d’atteindre des taux d’excellence records (chapitre 7) ; Les feedbacks constructifs à 360 degrés garantiront un maximum d’honnêteté (chapitre 8) ; L’explication du contexte, plutôt que le contrôle, vous permettra de gérer vos équipes (chapitre 9).
Vous vous sentez pousser des ailes ? Passez donc à la vitesse supérieure et devenez global (section 4) :
En exportant votre modèle tout en prenant en compte les différences culturelles des pays dans lesquels vous vous implantez (chapitre 10).
Points forts :
Un livre bien écrit et original ; Une entrée dans les coulisses du géant de nos salons ; Des conseils pour croître comme Netflix et transformer sa culture d’entreprise.
Point faible :
Le format de l’ouvrage, qui fait dialoguer les deux auteurs en proposant une citation après l’autre, peut surprendre au départ. Mais une fois qu’on s’y est habitué, c’est plutôt agréable.
Ma note : Avez-vous lu le livre de Reed Hastings et Erin Meyer « La Règle ? Pas de règles ! Netflix et la culture de la réinvention »? Combien le notez-vous ? [ratings] Visitez Amazon afin de lire plus de commentaires sur le livre de Reed Hastings et Erin Meyer «La Règle ? Pas de règles ! Netflix et la culture de la réinvention » Visitez Amazon afin d’acheter le livre de Reed Hastings et Erin Meyer « La Règle ? Pas de règles ! Netflix et la culture de la réinvention »
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Résumé de « La boîte à outils du coaching » de Belkacem Ammiar et Omid Kohneh-Chahri : un manuel conçu pour les coaches en entreprise (coaching de dirigeants, de managers et d’équipes) et qui fait déjà référence, puisqu’il en est déjà à sa troisième édition ! Par Belkacem Ammiar et Omid Kohneh-Chahri, 2019, 192 pages. Chronique et résumé de « La boîte à outils du coaching » de Belkacem Ammiar et Omid Kohneh-Chahri
Les auteurs Les deux auteurs sont coaches de dirigeants. Belkacem Ammiar est membre du cabinet Koan-coaching. Il enseigne dans différentes écoles supérieures et en université. Omid Kohneh-Chahri, quant à lui, est fondateur du cabinet de coaching Awareness & Development. Il forme également des coaches au sein de l’équipe pédagogique de Transformance. Avant-propos L’ouvrage est conçu en fonction des trois grands types de relations qu’un coach doit développer :
La relation avec lui-même ; Celle avec la personne accompagnée ; Et enfin celle qui peut le lier à des groupes (équipes, organisation).
Il s’adresse aussi bien aux coaches novices qu’aux experts : « Le coach débutant y puisera toutes les ressources nécessaires pour apprendre à cadrer efficacement sa relation avec ses clients tout au long de l’accompagnement de coaching. Quant au coach confirmé, il pourra apprendre à développer sa posture toujours très paradoxale qui consiste à “aider l’autre à apprendre à se débrouiller seul et à trouver lui-même ses solutions”. » (La boîte à outils du coaching, p. 6) Une posture paradoxale, en effet, qui est toutefois rendue praticable grâce aux outils de référence présentés ici, qui proviennent des différents courants majeurs du coaching, à savoir :
La psychologie humaniste ; L’analyse transactionnelle ; La programmation neurolinguistique (PNL) ; « L’élément humain » de Will Schutz ou CNV ; La culture CT (coach & team) ; L’approche systémique ; Le développement organisationnel (organisational development) et le codéveloppement.
Dossier 1 — Se préparer au coaching Ce dossier explore la notion de qualité d’être et étudie, tout particulièrement, les quatre capacités indispensables pour exercer en tant que coach professionnel. Quelles sont ces quatre capacités ?
La disponibilité pour son client ; La connexion avec soi-même ; L’agilité et la flexibilité des modes d’intervention ; Une attitude claire par rapport à l’argent.
Outil 1 – La centration Se centrer, c’est prendre le temps de porter attention à soi et, tout particulièrement, à sa respiration. Cette technique s’inspire clairement de la méditation. Vous commencez par :
Respirer profondément ; Puis vous passez en revue et relâchez chacun de vos membres ; Enfin, vous êtes dans un état centré, concentré sur le flux d’air qui vous traverse.
Utiliser cette technique simple vous permettra d’accueillir plus facilement l’autre, parce que vous serez plus calme vous-même. Elle vous permet d’explorer vos émotions et ainsi de mieux vous connaître. Notez que cet outil (ou ces outils, si on dissocie relaxation et centration) peut être proposé au client. En situation de stress, leur maîtrise pourra l’aider à décompresser et à prendre du recul. Outil 2 – La troisième écoute Pour comprendre la signification de cette expression, il faut savoir ce que sont les deux premières écoutes :
D’abord, le coach écoute le discours verbal (ce qui est dit) de son client ; Ensuite, le coach écoute le discours non verbal (manifestations corporelles) et les rapports entre celui-ci et le premier.
La troisième écoute est dirigée vers le coach lui-même. Il n’écoute plus le client, mais lui-même. C’est-à-dire ? Lorsqu’il reçoit un signal venant de son coaché, quel que soit le canal (une intuition, une pensée réfléchie, une émotion, etc.), il prendra le temps de vérifier si ce stimulus provient bien de l’interaction avec le coaché. S’il décide ou reconnait que ce signal « appartient » bien à l’interaction présente avec le coaché, il pourra agir de la façon la plus appropriée vis-à-vis de ce dernier. Si ce signal vient du coaché lui-même, il le laissera de côté le temps de la séance. Outil 3 – Le poisson-canne à pêche Cet outil a été conçu par Vincent Lenhardt. Il porte sur la question de la posture à adopter en situation du coaching. Comment agir ? Faut-il résoudre les problèmes pour le client (donner du poisson) ou lui permettre de trouver seul la voie de sortie (offrir une canne à pêche) ? Ce dilemme est typique de la pratique du coach. Bien sûr, l’objectif du coaching est d’amener le client à une autonomie complète. Toutefois, par principe, cela signifie que ce n’est pas (toujours) le cas au moment de l’interaction. En fonction du degré d’autonomie et de maturité, mais aussi de l’urgence de la situation et de l’état émotionnel du client, le coach peut donc décider d’agir dans un sens ou dans un autre (poisson ou canne à pêche). Cela implique :
De comprendre la situation ; Puis de choisir sa posture en connaissance de cause (chaque posture ayant ses avantages et ses inconvénients).
L’avantage principal de la posture poisson est d’agir vite, mais le risque pour le client est de rester dans une posture passive, en attente du « sauvetage » du coach. Au contraire, l’autre posture responsabilise le client, mais ne fonctionne pas si l’urgence se marie à un état émotionnel instable du client. Outil 4 — Déterminer le prix d’une intervention Pouvoir déterminer et justifier le prix d’une prestation est capital pour le coach. Être au clair avec cet aspect donne des gages de confiance. Comment faire ? Il faut commencer par analyser et cerner la problématique du client, ce qui implique de déceler ses objectifs (au cours d’une première séance). Une session complète de coaching est habituellement composée de dix séances de deux heures. Afin de définir le prix de l’intervention, il faut ensuite connaître les prix du marché. À titre indicatif, le taux horaire standard d’un coaching de dirigeant est de 600 € (et de 400 € pour un coaching de manager). Ce prix inclut la préparation du coach. Le coach doit analyser son rapport à l’argent en se posant la question de :
Sa valeur ; De sa compétence ; De sa situation par rapport à ses pairs, voire de ses formateurs.
Une sous-évaluation peut être le signe de la création d’un rapport biaisé (le coach se positionne en tant que sauveur, faisant un rabais) ; une surévaluation, en revanche, peut être le signe d’une identité narcissique. Dossier 2 — Préparer son intervention La préparation du coaching est une phase clé de la relation. Mais quels sont les critères de réussite d’une telle étape ?
Parvenir à fixer des objectifs clairs et communs ; Ancrer la démarche dans un contexte précis ; Créer une relation pédagogique avec l’entreprise.
Outil 5 — Établir les objectifs Pas de coaching sans savoir où l’on va. La démarche d’accompagnement est centrée sur l’action et elle a une fin clairement établie dès le départ. Par ailleurs, le client a besoin de buts clairs pour demeurer motivé. L’objectif est décidé lors de la première séance, mais des objectifs secondaires doivent aussi être désignés lors de chaque séance. Il faudra donc :
Définir le « but global » du client ; Puis les objectifs de performance (qui permettent d’atteindre le but global) ; Et enfin décider d’indicateurs de mesure servant à s’assurer du mouvement positif effectué.
Outil 6 — Conduire une réunion tripartite La première séance de deux heures est composée :
D’une première heure avec le client (pour faire connaissance, clarifier sa problématique et préparer la deuxième heure) ; De la deuxième heure, dite « réunion tripartite » durant laquelle un représentant de l’entreprise sera également présent.
L’objectif de cette deuxième heure est de poser le cadre du coaching et de décider des objectifs en commun. Le déroulement en est simple :
D’abord, effectuer un tour de table de présentation ; Ensuite, le coach anime la discussion afin de parvenir à un accord sur les objectifs à atteindre par le coaché.
Outil 7 – Le contrat tripartite « Le contrat tripartite est un document rédigé par le coach à l’issue de la réunion tripartite (voir outil 6), explicitant les objectifs du coaching et les modalités d’intervention. Il s’agit d’un accord entre le coach et la personne accompagnée, son manager et le cas échéant la direction des ressources humaines [dans le cas d’une réunion dite quadripartite]. Un contrat tripartite comprend les rubriques suivantes :
Contexte de la demande ;
Enjeux de l’entreprise ;
Objectifs du coaching ;
Principes du coaching et rôle du coach ;
Modalités d’accompagnement ;
Budget […] ;
Traitement des litiges. » (La boîte à outils du coaching, p. 30)
Le contrat devra être signé par toutes les parties prenantes. À noter : certains coaches préfèrent séparer le contrat dans ses deux parties constitutives — à savoir le contrat de coaching et le contrat d’affaires (avec les parties budget et traitement des litiges). Outil 8 – Le bilan de coaching Réalisé à l’issue de la démarche, il a trois finalités principales :
Exhiber les bénéfices pour l’ensemble des parties prenantes ; Faire le point, de manière réflexive ; Fixer durablement les apprentissages et les changements.
Le coach prendra d’abord une heure pour prendre du recul sur le chemin parcouru avec le client, puis réalisera une autre réunion tripartite d’une heure, au cours de laquelle il animera les interactions et veillera particulièrement à l’aspect factuel des feedbacks ; il s’appuiera sur les indicateurs établis en début de parcours. Outil 9 – L’alliance On parle d’alliance tout court dans le cadre du coaching individuel ou d’« alliance avec l’équipe » dans le cadre d’un coaching collectif. Il y a alliance lorsque les acteurs s’entendent autour :
Des finalités du coaching ; De la qualité de la relation (entente interpersonnelle) ; Du déroulement concret de l’intervention.
Cette connexion devra être créée ou favorisée tout au long du parcours, en s’assurant notamment de :
Actualiser les objectifs ; Donner une réponse honnête, c’est-à-dire prendre position, après écoute, quant à la possibilité de l’accompagnement ; Être clair et pédagogue au sujet de la pratique du coaching ; Fournir un cadre avec des règles de fonctionnement ; Ne pas laisser le client sans réponses à ses interrogations.
Dossier 3 — Écouter et analyser le contexte du client Le coaching diffère de la formation et du conseil. Cela se repère à deux points essentiels.
Le coach considère que la réponse vient du patient : il porte un regard optimiste sur son client en considérant qu’il est plein de ressources, qu’il s’agira de développer ou de dévoiler ensemble ; La relation est cadrée et ce cadre vise à responsabiliser au maximum le coaché, qui devra notamment fournir une demande claire. Le coach, quant à lui, devra toujours veiller à structurer et contextualiser son intervention.
Outil 10 – L’écoute active C'est Carl Rogers, célèbre psychologue humaniste étatsunien, qui a conçu cette méthode. Celle-ci vise à créer un climat d’ouverture et de confiance entre le thérapeute et le client. Elle passe notamment par l'observation du discours non verbal par la reformulation des propos, des ressentis et des émotions. Elle implique authenticité, respect et empathie pour le coaché. Pour écouter de façon bienveillante et profonde, concentrez-vous sur tous les signaux (verbaux, non verbaux, comportements à votre égard) et n’oubliez pas de mettre en œuvre la troisième écoute (outil 2). Pour reformuler efficacement, préférez l’emploi des mêmes mots et expressions que ceux utilisés par votre client. Il existe trois formes de reformulation.
Reflet : vous répétez exactement les propos pour relancer la discussion ; Synthèse : vous demandez des clarifications ou mettez en évidence certains traits de l’interaction en résumant et en additionnant un certain nombre de signaux ; Déductive : faire apparaître clairement et faire valider les croyances ou les idées du coaché.
L’écoute active est l’une des compétences essentielles du coach. Outil 11 – Le questionnement Imprescriptible, il vous servira dans toutes les phases du coaching, afin d’aider votre client à s’orienter, à exprimer ses pensées et ses émotions, ou encore à le faire réfléchir et lui permettre de développer son potentiel et ses capacités de résolution des problèmes. Il est le complément naturel à l’écoute active. Pour bien maîtriser cet outil, le coach devra bien peser ses mots et connaître différents types de questions.
Ouverte : la réponse est laissée totalement libre ; Fermée : une alternative est impliquée dans la question ; Orientée action : l’accent est placé sur la manière (comment) ; Orientée expérience dans le passé : à visée plus réflexive ; Clarification : débrouiller ou illustrer un propos peu compréhensible ; Projection : le coaché est invité à imaginer une situation où le problème est résolu ; Métaphorique : déplacement du regard qui permet de traiter le problème différemment.
Outil 12 – La grille RPBCD Pour comprendre, déplions le sens de cet acronyme.
R comme Réel = qu’en est-il de la situation actuelle du coaché ? P comme Problème = qu’est-ce qui dysfonctionne pour le coaché ? Quel est l’état futur désiré ? B comme Besoin = le coach est amené à poser prudemment une hypothèse sur le besoin sous-jacent (diagnostic) ; D comme Demande = le coach clarifie l’objectif de la séance avec le coaché et le responsabilise ; C comme Contrat = chacun explicite ses attentes, ses capacités d’intervention et les modalités de l’interaction.
Ne prenez pas ceci pour un processus linéaire ; ces cinq niveaux sont reliés de façon dynamique et doivent être adaptés en cours de route. Outil 13 – Le modèle GROW Ce modèle permet de dégager un ordre au questionnement proposé sur l’ensemble de la démarche. Il peut aussi donner lieu à un dialogue rapide, appelé « dialogue de coaching », au cours duquel vous vous assurerez de poser les questions suivantes.
Goal (objectifs) : clarification de l’ambition du client ; Reality (réalité) : exploration de la situation actuelle ; Options : réflexion autour des solutions possibles ; Will (volonté, action) : dessiner un plan d’action et prévoir les obstacles.
Il n’est pas nécessaire d’imposer cette structure de questionnement dès le départ du coaching. La plupart du temps, le client a d’abord besoin de s’y retrouver lui-même et de débrouiller différents nœuds. Utilisez son propre dynamisme, puis lorsque vous considérez que cela est perspicace et judicieux de son point de vue, faites-le entrer dans la démarche. Outil 14 – Les zones d’intervention Très utile dans le cadre d’un accompagnement individuel, ce modèle permet de créer une hiérarchie des problèmes, de planifier leur résolution et ainsi de traiter intelligemment les urgences. Huit zones sont à travailler en profondeur (dans le livre, les auteurs détaillent avec plus de précision le travail à réaliser pour chaque zone) :
Le coach lui-même = est-il au clair avec lui-même ? La relation = est-elle efficace ? Le coaché = a-t-il une bonne estime de lui-même ? La relation coaché — environnement de travail = quelle est-elle ? Le système du coaché = quels sont les dysfonctionnements, les pressions, etc. ? Le problème = une fois posé, comment agir ? Quelle solution « technique » apporter ? La relation entre les autres et le problème posé = comment envisager le problème sous leur angle ? La relation du coaché avec le problème posé = comment gérer son problème, quelles sont les options ?
Outil 15 – Le triangle de Karpman C'est Stephen Karpman, spécialiste de l'analyse transactionnelle, qui a mit en place ce modèle qui fournit des clés de compréhension et d'analyse en matière de communication. Lorsque vous êtes en interaction avec quelqu'un, vous pouvez adopter l'une des trois postures suivantes :
Celle de victime ; De persécuteur ; Ou de sauveteur.
Les situations de malaise relationnel, de conflit ou de manipulation peuvent résulter de l'enfermement de chacun des interlocuteurs dans l'un de ces rôles. Pour utiliser ce modèle, veillez à :
Cerner d’abord le souci de votre client ; Lui exposer les trois rôles (persécuteur, victime, sauveteur) ; Expliquer la dynamique interactive du triangle ; À partir de là, aider le client à s’y repérer, à repenser son problème selon ce schèma et à mettre en place des stratégies d’évitement ou de sortie du triangle.
Attention à ne pas entrer vous-même dans la peau du « sauveteur ». Cela se remarque à une prise de parole trop fréquente et à une trop forte implication dans la résolution des problèmes du client (sans demande de sa part), qui conduisent d’ailleurs le coach à considérer qu’il dépense trop d’énergie dans les séances. Dossier 4 — Intervenir efficacement Comme on l’a vu avec le poisson-canne à pêche, le coach peut intervenir plutôt en conseillant ou plutôt en éveillant l’autonomie du client, selon la situation. L’objectif final est bien d’atteindre l’autonomie, mais le conseil s’avère parfois nécessaire lorsqu’il y a urgence ou lorsque le client ne maîtrise pas certaines notions essentielles (le coach joue alors le rôle d’un « enseignant »). Ce dossier fournit des outils permettant d’agir plutôt dans un sens (outils 16, 20, 21, 26, 27) ou dans l’autre (17, 18, 19, 22, 23, 24, 25). Outil 16 – 3P : Protection, Permission, Puissance En jouant sur ces trois leviers, vous serez en mesure de créer des conditions de travail sereines entre vous et le coaché.
La protection vous permet d'avertir le client contre les conséquences et risques d’une action. La permission est un acte de langage au cours duquel vous autorisez le client à changer de comportement. Enfin, la puissance est le sentiment ressenti par le client, lorsqu'il se sent à la fois autorisé et protégé.
Alors que la protection consiste à dire « non », en pointant les conséquences négatives, la permission consiste à dire « oui », en encourageant le client à explorer et à se transformer. Le coach doit trouver le bon équilibre, en vue de donner un sentiment de confiance en soi à son client. Outil 17 – Le renforcement progressif Ici encore, la confiance en soi est au centre des préoccupations. En soulignant les avancées du coaché, en le motivant et en le soutenant, vous pouvez, en tant que coach, jouer un rôle crucial dans le niveau de cette confiance. Le renforcement positif consiste en :
Une écoute attentive ; La valorisation de la personne ou de l’équipe.
Le renforcement peut être conditionnel ou inconditionnel :
Conditionnel = lié à un résultat obtenu ; Inconditionnel = lié aux caractéristiques intrinsèques de la personne ou de l’équipe.
Outil 18 – Le feedback critique Donner un feedback critique de façon constructive implique de :
Déceler et décrire les faits et les comportements observables ; Relater les conséquences négatives pour le client et son entourage ; Travailler à un changement.
Avoir des retours de personnes bienveillantes est toujours une occasion inestimable d’en apprendre davantage sur soi et ainsi de progresser. Pour que cela fonctionne, la juste balance doit être trouvée entre les critiques et les gestes de renforcement positif. En tant que coach, vous ne devrez pas oublier de vous préparer aux réactions possibles de votre (ou de vos) interlocuteur(s), afin de mieux guider la séance. Outil 19 – La confrontation Cette technique vise à extraire et exhiber les incohérences du client, afin de le faire réfléchir. Elles peuvent apparaître :
Entre deux affirmations ; Entre le discours verbal et le discours non verbal ; Dans le conflit entre les possibilités concrètes et les désirs (buts) ; Entre le comportement général du coaché et ses discours ; Dans la différence entre les valeurs et les actes ; Entre le contrat du coaching et ce que fait le client (si le client annule souvent les séances prévues, par exemple) ; Entre la perception du coach et celle du coaché ; Lorsque le coach a l’impression que le client ment, cache ou déforme la réalité.
La confrontation doit être réalisée avec bienveillance et lorsque le coach se sent bien. L’objectif n’est pas de froisser le client, mais de l’aider à avancer. Outil 20 – La métacommunication La métacommunication permet de dénouer un conflit. Par exemple entre deux acteurs d’une même entreprise. Quelles sont les grandes étapes à ne pas manquer ?
Rappeler, par un exercice, que les parties prenantes agissent sur des cadres de référence distincts ; Montrer que les « visions » qu’ils portent (leur avis sur le problème) dépendent de leur cadre de référence et qu’il n’y a donc pas de solution « unique et absolue » ; Faire un effort d’écoute non critique du cadre de référence de l’autre partie ; Générer un feedback réciproque où chacun résume ce qu’il a compris et ressent à propos du cadre de l’autre et de ses contraintes propres ; Inventer une solution commune.
Outil 21 – Les niveaux de changement Comme coach, vous serez amené à repérer différents niveaux d’intervention et donc de changement. La demande de votre client peut se situer à différents niveaux de profondeur — il vous appartiendra de vous adapter après avoir analysé ce point ; vous devrez parfois orienter le coaché vers d’autres spécialistes (thérapeute, notamment). Vincent Lenhardt a dégagé 7 niveaux :
Outil 22 – La prescription de tâches La technique de prescription des tâches permet au coach d’inviter son client à réfléchir à son évolution et ainsi à favoriser son évolution personnelle. Quels types de tâches le coach peut-il être amené à prescrire ?
Les tâches d’observation visent à collecter des informations sur des situations ; Celles de projection visent à imaginer les bénéfices d’une situation nouvelle ; Les tâches de comportement visent à encourager le client à se dépasser ; Celles dites « paradoxales » visent à débloquer un problème en agissant sur le symptôme.
Ces tâches doivent être prescrites avec soin par le coach (en connaissant le client et en donnant les protections et les permissions nécessaires) et seront réalisées en dehors des séances par le coaché. Outil 23 – Le recadrage « Le recadrage est un mode d’intervention qui vise à générer un changement de regard du client sur sa situation. Sous ce nouvel angle de vue, ce qui était perçu comme une difficulté devient une ressource utile. Il peut s’agir d’un recadrage de point de vue (les angles de perception et la position du point de vue du client sont modifiés), de sens (à partir des mêmes faits, de nouvelles interprétations de la situation sont perçues par le client), de comportement (le client comprend l’aspect positif du comportement qui lui posait problème) ou encore d’un recadrage par parties (voir outil 24). » (La boîte à outils du coaching, p. 82) Assurez-vous :
D’avoir une alliance forte entre vous, le coach, et votre client (voir l’outil 9) ; De bien connaître l’écologie du changement, c’est-à-dire savoir si l’environnement dans lequel il aura lieu sera compatible.
Outil 24 – Le recadrage des parties Il y a plusieurs parties en chacun de nous… Ces parties entrent en conflit les unes avec les autres. Nous voulons rester le même, et en même temps changer. Comment mettre de l’ordre dans tout ça ? Six étapes sont identifiées par les auteurs :
Identification du changement à réaliser ; Prise de contact avec la part de soi-même liée au comportement problématique ; Séparation du comportement en tant que tel et de l’intention positive qu’il comprend ; Création d’un comportement alternatif, non problématique ; Ancrage concret des nouvelles dispositions ; Liaison du nouveau comportement avec l’environnement du coaché.
Outil 25 – La résolution de problèmes par le modèle systémique Lorsqu'une relation fonctionne mal, c'est souvent en raison de blocages autour d'une même problématique. En fait, sans nous en rendre compte, nous mettons en place des solutions qui sont de même nature que le problème et, de cette façon, nous n'arrivons jamais à sortir du cercle vicieux. Pour en sortir, le modèle systémique propose le cheminement suivant :
Clarifiez le problème ; Explorez les tentatives de solutions et trouvez-en le dénominateur commun ; Prescrivez des tâches.
Outil 26 – Les 4 zones de l’identité Grâce à cet outil, vous pourrez créer un diagnostic clair des blocages relationnels ou fonctionnels de vos clients. En repérant les zones problématiques, vous pourrez agir et les renforcer. Tout d’abord, identifiez la zone identitaire perturbée :
S’agit-il d’un problème de reconnaissance interne (confiance en soi et en ses compétences et capacités) ; Le problème vient-il du statut, c’est-à-dire de toutes les couches externes qui font l’identité de la personne (diplômes, carte d’identité, etc.) ? Le souci est-il lié à l’environnement ou au milieu du client, c’est-à-dire à la reconnaissance externe, qui va faire pression sur les trois autres zones ? A-t-il une difficulté vis-à-vis de ses référents externes (ses valeurs, les modèles personnels) ? Généralement, cette quatrième zone est la plus solide, et donc la plus stable.
Après avoir identifié la zone défaillante, vous pourrez la travailler progressivement grâce au questionnement, au renforcement positif ou aux feedbacks. Outil 27 – La grille OSBD Voici un nouvel acronyme ! Les coaches en raffolent. Quelle est la signification de celui-ci ? Laissez-vous guider.
O = Observation (niveau 1) S = Sentiment (niveau 2) B = Besoin (niveau 3) D = Demande (niveau 4)
Il s’agit de quatre niveaux logiques que le coach va démêler analytiquement avec le coaché au cours des séances. Il devra d’abord s’assurer de faire parler le client à propos d’actions précises (premier niveau), puis l’inviter à décrire ses émotions (deuxième niveau). De là, le client pourra déceler la source de son insatisfaction, c’est-à-dire le besoin qui n’a pas été comblé (troisième niveau) et il pourra donc exprimer une demande ou créer un nouveau référentiel d’action (quatrième niveau). Outil 28 – Les degrés d’autonomie Ce modèle issu de l'analyse transactionnelle modélise 4 stades ou états d'une relation :
[L]a dépendance ; [L]a contre-dépendance ; [L]'indépendance ; [E]t l’interdépendance.
Progressivement, la relation va gagner en force et en autonomie. Mais cela n'ira pas sans faire des compromis, ni sans renoncer à certaines attitudes limitantes. L'interdépendance est le degré le plus fort de la relation, dans la mesure où les personnes sont à la fois pleinement autonomes et associées.
Dossier 5 — Améliorer les modes de fonctionnement de l’équipe Découvrez dans ce dossier des « cartes » pour vous aider à vous repérer au sein des équipes et des relations qui s’y nouent, des outils pour mieux communiquer, ainsi que des méthodes ludiques et pédagogiques. Outil 29 — Diagnostiquer le fonctionnement de son équipe Un groupe peut avoir plusieurs formes ou, plus concrètement, une cohésion plus ou moins forte. La grille de lecture proposée ici vous propose de diagnostiquer le type de groupe auquel vous avez affaire. Une équipe évolue selon trois stades :
La collection d’individus (ils sont ensemble mais ne forment pas un tout) ; Le groupe solidaire (les individus s’associent pour réaliser des tâches communes, une identité se constitue, etc.) ; L’équipe performante (une vision partagée permet de souder fortement ses membres qui adaptent constamment leurs rôles à ce qui est attendu par l’équipe).
Le rôle du coach diffère selon l’étape à laquelle se situe le groupe :
Soit créer une symbiose entre le dirigeant et son groupe et entre les personnes (stade 1) ; Ou bien générer plus d’écoute et instaurer un certain nombre de règles (stade 2) ; Ou alors gérer la complexité en s’adressant directement aux acteurs (stade 3).
Outil 30 — Mon, Son, Ton, Notre, Mon Cet outil a une vocation d’intégration, de diagnostic et d’intervention. Intégrer l’ensemble des parties prenantes, repérer les dysfonctionnements et agir au bon endroit (sur la bonne personne ou sur le groupe lui-même). Pour l’appliquer, vous devrez vous questionner de la façon suivante, lorsque vous rencontrez une difficulté (par exemple, un participant récalcitrant) :
Est-ce MON problème (à moi, en tant que coach) ? Est-ce SON problème (si le participant a un problème personnel vis-à-vis duquel il vaut mieux ne pas intervenir en public) ? Est-ce TON problème (lorsque le participant a un problème qui mérite une confrontation et un recadrage public) ? Est-ce NOTRE problème (au groupe en tant que totalité) ? C’est mon problème (au final, quelle que soit son origine, je dois le traiter).
Outil 31 – La matrice RACI Cet outil est utilisé dans le cadre de diagnostics d'équipes, lorsque sont observés des dysfonctionnements en matière de répartition des rôles, des tâches et des responsabilités. Comment le mettre en œuvre ? Quatre étapes sont nécessaires :
Préparez un tableau avec les noms des activités et les noms des personnes de l’équipe ; Formalisez la situation actuelle (demandez à chacun des membres d’inscrire un R, un A, un C ou un I en fonction du rôle qu’il pense jouer pour telle et telle activité de l’équipe) ; Analysez la matrice en pointant du doigt les incohérences ou les contradictions qui émanent des réponses ; Formalisez la situation cible (en redistribuant les rôles de façon concertée et optimale).
Outil 32 – La présentation « binôme, groupe, plénière » Renforcer la cohésion d’une équipe n’est pas toujours aisé, surtout au sein de grandes équipes. Cet outil et le prochain sont spécifiquement consacrés à cette question. Cela passe, bien sûr, par la parole. Comment rassurer et permettre l’éclosion de la parole ? En y allant petit à petit. Tout d’abord, le coach invite chacun à jouer le jeu de la présentation en rassurant sur la confidentialité, mais aussi en proposant à chacun de choisir le degré d’ouverture qui lui convient et en demandant d’adopter une attitude d’écoute bienveillante. Seul, dans un premier temps, chacun va réfléchir aux questions posées par le coach (Qui suis-je ? Quels sont les événements qui m’ont construit ? Quels sont mes projets ? etc.). Ensuite, en binôme, chaque participant va raconter son histoire et se présenter à quelqu’un d’autre, pendant 10 minutes environ. Il écoutera également la présentation de l’autre puis lui fera un feedback de 2 minutes. Au sein de petits groupes ensuite, chacun va se présenter de façon plus concise (3 minutes), tandis que le binôme ajoutera un élément pour compléter la présentation. Enfin, lorsque l’équipe entière sera réunie, chacun se présentera de façon réduite (45 secondes ou une minute maximum). Le coach assurera le bon déroulement de l’ensemble des étapes et proposera une restitution. Outil 33 – Les 2 cercles Autre façon de renforcer la cohésion : l’outil des deux cercles fonctionne de la manière suivante.
Création de deux cercles concentriques avec les membres de l’équipe ; Questionnement « Qui suis-je ? » lancé par le coach (chacun trouve un binôme de l’autre cercle et explore la question) ; Changement (le coach pose une autre question et fait tourner le cercle pour que le binôme change également) ; Restitution au cours de laquelle chacun peut donner son ressenti.
Outil 34 – La banquise Il s’agit d’un jeu visant à analyser et à améliorer l’esprit de collaboration au sein d’une équipe. Avec un tissu, le coach va mimer une banquise et sa disparition progressive (en réduisant sa taille progressivement). Deux fois de suite, il va « réduire la banquise » et demander aux membres de l’équipe de se positionner, puis d’interroger en silence la place qu’ils ont prise. Le coach invitera chacun à se poser des questions telles que :
Suis-je à la bonne place ? À quelle place aurais-je aimé être ? Quel est mon sentiment ? Quel est mon rapport au groupe à cette étape du jeu ?
Outil 35 – La présentation croisée Cet outil fonctionne mieux lorsque les membres d’une équipe se connaissent déjà. Le manager peut animer un séminaire en commençant avec ce jeu de rôles où chacun va présenter son voisin comme si c’était lui-même (c’est-à-dire en première personne), avec humour et légèreté. Grâce à cet outil simple, l’écoute sera renforcée au sein de votre équipe. En tant que coach ou manager, vous pouvez donner un petit temps de préparation et proposer une structure pour la présentation. Outil 36 – Le blason Le blason a 5 parties :
Ma devise ; Le passé (les événements déterminants) ; Le présent (mes plaisirs et mes craintes) ; L’avenir (mes envies, mes projets, mes rêves) ; Mes valeurs.
Après un temps de préparation (une vingtaine de minutes), chaque membre se présentera aux autres grâce à ce blason, en cinq minutes maximum. Si vous souhaitez mettre en place cet exercice, reportez-vous aux conseils plus détaillés de Belkacem Ammiar et Omid Kohneh-Chahri dans l’ouvrage. Outil 37 — MTSI (Management Team Speed Integration) Lorsque quelqu’un arrive dans une équipe, ce n’est pas toujours facile ! Cet outil vous permettra de faciliter son intégration. Le coach joue le rôle d’animation des échanges. D’abord, chaque membre de l’équipe répond à la question : « qu’aurais-je aimé qu’on me dise lorsque j’ai intégré l’équipe ? », puis se présente et propose éventuellement une action à entreprendre avec le nouvel arrivant (un déjeuner ensemble, par exemple). Puis, c’est au tour du nouvel arrivant de prendre la parole et de demander aux autres ce qu’ils voudraient savoir sur lui. En invitant chacun à se rappeler sa propre intégration, cet outil favorise l’empathie et la prise de contact. Outil 38 – Le jeu du pont Cet outil ludique permet d’améliorer la performance et le fonctionnement d’un groupe. Il convient très bien aux équipes de plus de 8 personnes, mais peut être adapté aux équipes plus petites. Le but ? Construire le plus long pont possible, avec des feuilles de papier A4 ! Avec 50 feuilles, une paire de ciseaux et une règle, les participants doivent trouver le moyen de faire traverser le pont à une voiture miniature, sans que celui-ci ne s’écroule bien sûr. Les ponts réalisés par équipes de 6 ou 7 seront testés et les meilleures solutions retenues. Outil 39 – Les 5 carrés « Les 5 carrés est un outil d’analyse d’amélioration du fonctionnement d’une équipe. Il permet au travers de l’observation des échanges et des modes de coopération entre les membres d’une équipe de mettre en évidence le stade de développement de celle-ci et la nature des relations entre ses membres. Il s’utilise en deux temps :
[U]ne première phase de mise en situation au cours de laquelle les membres de l’équipe doivent réaliser une œuvre commune dans le silence (5 carrés) […] ; [U]ne seconde phase de débriefing avec le coach.
Ce retour de la part du coach permet aux participants de prendre conscience de leurs comportements et ainsi de poser les bases de nouveaux modes de travail, plus coopératifs. » (La boîte à outils du coaching, p. 132) Outil 40 – La corde et le carré parfait Exercice de réflexion sur la perfection et sur les représentations individuelles et collectives, il permet de développer la coopération au sein d’une équipe. Il est prévu pour de grands groupes accompagnés dans la durée. Le jeu comporte deux phases principales : d’abord, créer un carré — le plus parfait possible — avec une corde ; ensuite, reproduire ce carré les yeux bandés et sans parler. Cela nécessite la création de stratégies. Il se développe en 6 étapes :
Répartition des rôles (joueur ou observateur, chaque joueur ayant un observateur) ; Introduction du coach (consignes de l’exercice) ; Préparation (les joueurs préparent pendant que les observateurs s’interrogent sur la façon d’agir de leur joueur) ; Réalisation (les yeux bandés) ; Débriefing (point de 40 minutes sur le jeu) ; Conclusions des observateurs.
Outil 41 – La caisse enregistreuse Exercice issu de la métacommunication (voir l’outil 20), il permet à chacun de se rendre compte du caractère relatif de ses interprétations et d’amener l’équipe à fonctionner plus réflexivement et efficacement. Pensez à l’utiliser en séminaire, si votre équipe est déjà bien constituée. Le jeu consiste à répondre à un questionnaire au sujet d’un texte, de façon individuelle d’abord, puis collective (en s’associant et en se mettant d’accord). Un observateur regarde le déroulement des débats. Avant le débriefing, les participants répondent à quelques questions sur leur rôle et leur participation au cours du jeu. L’observateur donne ensuite un feedback en interrogeant tout particulièrement le type de leadership, les méthodes et les valeurs qui se sont dégagées lors de la réalisation de l’exercice. En tant que coach, veillez à ce que l’observateur reste sur ces points et ne dérive pas vers des jugements personnels. Outil 42 – Le jeu du village Comment réfléchir au fonctionnement d'une équipe ? Pourquoi ne pas jouer ! Inventez tous ensemble un village dans lequel vous souhaiteriez vivre. Quels sont les points d'achoppement et les points d'accord ? Où y a-t-il des compromis possibles ? Où se trouvent les points de blocage ? C'est en dialoguant à partir de ce point de départ que vous pourrez prendre conscience de bien des habitudes et valeurs implicites de l'équipe.
Dossier 6 — Établir des relations efficaces Augmenter l’intelligence collective d’un groupe : tel est l’enjeu des exercices proposés ici. Des outils qui permettent tantôt de comprendre et d’adapter sa place au sein d’une équipe, tantôt de soigner les relations entre les membres. Outil 43 – Les baguettes Cet outil, ainsi que le suivant, fournit d’excellentes bases de métacommunication. Si vous voulez cerner les règles de fonctionnement implicites, vous pouvez mettre en place ce jeu simple, mais puissant. Il consiste en :
Trouver un partenaire avec qui jouer ; Maintenir deux baguettes de bois avec les index, en se tenant face à face ; Rester silencieux durant 3 minutes ; Recommencer l’exercice avec un autre partenaire ; Débriefer pour remarquer les différences et inviter chaque participant à la réflexion ; Clore l’exercice.
Outil 44 – La sculpture de chaussures Théoriquement, il s'agit d'analyser comment les acteurs engagés dans un projet s'y positionnent et se comportent au cours de celui-ci. L'outil permettra de déceler ce qui coince à ce niveau. Pour le mettre en œuvre, vous devrez utiliser une grande feuille de papier (format A0) et la placer au sol. Celle-ci représentera le projet ou l’objectif du groupe. Vous demanderez ensuite à chacun de déposer l'une de ses chaussures dans le cadre blanc créé par la feuille. L’analyse du montage ainsi créé vous permettra de déceler des problèmes et de débloquer l’énergie du groupe. Outil 45 – Le décollage de timbres On pourrait également utiliser une autre expression : « vider son sac ». Oui, mais poliment et de façon bienveillante ! Il s’agit de « décoller » les griefs que l’on peut avoir contre les membres de son équipe, pour éviter que ces non-dits n'aboutissent à des conflits larvés ou ouverts. Il n’est pas question de critiquer l’autre, mais avant tout de se faire du bien à soi-même, en se libérant d’une émotion négative. En tant que coach, vous devez vous assurer que l’exercice se déroule dans cette tonalité et que les relations n’ont pas atteint un point de dégradation irréversible. Si les voyants sont au vert, expliquez le cadre, puis procédez par étapes :
Laissez chaque participant réfléchir à ses « timbres » ; Demander à chaque participant d’aller trouver une personne vis-à-vis de laquelle il a un « timbre » et lui demander si elle est d’accord pour clarifier la situation ; Faire décrire le problème en dissociant situation et ressenti (voir l’outil 27) ; Recevoir l’interprétation de la personne ; Éventuellement, lui faire une demande pour clore toute gêne.
Outil 46 – Le petit télégraphiste C’est un exercice qui fonctionne sur le principe des signes de reconnaissance, c’est-à-dire des feedbacks courts et positifs qui rappellent à une personne ce qui va bien. Cet outil implique la sincérité de ses membres. L’ironie n’est pas permise. Le déroulement est simple : chaque participant va utiliser un carton pour rédiger une caractéristique positive (par exemple, sur le mode : « Ce que j’apprécie chez toi, c’est… ») et réfléchir à la conditionnalité de cette caractéristique (liée à une situation précise ou à la personnalité du membre de l’équipe), puis signer le carton. Après ce temps de préparation d’une quarantaine de minutes, le jeu consiste à énoncer dans les yeux le signe de reconnaissance à la personne choisie. Celle-ci ne remercie ni ne « rend » rien dans l’immédiat, mais prend simplement le temps d’accepter le retour et énonce à son tour le signe de reconnaissance à la personne qu’elle avait choisie (un autre interlocuteur). Le jeu se termine lorsque tous les participants ont énoncé/reçu leur feedback. Outil 47 – La chaise chaude Ici encore, l'enjeu consiste à apaiser les relations au sein d'une équipe et à lui redonner de la vigueur. Le fonctionnement est simple. Chacun à leur tour, les membres de l'équipe vont se placer sur une chaise en face des autres et écoutent ce que ceux-ci ont à dire. Bien entendu, le coach doit veiller à ce que chacun s’exprime :
Simplement ; Directement ; Sincèrement ; De façon bienveillante.
Une fois que tous les collaborateurs sont passés sur la chaise, les nœuds se sont normalement débloqués, puisque tout le monde a pu s'exprimer calmement. Dossier 7 — Construire un collectif performant Comment promouvoir l’échange d’informations au sein de grands, voire de très grands groupes ? Comment avoir des objectifs communs, construits par les parties ? Comment renforcer l’intelligence collective des équipes ? Telles sont les questions posées dans ce dernier dossier. Outil 48 – Le partage des représentations Parfois, les réunions finissent dans l’affrontement et dans l’enfermement dans sa propre perspective. Ce n’est pas idéal ! Voici comment fluidifier les relations en trois étapes :
Réfléchir à la question posée (par le coach) et l’écrire ; Partager la réflexion/être dans une situation d’écoute active (pour ceux qui ne présentent pas) ; Construire une solution commune.
En tant que coach, veillez bien à faire émerger les cadres de référence de chaque personne. Outil 49 – La marguerite holomorphique « La marguerite holomorphique est un processus de travail utilisé en coaching d’organisation permettant de faire travailler un grand groupe — plusieurs services par exemple — autour de sujets majeurs pour l’entreprise. Au cours de l’exercice, chaque participant aura un rôle actif et devra tour à tour contribuer en sous-groupe à l’un des sujets, exposer la synthèse des réflexions de son sous-groupe au reste de l’équipe, recueillir et intégrer les remarques et propositions d’amélioration de ces derniers. Cet exercice est appelé “holomorphique” car à son issue, chacun a pu contribuer ou réagir sur tous les sujets majeurs de l’organisation puis repartir avec une compréhension partagée de ceux-ci. » (La boîte à outils du coaching, p. 170) Précisez votre compréhension de cet outil en consultant les conseils de Belkacem Ammiar et Omid Kohneh-Chahri, p. 170-173. Outil 50 – La vision partagée Il s’agit d’un processus pouvant être bouclé en une journée, comprenant cinq grandes étapes :
Réfléchir ; Présenter ; Clarifier ; Communiquer sur les à-côtés, ressentis, etc. (métacommunication) ; Élaborer la vision.
Pensez à préparer l’équipe en amont, notamment en lui exposant les affinités de cet outil avec l’outil 48 (les deux peuvent aller de pair) et en introduisant le propos théoriquement grâce à l’outil 29. Outil 51 – Le hérisson de Colins Jim Collins est à l'origine de cet outil. Plutôt que de modéliser l'avancée d'une entreprise à partir de la métaphore du loup ou du requin, ouvert à toutes opportunités et agressif, Jim Collins choisit la figure du hérisson, qui avance relativement aveugle aux circonstances, mais selon une stratégie clairement définie. Celle-ci, dit-il, forme l'intersection de trois cercles. Quels sont ces trois cercles ?
Le domaine dans lequel vous excellez ; Votre passion, ce que vous aimez le plus ; Ce qui est utile et économiquement recherché.
Vous pouvez utiliser cet outil pour aider une équipe à repenser ses objectifs. Outil 52 – La réunion déléguée Dans ce type de dispositif, cinq positions doivent être tenues :
Leader d’équipe = celui qui prend les décisions ; Modérateur, facilitateur = celui qui gère l’énergie de la réunion ; Coach = celui qui observe et donne un feedback ; « Cadenceur » = celui qui rythme la réunion ; Pousse-décision = celui qui enregistre les décisions.
C’est un autre mode de réunion, qui pourra être testé en coaching collectif. Veillez, en tant que coach, à préparer le leader d’équipe en coaching individuel, afin qu’il ne ressente pas l’expérience de façon négative. Outil 53 – Le groupe de codéveloppement professionnel Cet outil développé par Alain Payette a beaucoup de succès dans le coaching d’équipe. Il permet de conscientiser les membres d’une équipe quant à la richesse du groupe et de stimuler l’intelligence collective. Ce n’est pas le consensus qui est visé ici, mais l’exploration des points de vue. Il faut donc encourager la divergence. Comment ? En choisissant et en préparant, d’abord, le sujet à traiter. Et ensuite ?
Exposer la problématique à un membre qui va jouer le rôle du client ; Clarifier la problématique (questions/réponses) ; Formuler la demande (le client fait une proposition en termes de contenu et de procédure) ; Réagir et suggérer des modifications ; Synthétiser les propos et générer un plan d’action ; Identifier les apprentissages et évaluer la séance.
Outil 54 – Le World Café Le World Café est une méthode qui a pour objectif de faire croître l’intelligence collective d'une équipe. Elle se déroule en trois étapes :
Débats en petits groupes autour de thématiques décidées à l'avance ; "Fertilisation croisée", c'est-à-dire passages de tables en tables pour contribuer aux autres questions en cours ; Consolidation, c'est-à-dire restitution et consolidation des acquis des discussions au cours d'une assemblée plénière.
Outil 55 – Le Forum Ouvert Cette méthode cherche à tirer parti d’un constat simple : les échanges les plus fructueux se font le plus souvent… à la machine à café ! L’idée consiste dès lors à « mixer » la forme de la réunion avec la pause-café. Cet outil fonctionne très bien pour les grands groupes, puisqu’il est pensé pour coordonner de grandes assemblées, où différentes réunions (sur des thèmes à l’ordre du jour) sont organisées en parallèle. Plusieurs salles et environnements (dont un espace pause permanent) devront être aménagés. Veillez à ce que les participants soient volontaires et intéressés par les questions posées (par exemple, en proposant le thème général du séminaire plusieurs semaines en avance). Par ailleurs, pour mettre en place le Forum Ouvert, vous devrez commencer par créer un cercle de participants et distinguer entre :
Le facilitateur, qui se place au centre du cercle des personnes et explique les principes de ce type de réunion ; Les initiateurs, qui viennent à leur tour au centre du cercle pour proposer des sujets à mettre à l’ordre du jour de la réunion. Des abeilles, qui iront et viendront d’une réunion à l’autre ; Des papillons, qui préféreront la pause ou discuter autour d’un café.
Conclusion sur « La boîte à outils du coaching » de Belkacem Ammiar et Omid Kohneh-Chahri : Un manuel pour apprendre à coacher les dirigeants et les équipes : Ce livre fera le bonheur des hommes et des femmes d’action, dirigés vers l’efficacité et le consensus. Il offre une panoplie d’outils adaptés à des situations très diverses. Si vous êtes coach débutant, vous y trouverez les moyens de gagner en confiance dans votre pratique ; si vous êtes un coach confirmé, ce livre pratique renouvellera votre approche du métier, en vous proposant de nouveaux outils ou en approfondissant vos connaissances sur certains thèmes connus. Ce qu’il faut retenir de « La boîte à outils du coaching » de Belkacem Ammiar et Omid Kohneh-Chahri : Comme les autres ouvrages de la collection « La boîte à outils », La boîte à outils du coaching se singularise par sa présentation claire et par son aspect pratique. Retenez donc la chose suivante : vous ne trouverez peut-être pas ici de grands principes théoriques (toutefois, vous pourrez vous référer à la bibliographie intéressante placée à la fin de l’ouvrage), mais si vous êtes en panne d’inspiration pour dynamiser vos équipes ou redonner du sens à votre action, vous y trouverez certainement l’outil qui convient ! Points forts :
Un style clair et un ton adapté au lectorat ; Une absence de jargon, mais une description précise des outils ; Une présentation efficace en 55 outils ; Des cas d’entreprises présentés en « bonus ».
Point faible :
Ceux et celles qui chercheraient de grands principes théoriques ne les trouveront pas et seront renvoyés vers les références essentielles du coaching, qui vont de l’analyse transactionnelle à la programmation neurolinguistique, en passant par la métacommunication.
Ma note : Avez-vous lu le livre de Belkacem Ammiar et Omid Kohneh-Chahri « La boîte à outils du coaching » ? Combien le notez-vous ? [ratings] Visitez Amazon afin de lire plus de commentaires sur le livre de Belkacem Ammiar et Omid Kohneh-Chahri « La boîte à outils du coaching » Visitez Amazon afin d’acheter le livre de Belkacem Ammiar et Omid Kohneh-Chahri « La boîte à outils du coaching »
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Résumé de « La boîte à outils de l’efficacité personnelle » de Pascale Bélorgey : un manuel qui propose pas moins de 71 outils clés en main et 12 témoignages vidéo(s) pour améliorer son organisation et mieux gérer son temps au travail, notamment. Par Pascale Bélorgey, 2019, 192 pages. Chronique et résumé de « La boîte à outils de l’efficacité personnelle » de Pascale Bélorgey
Mode d’emploi La boîte à outils de l'efficacité professionnelle est un manuel composé de 6 dossiers, comprenant chacun entre 9 et 13 outils permettant d’améliorer l’efficacité professionnelle. Chaque dossier traite un problème d’organisation en particulier. Par exemple, le dossier n° 1 offre des ressources pour « sortir la tête de l’eau », tandis que le dossier n° 5 propose d’« étendre son influence ». L’ouvrage peut se lire de façon linéaire ou se consulter à votre guise, selon vos intérêts. Il en va de même pour cette chronique ! Elle reprend fidèlement les propos et l’ordre du texte original de la première édition. Vous pouvez donc consulter les titres et vous arrêter là où vous le souhaitez. L’auteure, Pascale Bélorgey, propose également de nombreux liens et même quelques vidéos que vous retrouverez en partie ici. Vous pouvez également consulter son blog dédié à l'efficacité professionnelle. Bonne lecture ! Dossier 1. Sortir la tête de l’eau
Outil 1. L’objectif personnel d’efficacité Cet outil vous sera utile pour trouver un but, une motivation pour agir et changer vos habitudes. Il implique de s’interroger sur ce que vous souhaitez dans la vie, aux niveaux personnel et professionnel. Il est composé de 5 caractéristiques — les 5 P. Un objectif personnel d’efficacité doit être :
Positif = exprimez votre but de façon positive, c’est-à-dire sans recourir à la négation (ne… pas) ; Précis = assurez-vous de vous proposer à vous-même un objectif clair, atteignable, plutôt qu’un rêve diffus ; Présent = rédigez votre but (ou mémorisez-le) au présent de l’indicatif ; Puissant = pour quoi… ou pour qui vous lancez-vous ce défi ? Cherchez le sens de votre quête ; Personnel = l’objectif émane de vous et non d’une autre personne ou d’une organisation.
Votre objectif doit également être écologique. Autrement dit, assurez-vous que vous serez en phase avec les changements obtenus, sans quoi votre inconscient refusera de vous suivre sur ce chemin. « Imaginez votre objectif atteint. Qu’est-ce qui a changé autour de vous ? Quel est l’impact sur votre travail, vos relations professionnelles, votre vie privée ? Êtes-vous prêt à accepter ces changements ? Ajustez, si besoin, en le modifiant ou en allongeant le délai de réalisation. » (La boîte à outils de l’efficacité personnelle, p. 15) Lorsque vous êtes en accord complet avec votre objectif personnel d’efficacité, utilisez la visualisation (une technique développée par la programmation neurolinguistique) pour lui donner corps. Imaginez des situations où votre but est devenu réalité. Ressentez les émotions et les sensations positives que sa réalisation génère en vous. Outil 2. Diablotins et permissions Les diablotins Certaines pensées négatives ou injonctions vous retiennent d’entreprendre certaines choses. Faites-en de petites personnes, des diablotins, chacun avec ses caractéristiques, et apprenez ainsi à les maîtriser et à les faire taire. Cette personnalisation vous aidera à mettre à distance vos peurs enfantines. Vous ressentez des émotions négatives ? Vous pensez ou parlez dans la langue du « Je dois », « Il faut » (injonctions) ou du « Je ne peux pas », « C’est impossible » (croyances limitantes) ? C’est le signe de la présence d’un diablotin ! Heureusement, vous pouvez dialoguer avec lui en modifiant son discours négatif en point d’attention et en le remerciant. Il a une vision à court terme (il cherche sans doute votre sécurité immédiate), mais vous voulez aller de l’avant. Voici quelques exemples de diablotins :
« Sois sympa » (envie de plaire aux autres avant tout) ; « Ne t’arrête pas » (perfectionnisme) ; « Papillonne » (dispersion) ; Pendules folles (mauvaise gestion des tâches et des délais) ; Sancho Panza (immobilisme par peur des responsabilités) ; On (perte de soi dans les normes sociales) ; Marmotte (rêve sans action) ; Hibou (indécision, « ou… ou ») ; Cigale (manque d’anticipation) ; 36 fois la même chose (reproduction des erreurs) ; « Sois fort » (refus d’accepter ses faiblesses) ; « Tu verras bien demain » (procrastination, report des délais).
Permissions Il existe un moyen de parlementer avec ces diablotins en leur opposant des permissions que vous vous donnez à vous-même. En situation de stress — lorsque ces diablotins viennent vous hanter — respirez et soyez bienveillant envers vous-même. Autrement dit, apprenez à désobéir ! Permettez-vous de prendre du recul et de laisser tomber ces vieilles croyances qui vous tourmentent en affirmant une contre-proposition et en adaptant votre pratique. Par exemple, si vous êtes victime du diablotin Sancho Panza qui vous interdit de prendre des responsabilités, dites-lui : « C’est en ne prenant aucun risque que je pénalise mon avenir » (permission). Ensuite, adaptez votre pratique en relativisant l’échec (quel est le risque réel ?) et en osant demander un droit à l’erreur, voire de l’aide pour effectuer vos premiers pas. Outil 3. L’autorecadrage Lorsque les diablotins vous poussent dans un sens, voire vous maintiennent dans de mauvaises habitudes, l’autorecadrage vous permet de remettre vos priorités au premier plan. Comment faire ? Voici un plan d’action/réflexion en 4 étapes.
Quand êtes-vous inefficace ? Repérez le moment précis. Pourquoi ? Quel est le diablotin qui se cache ici ? Quelles sont les conséquences de cette action inefficace ? Que faire ? Recadrer, décider et agir en fonction de vos priorités !
Ne laissez pas le temps vous filer entre les doigts. Placez vos objectifs au centre de vos journées. Toutefois, n’en devenez pas pour autant insensible à certaines urgences professionnelles. Il reste vrai que, parfois, vous devrez mettre vos priorités temporairement en suspens pour traiter un dossier dans l’urgence ou venir en aide à quelqu’un. Outil 4. La boucle systémique face à la surcharge chronique Il se peut que vous créiez vous-même les conditions d’une surcharge de travail, en donnant le signal à votre entourage professionnel que vous êtes prêt à en faire toujours plus. C’est ce qu’on nomme la boucle systémique : vos comportements conduisent les autres à penser et à agir d’une certaine façon envers vous, et ce type d’action renforce ledit comportement. À nouveau, vous poser des questions vous sera très utile pour amorcer une action nouvelle :
Qu’est-ce qui vous met en surcharge ? Comment ce phénomène est-il maintenu dans le temps (que faites-vous pour l’entretenir) ? Il est temps de changer : par exemple, prévenez autrui de façon polie que, désormais, vous agirez autrement !
Outil 5. La pensée positive Celle-ci vous aidera à diminuer le niveau de stress et à remarquer vos potentialités, plutôt que vos faiblesses. Ce faisant, elle vous aidera à dénouer certaines situations professionnelles difficiles (surcharge de travail, difficulté d’une mission, procrastination, etc.). Il n’est pas question de s’enfermer dans un optimisme béat, mais d’avancer progressivement vers un mieux-être en reprenant confiance en soi. Restez bienveillant avec vous-même si vous ne parvenez pas à apaiser tout de suite votre anxiété. Après tout, c’est une technique qui s’apprend, elle aussi, pas à pas !
Commencez par repérer l’émotion négative qui vous gêne (colère, stress, etc.), puis l’injonction ou la croyance limitante qui s’y trouve liée (le « il faut » ou le « je ne peux pas »). Proposez-vous à vous-même un contre-argument positif qui vous permette d’accueillir la situation (« Il est normal d’avoir peur… » ou « Je suis en droit d’avoir des craintes »). Repensez à des moments où vous avez réussi à vaincre une difficulté semblable et à mettre à profit vos émotions. À partir de là, imaginez une solution à votre problème et mettez-la en œuvre. Si cela n’est pas encore possible pour vous, acceptez cet état de choses sans vous culpabiliser davantage.
Les émotions négatives brouillent vos capacités intellectuelles. La pensée positive vous aide à temporiser et à retrouver vos facultés pour aller mieux. Outil 6. Les stratégies anti-fatigue Être reposé est essentiel pour se sentir bien et être efficace. Ne laissez pas l’épuisement vous gagner. Nous verrons bientôt comment respecter sa chronobiologie (outil 19) et comment déléguer (outil 18). Pour l’instant, retenez qu’il importe de :
Faire de la santé une priorité ; Limiter les distractions ; Bien dormir ; S’alimenter sainement ; Faire du sport ; S’octroyer des pauses/déconnexions complètes.
Il s’agit ici de recommandations générales. Si votre fatigue persiste ou vous crée des soucis importants, n’hésitez pas à consulter un médecin. Outil 7. La matrice des priorités On l’appelle aussi matrice d’Eisenhower. Cette matrice fait une distinction entre tâches urgentes (avec un caractère d’immédiateté) et tâches importantes (prioritaires), et l’intensité faible ou haute de ces tâches. Son bénéfice ? Vous apporter plus de sérénité au quotidien. Elle est particulièrement utile pour gérer les priorités sur le moyen terme (une semaine ou un mois, par exemple). La matrice est composée de 4 cadrans (de A à D) :
A = importance haute et urgence haute : à faire dès que possible ! B = importance haute et urgence faible : planifiez et entretenez ces actions. C = importance faible et urgence forte : ne les perdez pas de vue et tentez de négocier ce qui peut l’être, quitte à déléguer ou à dire non à certaines sollicitations. D = importance faible et urgence faible : à faire dans les moments de relâche relative, à automatiser ou à déléguer.
Une astuce : planifiez les tâches du cadran B (vos priorités personnelles) au matin, avant de commencer la journée et les urgences qui vous y attendent ! Cela vous rappellera peut-être le système promu par le Miracle Morning. Outil 8. La méthode LIMITER Celle-ci vous permettra d’avancer sur vos priorités, en évitant que les autres tâches ne grignotent tout votre planning. Elle vous aide à garder le cap et à focaliser votre énergie là où vous le souhaitez. Vous devrez peut-être supprimer certaines tâches de votre emploi du temps ou négocier des changements. Concrètement, il s’agit de réaliser en une dizaine de minutes une to-do list améliorée le soir, avant une journée tendue. En voici les éléments :
Lister TOUTES les tâches à effectuer ; Inclure les imprévus ; Mettre un ordre de priorité (privilégiez l’importance des tâches) ; Indiquer une durée réaliste (ne trichez pas) ; Totaliser les heures ; Éliminer les tâches hors limite ; Réaliser les tâches dans l’ordre.
Regarder ses mails est une tâche en soi ! Ne commencez donc pas par là, si ce n’est pas votre priorité. Outil 9. Le désengorgement de l’agenda « Redonner de la souplesse à l’agenda permet d’accueillir les imprévus et nouvelles priorités. Indispensable lorsque l’agenda est “bloqué” ou anxiogène, le désengorgement peut s’effectuer chaque semaine. » (La boîte à outils de l’efficacité professionnelle, p. 33) À nouveau, il vous faudra ici évaluer les priorités de la semaine (en vous aidant de l’outil 7 par exemple, et en agissant de façon objective et raisonnée). À partir de là, vous pourrez « tamiser » votre agenda en laissant tomber l’inessentiel (ce qui passe par l’annulation de rendez-vous ou leur limitation en temps, par exemple) et en réorganisant l’essentiel. Peu à peu, vous prendrez l’habitude d’agir de cette façon et vous pourrez anticiper les périodes d’engorgement, refuser les tâches non prioritaires et accueillir l’imprévu avec plus de sérénité. Un conseil : osez supprimer (définitivement ou provisoirement) certaines tâches ! Outil 10. La réponse à une nouvelle demande « À l’impossible, nul n’est tenu », dit le proverbe. Dire non peut parfois s’avérer nécessaire, si une demande n’entre pas dans votre champ de compétences ou de priorités. Dire oui, bien sûr, est souvent bienvenu et possible, mais n’oubliez pas de poser vos conditions. Pour cela, utilisez par exemple la règle 2-20-2-2. C’est-à-dire ? Demandez à votre interlocuteur de préciser la durée de la tâche.
2 minutes ou moins : dites-oui et faites-le tout de suite. 20 minutes : proposez un rendu dans l’heure. 2 heures : négociez en gardant à l’esprit vos priorités. 2 jours ou plus : revoyez vos priorités ou négociez un refus.
Pour interagir avec votre interlocuteur, vous avez trois options principales : répondre par l’affirmative, en faisant suivre ce « oui » de vos conditions ; répondre par la négative en affirmant (poliment) vos priorités ; aiguiller la demande vers d’autres services/personnes. Outil 11. La focalisation sur un seul objectif Comment lutter efficacement contre le diablotin « Papillonne » (outil 2) ? D’abord, en vous fixant un objectif concret, homogène et atteignable. Ensuite, en vous isolant des distractions. Enfin, en vous octroyant un temps limité pour agir. Explications. Si une tâche est trop vague ou trop complexe, réduisez-là à un sous-objectif plus précis et plus facile à atteindre. Faites-en l’objectif à réaliser. Visualisez-vous l’ayant atteint : cela vous donnera de l’énergie ! Pour vous mettre au travail, préparez-vous un bureau propre, duquel vous aurez supprimé les traces d’autres tâches en cours (autres dossiers, boîte email ouverte, etc.). Ayez uniquement le nécessaire et l’utile à portée de main. C’est parti. Appuyez sur le chronomètre et lancez-vous dans une séance de travail (environ 1 h 30, mais estimez au préalable votre durée optimale de concentration, qui dépendra notamment de votre état de fatigue). Évidemment, ne prenez pas plus de temps à vous préparer (à séparer les tâches, à ranger votre bureau, à estimer votre temps idéal de travail) qu’à travailler ! Ce serait là succomber à la procrastination. Être focalisé, c’est à la fois être concentré (c’est-à-dire fixé sur un objet à l’exclusion des autres) et être attentif (c’est-à-dire sensible à ce qui se passe et capable de mémorisation). La concentration et l’attention sont deux capacités que vous pouvez travailler au quotidien, y compris lors de vos moments de détente ou d’attente (en jouant à contempler un objet ou à mémoriser un environnement, en faisant de la méditation ou des sports cérébraux, par exemple). Outil 12. La méthode CAP pour gérer les emails La gestion des emails n’est pas toujours aisée ; si vous n’y prenez pas garde, elle peut même se substituer à vos priorités. La méthode CAP est là pour vous soutenir sur ce point. Comment ?
Classement : placez les mails informatifs, sans action à réaliser de votre part, dans des dossiers. Action : répondez tout de suite — ou en période de basse énergie — aux mails qui vous prennent moins de 2 minutes, dans la journée à ceux qui vous prennent 2 minutes environ ou sont particulièrement urgents et planifiez dans votre agenda ceux qui vous prendront plus de temps et peuvent attendre un peu. Poubelle : supprimez sans vergogne tout courrier inopportun ou inutile qui encombre votre messagerie.
Prévoyez deux à trois séquences de CAP par jour. Ne répondez pas à ce qui n’est pas nécessaire et fixez-vous des limites temporelles : 15 minutes, par exemple, pour traiter 10 emails. Outil 13. La désintoxication digitale « Les outils digitaux nous apportent sur un plateau un potentiel infini d’informations et d’échanges. Ce sont de merveilleux outils lorsque nous les mettons au service de nos projets. Mais si nous n’y prenons pas garde, ils peuvent phagocyter notre temps comme un nuage de sauterelles sur un champ de maïs. La désintoxication digitale commence par la prise de conscience que nous sommes bien sous l’emprise d’une addiction. Une utilisation maîtrisée des outils digitaux ou objets connectés répond aux critères classiques d’une activité efficace : un objectif précis atteint dans un laps de temps limité. » (La boîte à outils de l’efficacité professionnelle, p. 42) Comment lever (au moins temporairement) l’addiction ? Voici le plan d’action en quatre temps proposé par Pascale Bélorgey.
Reconnaître l’addiction ; Renoncer à tout voir à et à tout traiter ; Se donner des objectifs précis (voir les outils 12, 22, 60, 61) ; Limiter sa consommation de contenus.
Oublier de temps en temps ses dispositifs à la maison, faire des cures de désintoxication… C’est la seule manière de retrouver ses capacités d’attention et de concentration pour être à nouveau pleinement dans le présent. Dossier 2. Performer à moindre effort
Outil 14. Le pilotage des objectifs Pilote, où placez-vous votre regard ? Si vous regardez trop loin, vous risquez de reporter sans cesse. Mais trop près, et vous êtes le nez dans le guidon, voire vous vous dirigez droit dans le mur ! Non : « le bon horizon pour piloter les objectifs sereinement, c’est la semaine », affirme Pascale Bélorgey. Cette vue moyenne vous permet de garder vos objectifs bien en vue et ainsi de rester plus motivé et focalisé. Comment opérer ? En divisant d’abord vos objectifs quantitatifs et qualitatifs en fonction du nombre de semaines travaillées. Chaque objectif doit devenir un plan d’action, qui peut être estimé en heures (ou en demi-journées) de travail, qui devront être réparties dans votre planning hebdomadaire en fonction de leur priorité. Gardez un créneau libre ou « provisoire ». Créez un tableau de bord de pilotage global et si nécessaire des tableaux de bord pour chaque objectif, ainsi que des feuilles de route et des tableaux de suivi pour vos diverses activités. Consacrez un temps dans la semaine (ou au moins une fois par mois) pour faire le point avec vous-même. Le cas échéant, reprenez le contrôle de votre emploi du temps en revoyant vos objectifs. Outil 15. La matrice enjeux/effort Et le plaisir, dans tout ça ! Eh bien, il compte, et il permet d’être plus performant. Ce point est au cœur de la stratégie proposée par cet outil. Il pourra, par exemple, vous aider à planifier votre semaine. La matrice comporte 4 cadrans (de 1 à 4)
Booster d’énergie. Ce sont les tâches à enjeu fort et effort faible. Prévoyez-les en début de semaine. Vous serez satisfait d’avoir si bien avancé ! Répartition. Ce sont les tâches à enjeu fort et à effort élevé. À réaliser de préférence le matin ou quand vous êtes le plus en forme, tout au long de la semaine. Danger ! Chouettes à réaliser, ces tâches à enjeu faible et à effort faible ne vous apportent pas grand-chose… Apprenez à les limiter et à leur consacrer uniquement vos « heures creuses » (sous peine de procrastination et de retard accumulé). Réduire l’effort. Ces tâches à enjeu faible et à effort élevé n’ont pas grand intérêt pour vous et vous fatiguent, mais elles doivent être réalisées… Cherchez à innover, à réduire, à rendre amusant…
Utilisez cette matrice en combinaison avec l’outil 7 pour prendre en compte les délais et les degrés d’importance/urgence. Outil 16. Le drive temps-valeur Cet outil vient lui aussi en complément de la matrice des priorités (outil 7). Vous pouvez le réaliser avant de planifier vos tâches. Il vise à vous faire gagner du temps dans la réalisation des tâches à faible valeur ajoutée (peu importantes et peu urgentes, peu intéressantes et fatigantes). L’outil se base sur 4 types d’actions.
Faire le strict nécessaire pour gagner 10 à 15 % de votre temps sur les actions peu intéressantes. Rationaliser pour gagner 40 à 50 % de votre temps sur les actions importantes ou urgentes du quotidien. Innover pour gagner 80 à 90 % de votre temps sur la réalisation de vos tâches hebdomadaires (urgentes ou importantes). Supprimer les tâches inutiles pour gagner 100 % de temps !
Outil 17. Le zen-performance « Les personnes très performantes ont la plupart du temps un rituel qui leur permet de progresser avec constance. […] Le zen-performance s’inspire de ces rituels gagnants. Elle consiste à se donner une règle réaliste à appliquer tous les jours pour inscrire nos objectifs essentiels dans la routine. Ce qui importe n’est pas le résultat du jour, mais la régularité de la pratique. Le résultat est au bout de la route, et la route est douce. » (La boîte à outils de l’efficacité professionnelle, p. 52) Commencez par choisir une règle simple et réaliste, c’est-à-dire un objectif précis, une tâche claire ou une durée à respecter (faire 30 minutes d’espagnol, etc.). Chaque jour, appliquez votre règle, en respectant un créneau et des conditions d’exécution (c’est le rituel). Enfin, centrez-vous sur la réalisation en soi de l’action et félicitez-vous d’avoir suivi la règle que vous vous êtes donnée. Outil 18. Le réflexe de délégation Il vaut parfois mieux confier une tâche à une personne plus compétente ou mieux placée pour l’accomplir. Ce faisant, vous gagnerez aussi du temps. Que vous soyez un manager ou non, vous pouvez installer des processus de délégation. Qui pourrait effectuer cette action ? Ayez cette question en tête, lorsqu’on vous confie une nouvelle mission ou que vous avez quelque chose à faire. Vous avez trouvé la personne ? Eh bien, ne tardez pas à aller lui parler. Anticipez, présentez-lui les grandes lignes du projet, vérifiez sa motivation, valorisez-la en lui expliquant pourquoi vous avez pensé à elle. Tout au long de la délégation, restez présent et continuez à mettre en valeur (voire à officialiser) son travail. Bien entendu, on pourra parfois vous dire non. Ne vous en offusquez pas ! Outil 19. La chronobiologie Vos rythmes biologiques vous imposent des moments d’énergie et des moments « mous ». Il convient de ne pas les négliger et d’agir de façon synchrone avec eux. Vous devriez donc apprendre à vous écouter et à prendre ainsi conscience de vos rythmes biologiques. Une fois que vous avez repéré vos « creux » et vos « pics », organisez votre agenda en fonction (utilisez les matrices des outils proposés plus haut pour repérer les tâches qui requièrent toute votre énergie). Un bon conseil : mettez à profit le soir pour vous préparer à la matinée suivante. Choisissez par exemple le dossier à traiter et installez-le sur votre bureau, ou créez une to-do-list améliorée (outil 8) pour avoir en tête le « menu » du lendemain. Outil 20. Le draft C’est un outil qui convient bien aux perfectionnistes et aux procrastinateurs. Il vous libère de l’injonction de perfection en vous autorisant à réaliser un « brouillon » (traduction littérale de ce mot anglais). La plupart du temps, vos commanditaires seront heureux de recevoir un draft et de le discuter avec vous. N’hésitez donc pas à le leur proposer et à vous accorder sur le niveau du document (plus ou moins exploratoire ou terminé). Dans un premier temps, donc, ne pensez plus au livrable, mais seulement au draft : celui-ci devient votre objectif prioritaire. Laissez-vous emporter par votre intuition et votre créativité ; rédigez ou dessinez sans crainte d’échouer ou de mal faire (laissez les coquilles et les fautes). Progressivement, vont se dégager naturellement quelques idées-forces que vous allez lier et commencer à organiser à chaud. À présent, corrigez votre document et le draft est prêt ! Servez-le à vos commanditaires pour avoir des commentaires constructifs, feedbacks qui vous serviront à finaliser le livrable et vous feront gagner un temps précieux. Outil 21. La production des dossiers de fond « Rien ne sert de courir, il faut partir à point », non ? Eh bien, c’est l’idée de cet outil, qui vous aidera à gérer votre énergie et votre créativité pour remettre des travaux (articles, études, etc.) qui demandent un investissement au long cours. En vous préparant progressivement à la tâche à accomplir, votre cerveau travaillera pour vous inconsciemment ! Voici les points dégagés par Pascale Bélorgey pour mettre en œuvre cette technique :
Notez vos idées au fil de l’eau (dans des dossiers dédiés) ; Visualisez le résultat final (de façon positive, en ayant une image claire du destinataire et des besoins) ; Découpez le travail en sous-objectifs (homogènes et atteignables en 1 h 30 max) ; Planifiez vos séquences de réflexion (lors de vos « pics » et la veille au soir) ; Préparez-vous la veille pour être efficace (en visualisant l’objectif et en ordonnant votre bureau) ; Isolez-vous pour rester concentré ; Démarrez sans attendre (utilisez pour cela l’outil 20) ; Préparez la séquence suivante (savourez l’objectif réalisé et passez au suivant, ou planifiez un moment pour terminer ce que vous étiez en train de faire). (Source : La boîte à outils de l’efficacité professionnelle, p. 61)
Outil 22. La recherche d’information Comment rechercher l’information pertinente ? À l’ère d’internet, la question a pris une actualité nouvelle. Mais restons pour l’instant dans des considérations générales. Voici quelques conseils de l’auteure pour devenir plus efficace et plus efficient dans ce domaine.
Avoir un but bien déterminé : ne pas partir à l’aveuglette, mais savoir ce que vous cherchez, quelles sont les principales sources fiables et les mots-clés à utiliser. Trier « en gros » : survoler les documents pour déceler s’ils ont un intérêt pour vous ou non. Si vous sélectionnez l’un d’entre eux, conservez-le (dans vos favoris, par exemple) afin de le lire plus tard. Réaliser une première synthèse : à partir d’une lecture grossière, mais attentive des titres et des articulations de chaque discours, vous pourrez dégager les idées clés et les résumer (à l’aide d’une carte mentale, par exemple). Lire « dans le détail » : les textes qui vous intéressent le plus méritent toute votre concentration (prenez des notes). Croiser les sources : les informations retenues n’en seront que plus fiables. Cibler : vérifiez certaines informations essentielles à partir de mots-clés, d’un chiffre ou d’une image. Limiter votre recherche dans le temps : déterminer dès le départ un « budget temps » à utiliser pour la recherche et résistez à l’envie d’être exhaustif.
Outil 23. La gestion de la procrastination Pas toujours facile de s’y mettre ! Allégez le poids des tâches permet de diminuer les émotions négatives (anxiété, dégoût) associées à la procrastination. Mais il existe d’autres trucs et astuces. En voici quelques-unes.
Analyser l’origine du problème : dégoût, anxiété ? Autre… Commencer petit : réalisez une tâche simple, puis avancer petit pas par petit pas. Transformer le dégoût en amusement : lancez-vous des défis ou rendez le travail plus visuel et coloré, par exemple. Se récompenser : après chaque séance de travail (quelle que soit sa taille), accordez-vous une pause, rayez la ligne dans votre to do list, profitez d’un commentaire positif d’un collègue… Être bienveillant avec soi-même : n’ajoutez pas la culpabilité aux autres émotions négatives. Supprimer les tâches véritablement inutiles. Se donner des tâches négatives telles que « ne pas aller sur internet ».
Parfois, vous remettrez certaines choses au lendemain. N’en faites pas toute une histoire. Vous avez parfois besoin de souffler et c’est très bien ainsi. Outil 24. Les préférences personnelles « Plus nous travaillons en respectant nos préférences, plus nous sommes efficaces et performants. Cet outil est utile pour créer les conditions de notre efficacité en général. Il est un bon antidote à la procrastination des tâches qui nous semblent ennuyeuses. » (La boîte à outils de l’efficacité professionnelle, p. 69) Veillez à :
Respecter votre environnement de travail préféré : en groupe, seul, chez vous, au bureau, etc. Respecter votre perception préférée, c’est-à-dire votre mode naturel de résolution des problèmes : plus émotif ou plus imaginatif, plus logique ou plus normatif, etc. Nourrir vos besoins psychologiques pour vous motiver : réalisez les tâches qui vous plaisent en premier, octroyez-vous des récompenses, etc.
N’hésitez pas à consulter l’ouvrage pour en savoir un peu plus sur les 6 types de personnalités développés par Taibi Kahler (modèle Process Com®) : empathique, travaillomane, persévérant, rebelle, rêveur, promoteur. Outil 25. Le télétravail en alternance C’est une possibilité qui nous est de plus en plus offerte — voire, parfois, imposée. Comment gérer au mieux le travail à la maison ou devant l’écran d’ordinateur (car le télétravail peut très bien s’effectuer hors de chez soi, dans un espace collaboratif de travail, par exemple). Télétravailler exige de bien se préparer en amont (s’assurer d’avoir tout le matériel disponible sous la main), de savoir ce que l’on va réaliser et de ne pas se laisser distraire. Vous devrez sans doute adapter la cadence en fonction des demandes de l’entreprise ou des exigences du travail. Par ailleurs, indiquez clairement aux autres membres de votre équipe que vous êtes en télétravail pour qu’ils puissent agir en conséquence. Assurez-vous de ne pas manquer de rendez-vous important et proposer, lorsque c’est possible, d’y participer à distance. Prenez des pauses régulières. Veillez aussi à ne pas vous couper des moments informels passés avec les collègues, qui vous permettent de garder contact avec la culture de l’organisation et de socialiser. Outil 26. Le sentiment d’efficacité personnelle « L’efficacité est un cercle vertueux. Plus nous cultivons notre sentiment d’efficacité personnelle, plus nous sommes sereins face au travail à accomplir. Et la sérénité nous rend efficaces. Albert Bandura, psychologue canadien connu pour son concept d’auto-efficacité, a relevé quatre facteurs contribuant au sentiment d’efficacité personnelle :
Les expériences actives de maîtrise ;
Les expériences vicariantes ;
[Celles] de persuasion verbale ;
L’état psychique et émotionnel. » (La boîte à outils de l’efficacité professionnelle, p. 74)
Les premières sont liées aux échecs et aux réussites acceptées et digérées. En faisant régulièrement le bilan de ce que vous accomplissez, vous augmentez ces expériences actives de maîtrise. Les deuxièmes insistent sur la comparaison : qu’avez-vous fait mieux ou moins bien qu’un autre ? Retirez-en une fierté ou un apprentissage, en n’ayant pas peur de demander à celui qui fait mieux comment il l’a fait. Copiez les personnes qui excellent plutôt que de vous laisser décourager par elles ! Les troisièmes jouent sur les retours positifs ou négatifs vis-à-vis de vos prestations. Sollicitez-les et apprenez à les interpréter de façon à enrichir votre sentiment d’efficacité personnelle (en en retirant de la fierté ou un apprentissage, donc). Dossier 3. Travailler efficacement ensemble
Outil 27. Les niveaux de synergie 5 niveaux peuvent être dégagés. Ceux-ci servent avant tout à se repérer et à faire des propositions pour améliorer la coopération au sein des équipes. Quels sont-ils ?
-1 = du chacun pour soi. 0 = des demandes honorées. 1 = de la vision commune. 2 = de l’efficacité collective. 3 = de l’équipe performante.
Le passage entre chaque niveau s’effectue en fonction d’objectifs particuliers :
Respecter les engagements et reconnaître le travail de chacun permet de passer du niveau -1 au niveau 0. Avoir un but commun et se répartir clairement les choses à faire vous fera sauter du niveau 0 au niveau 1. Créer des méthodes pour gagner du temps et résoudre ensemble les problèmes vous mènera directement au niveau 2. Avoir un état d’esprit flexible vous permettra d’accueillir avec souplesse les changements et d’atteindre le niveau 3 !
La démarche est globalement la même, qu’il s’agisse de fonder une équipe entière ou de créer une relation avec une personne en particulier. L’important est d’y aller progressivement, une étape après l’autre (sans en sauter une seule). Outil 28. Les 7 clés de la coopération « La coopération ne se décrète pas. Elle se construit pas à pas dans la sincérité et le respect mutuel. Elle exige de nous que nous soyons conscients de ce que nous produisons à tout moment dans la relation. Et que nous fassions le choix de coopérer malgré les difficultés rencontrées — ou à cause d’elles. Les 7 clés de compréhension nous guident pour aborder la relation dans un état d’esprit susceptible de favoriser la coopération chez nos partenaires professionnels malgré les difficultés — et surtout pour les résoudre ensemble. » (La boîte à outils de l’efficacité professionnelle, p. 82) Voici les 7 clés de la coopération, les 4 premières sont liées à la conscience et les trois suivantes à la disponibilité :
L’authenticité ; L’objectivité ; Le don ; L’initiative ; La posture ; L’empathie ; Le processus.
Outil 29. La posture ++ Voici un outil issu de l’analyse transactionnelle. Elle permet de prendre du recul sur une situation d’interaction et de la recadrer. Pour mettre en œuvre ce type d’analyse, commencez par analyser votre propre état d’esprit, puis celui de l’autre. Êtes-vous plutôt bien ou mal disposé à l’égard de votre interlocuteur ? Et celui-ci, que pense-t-il du contact, à votre avis ? À partir de cette réflexion, vous disposez d’une sorte de « boussole » pour vous orienter. Quatre postures sont possibles :
Le contact est au point mort (--) ; Vous vous sentez supérieur à l’autre et vous lui imposez votre opinion (+-) ; À l’inverse, vous vous sentez en infériorité et n’osez pas dire ce que vous pensez (-+) ; Vous pouvez trouver une solution, car vous vous situez l’un et l’autre sur un pied d’égale légitimité (++).
En cherchant à incarner sincèrement, dès le départ, une posture ++, vous inviterez naturellement votre interlocuteur à « changer de signe » et à se mettre en mode ++ lui aussi. Faites preuve de tact et de confiance en vous (en utilisant éventuellement la pensée positive). Souvenez-vous aussi des quatre accords toltèques ! Outil 30. Les engagements mutuels La confiance s’instaure progressivement. Pour se faire, il faut s’engager vis-à-vis de l’autre et recevoir en retour un engagement similaire. Cela concerne aussi tous les aspects des échanges au sein de l’entreprise. Voici quelques règles pour construire des engagements mutuels :
Soyez réaliste, ne promettez pas l’impossible ; Négociez si on vous en demande trop, tout en gardant à l’esprit les besoins de l’interlocuteur ; Invitez-le à s’engager en retour, en lui demandant de vous tenir informé de l’évolution du projet, par exemple ; Respectez votre engagement ou anticipez un délai en prévenant d’une difficulté qui survient.
Outil 31. Le feedback constructif Les feedbacks négatifs peuvent être tournés en apprentissages. Mais il vaut mieux privilégier les critiques constructives qui renforcent la confiance en soi de l’interlocuteur et le motive à continuer son travail. Les remerciements sont bien sûr bienvenus, lorsque vous recevez de quelqu’un un livrable ou même après lui avoir proposé votre critique (vous le remerciez alors pour son écoute). Si la critique est nécessaire, commencez par évoquer un élément positif, puis proportionnez vos remarques aux enjeux (au niveau de synergie et au niveau d’importance de l’erreur et du travail). Réagissez à chaud, de façon bienveillante et sincère. Accueilliez à votre tour les critiques de façon positive en demeurant dans une posture ++. Outil 32. Le but commun Le but commun est un outil langagier qui vise à mettre l’accent sur les traits d’union qui rendent possible et souhaitable la coopération. Parlez en utilisant le « nous », plutôt que le « je » et le « tu » ; placez-vous aussi dans une logique du « et » (voire du « oui et ») plutôt que du « ou » (et du « oui, mais »). Cette façon de communiquer permet d’orienter l’esprit sur la recherche de solutions communes, à partir des exigences et des besoins de chacun. Une fois l’accord obtenu, vous pouvez vous répartir les tâches. L’ambiance de travail en sera nettement améliorée ! Outil 33. La proposition d’arbitrage en cas de blocage Il se peut toutefois qu’une situation demeure bloquée. Que faire, dans ce cas ? Eh bien, il est encore possible de faire appel à une instance d’arbitrage, c’est-à-dire à un tiers qui va prendre de la distance pour nous. Cela exigera de partir du constat qu’il existe bel et bien un désaccord, puis de proposer l’arbitrage à l’autorité compétente. Il sera utile de faire rédiger par les parties prenantes une demande d’arbitrage détaillée qui permettra aux arbitres sollicités de clore le cas. Adoptez une posture constructive et calme, même si l’arbitre ne conclut pas en votre faveur. Vous aurez au moins la satisfaction d’avoir dénoué le problème. Outil 34. Les emails efficaces Vous n’êtes pas le seul à recevoir beaucoup d’emails professionnels. Nous sommes tous dans ce cas ! C’est bien pour cela qu'il importe d’apprendre à rédiger des mails efficaces qui facilitent le travail de votre destinataire. Comment ? Voici quelques conseils proposés par Pascale Bélorgey.
Sélection du destinataire : choisissez le ou les destinataires pertinents pour vos emails, réponses et mises en copie. Précision et concision du titre : faites court, mais complet, en commençant par l’information principale. Accroche : adoptez un ton personnalisé et expliquez directement pourquoi votre destinataire est concerné. Développement : écrivez des phrases courtes, soyez clair et synthétique, tout en veillant à donner toutes les informations utiles. Conclusion : rappelez quelle est l’action attendue et personnalisez la fin du mail.
À prendre en compte : si vous devez traiter un conflit, préférez la voie téléphonique ou le rendez-vous direct. Outil 35. La proposition d’un nouveau fonctionnement « Ce n’est pas dans l’urgence d’un livrable à rendre que nous pouvons négocier nos méthodes de travail. Plus la relation est tendue, plus cet entretien demande de préparation : trouver les points d’appui positifs, exposer les faits de façon neutre pour que notre partenaire de travail ne se sente pas accusé, clarifier ce que nous pouvons lui demander à minima qui semble compatible avec son fonctionnement actuel… Car c’est en l’amenant à coopérer dans le processus de recherche de solution que nous pourrons mettre en place un fonctionnement pérenne. » (La boîte à outils de l’efficacité professionnelle, p. 100) En résumé, ne brûlez pas ces étapes :
Décider du bon moment ; Dire ce qui va bien ; Affirmer vos besoins et vos contraintes ; Être à l’écoute des besoins et contraintes de votre partenaire ; Formuler un diagnostic commun ; Rechercher ensemble une solution ; Remercier votre partenaire pour son engagement.
Outil 36. La négociation gagnant-gagnant Pour compléter le point précédent, vous pouvez vous inspirer de cet outil : il serait dommage de passer à côté de l’occasion de maximiser le bénéfice de chaque partie. Plus généralement, cet outil s’applique à toute situation de désaccord. En voici la recette et les principaux ingrédients :
Se préparer est essentiel pour pouvoir exposer vos arguments et éventuellement obtenir plus ; Déclarer que vous êtes là pour trouver une solution (posture ++) ; Négocier en prenant en compte les besoins des deux parties ; Négocier en montrant en quoi certaines demandes sont inaccessibles, mais en mettant l’interlocuteur au défi de trouver une solution et en faisant preuve d’ouverture pour arriver à un accord ; Finaliser celui-ci en résumant les principaux points qui ont été atteints (envoyer un mail à toutes les personnes intéressées).
Outil 37. La réunion productive À la fin de ce type de réunion, chacun saura ce qu’il aura à faire, parce que l’énergie du groupe aura été concentrée sur un objectif concret et les tâches auront été réparties. Elle se compose de trois phases :
Le lancement = annonce d’un objectif concret et commun qu’il s’agira de réaliser (par exemple, une augmentation des ventes de 10 %) ; La production = maintien de la focalisation des équipes autour de l’objectif en cours de traitement ; La concrétisation = décision sur les actions à entreprendre et des rôles (finalisation du livrable, responsable du suivi, notamment).
Si l’objectif est trop grand, réduisez-le. Il doit pouvoir « tenir » dans le temps imparti pour la réunion. Outil 38. Les méthodes de résolution de problèmes En cas de problème important, mieux vaut conserver la tête froide. Il importe de ne pas se méprendre sur ce qui est en jeu, ce qui conduirait inévitablement à une mauvaise prise de décision. Les méthodes de résolution des problèmes sont utiles, car elles ralentissent et rationalisent la situation, nous permettant ainsi d’y voir plus clair. Commencez par poser le problème de façon objective, c’est-à-dire en listant ce sur quoi il porte, qui est concerné, ce qui a déjà été tenté, ce à quoi l’on veut arriver (l’objectif concret), les ressources et compétences qui vous manquent. Si vous êtes face à une urgence, vous pouvez trouver une solution provisoire afin d’endiguer le problème pour un temps déterminé qui vous permettra de trouver une solution durable. Prenez soin d’étudier les causes du problème en utilisant plusieurs méthodes (les cartes mentales et les Post-its™, les 5 pourquoi, la loi de Pareto). Trouvez des solutions. Selon cette loi de Pareto, 20 % des causes résoudront 80 % du problème. D’où l’importance de bien analyser les causes en amont. Désignez des personnes pour s’atteler à la tâche. Finalement, gardez trace de ce qui s’est passé : mesurez et, éventuellement, utilisez les solutions trouvées pour dresser des axes d’amélioration dans d’autres secteurs de votre activité. Préférez plutôt un groupe avec des profils divers pour enrichir votre recherche de causes et de solutions. Outil 39. La réunion de brainstorming Cet outil est assez connu. Pourtant, lorsqu’on pense brainstorming (parfois traduit par remue-méninges), on oublie parfois l’une de ces facettes : la pensée critique, qui vient en complément de la pensée créative. Grâce à cette méthode, vous développerez en commun des idées nouvelles qui vous aideront à résoudre des problèmes. Comment l’utiliser ? Commencez par cadrer la réunion en proposant une « question défi » à laquelle chacun tentera de répondre. Poursuivez ensuite par la production d’idées (phase de divergence). La règle en est simple :
C = censure interdite ; Q = quantité exigée ; F = farfelu bienvenu ; D= démultiplication encouragée (rebonds, déformations, etc.).
Gérez cette phase en recentrant si nécessaire, mais sans exercer de pression. Ensuite, invitez les participants à sélectionner des idées (phase de convergence). Questionnez-les sur les raisons de leurs choix (élimination ou conservation) et hiérarchisez les idées. Dossier 4. Développer sa valeur ajoutée
Outil 40. L’orientation client « Que nous soyons ou non en contact direct avec le client, c’est toujours pour lui que nous travaillons. L’orientation client permet à toute la chaîne client-fournisseur de l’entreprise d’être efficace pour répondre aux 4 attentes essentielles :
La qualité : celle des produits et services qu’il achète, mais aussi son expérience de la marque au sens large, du premier au dernier contact.
La réactivité en cas de problème.
Une certaine flexibilité pour accéder à des demandes “hors catalogue” ou “hors process”.
Une relation personnalisée qui lui permettre de se sentir reconnu. » (La boîte à outils de l’efficacité professionnelle, p. 114)
Outil 41. La prestation enthousiasmante Qu’est-ce qu’une prestation enthousiasmante, sinon une prestation qui dépasse les attentes du client ? Pourquoi devriez-vous fournir ce type de prestation, et quand ? Vous pourrez offrir un tel supplément à votre client lorsque vous aurez au préalable rempli une série de conditions initiales et implicites (le minimum attendu, en quelque sorte) et que les attentes explicites auront également été atteintes, assurant ainsi la parfaite satisfaction du client. La prestation enthousiasmante crée une heureuse surprise ou du moins, un petit plus qui fait du client un potentiel ambassadeur enthousiaste de votre enseigne. Attention : ce petit plus ne doit pas être un gadget, il doit être véritablement utile au client (prenez le temps de bien clarifier ses attentes). Par ailleurs, si ce service devient désormais la norme, il faudra penser à vous renouveler de temps à autre. Outil 42. L’exploitation des incidents On ne parle pas ici des incidents liés à la sécurité, mais de ceux de l’activité courante qui pourraient concerner les clients ou les relations au sein de l’entreprise. Ce type d’incident devient une opportunité dès l’instant où l’on étudie et où l’on y cherche un apprentissage. Alors, comment opérer la transformation ? Premièrement, ne niez pas la situation ; acceptez-la avec le plus de sérénité possible. Deuxièmement, montrez que vous êtes intéressé à la recherche d’une solution et que vous comprenez le problème vécu par l’autre. Troisièmement, trouvez une solution — peut-être pas la solution parfaite, mais une solution acceptable pour le moment, ou annoncez un délai si vous ne pouvez résoudre le problème immédiatement. Quatrièmement, traitez le problème en profondeur pour qu’il ne se reproduise plus. Outil 43. L’esprit pionnier face aux changements Le changement, le progrès, l’initiative sont des mots qui parcourent notre quotidien et qui deviennent souvent des injonctions. Et, de fait, de nombreux changements surviennent. Comment les accompagner ? Différentes attitudes existent : vous pouvez vous opposer ou être sceptique (vous êtes plutôt « contre »), ou être attentiste, voire pionnier (vous êtes alors plutôt « pour »). L’attentiste attend un déclic, tandis que le pionnier est moteur. Pour devenir un pionnier, c’est-à-dire être une force de changement, apprenez à gérer vos émotions négatives face à la modification de vos habitudes. Utilisez votre raison pour comprendre objectivement ce qu’une modification entraînerait pour l’entreprise. Prenez les devants et proposez de réaliser des tests pour mettre en œuvre le changement (nécessaire ou suggéré). Puis, faites un retour sur expérience avec les personnes impliquées et tirez-en les enseignements pour les tests suivants ou pour son application. Il importe que chacun puisse exprimer honnêtement ses doutes. En cours de route, vous devrez certainement motiver les attentistes, rassurer les sceptiques et aider les opposants à s’exprimer. Mais vous serez finalement à la tête d’un groupe de pionniers qui vous suivra, et vous n’en serez que plus reconnu par les autres membres de l’entreprise. Outil 44. L’esprit d’initiative De façon similaire, il s’agit d’agir de façon proactive afin d’éviter les risques et de saisir les opportunités. Il s’agit d’une attitude à adopter au quotidien (à la différence de l’outil 47 qui concerne les innovations de rupture). Soyez à l’affût et posez-vous des questions à partir de vos expériences passées. Que se passerait-il si… ? Qu’est-ce qui ne fonctionne pas quand… ? Comment gagner en productivité lorsque… ? Ne partez pas tête baissée, mais évaluez les risques et les bénéfices à changer le statu quo. Si vous pensez pouvoir agir, foncez et prenez les rênes de la réalisation du changement ! Outil 45. L’amélioration continue Comment avoir un bon état d’esprit ? Comme son nom l'indique, il s'agit de progresser lentement, mais sûrement. Voici ces 4 étapes à prendre en compte :
Planifiez (plan) = avoir un objectif de progrès ; Faites (do) = réalisez ce que vous avez programmé ; Vérifiez (check) = mesurez vos résultats ; Agissez (act) = stabilisez le progrès et continuez à avancer.
Outil 46. La démarche lean Comme l’outil précédent, il s’agit également d’une forme d’amélioration quotidienne, mais qui fonctionne par élimination progressive des formes de gaspillage (en matière de surproduction, d’attentes, de transports, d’étapes inutiles, de stocks, de mouvements inutiles, de corrections ou de retouches), plutôt que par ajout. Posez-vous notamment les questions suivantes :
Quelle est la source du gaspillage ? Comment l’éliminer ? Comment rationaliser l’existant, c’est-à-dire le ranger mieux ? De quelle façon rendre cette amélioration accessible à tous au sein de l’entreprise ?
Désencombrer avec régularité vous permet d’avoir l’esprit plus clair. Attention, toutefois, lorsque vous « jetez » quelque chose, à vérifier que cela n’était pas utile à d’autres. Outil 47. La démarche d’innovation individuelle Innover, c'est s'autoriser à échouer, en ayant l'ambition de créer une rupture. Cela ne réussit pas toujours, mais peut vous amener loin. Choisir une logique d'innovation, c'est s'engager en faveur du changement. En soi, la procédure reste sensiblement la même que pour les outils précédents, à savoir : identifier un objectif et s’y tenir, analyser le problème et trouver des idées pour le résoudre de façon originale, tester et tirer les enseignements de ces expériences. Sauf qu’ici, l’enjeu est plus grand et votre créativité est mise à plus rude épreuve ! Outil 48. L’avocat de l’ange « Ce que j’aime dans ton idée, c’est… » Plutôt que de critiquer, il est possible de trouver les « pépites » énoncées par l’autre. Cela permet de multiplier les perspectives et les chances de trouver de bonnes idées en faisant fructifier la moindre prise de parole et en limitant la gêne ou la peur. Pour devenir un avocat de l’ange, suivez ces conseils de Pascale Bélorgey :
Relevez uniquement le positif ; Renforcez la valeur de l’idée ; Rendez à César ce qui appartient à César.
Vous pouvez appliquer cette méthode à vous-même ! L’important, c’est qu’elle devienne une façon naturelle d’échanger. Bien sûr, agissez de cette façon si vous croyez à une idée, et non simplement pour faire plaisir à votre collègue ou à votre supérieur. Outil 49. La transformation d’une contrainte en valeur Vous pouvez changer et vous pouvez surtout profiter d’une obligation ou d’une contrainte venue de l’extérieur pour en faire quelque chose de positif ! Il suffit d’un peu d’entraînement et d’un peu d’imagination. Commencez par explorer votre gêne : quelles sont les valeurs que la contrainte met à mal ? Votre conviction est-elle simplement là par habitude ou est-elle valable ? Peut-être que oui. Posez alors ce que Edward de Bono, père de la pensée latérale, a nommé l’opération de provocation : imaginez-vous dans un avenir où la contrainte a été totalement acquise. Le présent ressemble alors à un passé révolu. Comment vous sentez-vous ? Cette situation peut libérer votre pouvoir de transformation. Peu à peu, habituez-vous à cette idée et faites-en quelque chose que, désormais, vous défendez bec et ongles. Vous êtes maintenant prêt pour libérer votre créativité : comment feriez-vous pour réunir ce futur imaginé avec le présent où le changement n’existe pas encore ? Par exemple : comment feriez-vous pour aider à l’installation des visioconférences, alors qu’au début vous vous y opposiez ? Outil 50. La sérendipité « La sérendipité suppose […] un esprit observateur et ouvert aux “signes”, en même temps qu’une capacité à tisser des liens entre une découverte et l’exploitation qui peut en être faite pour résoudre des difficultés, alimenter des projets en cours ou guider nos décisions personnelles. » (La boîte à outils de l’efficacité professionnelle, p. 138) Mais comment l’accueillir et l’apprivoiser ? Souvenez-vous des nombreuses fois où vos divagations vous ont mené dans un lieu fertile. Existe-t-il des points communs entre ces situations ? De façon plus générale, ouvrez vos sens et devenez plus curieux, plus attentif aux détails. Lorsqu’une petite (ou une grosse) pépite surgit, ne la rejetez pas, mais inspectez-la et intégrez-la à votre travail. Il ne s’agit pas, évidemment, de convertir en procrastination l’attention à l’inattendu. N’allez pas en profiter pour naviguer sans but sur internet pendant des heures, dans l’espoir de finaliser votre travail ! Outil 51. L’organisation de la veille professionnelle La veille pourra vous aider à rester attentif et surtout, au courant, des évolutions de votre domaine de compétences. En suivant régulièrement des fils d’actualité, vous serez aussi plus à même de faire preuve de créativité et de trouver — par sérendipité — de bonnes idées. Pour une veille réussie, il convient de :
Choisir des axes de veille, c’est-à-dire d’être sélectif et organisé ; Sélectionner ses sources, en privilégiant les meilleurs médias ou experts ; Agréger les flux RSS et créer un tableau de bord pratique ; Consulter vos flux à des heures régulières ; Traiter les données intéressantes (curation de contenu, partages sur les réseaux sociaux, etc.).
Attention à votre rituel : pas plus de 30 minutes par jour, de préférence en heures creuses. Dossier 5. Étendre son influence
Outil 52. La présentation d’une idée innovante Une présentation convaincante de votre idée est le meilleur moyen de trouver des alliés. Pour réussir, suivez ces quelques conseils proposés par l’auteure de La boîte à outils de l’efficacité professionnelle :
Racontez l’« histoire » de l’idée ; Décrivez ce qui ne change pas ; Valorisez les bénéfices de l’innovation ; Rendez l’innovation concrète (à l’aide d’exemples).
Simplifiez votre présentation pour qu’elle soit aisée facile à suivre et à développer. Acceptez de présenter un projet qui n’est pas encore abouti et accueillez les questions avec bienveillance. Celles-ci sont le signe que vos interlocuteurs sont entrés dans un processus d’appropriation, c’est-à-dire d’acceptation progressive. Outil 53. Le doodling ou visual thinking Pour aider les personnes qui sont dotées d’une mémoire visuelle (environ 60 % de la population), il est utile de recourir à des schémas ou des présentations graphiques. Les deux techniques présentées ici sont là pour ça ! Pour se faire comprendre aisément à l’aide d’images, il vous faut d’abord créer une sorte d’alphabet visuel (des pictogrammes, des idéogrammes, des émojis, des bonhommes bâtons, des formes et des graphiques, etc. À partir de lui, vous pourrez transformer votre message en schéma ou en bande dessinée, par exemple. Le must : dessiner vous-même lorsque vous êtes en train de présenter oralement ! Vous retiendrez d’autant mieux l’attention de vos interlocuteurs et ils mémoriseront beaucoup mieux vos idées. Prenez soin à conserver les mêmes codes (images, couleurs) d’une mission à l’autre, cela vous facilitera la tâche. Soyez créatif, mais sobre. Outil 54. Le test à petite échelle « L’innovation peut faire peur. Elle risque de déranger ceux qui seront amenés à la déployer, parce qu’elle change les repères. Elle est regardée avec circonspection par les décideurs qui hésitent à investir sans garantie de rentabilité. Le test à petite échelle engage peu économiquement. Réalisé avec des pionniers, il est peu coûteux en énergie. Mais son impact psychologique est fort. Car il apporte la preuve, s’il se solde par un succès, que l’innovation est non seulement possible, mais bénéfique. Et s’il n’est pas concluant, au moins l’innovation sera-t-elle abandonnée sans regret. » (La boîte à outils de l’efficacité professionnelle, p. 148) Assurez-vous de :
Faire le bon casting ; Bien organiser le test ; Le laisser se dérouler sans heurts ; Évaluer la qualité du test et son résultat ; Exploiter le test pour décider de la suite.
Assurez-vous que tous (clients, collègues, décideurs) soient bien au courant qu’il s’agit d’un test, et non d’une démonstration conclusive. Outil 55. L’exposé percutant En lien avec les outils présentés ci-dessus, voici quelques recommandations complémentaires pour accroître vos chances de succès lors de présentations orales (présentation d’un produit, d’un bilan, d’une méthode, d’une idée innovante, etc.). Cette technique fonctionne aussi à l’écrit, d’ailleurs !
Introduction : accrocher le public. Développement : raconter une histoire simple et structurée. Exemples : à donner au cours du développement. Conclusion : engager le public (comment peut-il participer ?).
N’oubliez pas votre public cible et ce que vous attendez de lui. Autrement dit, fixez-vous un objectif : quel résultat — impressions positives, financement, accord, etc. — voulez-vous atteindre à l’issue de la présentation ? Restez disponible et ouvert aux questions. Outil 56. L’orientation transverse S’intéresser aux autres, même à ceux qui ne font pas partie de nos domaines d’expertise, est toujours riche en enseignements et fertile. C’est une démarche de curiosité et d’ouverture qui a toute sa place en entreprise. L’orientation transverse, comme on l’appelle ici, permet de créer de nouveaux projets, de résoudre des problèmes ou de relever des défis. Vous pouvez agir simplement dans ce sens en prenant l’habitude d’écouter de façon approfondie vos partenaires professionnels, lors de tous vos échanges (formels et informels) et en ayant le réflexe de les associer à vos initiatives. La générosité est généralement très appréciée. Non seulement vous invitez les autres à vous rejoindre, mais vous leur offrez également des informations qui pourraient être pertinentes pour leurs propres missions. Enfin, n’hésitez pas à donner votre opinion et à les remercier, à les créditer lorsqu’ils vous aident ou vous donnent des idées, etc. Toutes ces actions, si elles sont réalisées de façon honnête, renforcent la confiance et le respect mutuels. Outil 57. La puissance du don La générosité fait partie de cette « logique du don », comme les sociologues l’appellent. C’est une ressource tout à fait puissante, dans la mesure où elle génère davantage de lien social ; un bien précieux au sein de l’entreprise. Vous pouvez ne pas en avoir conscience, mais vous avez beaucoup à offrir. Réfléchissez-y un instant. Vous pouvez notamment faire bénéficier les autres de votre expertise, de vos feedbacks positifs, de l’information récoltée, etc. Vraiment, la liste est loin de s’arrêter là ! Ce que vous donnerez, donnez-le sans attendre de retour, simplement pour créer ce lien social et ce climat bienveillant. Les souvenirs de ce que vous avez vous-même reçu, ainsi que des moments où vous avez donné, pourront éventuellement vous permettre d’ancrer profondément en vous cette attitude bénéfique. Certes, il se peut qu’il soit parfois impossible de donner, car la culture de compétition l’empêche (ou le secret). Soyez attentif à ces circonstances limitantes, ainsi qu’aux moments où le don risque de mettre mal à l’aise ou de donner l’impression d’être redevable. Outil 58. Le modèle des leaders Qu'est-ce qu'un leader ? Il ne contrôle pas nécessairement, mais stimule, dynamise et cherche à amener les autres à développer leur créativité et leur autonomie. D'autre part, il cherche aussi à créer un esprit d'équipe et de partage entre les pairs et les pionniers. Voici les caractéristiques d'un bon leader ici résumées :
Être ouvert et curieux ; Développer sa vision ; Élaborer des objectifs innovants ; Agir ; Susciter la motivation ; Communiquer à propos des réussites collectives ; Développer l’apprenance (accompagnement et transfert d’expérience).
Outil 59. L’exemplarité « Donner l’exemple n’est pas le principal moyen d’influencer les autres. C’est le seul moyen. » (Albert Schweitzer) Comment donner l’exemple ? D’abord en disant ce que vous allez faire, ensuite en le faisant, puis en affirmant que vous l’avez fait et en aidant, finalement, les autres à le faire. Oui, mais est-ce si facile ? Voici quelques astuces complémentaires.
Parler d’exemplarité ne suffit pas ! Il faut impérativement agir dans le sens voulu. C’est cela qu’on appelle aussi la congruence : l’accord entre vos valeurs, vos compétences et vos actes. Exemplarité ne signifie pas super-héroïsme ! Vous avez vos failles, et il est bon de les admettre, même publiquement. Vous aiderez ainsi les autres à se rapprocher de vous et de vos objectifs. Agir oui, mais pas parfaitement, donc… Cela est impossible, de toute façon. Acceptez vos limites, mais aussi les contraintes extérieures. Être réaliste est synonyme de crédibilité aux yeux de vos interlocuteurs.
Outil 60. Le positionnement personnel sur les réseaux sociaux Se faire connaître sur les réseaux sociaux n’est pas une si simple affaire. IL s’agit d’avoir une intention claire et de créer un profil cohérent avec celle-ci et avec nos valeurs. Lorsque vous créez votre page principale ou lorsque vous écrivez (postez), vous devez être précis : votre lecteur doit comprendre dès le titre (de votre profil ou de votre post) et le pitch (l’introduction, qui figure par exemple comme « Résumé » sur LinkedIn) ce que vous voulez transmettre comme message. Compléter son profil avec des images (photo de vous, graphiques, etc.) est souvent une bonne idée. Faites relire votre page personnelle à quelques proches pour vous assurer qu’ils comprennent vos intentions et votre « ligne ». L’activité est un autre point clé. Vous devrez penser à mettre à jour votre profil, mais aussi à publier de temps à autre du contenu pour ne pas être oublié. Outil 61. L’utilisation des réseaux sociaux « Une présence active sur les réseaux sociaux permet d’être mieux repéré par référencement naturel et de fidéliser des followers. LinkedIn ou Viadeo permettent d’avoir une présence active. D’autres réseaux sociaux peuvent être complémentaires. » (La boîte à outils de l’efficacité professionnelle, p. 164) Voici les 6 conseils clés de Pascale Bérgoley pour vous faire une place sur les réseaux :
Établissez des contacts ciblés ; Prenez soin de votre réseau ; Publiez, soyez généreux en contenu ; Osez demander des services ; Soyez sélectif au moment d’accepter de nouveaux contacts ; Pour vos publications, appliquez la règle des 70-20-10, c’est-à-dire 70 % sur votre expertise, 20 % pour l’entretien du lien social et 10 % dans un but promotionnel.
Dossier 6. Exprimer tout son potentiel
Outil 62. Le style professionnel personnel Nous avons tous des procédures à suivre, mais sommes tous différents ! Cela signifie que nous pouvons les adapter à notre style, à nos façons de faire. Lorsque nous travaillons, nous pouvons faire preuve de créativité et de personnalité. Sans cela, d’ailleurs, nous risquerions de nous appauvrir et d’appauvrir ce que nous offrons aux autres. Pour affirmer son style, voici quelques règles.
Avoir un « ADN » personnel clair : quelles sont vos valeurs ? Ce qui a le plus de sens à vos yeux ? Qu’est-ce qui vous différencie et fait de vous un expert dans tel ou tel domaine ? Intégrer vos spécificités à vos missions : comment réinterpréter ce qui vous est demandé de faire ? Comment, ensuite, mettre en œuvre cette mission réinterprétée ? Assumer : votre style vous appartient et vous n’avez pas à en rougir. Montrez-vous tel que vous êtes et faites-en un atout.
Tout le monde change et modifie ses priorités. Il est possible que vous changiez de valeurs, voire que votre mission elle-même ne vous satisfasse plus du tout. Dans ce dernier cas, envisager une reconversion (voir l’outil 64) peut être bienvenu. Outil 63. L’exploitation professionnelle des talents personnels De façon parallèle à note style, nous avons tous des talents ou des aptitudes personnelles qui sont parfois laissées de côté dans le cadre professionnel. Mais pourquoi ne pas essayer d’en utiliser quelques-uns au travail ? Il se peut que certaines qualités apportent un vrai plus à la réalisation quotidienne de vos missions. Commencez par les repérer, puis réfléchissez à la manière de les transposer dans le cadre de vos tâches. Quelles sont les compétences qui pourraient être mises à profit dans la sphère professionnelle ? Dès qu’une occasion se présente, n’hésitez pas à faire savoir à vos compagnons de travail quels sont vos talents « cachés » et proposez-vous pour rendre service à la collectivité. Outil 64. La reconversion professionnelle « Il arrive que le métier que nous exerçons soit le fruit d’un chemin que nous n’avons pas réellement choisi. Nous remplissons notre mission avec professionnalisme, mais nous ne sommes pas parfaitement épanouis. Nous sentons que notre voie est ailleurs. La reconversion professionnelle nous permet de nous aligner avec nos aspirations profondes. L’apprentissage sera peut-être long et le chemin semé d’embuches. Mais nous avons des atouts, un réseau qui peut nous aider… et notre passion. Car nous savons que notre épanouissement personnel est au bout du chemin. » (La boîte à outils de l’efficacité professionnelle, p. 172) Sauter le pas nécessite d’avoir les idées claires et de se poser les bonnes questions, telles que celles-ci : quel talent développer ? Quelles aspirations rencontrer ? Quelle empreinte laisser ? Dans quel environnement travailler ? Que ne surtout pas faire ? Mais encore : quels sont vos atouts ? Nous parlons ici en termes de compétences, d’aptitudes, mais aussi de réseau (outil 61). Ce réseau est susceptible de vous donner des renseignements, de vous aider à trouver un stage ou un poste, de trouver une formation, etc. Une fois ce cheminement effectué, préparez-vous à quitter votre travail actuel. Visez la transparence vis-à-vis de votre entreprise et transmettez, si nécessaire, vos compétences à la personne qui vous remplacera. Puis… Lancez-vous ! Outil 65. L’apprentissage On the Job Vous avez constamment besoin d’apprendre. Il y a toujours une chose que vous ignorez et dont la connaissance vous sera utile pour effectuer votre mission. Lorsque vous butez devant un problème, vous avez naturellement tendance à aller à la recherche de l’information, à poser des questions… Bref à apprendre. Cet outil formalise cette tendance innée. En voici les principales étapes, détaillées par l’auteure dans La boîte à outils de l’efficacité professionnelle :
Être confronté à un problème concret ; Choisir un mode d’apprentissage ; Demander l’aide d’un mentor (ou le faire soi-même) ; Apprendre (en testant, en s’accordant le droit à l’erreur) ; Modéliser son apprentissage (en imaginant une méthode) ; Entretenir sa motivation (la vôtre, et pourquoi pas celle de votre organisation, en échangeant au sujet de votre nouvelle méthode).
Outil 66. La demande de feedback Nous en avons déjà parlé plusieurs fois, mais voici, de façon claire et synthétique, un petit rappel des principaux éléments à conserver à l’esprit :
Expliquez votre demande à l’interlocuteur ; Posez deux questions (une question ouverte et une question fermée) ; Accueillez les feedbacks positifs comme les feedbacks négatifs (sans les contester et en vous demandant ce que vous pouvez en faire) ; Relativisez les feedbacks maladroits (parfois trop chargés en propositions) en remerciant votre interlocuteur et en cherchant la balance entre le positif et le négatif.
Outil 67. La formation continue C’est une dynamique très proche de l’outil 65. L’idée principale consiste ici à faire le point chaque année : où en suis-je ? Qu’ai-je appris ? Qu’aimerais-je apprendre l’année prochaine ? Avec l’objectif, bien sûr, de continuer à apprendre. Allez-y progressivement : il ne sert à rien de vouloir acquérir toutes les compétences souhaitées d’un seul coup. Vous vous épuiseriez et échoueriez certainement. Faites le tri, puis avancez pas à pas, en privilégiant ce que vous pouvez faire maintenant et en restant concentré sur la tâche en cours. Il existe aujourd’hui bien des sources d’apprentissage : des livres, aux MOOCs, en passant par le social learning et les formations plus classiques. Choisissez le parcours qui vous convient et qui correspond à ce que vous avez décidé d’entreprendre. Incrémentez vos nouveaux savoirs et savoir-faire dans vos pratiques quotidiennes. N’oubliez pas, par ailleurs, d’en faire part aux autres, notamment sur les réseaux sociaux. Outil 68. L’utilisation des émotions Les refouler ? C’est souvent ce qu’il advient dans un contexte professionnel. C’est peut-être une erreur, car les émotions, si elles sont bien canalisées, peuvent vous rendre plus conscient, plus agile et plus juste. Comment apprendre à se lier à ces précieuses ressources ? Tout d’abord, accueillez ce qui se passe en vous. Ne cherchez pas d’emblée à réprimer vos sentiments. Si elles apparaissent, c’est pour quelque chose. Cherchez plutôt à décoder ce qu’elles désignent (un besoin, une valeur, un danger, etc.). Utilisez ensuite leur énergie (vous poussent-elles à demander quelque chose, à fuir, à vous opposer, etc.) pour prendre une décision et l’exprimer. Certes, ne le faites pas en un éclair, mais après ce moment d’analyse et de mise à distance. Parfois, il vous faudra même attendre quelque peu pour laisser retomber l’émotion et n’en garder que l’information utile (ne pas écrire un mail sous le coup de la colère, par exemple). Verbaliser une émotion vous permettra de la gérer. Ne cherchez pas de coupables, mais parlez plutôt de vos besoins ou de ce que l’émotion éveille en vous. À l’inverse, en agissant avec empathie, vous permettrez à l’autre d’exprimer un fort ressenti. Outil 69. Le développement de l’intuition « L’intuition se définit comme une connaissance directe et immédiate de la vérité, sans l’aide du raisonnement. Dans notre société occidentale, où la rationalité est à la base de l’éducation, ce phénomène difficilement explicable souffre de préjugés. Notre confiance dans notre intuition s’en trouve limitée. Le développement de l’intuition est une réappropriation de nos capacités intuitives naturelles. En apprenant à reconnaître les manifestations de notre intuition et à écouter les messages bienveillants qu’elle véhicule, nous développons notre potentiel personnel. » (La boîte à outils de l’efficacité professionnelle, p. 182) Une fois libéré des préjugés qui lui sont liés, vous pourrez profiter de l’intuition. Mais quelles sont ses manifestations ?
Les impressions (un ressenti) ; Les impulsions (une action corporelle plus forte que votre volonté) ; Les messages ou les images (qui apparaissent sans crier gare dans votre esprit) ; Les illuminations (une idée fulgurante) ; Les pressentiments (une certitude fugace sur ce qui vient) ; La télépathie (une pensée commune, au même moment).
Développez votre 7e sens progressivement, en écoutant ces manifestations et en vous rappelant les fois où cela a fonctionné. Vous pourriez par exemple pratiquer le mindfulness pour vous disposer favorablement à son égard. Outil 70. Les pages du matin C’est une technique inspirée du livre Libérez votre créativité, de Julia Cameron. Elle s’applique non seulement aux blocages créatifs, mais aussi au développement de soi. Comment mettre en place cette méthode ? Rien de plus simple. Programmez votre réveil 45 minutes plus tôt et passez ce temps libre à écrire. Il n’y a aucun objectif qualitatif à redouter, puisqu’il suffit d’écrire d’un seul jet un certain nombre de pages (plus ou moins le même, sur ce même temps). Le mot-clé : la régularité. Des éléments plus ou moins importants couvriront ces pages. Avec des feutres de couleur, commencez à trier l’essentiel de l’accessoire. Vous découvrirez que votre esprit résout par lui-même des problèmes ou exprime votre voix intérieure… Soyez à l’écoute ! Accordez-vous ce rituel, le matin, à l’abri des regards indiscrets et des tentations. Outil 71. La réalisation des rêves personnels Au-delà du travail, il y a la vie, non ? Tous les outils de ce dossier 6 vont dans ce sens. C’est en marchant vers votre étoile, aidé de votre boussole intérieure, que vous pourrez vous épanouir au mieux, personnellement et professionnellement. Voici les conseils de Pascale Bélorgey à ce sujet :
Boussole intérieure = écoutez vos émotions, votre intuition ; Bonnes personnes = entourez-vous de personnes encourageantes ou n’en parlez pas ; Petits pas = connectez-vous régulièrement à votre projet, même s’il n’est pas encore entièrement clarifié (cela se fera en cours de route) ; Opportunités = soyez attentif à ce qui se propose à vous (rencontres, etc.) ; Aide = sortez de votre bulle pour exposer vos idées à ceux qui peuvent vous accompagner ; Obstacles = la création d’un projet de vie requiert de la persévérance ; Succès = savourez-les avec joie, en utilisant la force qu’ils vous donnent pour continuer à avancer ; Route à suivre = quelle est la prochaine étape ? Écoutez votre boussole intérieure !
Conclusion sur « La boîte à outils de l’efficacité professionnelle » de Pascale Bélorgey : Un livre à garder avec soi et à consulter fréquemment Le format de ce livre est très pratique. Vous pouvez aller et venir dans chaque dossier très facilement. Chaque outil est présenté sur une double page, avec, à gauche, un bref résumé accompagné d’un dessin et, à droite, le détail et la méthodologie. En fonction de vos intérêts du moment (développement personnel, communication avec les équipes, organisation, etc.), vous trouverez un, deux ou trois outils pertinents à tester directement. C’est vraiment pourquoi il mérite de rester près de vous : vous le consulterez à chaque fois que vous chercherez un moyen de vous améliorer dans votre travail quotidien. Ce qu’il faut retenir de « La boîte à outils de l’efficacité professionnelle » de Pascale Bélorgey : Il y a 71 outils dans cet ouvrage : difficile, donc, d’en faire le tour en un mot ! Toutefois, si vous avez lu cette chronique jusqu’ici, vous aurez remarqué que Pascale Bélrogey met en avant une vision sensible, intuitive, empathique, bienveillante du travail. Ici, toutes ces caractéristiques fonctionnent main dans la main avec la performance, l’efficacité et la rationalité. Points forts :
Un format très pratique et très clair ; Des outils dans différents domaines d’intérêt (de l’organisation au développement personnel) ; Une écriture synthétique et des dessins très sympathiques, qui permettent de fixer rapidement l’idée-force de l’outil.
Point faible :
Quelques outils peuvent paraitre redondants, mais, dans l’ensemble, ils se complètent plutôt qu’ils ne se superposent à proprement parler.
Ma note : Avez-vous lu le livre de Pascale Bélorgey « La boîte à outils de l’efficacité professionnelle » ? Combien le notez-vous ? [ratings] Visitez Amazon afin de lire plus de commentaires sur le livre de Pascale Bélorgey « La boîte à outils de l’efficacité professionnelle » Visitez Amazon afin d’acheter le livre de Pascale Bélorgey « La boîte à outils de l’efficacité professionnelle »
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Résumé de "Tous intuitifs – L’intuition, l’âme de la performance" de Victoria Pellé Reimers : ce livre nous invite à comprendre, réveiller et développer nos ressources intuitives afin de les réhabiliter dans nos vies et dans nos entreprises comme facteurs clés de succès. Par Victoria Pellé Reimers, 2020, 288 pages. Chronique et résumé de "Tous intuitifs" de Victoria Pellé Reimers
Introduction
Nous sommes tous intuitifs
Victoria Pellé Reimers commence son ouvrage en expliquant que nous sommes tous intuitifs et rationnels à la fois et ce, de façon naturelle. Selon elle, c’est le système dans lequel nous vivons qui contribue à effacer aujourd’hui notre nature intuitive.
L’agilité, qui nous aide à survivre dans un contexte incertain, provient de l’intuition
L’auteure de "Tous intuitifs" fait ensuite remarquer qu’au cours de cette dernière décennie, notre monde a changé : il est, nous explique-t-elle, devenu VUCA, autrement dit volatile (Volatility), incertain (Uncertainty), complexe (Complexity) et ambigu (Ambiguity). Or, dans un contexte VUCA, ce qui caractérise ceux qui s’en sortent, c’est "l’agilité". L’agilité est "cette capacité à changer d’orientation, à choisir comment, avec qui et quand agir pour garder l’équilibre et même pour remporter de nouveaux marchés". Selon Victoria Pellé Reimers, cette capacité provient de l’intuition, de cette "guidance intérieure, presque instinctive pour certains, visionnaire pour d’autres".
L’objectif de ce livre
Fortes de 17 années de recherches et de 8 ans de pratique sur le sujet de l’intuition auprès d’entrepreneurs, Victoria Pellé Reimers précise que le but de son livre "Tous intuitifs" est de nous aider à devenir plus réceptif à notre intuition pour la mettre au service de nos projets et de notre pratique managériale (en apprenant à repérer les forces et manques d’intuition au sein de notre équipe par exemple). Partie 1 - Que savons-nous sur l’intuition ? Dans cette première partie, l’auteure de "Tous intuitifs" explique ce qu’est l’intuition en faisant référence aux découvertes scientifiques sur le sujet. Puis elle expose d’autres angles (au-delà de la science) pour aborder le phénomène de l’intuition humaine. 1.1 - Définir l’intuition
Qu’est-ce que l’intuition ?
Dans ce premier chapitre, Victoria Pellé Reimers fait part de sa définition de l’intuition. La voici de façon synthétique : L’intuition est "une connaissance qui nous arrive subitement, parfois accompagnée d’une émotion". Elle "nous avertit, nous conseille, nous guide" sous forme de décisions, de rencontres, de solutions, d’inspiration, et ce, dans de très nombreux domaines.
Des avancées scientifiques mais une connaissance encore incomplète sur ce qu’est l’intuition
L’auteure nous informe ensuite que les recherches neuroscientifiques ont récemment mis en lumière les zones de notre cerveau où se joue une partie du mécanisme intuitif lors de nos prises de décision. Pourtant, malgré ces découvertes, nous ne sommes pas encore en mesure de "circonscrire ce qu’est l’intuition dans sa totalité". Car, indique Victoria Pellé Reimers, l’intuition va au-delà des informations transmises par nos cinq sens.
L’intuition reconnue comme étant à l’origine des plus grandes découvertes
L’auteure de "Tous intuitifs" rappelle enfin que l’intuition est une connaissance reconnue par les plus grands scientifiques. D’ailleurs, pour beaucoup d’entre eux, l’intuition associée à la logique conduit aux plus grandes découvertes. À ce propos, elle cite le grand mathématicien et philosophe Henri Poincaré qui disait : "C’est avec l’intuition que l’on trouve et avec la logique que l’on prouve." 1.2 - Ce que nous croyons savoir sur l’intuition et ce que nous préférons ignorer
Les dernières découvertes scientifiques concernant l’intuition
Dans ce deuxième chapitre de "Tous intuitifs", Victoria Pellé Reimers approfondit la notion d’intuition. Pour cela, elle propose d’explorer les découvertes scientifiques récentes en ce qui concerne :
La provenance des informations qui nous arrivent lorsque nous parlons d’intuition. La temporalité, en particulier la notion de futur et l’accessibilité des informations qui se trouvent dans ce futur pour étudier le sujet des prémonitions.
Aller au-delà des sciences "officielles" pour une compréhension plus large de ce qu’est l’intuition
Victoria Pellé Reimers précise que notre compréhension de l’intuition resterait très limitée si nous nous arrêtions aux sciences dites "officielles". C’est pourquoi, elle fait le choix d’aller au-delà de celles-ci tout en nous prévenant : cela impliquera parfois de revoir nos croyances et nos jugements. Car aujourd’hui encore, l’intuition est un sujet qui suscite des résistances. Cette méfiance est liée, selon elle, au conditionnement de notre époque et de notre éducation occidentale. Elle écrit en effet : "Partout, de la maternelle aux études supérieures, nous avons dû intégrer un mode linéaire, reproductif, éliminant la créativité et l’intuition au profit de la logique, seule voie autorisée et respectée. […] Il faut parfois attendre la trentaine, la quarantaine ou même plus, pour que chacun réalise au détour de l’expérience de la vie, que son intuition n’est pas si folle, voire étonnamment juste dans certaines situations, que sa créativité est nécessaire parfois pour sortir du lot et enfin, que sa fantaisie le distinguera toujours d’un robot quelle que soit l’avancée de l’IA…" 1.3 - Que nous disent les neurosciences sur l’intuition ?
La découverte des zones cérébrales actives lors de nos décisions intuitives
L’intuition, autrefois considérée comme "quasi fantaisiste" fait l’objet aujourd’hui de beaucoup de curiosité. Nous sommes, en effet, de plus en nombreux à vouloir savoir comment fonctionne vraiment notre intuition. Jusqu’à ces dernières années (fin du 20ème siècle), nous n’avions que peu d’informations sur les mécanismes intuitifs dans notre cerveau et notre corps. Mais grâce aux progrès en matière de neurosciences - l’imagerie médicale en particulier - nous connaissons à présent les parties du cerveau actives dans nos décisions intuitives. Les recherches ont notamment permis de les différencier nettement des zones cérébrales utilisées lors d’une réflexion de type logico-mathématique. Pour illustrer son propos, Victoria Pellé décrit une étude réalisée en 2016, au Japon, auprès de joueurs de shogi (jeu d’échecs japonais). Elle nous dit qu'en observant le cerveau de ces joueurs, cette étude a mis en évidence le rôle du précuneus.
Le rôle du précuneus lors de décisions intuitives
Qu’est-ce que le précuneus ?
Le précuneus :
Correspond à une petite zone située un peu à l’arrière du cerveau, entre les deux hémisphères, dans la partie supérieure du lobe pariétal. N’est pas reliée à la logique : c’est une partie du cerveau très visiblement active sur un IRM au moment de reconnaître des visages ou d’analyser nos ressentis/ émotions.
L’activation du précuneus
Victoria Pellé Reimers décrit tout le déroulé de l’étude réalisée auprès des joueurs de shogi. En résumé, celle-ci révèle qu'un changement catégorique se produit dans leur activité cérébrale selon qu'on leur demande de jouer en mode intuitif ou en suivant une réflexion. Ainsi :
Lorsque les joueurs ont un temps de réflexion pour jouer, ce sont les cortex supérieurs et lobes frontaux qui s'activent. Lorsque les participants jouent leur pion en moins d’une seconde, c’est-à-dire en mode intuitif, les cortex supérieurs et lobes frontaux cessent de s'activer. C'est une partie du précuneus qui s’anime alors. Cette zone s'appelle le noyau coudé. Elle est associée à l’apprentissage, à nos habitudes et aux comportements réflexes.
Les trois éléments de l’intuition : intention + expérience + lâcher-prise
Pour Victoria Pellé Reimers, l’étude réalisée auprès des compétiteurs de shogi à qui il a été demandé de jouer "à l’intuition" permet de mettre en évidence les trois éléments caractéristiques de l’intuition :
L’expérience : on observe une accélération des liens à la mémoire ; c’est l’expérience du joueur qui est à l’œuvre à ce moment-là.
L’intention : le désir (celui de gagner dans ce cas) s’associe à l’expérience ; le joueur a une intention et c’est d’ailleurs cela qui différencie l’intuition d’un réflexe ou d’un automatisme (tel que la conduite d’un véhicule par exemple).
Le lâcher prise : le rythme très rapide oblige à lâcher prise : pas de mots, ni raisonnement, ni véritable volonté.
L’intuition n’est pas un automatisme ni un réflexe
Selon l’auteure de "Tous intuitifs", le comportement intuitif n’est pas un automatisme : "Nos automatismes sont des apprentissages profondément intégrés et qui ne nécessitent pas de raisonnement. […] L’automatisme n’est qu’une production cognitive sans la moindre forme d’émotion, qui ne requiert aucune forme de présence à soi et à ce qui se passe. […] L’intuition ne donne pas la même sensation qu’un automatisme. Elle s’accompagne d’une forme de joie, même infime. Elle est fluide et nette, il y a quelque chose qui se passe au niveau du regard, de la respiration." 1.4 - D’autres sciences pour élargir notre regard sur l’intuition La phénoménologie est une science qui prend en compte les détails du ressenti et qui permet donc, en plus de la biologie et de la physique, de comprendre l’humain. Les études en la matière ont permis de distinguer les intuitions des automatismes qui sont "deux expériences rapides, sans raisonnement" mais pourtant bien divergentes. Cette différence s’observe surtout dans l’état qui précède, que l'on vit pendant et juste après l'intuition. Victoria Pellé décrit les observations de la chercheuse Claire Petitmengin à ce sujet, qui se résument dans cet extrait : "Tout d’abord, juste avant une intuition, c’est le lâcher-prise, une "descente" en soi, une absence de contrôle, une absence d’activité mentale, puis, soudain, un sentiment de mobilisation totale, une présence augmentée, les sens en éveil, voire en exergue sur des choses qui attirent l’attention, un sentiment d’unité, d’accord intérieur, ainsi qu’un sentiment d’évidence, côtoyant curieusement une émotion de surprise, un étonnement, voire un émerveillement." Ce ressenti n’est pas présent dans un geste spontané, dans nos automatismes (lorsque nous manœuvrons notre voiture par exemple). Globalement, dans un automatisme, "il ne se passe rien de particulier, alors que l’intuition laisse une trace en nous qui nous enchante et nous étonne" résume l’auteure de "Tous intuitifs". 1.5 - L’intuition, un registre de la mémoire qui n’est pas réservé qu’aux expérimentés "L’intuition ne nous tombe pas dessus, ce n’est pas un phénomène magique, ni un hasard. Elle est à la fois corrélée à notre désir, à nos intentions et à notre expérience." Pour Victoria Pellé Reimers, notre expérience, celle que nous avons accumulée, nourrit grandement l’intuition qui "nous guide dans nos prises de décisions", qui "nous avertit" ou "nous inspire dans nos relations". Selon l’auteure, c’est ce qui fait qu’une personne très expérimentée "arrive à sentir ou à ne pas sentir un dossier ou une personne, au premier coup d’œil". Toutefois, l’expérience ne fait pas tout. L’auteure fait en effet remarquer que de nombreux enfants, jeunes, débutants sont aussi très intuitifs, bien que n'ayant aucune expérience. Et même s’il s’agit de "génies", ils n’en restent pas moins humains. L’expérience n’est donc pas l’unique source de l’intuition… 1.6 – Les prémonitions et sciences L’auteure de "Tous intuitifs" évoque, dans cette partie, une autre forme de manifestations intuitives : les prémonitions et autres pressentiments, appelées scientifiquement "précognitions". Une précognition est définie par le dictionnaire comme un "sentiment irraisonné, non vérifiable qu’un événement va se produire, que quelque chose existe". Les précognitions restent encore très mystérieuses pour le monde scientifique. En effet, la science n'est toujours pas en mesure de comprendre comment il nous est possible de recevoir des informations d’un temps qui n’est pas encore arrivé (probablement parce que notre conception de l’espace-temps semble, selon les chercheurs d’aujourd’hui, dépassée). Aussi, bien que "rigoureusement vérifiées" depuis soixante ans (les électro-encéphalogrammes montrent clairement notre capacité à détecter un danger avant qu’il ne survienne), ces expériences très troublantes ne font pas encore consensus. C’est donc "une forme d’intuition que nous préférons ignorer" signale l’auteure. Conclusion de la première partie Pour conclure cette première partie de "Tous intuitifs", Victoria Pellé Reimers insiste sur 2 points :
Il est difficile de "faire le tour de ce que nous savons de l’intuition" : l’intuition est en effet un sujet très vaste et encore mystérieux malgré les études réalisées par les neuroscientifiques et la phénoménologie.
Certaines formes d’intuition témoignent clairement de nos capacités extraordinaires mais sont encore mises en doute : il nous faut "tourner la page du tout rationnel" dans notre approche des phénomènes vivants et regarder le monde "avec des yeux nouveaux", lance l’auteure.
Partie 2 - Quatre formes d’intuitions indispensables à nos projets Pour introduire cette deuxième partie, Victoria Pellé Reimers rappelle d’abord que :
Nous sommes tous intuitifs : ce sont nos croyances, modes de vie et notre éducation qui contribuent à minimiser l’importance de l’intuition. Il est tout à fait possible de "développer, réveiller, nourrir" notre intuition.
L’auteure de "Tous intuitifs" explique ensuite qu’il existe 4 types d’intuition, à savoir l’intuition :
Contextuelle, particulièrement puissante dans nos prises de décisions. Relationnelle, c’est-à-dire celle de la rencontre, notamment très utile en matière de recrutement et de management. Visionnaire, qui nous rend capable de "sentir le vent venir", de "voir se profiler une tendance, un changement, bien avant la plupart des gens". Personnelle et spirituelle : cette fameuse "petite voix" qui "nous souffle des suggestions d’ordre plus personnel, voire intime".
Cette deuxième partie du livre "Tous intuitifs" développe alors en quoi ces différentes intuitions peuvent véritablement "booster" nos projets et comment celles-ci se manifestent concrètement dans notre vie. 2.1 - L’intuition contextuelle
Qu’est-ce que l’intuition contextuelle ?
"L’intuition contextuelle, c’est l’intuition du marin, du chasseur, du soldat, des parents de jeunes enfants, des sportifs. […] [C’est] Le bon geste au bon moment, sans réfléchir. C’est la forme d’intuition que nous avons dans la prise de décision, dans un contexte donné." Cette intuition est particulièrement utile à notre époque qui connaît une accélération des changements et qui demande, pour s’adapter, agilité et créativité. Dans l’entrepreneuriat par exemple, l’intuition contextuelle permet de sentir le potentiel commercial d’un nouveau produit ou de prendre des décisions rapides et alignées. L’intuition contextuelle fait écho avec notre instinct, notre sixième sens. Elle est brève et va à l’essentiel. Elle nous amène à agir sans réfléchir, et nous guide de façon plutôt binaire pour communiquer, nous orienter, nous déplacer, assurer nos besoins et notre sécurité : "c’est oui, c’est non, j’arrête, j’y vais, je monte, je descend, je tourne à droite, c’est ok, pas ok, etc." En somme, "l'intuition contextuelle, c’est cette capacité à faire des choix rapides et pertinents, notamment lorsque nous manquons de temps ou d’informations".
Les faux amis de l’intuition contextuelle
L’auteure de "Tous intuitifs" met ici en lumière ce que nous pourrions prendre pour de l’intuition contextuelle mais qui ne l’est pas : tout ce qui se manifeste en nous sans raisonnement n’est, en effet, pas forcément intuitif. Victoria Pellé Reimers fait notamment référence à nos automatismes et biais cognitifs, très similaires à l’intuition car eux aussi rapides et spontanés. Ceux-ci sont pourtant bien différents de l’intuition. Elle explique en effet que :
Nos automatismes sont en réalité liés à des apprentissages très ancrés qui nous font agir selon "une règle de probabilité inconsciente" : le cerveau, par souci d’économiser de l’énergie, va chercher à autonomiser le maximum de nos comportements et nous amener à adopter celui qui semblera être le plus approprié dans une situation donnée.
Nos biais cognitifs sont des formes d’automatismes créés du fait d’une quelconque influence (consciente ou non) sur nos pensées et choix (ex. : biais de confirmation, biais rétrospectif…). En fait, les biais ajoutent une interprétation qui nous éloigne de la réalité, alors que l’intuition, elle, semble plutôt ajouter un degré d’information supplémentaire sur l’environnement, les interlocuteurs ou les tendances qui nous rapproche du réel.
Intuition contextuelle et logique sont complémentaires dans nos prises de décision
L’auteure de "Tous intuitifs" nous conseille de faire preuve d’écoute, calme, concentration et détente lors de nos prises de décision pour laisser venir naturellement notre intuition. Toutefois, elle nous invite à rester vigilant : l’intuition n’est pas "LA vérité", prévient Victoria Pellé Reimers. C’est, ajoute-t-elle "simplement un appui pour alimenter le discernement". À ce propos, l’auteure de "Tous intuitifs" poursuit en indiquant que trop souvent l'intuition et la logique sont mises en opposition. Selon elle, ces deux registres d’intelligence n’ont pas lieu de s’opposer : elles sont, à l’inverse, complémentaires et donc faites pour s’assembler.
En quoi l’intuition aide-t-elle à nos prises de décision ?
Si nous sommes prudents lorsque nous avons une décision à prendre, c’est bien souvent parce que nous n’avons pas suffisamment d’informations et que l’incertitude nous stresse. C’est à ce niveau-là que l’intuition contextuelle présente beaucoup d’intérêt, souligne Victoria Pellé Reimers : "l’intuition contextuelle apporte justement un degré intéressant d’information sur notre environnement". Aussi, même si ces informations, ces signaux sont difficiles à traduire ou à expliquer aux autres, ils sont supposés pouvoir augmenter notre sentiment de sécurité, "exactement comme le sens de l’orientation nous évite de paniquer dans un labyrinthe" continue l’auteure. Le problème est que chez les Occidentaux, l’intuition est mal considérée et s’est étiolée. Incapables de voir ces signaux intuitifs, nous ne sommes pas réceptifs à "cette dose d’assurance intérieure" que l'intuition peut procurer si nous lui faisons confiance. Sans cette ressource intérieure qui nous guide, nous parvenons alors très difficilement à discerner quelle décision prendre.
Comment l’intuition contextuelle se manifeste-t-elle ?
L’intuition contextuelle est surtout corporelle. Elle se manifeste par des signaux du corps : souvent des sensations, parfois des actes ou mouvements.
Ces sensations sont aussi nombreuses que nuancées : la fameuse sensation des tripes, appelée gut-feeling outre-Atlantique ; mais au-delà de la zone du ventre, nous connaissons aussi la gorge qui se serre, les fourmillements dans la nuque, cette décharge électrique ressentie dans l’épine dorsale, une sensation d’ouverture du front…
Nous devons apprendre à reconnaître nos ressentis pour nous reconnecter à notre intuition
Notre société (culture, éducation…) nous a "coupé" de nos ressentis internes. Nous n’avons jamais vraiment appris à identifier nos signaux internes et à agir en conséquence. Comme nous doutons de la nature de ces ressentis, nous avons même tendance à les refouler pour plutôt analyser les choses rationnellement avec notre cerveau. Victoria Pellé Reimers nous invite alors à nous reconnecter à notre intuition en pratiquant une écoute consciente de ces signaux corporels. Ainsi, "nos perceptions peuvent et vont se renforcer, s’enrichir, s’affiner" affirme l’auteure de "Tous intuitifs". Car "plus nous attribuons d’importance et de crédit à nos perceptions, plus celles-ci se développent et nous assistent au quotidien, dans nos choix, dans nos gestes et nos actions".
C’est surtout la peur de se tromper qui nous amène à ne pas écouter nos intuitions au moment de décider
Le fait de ne pas pouvoir contrôler si une intuition est pertinente ou non tant qu’on ne l’a pas suivie est une situation stressante pour la plupart d’entre nous. Car nous avons peur de faire une erreur. Nous n’avons aucun moyen d’être certain avec une intuition de prendre la bonne décision. Le raisonnement logique, quant à lui, nous calme, nous rassure. Pourtant, l’auteure nous invite à réfléchir : la logique n’est pas plus garante d’une décision sans erreur : nous faisons bien souvent des erreurs en raisonnant aussi. Alors pourquoi avons-nous plus peur de nous tromper avec notre intuition ? L’auteure expose sa réflexion à ce sujet : elle pense qu’en fait, nous faisons plutôt appel à la logique dans nos décisions car notre choix est ainsi plus facile à justifier. En effet, dans notre société, et ce depuis l’école, une décision prise selon un raisonnement rationnel et donc traçable est considérée comme bien plus professionnelle et a beaucoup plus de crédit qu’une décision qui suit une intuition. Pour Victoria Pellé Reimers, il faudrait pourtant parvenir à équilibrer les deux : raisonnement et ressenti. L’écoute de l’intuition devrait venir en appui à nos raisonnements.
Le rapport à l’intuition est encore plus tendu mais pourtant plus salutaire quand les enjeux d’une décision sont importants
L’auteure de "Tous intuitifs" se penche ici sur la façon des décideurs aux enjeux importants d’avoir recours à l’intuition : urgentistes, policiers du RAID, officiers responsables de troupes en temps de guerre... Elle illustre ses propos en racontant plusieurs anecdotes à ce sujet. Elle met ainsi en évidence le rôle de l’intuition pour ces grands décisionnaires quand il s’agit d’analyser des données avec grande rapidité.
Une forme d’intuition contextuelle exceptionnelle : les "précognitions"
Dans ce cas-là, notre intuition se manifeste :
En rêve ou à l’état de veille sous forme de flash par exemple, et s’accompagne souvent d’une grande charge émotionnelle. Sous forme de "prémonitions" : on "voit" quelque chose arriver de façon imminente. Par le corps : un ressenti, un malaise, un mouvement ou une action instinctive et très rapide ; dans ce cas, nous "sentons" le danger, plus que nous ne le voyons.
Selon Victoria Pellé Reimers, l’existence du phénomène de précognition (terme scientifique pour parler de ces avertissements intuitifs) est validée par des centaines d’études et de publications depuis 60 ans. D’après ces recherches, ces réactions ne sont pas dues au hasard. Toutefois, il ne nous est actuellement toujours pas possible de comprendre comment notre conscience est capable de capter l’information, de l’interpréter, d’en restituer une image et une émotion avec tant d’exactitude parfois et de nous faire part des actions à mener pour éviter le danger. 2.2 - L’intuition relationnelle
Qu’est-ce que l’intuition relationnelle ?
Les intuitifs relationnels ont "une perception fine et immédiate de l’autre", qu’ils le connaissent ou non. Ils sentent ce qui se dégage de quelqu’un, son tempérament, ses besoins, son "authenticité". Ainsi, l’intuition relationnelle permet de ressentir, dans un temps très bref, dès le premier contact (une poignée de main ou même, de loin, dans l’attitude ou la démarche d’une personne) si celle-ci aura plutôt tendance à contribuer ou à nuire à quelque chose (un projet, une équipe…). En guise d’exemples connues de ce genre de fulgurances (mais c’est aussi parfois une intuition permanente), l’auteure cite le fameux coup de foudre amoureux ou encore "un avertissement très ferme de se tenir à distance" de quelqu’un que l’on ne connaît pas et qui se présente pour la première fois.
Les faux amis de l’intuition relationnelle
Il est facile de se méprendre entre intuition et préjugés dans nos relations. L’auteure recommande alors d’être vigilant quant à nos premières impressions qui peuvent n’être qu’une projection de sensations qui nous appartiennent ou qu’une opinion, un jugement basé sur des expériences passées inconscientes. Nous devons, insiste Victoria Pellé Reimers, regarder au-delà de ce que nous nous disons intérieurement sur une personne car "il se trouve un autre signal, une autre forme de message plus subtil qui nous permet de ressentir véritablement qui est devant nous, avec le potentiel ou le danger que cela peut engendrer". En fait, les préjugés sont mentaux et prévisibles, l’intuition non. L’intuition relationnelle se caractérise par son aspect radical, un "sentiment d’évidence", "la sensation d’être très présent à soi, et à l’autre, au moment de recevoir cette intuition". Finalement, selon Victoria Pellé Reimers :
"L’intuition est aussi sobre que le préjugé est bavard ! Alors que ce dernier se perd en justifications sans fin, l’intuition relationnelle nous laisserait presque dans l’embarras du contraire : on "sait" sans pouvoir expliquer et encore moins justifier."
L’utilité de l’intuition relationnelle dans le cadre professionnel
Pour l’auteure de "Tous intuitifs", l’intuition dite "relationnelle" s’avère notamment très utile en matière de :
Recrutement ⇒ cette intuition permet notamment de "savoir" s’il s’agit de la "bonne personne" dès le début d’un entretien d’embauche. Parfois, elle sert à repérer le potentiel d’un candidat jeune ou manquant juste de confiance en lui. L’auteure invite toutefois à la prudence quant aux premières impressions qui peuvent, on l’a vu, provenir d’autre chose.
Management ⇒ en s’appuyant sur des détails non rationnels, cette intuition aide à constituer des binômes ou une équipe performante sur un nouveau projet, à identifier les non-dits dans les groupes, à "ressentir une ambiance, un changement subtil et bien d’autres nuances qui font et défont les relations humaines".
Intuition relationnelle, intelligence émotionnelle et empathie
Pour l’auteure de "Tous intuitifs" :
L’intuition relationnelle fait partie de l’intelligence émotionnelle qui rend particulièrement habile pour adapter notre comportement à ce que nous sentons de l’autre. Les intuitifs relationnels sont souvent empathiques, c’est-à-dire qu’ils sont capables de percevoir ce que ressentent les autres.
Comment l’intuition relationnelle se manifeste-t-elle ?
L’intuition relationnelle n’est autre que l’analyse d’une "lecture extrêmement rapide et inconsciente des micro-informations" que nous captons chez l’autre. De cette déduction, nous tirons alors une conclusion : "je fais confiance ou pas", "je me rapproche ou je m’éloigne", "je m’ouvre ou je me ferme"," je recrute cette personne ou surtout pas", etc. Ces micro-informations sont perçues via 3 modes de captation qui, ensemble, vont nous procurer une intuition sur autrui.
La vue
Les intuitifs relationnels sont particulièrement doués pour percevoir les émotions des autres sur leurs visages. Il existe toutes sortes de signaux faibles généralement détectés inconsciemment : rythme du clignement des paupières, variation du teint, mouvements des lèvres et des narines… Ainsi, un intuitif relationnel saura capter la timidité, l’aisance, le mépris, le stress, la bonté, la sincérité chez les autres. Et "même s’il ne sait pas très bien à quoi il l’attribue, son expérience lui montre progressivement la pertinence de ce ressenti" ajoute l’auteure.
L’odorat
L’odorat est très connecté à notre mémoire. De façon inconsciente, nous pouvons nous relier à des souvenirs parfois très anciens et par conséquent des émotions très fortes, juste avec le pouvoir évocateur d’une odeur. Ce que nous sentons nous influence alors beaucoup dans nos relations aux autres.
La kinesthésie
Victoria Pellé Reimers explique ici que chaque corps biologique est source de champs électromagnétiques propres (selon les théories de la physique quantique) et possède donc une forme de "signature vibratoire". Les intuitifs relationnels sont, selon l’auteure, capables de percevoir ce champ énergétique, composé d’ondes, le rayonnement des personnes. Ils peuvent, nous dit l’auteure, évaluer "le taux vibratoire" d’un individu : on parle alors de radiesthésie.
Une forme d’intuition relationnelle exceptionnelle : la télépathie
Télépathie veut dire "ressenti à distance". La télépathie permet d’échanger des informations ou des sensations entre individus à distance. Ce phénomène n’utilise pas nos sens mais fonctionnerait par intrication. L’intrication est un terme issu de la mécanique quantique "qui nous place devant un mystère de la physique", déclare l’auteure de "Tous intuitifs". En effet, ce phénomène d’intrication révèle que si deux particules - A et B - ont été intriquées, et qu’un changement intervient sur A, alors B s’en trouve changé de la même façon de manière complètement simultanée. Le transfert entre les deux ne montre aucune durée, même pas celle de la vitesse de la lumière (la plus élevée qui soit). Ainsi, le fait que ce changement soit simultané entre A et B démontre qu’il existe un autre phénomène entre les deux particules, et que celui-ci n’est pas spatial. Malgré les nombreuses études qui visent à mieux comprendre l’intrication, nous ne sommes toujours pas en mesure actuellement d’expliquer la télépathie. Nous savons juste que les liens affectifs et de proximité intime entre deux individus favorisent les phénomènes de perceptions extra-sensorielles entre elles. Ce qui laisse penser qu’il existe une "communion sur un plan subtil et informationnel" entre les personnes. Aujourd’hui, même si le sujet des perceptions extra-sensorielles reste encore "tabou", "notre siècle pourrait être celui qui verra la mise au jour de leur existence et, espérons-le, de leurs mécanismes plus en détail" confie Victoria Pellé Reimers. 2.3 - L’intuition visionnaire
Qu’est-ce que l’intuition visionnaire ?
L’intuition visionnaire est "cette aptitude à voir […] ce qui va advenir et qui ne paraît pas perceptible à la plupart des gens" énonce Victoria Pellé Reimers. Elle se manifeste dans des rêves ou sous formes de flashs ou d’insights : les intuitifs visionnaires "voient", "sentent" intérieurement et intensément, ce qui pour eux est déjà une évidence et se trompent rarement. Victoria Pellé Reimers distingue deux formes d’intuition visionnaire :
L'intuition qui saisit les éléments d’un futur plutôt proche : c’est cette intuition-là "qui permet à l’entrepreneur d’être pionnier sur un marché qui n’existe pas encore". L'intuition, plus mystérieuse, qui semble connectée à "un avenir non accessible et a priori non prévisible dans le contexte actuel" : c’est l’intuition visionnaire des inventeurs, chercheurs, artistes et autres créateurs.
L’intuition visionnaire à court et moyen termes
Ces intuitifs sont capables de "pressentir une tendance, un mouvement collectif, de sentir à l’avance le succès d’une innovation technologique ou, au contraire, son flop" précise l’auteure. Cette capacité de perception est particulièrement avantageuse chez les entrepreneurs, designers et politiques. Lorsqu’elle est associée à une intuition contextuelle fine, l’intuition visionnaire conduit souvent au succès. Ces deux talents permettent aux entrepreneurs notamment, lorsqu’ils parviennent à concrétiser leurs idées, à flairer "le bon moment", "les bonnes conditions", et à "prendre des décisions rapides et pertinentes". C’est l’intuition visionnaire que possèdent de nombreux "startuppers" à succès, ou d’autres personnalités comme Coco Chanel, Richard Branson, Bill Gates, Steve Jobs, Mark Zuckerberg, Pascal Moreno, Frédéric Mazzela.
L’intuition visionnaire à long terme
L’intuition visionnaire à long terme est la plus spectaculaire et la plus perturbante parmi toutes les formes d’intuition. L’auteure nous la présente ainsi : "L’intuitif visionnaire reçoit une information précieuse à propos de ce qui sera une évidence plus tard. Il la voit venir. Cela s’impose à lui, si bien qu’il cherche à en avertir ses contemporains. Rarement compris, souvent raillé tant que son intuition n’est pas validée par le temps, l’intuitif visionnaire ne peut rester serein qu’en se moquant du regard des autres. Car l’intuition visionnaire isole celui qu’elle gratifie. L’intuition visionnaire, c’est celle qu’on ne comprend qu’après, une fois que ce qui avait été vu, pressenti, perçu de loin, et même parfois de très loin, arrive aux yeux de tous et devient une évidence." L’auteure cite Arthur Schopenhauer qui a très bien décrit cette loi de la pensée collective : "Toute vérité franchit trois étapes. D’abord elle est ridiculisée, puis elle subit une forte opposition, avant d’être considérée comme ayant toujours été une évidence." Car absolument toutes les évolutions, découvertes, innovations, mutations dans nos modes de vie, notre consommation, la technologie, la mode, les comportements sociaux et les choix sociétaux suivent ces étapes, soutient l'auteure. "Ce qui était une fantaisie totale, une hérésie, devient une intuition géniale dans l’esprit de la masse impressionnée. Et puis, très vite, ce qui était improbable arrive vraiment, indéniablement, puis s’installe au port et nous oublions tout sur l’agitation qu’avait généré son apparition, tout est devenu "normal"." En somme, l’intuition visionnaire, conclut Victoria Pellé Reimers, c’est "cette aptitude à percevoir le futur afin de s’y adapter".
L’intuition visionnaire à l’origine des plus grands progrès de l’humanité
Les intuitifs visionnaires sont ceux à l’origine de progrès technologiques, des avancées médicales, des plus grandes œuvres artistiques. Deux grandes tendances apparaissent chez les visionnaires. Il y a :
Ceux qui voient les menaces et les dangers arriver avant les autres, Ceux qui "rêvent d’un autre monde possible, de nouveaux horizons".
À titre d’exemples de visionnaires qui ont contribué à changer le monde par leur vision, l’auteure mentionne : Abraham Lincoln, Nelson Mandela, Martin Luther King, Simone Veil, l’Abbé Pierre, Pierre Rabhi, Mohamed Yunus. Et ce sera peut-être le cas de la jeune Greta Thunberg, qui fait l’objet de tant de polémiques pour le moment.
Portrait de l’intuitif visionnaire
Selon Victoria Pellé Reimers, l’univers personnel de l’intuitif visionnaire se caractérise par un mode de vie, des références et des goûts qui lui sont très propres. Ses idées sont souvent intemporelles, son rythme particulier (très grande rapidité, ou à l’inverse, lenteur comme si le temps était suspendu). Il fait preuve d'une certaine résistance face aux remarques et moqueries. Selon l'auteure, tout cela le distingue des autres.
Les faux amis de l’intuition visionnaire
L’auteure nous fait ici observer les trois points majeurs qui différencient les faux des vrais visionnaires. Les faux visionnaires :
Cherchent à se démarquer avant tout par besoin de reconnaissance. Poursuivant un but personnel, ils s'intéressent beaucoup à ce que pensent les autres, alors que les véritables visionnaires ne s'en préoccupent pas du tout.
Donnent une impression de "creux" ou de superficialité". Ils "ont des obsessions délirantes sans véritable contenu ni proposition tangible et innovante" ce qui a pour conséquence de ne générer que "gêne ou indifférence" constate l'auteure. À l'inverse, les "vrais" visionnaires suscitent de vives émotions : ils choquent les gens, les touchent en profondeur.
Finissent dans l'oubli ; un véritable visionnaire, lui, laisse des traces (œuvre, propos) et est toujours réhabilité à plus ou moins long terme.
Comment l’intuition visionnaire se manifeste-t-elle ?
L"intuition visionnaire nous parvient essentiellement sous la forme d'une "image spontanée, claire, évidente" et s'accompagne d'une forte charge émotive. Cette vision peut nous arriver en rêve en plein sommeil ou en rêve éveillé. "L’intuitif qui la reçoit "voit" intérieurement un contenu qui peut être un événement, un objet encore inexistant, ou encore la mise en œuvre d’un concept inédit… Tout semble s’apparenter à une sorte de "souvenir du futur"." Les concernés ne parviennent quasiment jamais à comprendre dans quelles conditions leurs intuitions visionnaires surviennent. En fait, pour la plupart d'entre eux, elles arrivent "sans donner de timing" indique l'auteure. Pour Victoria Pellé Reimers, cette forme d'intuition est, par le mystère qui l'entoure, la plus fascinante. Nous ne sommes, en effet, pas encore en mesure d'en expliquer le mécanisme par la physique telle qu'on nous l'a enseignée (physique qui considère le temps comme linéaire et imprévisible). Pourtant, les multiples études internationales menées à ce sujet montrent qu'un tiers de la population a déjà connu ce genre d'expérience intuitive et ont prouvé que ces intuitions n'étaient pas liées au hasard.
Les intuitifs visionnaires et le futur
Les hypothèses de plus en plus précises des physiciens sur notre rapport au futur nous amènent à penser qu'il n'est pas "si absurde" d’envisager le temps autrement que nous ne le conceptualisons aujourd'hui. D'autre part, ces théories laissent imaginer la possibilité de créer une relation "consciente" et "palpable" au futur. Les intuitifs visionnaires sont ces personnes qui savent d'ores et déjà bâtir ces ponts vers le temps futur, sans recette magique mais sans qu'on ne soit encore capable de le théoriser.
Une forme d’intuition visionnaire exceptionnelle : la précognition
"La précognition est le terme scientifique pour désigner toutes les formes d’informations et de connaissances que nous pouvons percevoir du futur, et qui s’avèrent exactes le moment venu. Il s'agit d’intuitions qui ne s’appuient pas sur ce que perçoit le corps par les sens, mais par un procédé, déroutant mais pourtant avéré, de perceptions extra-sensorielles." La précognition arrive de façon soudaine, en surprise, de manière disruptive, dans des moments où rien ne prédispose à la recevoir, d’ennui ou de calme. Elle peut se manifester sous la forme :
D'un flash ou d'une vision fugace et radicale, D'un pressentiment, D'une impression auditive, "comme une voix qui appelle, connue ou inconnue".
2.4 - L’intuition personnelle et spirituelle Pour parler de l'intuition personnelle et spirituelle, Victoria Pellé Reimers fait référence à ce qu'on appelle communément notre fameuse "petite voix" intérieure. Cette petite voix nous "souffle des suggestions d’ordre plus personnel, voire intime".
À quels moments l’intuition personnelle s’exprime-t-elle et comment se manifeste-elle ?
L’intuition personnelle nous saisit :
Dans les moments clés de notre vie : choix, orientation, rencontres, événements marquants. "Que nous l’écoutions ou que nous en soyons méfiants, il est rare de ne jamais l’avoir perçue" confie l'auteure.
De différentes façons : sous la forme d'une voix qui se détache de nos pensées, d'une expérience visuelle, dans un rêve par exemple ou lors d’expérience de conscience modifiée (transes, rêves éveillés sous hypnose, sophrologie).
En quoi cette intuition est-elle spirituelle ?
L'auteure de "Tous intuitifs" a choisi de nommer cette intuition, "intuition spirituelle" à cause de l'impression de mystère qui s'en dégage. Aussi, cette forme d'intuition constitue celle qui nous guide sur notre chemin personnel. En fait, beaucoup d'expressions existent pour décrire cette expérience intérieure. Parce que rien ne lui permet de l'exprimer autrement, l'auteure utilise le terme de "petite voix" pour évoquer ce qui semble "parvenir d'un degré profond de notre être" et nous relier au "Tout" ainsi qu'à une forme de sagesse universelle. Mais la façon de nommer cette rencontre avec une partie de soi est en réalité "éminemment personnelle", raconte l'auteure. Cette expérience a d'ailleurs été décrite à travers toutes les époques et toutes les cultures. Victoria Pellé Reimers dépeint ces nombreuses autres façons d'y faire référence :
La "parole divine" chez les chrétiens, Le "témoin" chez les yogis, L'"ange gardien" dans diverses religions et traditions spirituelles, Les "djinns" bienveillants dans le Coran, La "Prajna" dans l’hindouisme, Le "Kami" dans le Japon ancien, Le "Daerna" chez les Perses, Les "neuf muses" du monde antique occidental, Le "dieu" ou "la déesse" de la pythie ou des aèdes.
Les hypothèses pour expliquer cette guidance intérieure
De nombreuses interprétations examinent le phénomène de l’intuition personnelle et spirituelle sous plusieurs angles. L’auteure en mentionne quelques exemples :
L’interprétation jungienne : dans son travail, le psychiatre Carl Gustav Jung, pionnier dans cette recherche, fait notamment référence à un personnage imaginaire appelé "Philémon", un genre d'"enseignant intérieur".
L’interprétation religieuse : la notion de guidance intérieure, l’expérience de "l’appel" de Dieu, l'écoute intérieure de la parole divine dans l'oraison, les messages de l'ange gardien ou autre archétype semblable, l’évocation du Samadhi et du Prajna, etc. inscrivent ce phénomène d'intuition dans les fois chrétienne, musulmane, bouddhiste...
L'interprétation médicale via la psychiatrie : du point de vue de la psychiatrie actuelle, percevoir un contenu "distinct de soi" dans sa propre pensée est considéré comme une expérience suspecte. Toutefois, les progrès en matière de neurosciences pourraient apporter un plus grand éclairage dans l'analyse médicale de nos perceptions dans les années à venir et changer la donne (pour distinguer notamment l'intuition spirituelle de certaines pathologies comme la schizophrénie ou les troubles délirants par exemple).
Partie 3 - Passer à l’action avec son intuition Dans la troisième partie de "Tous intuitifs", Victoria Pellé Reimers nous propose de passer à l’action. Pour cela, elle nous invite d’abord à découvrir notre profil intuitif. Puis, elle nous explique comment réveiller et nourrir notre intuition en adoptant la posture adéquate et en pratiquant quelques exercices. 3.1 - Et si l’intuition attendait votre appel ? Pour introduire cette troisième partie, Victoria Pellé Reimers rappelle que plus nous sollicitons notre intuition et plus nous nous intéressons à elle, plus celle-ci aura des chances de s’exprimer dans les situations où la logique ne suffit pas. Cela signifie qu’il est possible, en quelque sorte, d’appeler notre intuition à se manifester quand nous avons besoin. Et qu'il suffit pour cela, de trouver la posture et les conditions optimales qui favorisent l’expression de notre intuition. Cette posture et ces conditions se résument en un élément essentiel : la disponibilité. Pour nous répondre, notre intuition a effectivement besoin que nous lui laissions un "espace libre dans notre corps, dans notre esprit, dans notre cœur". Car pour Victoria Pellé Reimers : "L’intuition, qui est la messagère de l’inconscient, peut alors profiter pleinement de notre disponibilité, pour laisser la finesse, la profondeur, l’intelligence de notre être profond se manifester en nous. Inviter votre intuition revient à multiplier vos chances d’être informés des détails qui échappent à la plupart des gens, de saisir la portée de vos actes à venir, de vos choix, dans des dimensions qu’il est impossible d’avoir à l’esprit dans le quotidien ordinaire." 3.2 - Quel intuitif êtes-vous ? Victoria Pellé Reimers continue en proposant au lecteur de tester son intuition à travers un questionnaire. En effet, il est utile, écrit-elle, de connaître notre tendance personnelle, voire celle de notre entourage, en matière d’intuition pour savoir quel type d’intuition il est opportun de développer - le plus présent - ou de réveiller - le moins présent. Une fois ce que l’auteure appelle son Profil Intuitif Approfondi® déterminé, Victoria Pellé Reimers émet, selon les résultats obtenus, des suggestions adaptées dans l'objectif de s’ouvrir à son potentiel intuitif. L'auteure souligne que cette étape est particulièrement intéressante dans un cadre professionnel. La connaissance du profil intuitif de ses collaborateurs est, en effet, un outil stratégique et managérial puissant dans le contexte incertain actuel : elle permet, par exemple, d’attribuer des missions en fonction des profils de chacun des membres d’une équipe (complémentarité des intuitions). 3.3 - Comment développer et nourrir votre intuition Victoria propose ses recommandations, un état d’esprit et des pratiques à s’approprier pour accroître notre intuition et lui donner plus de chances de nous guider.
Ajuster sa posture
Il est d’abord primordial de définir clairement son intention : être pleinement conscient de ce que nous voulons et l’assumer procure "un rayonnement particulier aux actes que nous posons". Autrement dit, "l’intention est le degré de présence que nous donnons à nos actes et à nos paroles". En effet, selon l’auteure de "Tous intuitifs" : "Lorsque nous sommes parfaitement cohérents avec nos aspirations les plus profondes, nos intentions génèrent, dans tous les domaines, de nombreuses intuitions qui nous font progresser vers la réalisation de nos désirs profonds." En plus de formuler son intuition clairement dans son cœur, il est essentiel de :
Rester honnête et ouvert tout en conservant son discernement (afin d’être sûr qu’il s’agit bien d’intuition et non pas de fantasme). Lâcher-prise et de ne pas "guetter" l’arrivée de notre intuition : il nous faut simplement retourner à nos occupations, confiant. Faire preuve de gratitude : pour gagner en confiance et créer ainsi un cercle vertueux.
Tester des pratiques concrètes favorisant l’intuition
L’auteure recommande ici de pratiquer quotidiennement "une écoute sincère" de son corps, même brève afin de gagner en sérénité et de se sentir plus alignée. Lors de ces moments, elle conseille de :
Repérer les variations d’énergie et ce qui les génère
Il s’agit d’identifier les moments, personnes, lieux, activités, éléments extérieurs, aliments, boissons à l’origine des augmentations ou inversement "pompages" d’énergie.
Rechercher le calme, "même dans la tempête"
Nous devons apprendre progressivement à gérer les perturbations émotionnelles.
Méditer en pleine conscience
Le but de la méditation en pleine conscience (appelé mindfulness en anglais) est de "porter son attention délibérément sur l’expérience qui se déroule au moment présent, sans jugement de valeur, sans se laisser entraîner dans un flux de pensées conceptuelles". On cherchera, en somme, à se rapprocher de "l’état très agréable que nous vivons lorsque nous sommes captivés par le spectacle d’un feu de bois, ou bien absorbés par l’horizon d’un océan paisible, ou encore l’immensité d’un ciel étoilé". L’auteure précise que la méditation de pleine conscience est "un moment de détente totale" de présence à soi-même qui nous amène à nous promener dans notre corps pour observer notre respiration, nos sensations. Cette méditation favorise ainsi la prise de conscience des signaux faibles de notre corps.
Créer et préserver des espaces de liberté
"L’intuition a besoin des flottements du hasard et de la distraction pour vous parvenir. […] Toute fulgurance, quelle que soit la personne qui la reçoit, nécessite un espace de liberté, même restreint. Les Britanniques résument cette loi par la règle des trois B : "Bed, Bathroom and Bus". C’est l’observation que les idées et l’inspiration arrivent surtout dans ces circonstances : la nuit ou bien au réveil, sous la douche, ou dans le temps de rêveries pendant vos trajets." 3.4 - Gérer ses résistances à l’intuition Quand nous sentons des résistances dans la quête de notre intuition, que la méfiance et la prudence prennent le dessus, l’auteure nous encourage, pour dépasser les freins, à :
Nous poser les deux questions suivantes : "qu’est-ce que je risque si je m’ouvre à mon intuition ?" et "qu’est-ce que je risque si je la laisse de côté ?" Tester au moins, afin de voir par nous-même ce qui se passe et ce que cela nous apporte.
3.5 - Exercices pour aller plus loin Cette partie du livre "Tous intuitifs" propose des fiches d’exercices et des pratiques à tester et mettre en place quotidiennement pour passer à l’action.
Favoriser le lâcher-prise
La première étape vers le déploiement de l’intuition en soi est le lâcher-prise. L’auteure de "Tous intuitifs" propose ici trois exercices à réaliser qui visent à retrouver, sans chercher à contrôler quoique ce soit, un état de détente, d’accueil et de réceptivité totale, un juste équilibre entre la tension et le relâchement, entre l’attention et le retrait, ou encore "un équilibre à la fois dans le corps, le cœur et l’esprit".
Écouter les signaux du corps
Victoria Pellé Reimers conseille trois autres exercices dans le but de nous aider à créer un "langage commun" entre notre inconscient et notre conscient. L'idée est d'effectuer ces exercices en conscience, avec l'intention de recevoir une sensation porteuse de sens - une sensation de chaleur, de pincement ou un mouvement involontaire par exemple - qui nous indiquerait si une situation est favorable ou pas. Nous obtenons alors une réponse de notre inconscient au travers de notre corps, indique l’auteure. Un autre exercice consiste à solliciter sa "petite voix", à l’inviter à s’exprimer en prenant soin de lui laisser un "espace libre, neutre d’écoute intérieure". Nous pourrons ensuite retranscrire à l'écrit tout ce qui nous vient, sans trier, sans jugement ni questionnement. La relecture de ces textes quelques jours plus tard apporte une certaine clarté et un nouveau degré de discernement. Partie 4 - L’entreprise post-2020 sera-t-elle intuitive ? Dans cette quatrième et dernière partie de "Tous intuitifs", Victoria Pellé Reimers nous explique en quoi l’intuition est plus que jamais un facteur clé de succès pour l’entreprise d’aujourd’hui.
4.1 - L'intuition réhabilitée La crise mondiale de l’année 2020 (COVID-19) et la période de chaos qu'elle a engendrée nous ont forcé à nous réinventer en un temps record (organisations, modèles de consommation, d'approvisionnement, habitudes relationnelles). Ce contexte de crise, qui nous a obligé à agir de façon plus audacieuse et moins dans le contrôle, a finalement contribué à réhabiliter l'intuition. Aussi, "de l’idée innovante à la prise de décision, en passant par la capacité à s’entourer des bonnes personnes et à savoir les manager au-delà de la théorie", l’intuition est aujourd'hui de plus en plus reconnue comme une ressource professionnelle, une "soft skill" à part entière dans l'entreprise. Victoria Pellé Reimers passe alors en revue les trois intuitions qu'elle considère comme indispensables aux métiers entrepreneuriaux post-2020. Elle nous éclaire sur leur rôle dans la performance et la prise de décision en entreprise. Elle dresse également une liste des métiers particulièrement conseillés pour chacune de ces trois intuitions. 4.2 - Les trois intuitions indispensables aux métiers de l’entreprise d'aujourd'hui
"L’intuition contextuelle, celle qui nous guide dans nos décisions"
Chez un manager, l'intuition contextuelle est un immense atout. Celle-ci lui permet en effet de :
Prendre des décisions rapides, bien plus que celui qui recherche une exactitude. Agir avec plus d'engagement et plus de joie : la mise en action de la décision est "soutenue par un élan" plutôt que "retenue par des tensions" observe l'auteure.
Par ailleurs, quand le contexte décisionnel est nébuleux ou compliqué, l'intuition, par sa finesse de perception, est plus à même de montrer la voie. Par contre, Victoria Pellé Reimers insiste sur le fait que l'intuition contextuelle nécessite de la confiance : cela paraît évident chez les officiers ou médecins urgentistes, moins en entreprise. Pourtant, cette confiance en l'intuition est capitale pour en tirer des bénéfices. Pour dépasser cette étape, le travail à effectuer devra être collectif et se situer au niveau des croyances, surtout celles liées à l'erreur et à la prise de risque.
"L’intuition relationnelle, celle qui nous relie et nous associe aux projets"
Le développement de l’économie collaborative et des réseaux sociaux ont créé de nouvelles façons de "croiser du monde". Ces derniers ont rendu les rencontres multiples et fugaces au sein de l'entreprise. Dans ce nouveau contexte, il nous faut percevoir rapidement qui sont les bonnes personnes en matière de recrutement, de partenariat, de transactions, et ce, "sans avoir le temps d’instaurer un dialogue approfondi, une confiance nourrie par le temps". Selon Victoria Pellé Reimers, une forte intuition relationnelle va grandement nous y aider. En effet, elle va permettre de :
Nous entourer intuitivement des collaborateurs adéquats : l'auteure rappelle que la posture la plus juste lors des recrutements est la réceptivité et l'équilibre entre intuition et réflexion (ni "tout rationnel" ni "trop dans l'affectif"). Donner aux gens des responsabilités sur-mesure. Ressentir les non-dits dans une équipe et les incompatibilités entre certaines personnes dans la mise en place de projets. Manager plus efficacement des équipes dans les épreuves. Gagner en communication et mieux impacter le public lors de ses prises de parole.
"L’intuition visionnaire, celle qui nous ouvre les portes de demain"
Les intuitifs visionnaires peuvent :
Sentir les tendances d’un secteur, d’un marché, les nouvelles façons de vivre et de travailler. Pressentir l’incongru, anticiper les changements les plus imprévus et impactants mais invisibles pour la plupart des gens. Percevoir les opportunités, mais aussi des menaces et ainsi devenir des lanceurs d’alerte.
Tout cela souvent avec beaucoup d'émotion et une notion d’urgence rarement prise au sérieux par les autres. En guise d'exemples, l'auteure mentionne ceux qu'on a longtemps perçus comme les "gentils poètes" de la filière bio, les "Bisounours" de l’économie collaborative ou encore ceux qui nous alertent de l’accélération du changement climatique et démographique. Cette faculté qu'ont les intuitifs visionnaires de voir les évènements avant tout le monde est bluffante mais aussi dérangeante. Souvent hors-normes et remettant en question les règles, ces intuitifs sont difficiles à comprendre par leurs collègues et managers. Ils sont même parfois qualifiés d'"ingérables". Et pourtant aujourd’hui, dans notre monde en mutation, les intuitifs visionnaires apparaissent indispensables et sont de plus en plus recherchés sur le terrain comme à la tête des organisations. Attention, par contre, à bien faire la différence entre les "vrais" intuitifs et les "simples rêveurs", avertit Victoria Pellé Reimers. Pour les distinguer, on remarquera, entre autres, que les véritables intuitifs ne sont pas d'une nature forcément négative. Ils émettent simplement des avertissements, et ce, plutôt ponctuellement, alors que les autres ressemblent à d'éternels pessimistes. 4.3 - Comment développer et faciliter l’intuition en entreprise ? Notre culture et notre éducation ne favorisent pas la reconnaissance de notre potentiel intuitif. C’est pourquoi, pour optimiser l’intuition de chacun en entreprise, il est indispensable, assure l’auteure, de former :
Les managers : leur apprendre à discerner les différentes formes d'intuition au sein de leurs équipes ainsi que leurs faux amis, les inviter à encourager leurs collaborateurs à écouter leurs intuitions et à oser passer à l’action avec davantage d’audace et d’assurance.
Les leaders des Ressources Humaines : leur montrer comment déceler et valoriser les intuitifs visionnaires et utiliser l’intuition comme une ressource de travail.
Les dirigeants : les former aux façons de nourrir leur vision et de s’appuyer sur les intuitions pour gérer les incertitudes et "emmener leur entreprise vers demain, en confiance et discernement".
Avant de conclure, Victoria Pellé Reimers présente, à la fin de cette dernière partie, un tableau récapitulatif très intéressant qui synthétise les différentes formes d’intuition et leurs caractéristiques. Conclusion de "Tous intuitifs" par l'auteure, Victoria Pellé Reimers En conclusion de son ouvrage "Tous intuitifs", Victoria Pellé Reimers nous rappelle à quel point il est essentiel, face à l’accélération des changements de plus en plus complexes de notre monde en mutation, de "revenir à ce qui nous a toujours aidés à survivre" et à traverser les périodes les plus chaotiques de l’histoire humaine. Il s’agit de ce "don sacré" qu’est l’intuition : ce don naturel capable de nous guider et d’aider les générations futures à sentir comment s’adapter et réinventer notre monde. Victoria Pellé Reimers termine "Tous intuitifs" en nous encourageant dans cette démarche. Démarche qui, affirme l’auteure, ne dépend que de nous. Et qui consiste à reprendre conscience de nos ressentis corporels, de notre intériorité et de "notre manière de recevoir l’inspiration" comme l’auteure l’écrit ici : "Il y a un cap que nous devons tous franchir, à tous les niveaux, et dans les entreprises en particulier… Ce cap, c’est laisser revenir en nous le don sacré de nos intuitions, dans notre esprit, dans notre corps, dans notre cœur, et d’être parfaitement honnêtes avec ce que nous percevons, car la justesse est inimitable et les évidences trop rares." Enfin, une citation du célèbre poète et romancier Victor Hugo conclut l’ouvrage : "C’est parce que l’intuition est surhumaine qu’il faut la croire, c’est parce qu’elle est mystérieuse qu’il faut l’écouter, c’est parce qu’elle semble obscure qu’elle est lumineuse." Plusieurs documents dans une section "annexes" et une bibliographie détaillée par thématique complète l’ouvrage. Conclusion de "Tous intuitifs - L'intuition, l'âme de la performance" de Victoria Pellé Reimers Les idées clés à retenir de l'ouvrage "Tous intuitifs"
Nous sommes tous intuitifs
L’intuition n’est pas mise en valeur dans notre société actuelle, mais existe pourtant bel et bien en chacun de nous. Comme le titre de l'ouvrage l’indique, nous sommes tous intuitifs. C'est notre société qui nous a amené à écarter cette ressource de nos décisions et de nos activités.
L'intuition est particulièrement utile dans le contexte actuel
Les mutations profondes et rapides récemment survenues sont en train de créer un monde de plus en plus incertain, complexe et volatile. Recourir davantage à notre intuition peut s'avérer d’une grande utilité dans ce contexte.
Les recherches sur l'intuition continuent de progresser
Bien que la science ait beaucoup évolué ces dernières années, la neurobiologie n’en est qu’à ses balbutiements pour expliquer certains phénomènes intuitifs. Les théories autour des précognitions par exemple avancent en même temps que les remises en question concernant notre conception "espace-temps", considérée comme dépassée par une majorité de chercheurs.
Intuition + logique = performance et alignement
Savoir équilibrer "raisonnement logique" et "intuition" est la meilleure façon de prendre des décisions avec discernement et justesse, d'être performant dans nos projets et de ressentir un état "d'alignement".
Le lâcher-prise est indispensable pour ressentir les signes intuitifs
L’intuition se compose d’intention, d'expérience et de lâcher-prise. Elle se nourrit de notre pratique régulière à écouter les signaux internes de notre corps.
Notre profil intuitif se compose de quatre grandes variantes
Il existe l'intuition :
Contextuelle, source de discernement dans nos décisions. Relationnelle, qui apporte une compréhension et un ressenti de l’autre, nous reliant par là-même aux personnes et aux projets. Visionnaire, qui élargit notre domaine des possibles. Personnelle/ spirituelle qui invite à se faire confiance.
Ces quatre types d'intuition sont des clés indispensables pour survivre et devenir performants au sein de nos organisations et entreprises. Ce que peut vous apporter la lecture du livre "Tous intuitifs" Ce livre est intéressant pour ceux qui :
Sont curieux de mieux cerner l'intuition et désireux de l'utiliser dans leur vie personnelle et professionnelle. Pensent que la logique rationnelle ne suffit pas et recherchent un outil décisionnel complémentaire dans leur vie entrepreneuriale.
Plus précisément, la lecture de "Tous intuitifs" permet de :
Découvrir ce qu’est l’intuition, ses variantes, ses manifestations, ses atouts et son utilité dans nos vies personnelle et professionnelle. L'auteure expose sa vision pragmatique de l’intuition tout en soulignant que nous ne pouvons pas encore tout expliquer scientifiquement. Il nous faut alors faire preuve d'ouverture pour élargir notre compréhension.
Bien différencier ce qui relève de l’intuition et ce qui n’en relève pas (biais cognitifs, préjugés, projections, expériences passées, automatismes et réflexes…).
Identifier notre profil intuitif, celui de nos proches, de nos collaborateurs. Par la connaissance de soi et des autres, cette étape sera source d'alignement dans nos activités de travail et de vie.
Cerner la posture à adopter pour réveiller et nourrir notre intuition.
Apprendre à déployer notre intuition via des exercices à pratiquer pour qu'elle devienne une ressource fiable et immédiate.
Comprendre comment utiliser l’intuition dans le monde de l’entreprise actuel et en faire un outil de performance.
Points forts :
L'auteure s'appuie sur des éléments scientifiques tout en explorant la dimension moins rationnelle du sujet. La complémentarité entre théorie et mise en pratique. Les données récentes sur le sujet.
Point faible :
La partie descriptive reste beaucoup plus importante que la partie "mise en pratique" consacrée au développement de notre intuition. Des répétitions tout au long des chapitres.
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