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Résumé de "Pourquoi personne ne m'en a parlé avant ?" de Julie Smith : un ouvrage de psychologie accessible pour mieux comprendre les ressorts du stress, de la déprime et du manque de motivation, notamment, et apprendre à les surmonter pour retrouver énergie, calme et joie de vivre — par l'une des influenceuses "psy" les plus en vue du moment !

De Julie Smith, 2023, 352 pages.

Titre original : Why has nobody told me this before (2022).

Chronique et résumé de "Pourquoi personne ne m'en a parlé avant ?" de Julie Smith

Introduction

Julie Smith était une jeune femme autrefois anxieuse ; aujourd'hui, elle se dit confiante et capable de surmonter les difficultés. Ce changement est-il magique ? Pas du tout ! Il vient de l’apprentissage d’outils simples et accessibles à tous.

Trop de gens ignorent le fonctionnement de leur esprit. Pour y remédier, l’autrice se met à publier des vidéos, sur TikTok notamment, puis se décide à écrire ce livre.

Son but ? Transmettre des compétences essentielles pour mieux vivre. Ces outils, utilisés régulièrement, renforcent la résilience et la conscience de soi. Cet ouvrage est donc comme une boîte à outils, qui vous aidera à affronter la vie avec clarté et force.

Partie 1 - Sur la vie en gris

1 - Comprendre les raisons d'un moral en berne

Julie Smith constate que tout le monde connaît des phases de déprime, mais que beaucoup les cachent par peur du jugement. Les personnes pensent souvent que le bonheur est un trait de personnalité ou que leur mal-être vient uniquement de leur cerveau, ce qui renforce leur sentiment d’impuissance.

Pourtant, l’humeur, comme la température corporelle, est influencée par des facteurs internes et externes. Manque de sommeil, stress ou déshydratation peuvent altérer l’état émotionnel. La psychologue montre qu’en comprenant ces influences, il devient possible d’agir.

Elle explique que pensées, sensations physiques, émotions et comportements sont liés. Ce cercle peut entretenir la déprime, mais aussi aider à en sortir. Il faut donc apprendre à repérer les signes, puis à utiliser des outils concrets pour modifier ses habitudes et ses réactions.

Le livre propose d’adopter une posture d’exploration : observer ce que l’on ressent, penser, faire, et en tirer des enseignements. Ces habiletés sont simples, accessibles, et efficaces, même hors d’une thérapie. Ce sont des leviers puissants pour reprendre la main sur sa santé mentale.

2 - Les pièges à éviter en matière de moral

Julie Smith explique que face à la déprime, beaucoup recherchent un soulagement immédiat : écrans, nourriture, alcool… Ces réactions, bien qu’efficaces à court terme, aggravent l’état émotionnel sur le long terme. Comprendre cette dynamique aide à choisir des stratégies plus saines.

Elle décrit aussi plusieurs biais de pensée qui renforcent la déprime, tels que :

Deviner les pensées d’autrui ;

Surgénéraliser ;

Raisonner avec ses émotions ;

Se fixer des injonctions irréalistes ;

Adopter un raisonnement tout ou rien ;

Etc.

Ces schémas, bien que fréquents, amplifient le mal-être. Il importe de repérer ces biais et de s’y entraîner régulièrement, par l’écriture, la discussion ou la pleine conscience. Il ne s’agit pas de supprimer les pensées, mais d’en prendre conscience et d’envisager d’autres interprétations plus nuancées.

Grâce à cette pratique, chacun peut éviter qu’un simple agacement devienne une journée de morosité. Cela demande de la patience, mais ces outils rendent la vie émotionnelle plus stable et plus libre.

3 - Les mesures utiles

Lorsque la déprime s’installe, les pensées négatives s’imposent comme un masque : elles parasitent la perception et influencent le comportement. Julie Smith montre que se distancier de ces pensées est essentiel. Grâce à la métacognition, chacun peut apprendre à les observer sans s’y identifier.

Ce recul passe par l’attention. Plutôt que lutter contre les pensées, il s’agit de choisir consciemment où diriger son projecteur mental. Trop souvent, l’esprit reste focalisé sur ce que l’on rejette, au lieu de s’orienter vers ce que l’on souhaite. L’attention, bien utilisée, redonne un cap.

Les pensées ruminées à répétition alimentent la spirale dépressive. Plus elles sont récurrentes, plus elles s’ancrent. Pour y remédier, des actions simples, comme bouger, changer de posture ou se poser la question suivante permet de rompre le cycle :

« Que ferait mon moi en forme ? »

Le lien humain aide aussi à sortir de cette boucle mentale. Un ami ou un thérapeute offre un miroir extérieur, recentre et éclaire. Parler, c’est déjà transformer la pensée.

La pleine conscience aide également à développer ce recul. Elle s’exerce comme un muscle : méditation guidée, observation sans jugement, recentrage volontaire. Plus on la pratique, plus on apprend à choisir comment réagir aux émotions et pensées.

Enfin, la gratitude renforce l’attention positive. Noter chaque jour trois éléments plaisants, même infimes, habitue l’esprit à chercher ce qui apaise. Cette pratique quotidienne renforce la stabilité émotionnelle et le sentiment de bien-être.

4 - Rendre les mauvais jours meilleurs

Lorsque la déprime s’installe, prendre une décision simple peut devenir épuisant. Le cerveau pousse vers des choix qui soulagent à court terme mais aggravent l’état général. Julie Smith recommande de viser des bonnes décisions, pas parfaites. Même minimes, elles créent un mouvement salutaire.

Plutôt que d’agir selon son humeur, il est utile de s’ancrer dans ses valeurs personnelles. Se demander ce qui est important pour sa santé mentale aide à agir avec cohérence. Il suffit parfois d’un petit pas répété chaque jour pour construire un changement durable.

La déprime amplifie souvent l’autocritique. On se juge durement, sans appliquer la compassion qu’on aurait pour un proche. L’autocompassion n’est pas de la complaisance, mais une posture honnête et encourageante, semblable à celle d’un bon coach.

Se demander comment on aimerait se sentir permet de ne plus seulement fuir la souffrance mais de choisir une direction. En remplissant un schéma basé sur les bons jours, on identifie les comportements et pensées à cultiver pour s’en rapprocher.

Enfin, imaginer un miracle où les problèmes disparaissent révèle ce qui compte vraiment. Ces indices éclairent les premiers petits gestes à poser au quotidien. Même si les difficultés persistent, il est possible d’avancer vers plus de clarté, d’équilibre et de sens.

5 - Maîtriser l'essentiel

Quand la santé mentale vacille, on néglige souvent les fondamentaux :

Sommeil ;

Alimentation ;

Exercice ;

Routine ;

Lien social.

Julie Smith les compare à des défenseurs dans une équipe : discrets mais décisifs. Sans eux, même une bonne attaque ne tient pas !

L’exercice physique agit comme antidépresseur naturel. Il augmente la dopamine, améliore l’humeur et favorise la résilience. Il n’a pas besoin d’être intense : une marche, une danse ou du yoga suffisent. L’essentiel est de commencer petit, avec plaisir, et de répéter.

Le sommeil régule l’humeur et renforce la capacité à faire face. Créer des conditions propices à l’endormissement – lumière naturelle le matin, calme le soir, apaisement mental – favorise un repos de qualité. Le sommeil ne se force pas : il se prépare.

L’alimentation influence directement le moral. Pas besoin d’un régime parfait, mais privilégier les aliments simples, complets et non transformés. Une amélioration progressive des choix alimentaires suffit à soutenir durablement l’équilibre émotionnel.

Une routine quotidienne prévisible stabilise l’esprit. Même minimes, des habitudes ancrées rétablissent un rythme et évitent les dérives. Elle permet aussi de se recentrer dès que l’on s’en éloigne, comme un point d’ancrage régulier.

Enfin, les relations humaines jouent un rôle clé dans la résilience. Même sans parler, être entouré apaise. Aller vers les autres avant d’en ressentir l’envie brise le cercle de l’isolement. Le lien, même simple, restaure un sentiment de sécurité intérieure.

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Fri, 12 Sep 2025 17:00:00 +0200 http://www.olivier-roland.fr/items/view/13116/Pourquoi-personne-ne-men-a-parl-avant-
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Résumé de "Comment naissent les émotions : la vie secrète du cerveau" de Lisa Feldman Barrett : écrit par une psychologue et neuroscientifique canado-étatsunienne, cet ouvrage est une référence sur la question de la cognition et des émotions — un ouvrage à lire par pur intérêt scientifique ou pour apprendre à apprivoiser vos sentiments et vivre mieux avec vous-même.

Par Lisa Feldman Barrett, 2017, 449 pages.

Titre original : How Emotions are Made. The Secret Life of Brain (2017).

Chronique et résumé de "Comment naissent les émotions : la vie secrète du cerveau" de Lisa Feldman Barrett

Introduction : Une hypothèse vieille de deux mille ans

Le 14 décembre 2012, un tireur tue vingt enfants et six adultes à l’école primaire Sandy Hook. Quelques semaines plus tard, le gouverneur du Connecticut, Dannel Malloy, évoque la tragédie dans son discours annuel. Sa voix se brise brièvement ; ce léger tremblement bouleverse Lisa Feldman Barrett, mais aussi le public, puis des millions de téléspectateurs. Tout le monde croit vivre la même « tristesse », comme si une réaction câblée déclenchait un circuit neuronal universel et bien reconnaissable.

C’est exactement ce que défend la « vision classique » des émotions, héritière de Darwin, Descartes, Ekman ou Pinker : chaque émotion serait un réflexe inné, produit par un circuit cérébral spécifique et associé à une “empreinte” corporelle typique — accélération cardiaque pour la peur, hausse de tension pour la colère, larme pour la tristesse, etc. Considérée comme universelle, cette théorie imprègne aussi bien la culture populaire (Inside Out, émoticônes, séries policières), que la technologie (logiciels d’“emotion analytics”),en passant par le droit et même les méthodes d’interrogatoire du FBI.

Pourtant, un siècle de recherches empiriques contredit cette vision. Les mesures du visage, du corps ou du cerveau révèlent une variabilité énorme : on peut être en colère sans tension élevée, avoir peur sans amygdale, sourire par politesse, pleurer de joie. Aucune “empreinte” fiable n’a jamais été isolée. Les expériences favorables à la vision classique sont aussi nombreuses que celles qui la réfutent, mais l’ensemble des données tend vers une conclusion : les émotions ne se déclenchent pas, elles se construisent.

Voici la « théorie constructionniste » défendue par L. F. Barrett : le cerveau, organe prédictif et plastique, combine en temps réel sensations corporelles, contexte culturel et expérience passée pour générer ce que nous appelons « tristesse », « colère » ou « joie ». Quand la voix du gouverneur se brise, l’autrice anticipe des réponses corporelles (cœur qui bat, gorge serrée), les ressent, puis les étiquette « tristesse » parce que sa culture lui a appris cette catégorie. Avec d’autres prédictions, les mêmes sensations pourraient devenir colère, peur ou gratitude. Les émotions sont donc réelles, mais conventionnelles : elles existent par accord collectif, à la manière de la monnaie, non comme des entités biologiques figées.

Ce changement de perspective a des conséquences majeures. Il explique par exemple l’échec de programmes coûteux comme SPOT (900 millions de dollars gaspillés pour “lire” les visages via la reconnaissance faciale), éclaire les biais médicaux qui font sous‑diagnostiquer les crises cardiaques chez les femmes. Comprendre la construction des émotions peut transformer la santé mentale et physique, l’éducation, la justice et nos relations quotidiennes.

L’ouvrage promet donc une révolution comparable à celles qu’ont vécues la physique avec Einstein ou la biologie avec Darwin. Les trois premiers chapitres présentent les nouvelles données ; les suivants détaillent le mécanisme de construction ; la dernière partie explore les applications pratiques, de la parentalité à la politique. Au‑delà du simple débat scientifique, l’autrice invite à embrasser l’inconnu, à poser de meilleures questions et à redéfinir ce que signifie être humain.

À la recherche des « empreintes » des émotions

Dans les années 1980, Lisa Feldman Barrett pense devenir psychologue clinicienne. Mais lors de ses expériences doctorales, elle se rend compte que la « vision classique » des émotions ne tient pas. Alors qu’elle tente simplement de répliquer des protocoles montrant que l’échec à ses propres standards rend dépressif et l’échec aux standards d’autrui rend anxieux, ses sujets n’arrivent pas à distinguer anxiété et dépression. Après huit tentatives, les résultats restent identiques.

L’autrice comprend alors qu’elle vient de mettre au jour une découverte : chacun discrimine les émotions avec plus ou moins de finesse, un talent qu’elle baptise « granularité émotionnelle ». Cette granularité, selon la théorie classique, devrait refléter la capacité à détecter de prétendues « empreintes physiologiques » : sourire pour la joie, frisson pour la peur, etc. Pour vérifier cette idée, la psychologue cherche un étalon objectif.

Elle se tourne d’abord vers le visage. Inspirés par Charles Darwin, trois scientifiques ont popularisé six expressions « universelles », photographiées chez des acteurs surjouant leur émotion :

Colère ;

Peur ;

Dégoût ;

Surprise ;

Tristesse ;

Joie.

Des centaines d’études montrent que, devant ces clichés, des participants du monde entier choisissent les mêmes mots. Pourtant, quand l’équipe de L. F. Barrett mesure réellement les muscles faciaux (EMG) ou recourt à un type de codage scientifique spécifique, la constance disparaît : les mouvements varient d’un individu à l’autre et même d’un instant à l’autre ; au mieux, ils signalent simplement « agréable » ou « désagréable ».

Chez les bébés comme chez les adultes, le contexte – posture, voix, situation – prime sur la mimique. Les « visages de base » sont donc des stéréotypes culturels, non des signatures biologiques.

La chercheuse examine ensuite le corps. Un article phare d’Ekman et al. (1983) semblait relier chaque émotion à un profil cardiaque et vasculaire distinct, mais il reposait sur la « facial feedback hypothesis » : demander aux sujets de prendre la pose d’une émotion.

Des répliques indépendantes et quatre méta‑analyses couvrant 22 000 participants échouent à retrouver des motifs stables ; la physiologie change selon la tâche, l’attitude corporelle ou la culture. Variation, pas uniformité : aucune empreinte autonome ne distingue fiable­ment colère, tristesse ou peur.

Reste le cerveau. Longtemps, l’amygdale passe pour le siège de la peur. Des patientes dépourvues d’amygdales semblent intrépides ; mais elles reconnaissent la peur dans les voix, la ressentent sous CO₂ enrichi, et d’autres personnes avec la même lésion éprouvent la peur normalement.

La règle de « dégénérescence » s’impose : plusieurs circuits peuvent produire la même émotion, et les mêmes neurones servent à des états mentaux différents. Les méta‑analyses d’imagerie qu’orchestrent L. F. Barrett et ses collègues – près de 100 études, 1 300 cerveaux – confirment qu’aucune région ni réseau n’est spécifique à une émotion ; l’amygdale, par exemple, s’active aussi bien pour nouveauté, apprentissage, douleur ou décision.

Peu à peu, la scientifique adopte la « pensée populationnelle » héritée de C. Darwin : une catégorie, ici « colère » ou « peur », rassemble des instances multiples et hétérogènes, sans prototype figé. Les programmes d’IA qui « devinent » l’émotion sur un scan ne lisent pas un état réel ; ils comparent un cas particulier à une moyenne abstraite. Ainsi, les empreintes émotionnelles relèvent du mythe.

Constat final de l’autrice : pour comprendre et améliorer la granularité émotionnelle – donc la santé, l’éducation, la justice – il faut abandonner la vision réflexe et universaliste. Les émotions se construisent, contextuelles et diverses, et non se déclenchent via des circuits dédiés. Cette prise de conscience ouvre la voie à une nouvelle théorie qui, selon la scientifique, redéfinit en profondeur la nature humaine.

Les émotions sont construites

Lisa Feldman Barrett explore comment l'émotion est simulée par le cerveau. L'autrice explique que l’émotion n'est pas simplement une réaction à des stimuli, mais une construction basée sur des anticipations et des expériences passées.

Selon la psychologue, le cerveau utilise des concepts pour anticiper et donner sens à l'expérience émotionnelle. Elle propose une nouvelle théorie sur l'émotion, en soulignant l'importance de la perception personnelle et de la culture dans la formation des émotions. C'est une approche plus nuancée et dynamique de la façon dont nous ressentons.

Lisa Feldman Barrett montre que notre cerveau ne « perçoit » pas passivement le monde ; il le simule en permanence à l’aide de souvenirs et de concepts. Devant une image de taches noires, nous restons « aveugles expérientiels » ; après avoir vu la photo complète, notre cortex visuel, l’amygdale et d’autres régions réorganisent instantanément leurs décharges : nous « hallucinons » l’objet caché, sans jamais sentir la machinerie interne qui crée cette vision.

La psychologue généralise : lire le mot pomme active déjà des neurones sensorimoteurs, comme si le fruit était présent. Ses exemples – soirée d’anniversaire « nourriture dégoûtante », odeurs de « purée de bébé » ou faux fromage moisi – montrent que ces simulations peuvent même provoquer nausées ou haut‑le‑cœur alors que rien, chimiquement, n’est toxique.

Au cœur du processus, les concepts agissent comme des emporte‑pièces : ils découpent le flux sensoriel interne (battements cardiaques, tensions, température) et externe (lumières, sons, odeurs) pour lui donner sens et guider l’action. Le même nœud à l’estomac devient faim, anxiété, dégoût ou désir selon le contexte culturel et situationnel. Quand l’autrice, par exemple, confond un début de grippe avec un coup de foudre lors d’un rendez‑vous, son cerveau construit une authentique attraction à partir de fièvre et de papillons gastriques ; ce n’est pas une erreur, mais le fonctionnement normal de la simulation.

Ainsi naît la théorie de la construction des émotions : à chaque instant, le cerveau utilise ses concepts émotionnels – appris dans une société donnée – pour fabriquer sur mesure une instance de peur, de joie ou de colère. Il n’existe ni « empreinte » corporelle, ni circuit dédié ; variation et dégénérescence neuronale sont la règle.

Autrement dit : les émotions relèvent d’une réalité sociale comparable à la distinction culturelle entre muffin et cupcake : mêmes ingrédients, fonctions différentes !

L. F. Barrett inscrit cette approche dans la tradition « constructionniste » : sociale (rôle des normes collectives), psychologique (combinaison de composants mentaux basiques) et neurobiologique (plasticité qui câble le cerveau selon l’expérience). Elle remplace donc les notions de « détection », « expression faciale » ou « réaction émotionnelle » par un vocabulaire neutre : configuration faciale, perception, instance d’émotion.

En conclusion, l’autrice affirme que nous ne sommes pas les jouets de circuits archaïques ; nous sommes les architectes de nos expériences affectives. Comprendre cette construction invisible ouvre la voie à repenser la psychologie, la santé, l’éducation et nos interactions quotidiennes.

Le mythe des émotions universelles

Lisa Feldman Barrett démontre que la perception des émotions dépend d’abord de concepts appris, et non "d’expressions" universelles programmées dans le visage.

Elle prend l’exemple de Serena Williams : hors contexte, beaucoup voient dans sa mimique un hurlement de terreur ; sitôt qu’ils apprennent qu’elle vient de remporter la finale de l’US Open 2008, la même configuration faciale devient un cri de triomphe. Le cerveau applique donc, à la volée, les concepts appropriés (ici peur puis victoire) pour simuler la signification des traits qu’il observe.

Pour tester ce rôle des concepts, la psychologue revisite la méthode classique dite “basic emotion method” (la méthode des émotions de base) : un acteur prend six poses stéréotypées (sourire, fronce­ment, moue, etc.) et le participant choisit parmi six mots (joie, colère, tristesse, etc.). Dans le monde entier, la correspondance dépasse 80 % – mais ce succès reflète le choix forcé qui fait office d’antisèche et influence les sujets avec les mots‑concepts.

Dès que l’on retire cette liste, la performance chute (≈ 60 %). Si l’on présente simplement deux photos et qu’on demande « Ces personnes ressentent‑elles la même chose ? », l’accord tombe à ≈ 40 %. Mieux : en faisant répéter “anger, anger, anger” jusqu’à vider le mot de son sens, ou en testant des patients atteints de démence sémantique, la reconnaissance s’effondre encore ; les sujets ne discernent plus que du plaisant versus du déplaisant. Les jeunes enfants, avant de maîtriser des concepts émotionnels différenciés, montrent le même schéma.

La psychologue poursuit ses recherches en Namibie auprès des Himba, peuple quasi coupé des codes occidentaux : au lieu de répartir 36 photos en six piles “colère”, “tristesse”… ils créent une pile « rire » et une pile « regarder » ; le reste se mélange selon des critères comportementaux, preuve que leurs concepts n’indexent pas les poses “universelles”. Une équipe concurrente semblait avoir trouvé l’inverse ; Barrett révèle que ces chercheurs ont, en amont, enseigné les mots‑concepts anglais aux participants et les ont fait apprendre par essais‑erreurs, recréant ainsi artificiellement l’illusion d’universalité.

À ce jour, seul le sourire (ou le rire) paraît traverser les cultures, mais même son statut d’expression innée reste douteux : l’Antiquité gréco‑romaine n’associait pas la joie au sourire, apparu socialement au Moyen Âge puis popularisé avec la dentisterie moderne.

En réalité, conclut l’autrice, les innombrables études vantant des “expressions basiques” mesurent surtout la puissance des mots (sur laquelle jouent si bien la publicité et le copywriting) et des stéréotypes occidentaux à orienter la perception.

Comprendre que l’on construit les émotions des autres – comme celles que l’on ressent soi‑même – évite des erreurs coûteuses : qu’il s’agisse d’interpréter une photo de campagne électorale, de mener des négociations internationales ou de concevoir des algorithmes de “lecture des émotions” !

Cette remise en cause ouvre un nouveau programme scientifique : plutôt que chercher d’hypothétiques empreintes universelles, il s’agit d’étudier comment les visages et les corps varient réellement selon les contextes et quelles fonctions jouent les concepts émotionnels dans nos cultures.

L’origine des sentiments

Lisa Feldman Barrett explique que le cerveau, loin d’être un simple récepteur de stimuli, prédit en continu ce qui va se passer : il « simule » le monde et, surtout, l’état interne du corps. Cette activité prédictive permanente sert à gérer le budget énergétique de l’organisme : anticiper battements cardiaques, respiration, glucose, cortisol, etc.

Deux grands ensembles neuronaux s’en occupent :

Les régions gestionnaires (qui dépensent ou rechargent l’énergie) ;

Le cortex intéroceptif primaire (qui représente les sensations internes).

Ensemble, ils forment le réseau intéroceptif, centre névralgique de la survie… et socle des émotions. Les prédictions intéroceptives fabriquent des sensations simples de bien‑être ou de malaise, de calme ou d’agitation : c’est l’affect, qui colore chaque instant de la vie. Quand la source de l’affect reste floue, le cerveau le traite comme une information sur le monde ; on parle de réalisme affectif.

Par exemple, la neuroscientifique rapporte des études montrant que des juges affamés refusent davantage de libérations conditionnelles, et qu'un soldat qui a faim peut confondre un appareil photo avec une arme.

Cette influence corporelle est si puissante que les régions du cerveau chargées de la gestion du budget énergétique inondent tout le cortex de leurs prédictions ; perception, décision et action deviennent indissociables de l’état physiologique. Autrement dit, le mythe de l’acteur rationnel et celui du cerveau triunique (couches reptilienne, limbique, corticale) s’écroulent : raison et émotion ne s’opposent pas, elles s’entrelacent au niveau métabolique.

Mal gérer son budget énergétique (stress chronique, manque de sommeil) déséquilibre l’affect ; cultiver de bonnes habitudes (repos, relations chaleureuses, alimentation saine) le rééquilibre. Des stimulations cérébrales profondes montrent même qu’en modulant le réseau intéroceptif, on peut soulager une dépression sévère en temps réel.

En bref, l’autrice affirme que « croire, c’est ressentir » : nos prédictions façonnent à la fois ce que nous voyons, pensons et éprouvons. Comprendre ce mécanisme, c’est reprendre la main : nous sommes les architectes, non les victimes, de nos expériences affectives et émotionnelles !

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Résumé de "Apprendre l'optimisme. Le pouvoir de la confiance en soi et en la vie" de Martin Seligman : le père de la psychologie positive révèle ici tous les secrets d'une vie épanouie et joyeuse — un ouvrage classique rempli de références scientifiques et de ressources pratiques pour vous aider à transformer la perception que vous avez de votre propre existence.

Par Martin Seligman, 2008, 378 pages.

Titre original : Learned Optimism (1990).

Chronique et résumé de "Apprendre l'optimisme. Le pouvoir de la confiance en soi et en la vie" de Martin Seligman

Partie I. En route vers une vision de la vie : qui frappe à votre porte ? Ami ou ennemi ? Une prise de conscience

1 — Tout va bien ! Rien ne va plus ! Une question de regard sur la vie ?

Un père observe sa fille endormie dans son berceau et s’inquiète de son manque de réaction aux bruits. Il pense qu’elle est sourde. La mère lui explique que l’enfant est encore en train de se développer. Le pédiatre finit par rassurer le père après un test. Que se passe-t-il ?

Ce récit montre deux attitudes différentes face aux difficultés. Le père imagine toujours le pire et se laisse envahir par la peur. La mère, quant à elle, reste sereine et voit les événements comme temporaires. Chacun réagit selon son style de pensée (appelé aussi "mode d'explication").

Les études scientifiques citées dans l'ouvrage démontrent que les pessimistes se découragent rapidement. Ils voient l’échec comme définitif et se blâment eux-mêmes. Les optimistes, pour leur part, considèrent les revers comme passagers. Ils réussissent mieux à l’école, au travail et dans leur vie sociale.

La psychologie moderne explique ces différences par le contrôle personnel. Les pessimistes se sentent impuissants et s’enferment dans leur malheur. Les optimistes, en revanche, se sentent capables d’agir et de changer les choses. Ce contrôle personnel joue un rôle crucial dans la réussite et la santé.

Martin Seligman remet en question les théories traditionnelles de la dépression. La dépression est ici conçue non pas comme une fatalité, mais comme le résultat d’interprétations négatives des événements. Grâce à cet ouvrage, vous allez découvrir qu’il est possible d’apprendre à penser autrement.

En fait, des compétences cognitives permettent de transformer la douleur en énergie positive. C'est la "science de l’optimisme" proposée par le célèbre psychologue. Celle-ci montre que chacun peut changer son mode de pensée. Les pessimistes peuvent apprendre à modifier leur manière d’interpréter les échecs. Ils peuvent ainsi réduire leur sentiment d’impuissance et améliorer leur bien-être.

2 — Se sentir impuissant, un sentiment qui n'est pas rare

À 13 ans, Martin Seligman comprend qu’un séjour chez son ami Jeffrey signifie un problème sérieux à la maison. Cette fois, son père, d’ordinaire solide et stable, semble troublé. Il s’effondre peu après, victime de plusieurs AVC, et devient physiquement et émotionnellement dépendant. Ce choc marque Seligman à vie.

Adolescent, il s’intéresse à Freud, séduit d’abord par la justesse apparente de ses interprétations. Mais avec le temps, il rejette ses méthodes et se tourne vers la psychologie expérimentale. À 21 ans, il rejoint le laboratoire de Richard Solomon, où il assiste à une scène inattendue : des chiens, incapables d’échapper à une décharge, finissent par abandonner, même lorsqu’une issue s’offre à eux.

Seligman comprend que ces chiens ont appris à être impuissants. Ce sera le point de départ de sa théorie de la learned helplessness (impuissance acquise). Avec Steven Maier, il conçoit des expériences prouvant que, lorsqu’un animal comprend qu’aucune action ne peut soulager sa souffrance, il cesse d’agir.

Ce constat remet en question le dogme du behaviorisme, qui exclut la pensée des causes du comportement. Seligman et Maier montrent que les attentes et croyances jouent un rôle décisif.

Ils découvrent aussi que cette impuissance peut être prévenue ou guérie. Chez l’humain, les expériences de Donald Hiroto le confirment : certaines personnes résistent à l’impuissance. Ce pouvoir d’agir face aux épreuves n’est pas inné, il peut s’apprendre. Pour le psychologue, cette découverte ouvre un espoir immense contre la dépression.

3 — Comment affrontez-vous la vie et ses vicissitudes ? Comment expliquez-vous ce qui vous arrive ?

En 1975, Martin Seligman présente sa théorie de l’impuissance apprise devant les plus grands chercheurs d’Oxford. Mais à la fin de sa conférence, un certain John Teasdale le met au défi : pourquoi certaines personnes deviennent-elles impuissantes et d’autres pas, même face aux mêmes épreuves ? Cette critique bouscule Seligman, qui décide de retravailler sa théorie.

Avec Teasdale, puis avec les chercheuses Lyn Abramson et Judy Garber, il élabore un concept clé : le style explicatif. Ce style correspond à la manière dont chacun interprète les causes des échecs et des réussites.

Trois dimensions le composent :

La permanence (est-ce que le problème durera ?) ;

La globalité (touche-t-il tous les aspects de ma vie ?) ;

La personnalisation (est-ce ma faute ou celle de facteurs extérieurs ?).

Les personnes optimistes pensent que les échecs sont temporaires, limités à un domaine précis, et ne remettent pas en cause leur valeur personnelle. À l’inverse, les pessimistes voient les problèmes comme durables, globaux et causés par leurs propres faiblesses. Ces croyances influencent profondément la santé mentale, la réussite et même l’immunité.

Seligman conçoit alors un test sur l'optimisme permettant de déterminer le style explicatif d’une personne. Les résultats révèlent à quel point l’individu est susceptible de développer un état de découragement, voire de dépression.

Bonne nouvelle 1 : ce style n’est pas figé. Grâce à certaines techniques, il est possible de transformer une vision pessimiste du monde en une perspective plus souple et pleine d’espoir.

Bonne nouvelle 2 : Vous pouvez réaliser ce test dans l'ouvrage (voir pages 49-57) !

4 — Degré de pessimisme, mélancolie et dépression

La dépression, selon Martin Seligman, est une version amplifiée du pessimisme. Étudier ses mécanismes permet de mieux comprendre les pensées négatives qui nous traversent lors d’un échec. Il distingue trois formes : la dépression normale (temporaire et courante), la dépression unipolaire (sans phase maniaque) et la dépression bipolaire (avec épisodes maniaques). Si cette dernière est clairement biologique et traitée par médicament, la majorité des cas unipolaires trouvent leur origine dans des problèmes de vie et une manière pessimiste de penser.

À travers de nombreuses études, Seligman montre que la dépression partage huit des neuf symptômes de l’impuissance apprise, dont :

Perte d’énergie ;

Repli ;

Troubles du sommeil ;

Manque d’intérêt ;

Pensées négatives ;

Etc.

Chez les humains comme chez les animaux, les individus exposés à des situations qu’ils ne peuvent pas contrôler cessent progressivement d’agir. Cette passivité se prolonge, même lorsque de nouvelles opportunités apparaissent.

Les chiffres sont alarmants. Deux grandes enquêtes ont révélé qu’au fil du siècle, les cas de dépression sévère ont été multipliés par dix, notamment chez les jeunes adultes. Et les premières dépressions frappent aujourd’hui dix ans plus tôt qu’avant.

La cause ? Seligman avance que notre manière d’expliquer les échecs joue un rôle déterminant. Si l’on pense que nos actions sont vaines, on se condamne à l’impuissance. À l’inverse, ceux qui croient que leurs efforts peuvent changer les choses restent actifs. Cette idée ouvre une piste précieuse : en changeant notre style explicatif, on peut apprendre à résister à la dépression.

5 — Ce que je pense, je le ressens

Dans les années 1980, la compréhension et le traitement de la dépression évoluent radicalement grâce à deux pionniers : Albert Ellis et Aaron Beck. Ils montrent que la dépression n’est pas un trouble mystérieux, mais le fruit de pensées négatives conscientes et répétées. Leur approche, connue sous le nom de thérapie cognitive, repose sur un postulat simple : changer la manière dont on explique ses échecs permet de sortir de la dépression.

Selon Martin Seligman, la combinaison d’un style explicatif pessimiste (causes internes, permanentes et globales) et de la rumination (rejouer sans cesse les pensées négatives) est le terreau de la dépression. À l’inverse, les optimistes ou les personnes orientées vers l’action résistent mieux aux coups durs.

La thérapie cognitive aide les patients à identifier leurs pensées automatiques, les remettre en question, les remplacer par des pensées plus nuancées, et à interrompre la rumination. Contrairement aux antidépresseurs, qui soulagent temporairement, cette méthode permet une transformation durable du mode de pensée, réduisant les risques de rechute.

"Après un échec, chacun éprouve des sentiments passagers d'impuissance. On sombre dans la tristesse, l'énergie physique fait défaut, l'avenir est sombre et fournir le moindre effort présente des difficultés insurmontables. Certains récupèrent presque immédiatement et voient tous leurs symptômes d'impuissance acquise se dissiper en l'espace de quelques heures. D'autres, au contraire, restent dans un état d'impuissance pendant des semaines ou, si l'échec est grave, des mois, voire plus longtemps." (Apprendre l'optimisme, Chapitre 5)

Des études confirment que le pessimisme précède et prédit la dépression, y compris chez les enfants. L’épidémie actuelle touche particulièrement les femmes, en partie parce qu’elles ont tendance à ruminer davantage que les hommes.

Seligman conclut que, tout comme on peut changer son corps, on peut rééduquer son esprit. La dépression n’est pas une fatalité, et la clé du changement repose sur la capacité à modifier notre dialogue intérieur.

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Thu, 21 Aug 2025 17:00:00 +0200 http://www.olivier-roland.fr/items/view/13105/Apprendre-loptimisme
Petit manuel philosophique à l’intention des grands émotifs http://www.olivier-roland.fr/items/view/13060/Petit-manuel-philosophique-lintention-des-grands-motifs

Résumé de "Petit manuel de philosophie à l'intention des grands émotifs" de Llaria Gaspari : un livre accueillant et attachant pour comprendre quelles sont nos émotions, qui nous sommes et mieux agir au quotidien en acceptant nos sentiments et toutes ces bizarreries qui font que nous sommes tous humains.

Par Llaria Gaspari, 2023, 243 pages.

Titre original : Vita segreta delle emozioni (2021).

Chronique et résumé de "Petit manuel de philosophie à l'intention des grands émotifs" de Llaria Gaspari

Qui est Llaria Gaspari ?

Llaria Gaspari est une philosophe et écrivaine italienne, née en 1986 à Milan. Après avoir étudié la philosophie à l’École normale supérieure de Pise, elle poursuit ses recherches à l’Université Panthéon-Sorbonne de Paris, où elle se spécialise dans l’étude des passions et de la pensée du XVIᵉ siècle. Cette formation académique rigoureuse se retrouve dans son œuvre, qui mêle habilement réflexion philosophique et exploration des émotions humaines.

Son premier roman, Etica dell'acquario (2015), marque l’entrée de Llaria Gaspari dans le monde littéraire. Ce livre allie philosophie et intrigue policière, une combinaison originale qui interroge les rapports entre éthique et comportement humain. Elle enchaîne avec Lezioni di felicità (2019), une œuvre où elle aborde la quête du bonheur avec une perspective humoristique et une analyse philosophique fine, tout en plaçant l’humain au cœur de ses réflexions. En 2021, dans Vita segreta delle emozioni, elle s’intéresse davantage aux émotions, leur influence sur nos vies et comment elles façonnent notre existence.

Loin d'être une simple réflexion académique, son écriture se veut accessible à tous, cherchant à établir un lien entre la philosophie et les préoccupations quotidiennes. Son dernier ouvrage, Petit manuel philosophique à l'intention des grands émotifs (2022), traduit parfaitement cette démarche. Elle y explore les subtilités des émotions humaines et offre des clés pour comprendre et apprivoiser ses propres sentiments dans un monde de plus en plus complexe.

Aujourd'hui, Llaria Gaspari divise son temps entre Rome et Paris, où elle enseigne la philosophie et l'écriture créative, tout en continuant à publier des ouvrages qui interpellent et nourrissent la réflexion des lecteurs modernes.

Nostalgie - L'émotion au passé morbide

"Le passé est une terre étrangère : on y fait les choses autrement qu’ici." (Leslie P. Hartley, citée dans Petit manuel philosophique à l'intention des grands émotifs)

Le terme "nostalgie" trouve son origine dans un contexte médical. Johannes Hofer, un médecin alsacien, l'utilise pour décrire une pathologie chez des jeunes soldats suisses qui, après avoir quitté leur patrie, développent une tristesse liée à leur éloignement. La nostalgie, un désir ardent de retour chez soi, est différente du simple mal du pays. Le terme implique un désir inaccessibile, un souhait de retour dénué de possibilité, une souffrance émotionnelle liée à l'impossibilité de revenir.

L'autrice évoque une période de sa jeunesse lorsqu'elle se rend en Allemagne pour poursuivre ses études. Au début de son séjour, elle fait l'expérience de la solitude ; un mois passé sans interaction, où seule la compagnie d'un étudiant coréen lui permet de sortir de l'isolement. Ce mois d'attente, au milieu de paysages monotones et d'un quotidien ennuyeux, fait naître en elle un fort désir de retour, un besoin désespéré de retrouver sa maison et ses proches. Cet appel du passé est pour elle une forme de nostalgie, qu'elle décrit comme une émotion déchirante et réconfortante à la fois.

Malgré ses difficultés initiales, Llaria Gaspari finit par s'adapter à la vie allemande, par apprendre la langue et par trouver une forme de bonheur. Cependant, l'ombre de cette nostalgie, liée au désir de retourner chez elle, ne la quitte jamais complètement. Elle se souvient de ses soirées solitaires, pleurant sur la mer et la distance. Ces moments d'isolement sont devenus pour elle une référence de la nostalgie pure, une souffrance qui rend tout souvenir encore plus précieux.

Llaria Gaspari établit un lien entre la nostalgie et les mythes antiques, en particulier celui d'Ulysse, dont le désir de retourner chez lui, à Ithaque, est une figure de la nostalgie par excellence. Même sur une île enchantée, entouré de confort et d'immortalité avec la nymphe Calypso, Ulysse ressent une douleur profonde, un besoin irrésistible de revenir à sa terre natale. Cette idée de la nostalgie comme une quête impossible mais nécessaire pour l'intégrité humaine est au cœur de la réflexion sur cette émotion.

La nostalgie est une maladie à la fois moderne et ancienne. Elle existe depuis longtemps et a été explorée par des écrivains et des philosophes à travers l'histoire. Elle peut être une souffrance intime, incommunicable, car chacun la vit différemment.

Regret et remords, ou : j'avoue que j'ai vécu

Llaria Gaspari évoque ensuite son trouble neurologique, l’amusie, qui l'empêche de pleinement ressentir la musique. Ce handicap influence son lien avec les mots et la poésie. Son désir de comprendre la musique se heurte à cette incapacité de saisir et de mémoriser les mélodies.

Elle raconte aussi un souvenir d'enfance où, à 9 ans, elle apprend un poème de Giuseppe Ungaretti sur Mohammed Scheab, un jeune homme solitaire et apatride. Ce poème, qu'elle mémorise, évoque des thèmes de solitude, de regret et de perte, des émotions qu'elle commence à comprendre avec le temps.

Le regret, selon la philosophe, est une émotion liée à la prise de conscience du temps qui passe et des occasions perdues. Il diffère de la nostalgie, qui est associée à la perte de lieux, tandis que le regret concerne les choix manqués et les erreurs commises.

Pour ressentir le regret pleinement, il faut avoir vécu et avoir perdu, car cette émotion naît de la confrontation avec des décisions non prises et les conséquences des choix passés. Le regret, contrairement au remords, est lié à l'acceptation de la perte, alors que le remords reflète la volonté de réparer une faute.

Llaria Gaspari explique comment le regret se transforme à mesure qu'on vieillit, et comment la jeunesse, protégée par son insouciance, ignore cette douleur. Elle raconte une expérience personnelle d'enfance où elle pleure dans le confessionnal, mais sans encore éprouver de remords, ce qui lui semble étrange aujourd'hui.

Elle illustre son propos avec l'exemple de son dernier amour perdu, où le regret de ce qui n'a pas été vécu émerge. Llaria Gaspari reconnaît que la vie implique des choix qui se font au détriment d'autres possibles, et que le regret est une conséquence inévitable de ce processus.

Elle conclut en expliquant que la littérature, la philosophie et l'humanisme trouvent leur origine dans cette recherche de sens autour des émotions humaines universelles, telles que le regret et le remords. Ces émotions, bien que profondément intimes et solitaires, révèlent notre humanité partagée.

L'angoisse est une question

"L’homme ne sait pas se mesurer ; ses miroirs sont déformants ; Ses Arcadies les plus vertes pullulent de spectres, Ses utopies cherchent la jeunesse éternelle, Ou l’autodestruction." (H. W. Auden, cité dans Petit manuel philosophique à destination des grands émotifs)

Dans ce chapitre, Llaria Gaspari partage son expérience de l’angoisse, un trouble qu’elle vit depuis l’enfance et qui a profondément affecté sa vie, notamment son incapacité à passer l'examen du permis de conduire malgré plusieurs tentatives.

L’angoisse, pour elle, est un compagnon constant, et cette émotion s'est manifestée dès ses cinq ans sous la forme d’une douleur thoracique inexpliquée. Ce premier épisode marquera le début d’une relation intime et conflictuelle avec l’angoisse. L'autrice admet que cette émotion, bien qu'incommodante, lui a aussi permis de faire face à des situations difficiles.

Elle décrit comment l’angoisse se traduit physiquement par des symptômes comme la sensation d’étouffement et une peur intense sans objet précis. L’angoisse est différente de la peur, qui est une réaction immédiate à un danger réel. L’angoisse, elle, est diffuse, constante et envahit l’esprit, devenant un fardeau invisible que l’on porte constamment, tout en étant difficile à comprendre pour ceux qui ne la vivent pas.

Cette réalité est partagée par les héros tragiques comme Électre, qui, dans la tragédie de Sophocle, incarne parfaitement le poids de l’angoisse par ses lamentations incessantes et ses tourments intérieurs.

L'écrivaine fait également référence à d'autres symptômes tels que l’insomnie et les palpitations. Elle relie l’angoisse à un conflit intérieur. Le chœur d’Électre, par ses reproches, rappelle l’incompréhension sociale face à l’angoisse, une émotion qui reste souvent invisible et incomprise.

Llaria Gaspari continue en explorant les racines historiques de l'angoisse. Les anciens pensaient déjà que l’anxiété était liée à un excès d’imagination ou de mélancolie. À travers les siècles, l’angoisse a été traitée de différentes manières, depuis les remèdes antiques comme l’opium et la mandragore, jusqu'aux découvertes modernes en psychiatrie.

Freud, qui a reconnu l’angoisse comme un symptôme lié à des conflits inconscients, a souligné l’importance de comprendre et d’accepter ces émotions pour mieux les traiter. L’autrice lui rend hommage en soulignant que l’angoisse, bien que difficile à vivre, a aussi joué un rôle catalyseur dans sa vie, la poussant à écrire et à se confronter à ses propres peurs.

Elle finit par réfléchir à la manière dont la société moderne traite l’angoisse, souvent en cherchant à la supprimer plutôt qu’à l’écouter. Selon elle, il est crucial de prendre au sérieux cette émotion et de comprendre ce qu’elle cherche à nous dire. Il est capital, notamment, d'accepter notre propre imperfection et d’écouter notre anxiété pour mieux la comprendre, plutôt que de chercher immédiatement à la neutraliser.

Pour Llaria Gaspari, la véritable guérison passe par l'acceptation de cette émotion, en la transformant en un moyen de grandir et de mieux comprendre le monde. L'écriture devient ainsi un moyen d’exorciser l’angoisse, de lui donner une forme et une voix, pour mieux coexister avec elle et se réinventer.

Compassion, ou : se découvrir humains

La philosophe explore maintenant l'expérience de la compassion. C'est une émotion complexe qui n'est pas nécessairement altruiste. Pour illustrer sa pensée, elle raconte une nouvelle expérience personnelle vécue en 2016 lors d'un tremblement de terre en Italie, après lequel elle décide de donner son sang en signe de solidarité, alors que la vue du sang la bouleverse profondément.

Cette action est motivée par la proximité d’une tragédie, mais elle commence à se demander si son geste était vraiment empreint de compassion ou si c’était simplement une manière de se sentir impliquée sans comprendre véritablement la souffrance des autres…

Llaria Gaspari revient sur l’étymologie du mot "compassion", qui signifie "souffrir avec". Elle note que la souffrance semble plus facilement partagée que la joie, et se demande si cet acte d'ajouter sa propre douleur à celle d'autrui permet vraiment d’alléger la souffrance ou s'il s'agit plutôt d'une appropriation narcissique de la douleur d’un autre.

Cette réflexion la mène à une analyse plus profonde sur la nature de la compassion. Selon elle, celle-ci peut être une émotion égoïste qui cherche à se libérer de l'angoisse personnelle en projetant cette souffrance sur autrui.

L’autrice évoque aussi le philosophe Voltaire, qui, après le tremblement de terre de Lisbonne, critique l'optimisme théologique en questionnant la bonté d’un monde où de telles tragédies se produisent. Elle mentionne également Lucrèce, qui compare la compassion à l'observation d'un naufrage, soulignant combien il est facile de contempler la souffrance d’autrui sans y participer activement. La compassion, dans ce sens, est une réaction complexe et parfois paradoxale, entre détachement et implication.

Mais un tournant dans sa pensée se produit lorsqu'elle rencontre une jeune femme pendant un atelier d’écriture. Celle-ci garde une paire de chaussures qu'elle a portées lors de l'événement tragique. Cette image de la souffrance vécue en première personne la touche profondément. C'est à ce moment qu'elle ressent véritablement de la compassion, non comme un acte superflu ou égoïste, mais comme une reconnaissance sincère de la douleur de l'autre.

Elle conclut que la compassion, bien qu’elle ait des aspects difficiles et parfois égoïstes, est un moyen de reconnaître notre vulnérabilité commune. Elle cite Spinoza et d'autres philosophes pour montrer que cette émotion, loin d'être pure, est liée à la conscience de notre propre fragilité humaine, et qu’elle peut nous rapprocher de l’autre, dans un geste de solidarité véritable.

Antipathie, l'émotion inconfessable

"Nos expériences nous marquent ; nos antipathies nous précèdent." (Leo Longanesi, cité dans Petit manuel philosophique à l'intention des grands émotifs)

La notion d'antipathie est comparée à la façon dont les chiens interagissent entre eux. Lors de ses promenades avec son chien, elle observe comment les chiens se rencontrent, se reniflent et déterminent instantanément s'ils s'apprécient ou se détestent, sans aucune ambiguïté.

Ces rencontres canines, simples et directes, contrastent avec la complexité des relations humaines où l'antipathie, souvent perçue comme un défaut, est difficile à accepter. Elle souligne qu'en tant qu'humains, nous devons composer avec des émotions plus nuancées, comme la culpabilité, lorsque nous ressentons de l'antipathie envers quelqu'un, et que cette émotion est difficile à accepter ou à justifier.

L'autrice confesse qu'elle éprouve de l'antipathie envers certaines personnes, souvent dès la première rencontre, et qu'elle se sent coupable de ces jugements instantanés. Plutôt que de simplement accepter cette antipathie, elle tente de la réprimer en compensant par une gentillesse excessive, ce qui entraîne des déceptions.

Mais elle remarque que l'antipathie, lorsqu'elle est ignorée ou réprimée, peut devenir plus forte et contre-productive. Elle en vient alors à la conclusion qu'il est plus sain de reconnaître et d'accepter l'antipathie, sans chercher à la justifier ni à la réprimer. L'autrice plaide pour un rapport plus conscient avec cette émotion : il faut prendre le temps de comprendre pourquoi certaines personnes provoquent en nous de l'antipathie, sans chercher à se convaincre que c'est injustifié.

Elle s'appuie sur les travaux de Spinoza, qui affirme que les émotions ne se soumettent pas à la raison, et explique que l'antipathie est une émotion "naturelle", immédiate et instinctive. Llaria Gaspari cite également l'Encyclopédie, où d'Alembert parle de l'antipathie comme d'une "inimitié naturelle" et mentionne des exemples d'animaux ou de phénomènes naturels, comme l'aversion instinctive entre certains animaux.

Elle souligne que l'antipathie est souvent inévitable et qu'elle peut être projetée sur tout et tout le monde, indépendamment des actions ou comportements de l'autre.

L'autrice conclut que l'antipathie n'est pas nécessairement négative et peut être un moteur pour la fiction. Elle évoque la littérature, qui nous permet de vivre les antipathies sans conséquences sociales, en nous offrant une catharsis. Les personnages de romans, même antipathiques, sont une invitation à accepter cette émotion et à comprendre nos propres défauts humains.

Enfin, elle suggère que l'antipathie, loin de signifier un échec, peut nous enseigner à mieux comprendre la nature humaine et à accepter nos propres faiblesses sans chercher à les cacher. Accepter la possibilité de paraître antipathique est, selon elle, un signe de maturité, et elle l'attribue en partie à son expérience de l'écriture et de la littérature.

Colère funeste ou colère importune ?

Llaria Gaspari rappelle la célèbre colère d'Achille dans L'Iliade. Elle commence par la description de la colère comme premier mot de la littérature grecque, soulignant son rôle central dans le récit homérique. Achille, le héros de l’Iliade, incarne une colère primordiale qui se déclenche lorsqu’Agamemnon lui prend Briséis, son trésor de guerre et esclave préférée. Cette colère, démesurée et obstinée, refuse de se laisser dompter par la raison.

Pour Achille, sa rage est justifiée par l’honneur personnel. Il refuse de reprendre les armes, peu importe les conséquences. Cette « colère juste » relève d’une société antique fondée sur la honte, où l’honneur se gagne et se défend publiquement, à travers la reconnaissance des autres, et non par la culpabilité intérieure qui caractérise nos sociétés modernes.

L’autrice compare la colère d’Achille à d’autres exemples dans la littérature et la culture. Par exemple l'Ajax de Sophocle, qui incarne une rage incontrôlable et irrationnelle. Ajax, privé des armes d’Achille, sombre dans la folie et massacre un troupeau de brebis, croyant tuer ses ennemis. Sa colère le conduit à un acte irrationnel et grotesque, illustrant le côté destructeur de celle-ci quand elle se tourne en folie. Ce thème apparaît également dans la Bible, où même Dieu, dans l'Ancien Testament, est pris de colère.

L'expression moderne de la colère est différente. Freud, par exemple, analyse la colère à travers la statue de Moïse de Michel-Ange, soulignant l'effort intérieur de maîtriser cette émotion. Ce contrôle de soi est vu comme un combat pour ne pas laisser exploser la rage. C'est d'ailleurs un thème qui résonne dans la réflexion de Sénèque sur la colère et la manière de la réprimer dans sa philosophie stoïque.

En parallèle, l’autrice relate ses propres expériences de colère, montrant comment elle peine à l’exprimer de manière appropriée. Elle compare sa propre incapacité à se mettre en colère avec l’expérience d’Achille, soulignant sa difficulté à faire valoir ses droits et à se défendre face à l’injustice.

Elle décrit des situations où sa colère aurait été justifiée, comme face à des agressions sexuelles ou des comportements inappropriés, mais où elle a préféré la réprimer. Cela montre une difficulté profonde à accepter l’expression de la colère, souvent liée à la honte et à la peur du jugement social. Elle évoque un événement où, en défendant une amie accusée à tort, elle a finalement manifesté sa rage, mais de manière maladroite.

Llaria Gaspari conclut en se demandant si elle pourra un jour pleinement s'autoriser à exprimer sa colère. Elle reconnaît que sa tendance à réprimer cette émotion se fait au détriment de son bien-être. Elle se questionne sur sa propre incapacité à s'emporter et considère qu'elle est liée à un manque de confiance en elle et à une peur intérieure. Elle ajoute que la société réprime généralement davantage la colère des femmes que celle des hommes.

Envie : l'œil et le mauvais œil

L'écrivaine évoque son enfance, qui était marquée par une peur étrange et irrationnelle de l'envie, qu'elle associait à un malheur imminent. Aujourd'hui, elle note que cette crainte reproduisait l'histoire d'Andromède, enchaînée à un rocher par les dieux, après que sa mère se soit vantée de sa beauté.

De même, Llaria Gaspari, enfant, croyait que les compliments pouvaient attirer l'envie divine et avait créé une sorte de superstition autour de cette émotion. Sa peur de l'envie se manifestait par une réticence à accepter les compliments, qu'elle percevait comme une menace.

Bien qu'elle soit consciente de son propre comportement névrosé et superstitieux, elle explique que l'envie est souvent liée à un désir de nuire à autrui pour des raisons personnelles et inconscientes. Ce regard porté sur l'autre, parfois déguisé en admiration, doit être considéré avec méfiance. Dans La Belle au bois dormant, par exemple, la faute des parents de la princesse, qui négligent d'inviter la méchante fée, leur coûte cher.

Le mot envie provient du latin "invidere", signifiant "regarder avec animosité". Ce regard, rempli de désir et de haine, est comparé à une forme de magie, qui a le pouvoir de détruire par l'acte d'observer. D'ailleurs, ce concept se retrouve dans de nombreuses cultures sous la forme du "mauvais œil".

Elle souligne également que l'envie est l'opposée de la félicité : alors que la félicité est fertile, expansive et bienveillante, l'envie est asséchante et destructrice. Elle crée une souffrance gratuite chez l'envieux, qui se compare constamment aux autres et se voit comme une victime injustement exclue de certains privilèges. En outre, cette souffrance est inutile, car même si l'envieux obtenait ce qu'il désirait, il resterait insatisfait, pris dans un cycle d'auto-dénigrement et de ressentiment.

Mais quel est son propre rapport à l'envie ? Elle se souvient de son enfance, où elle se sentait différente, exclue des jeux et des plaisirs de ses camarades en raison de la manière dont elle avait été éduquée. Elle décrit un paradoxe dans sa vie : bien qu'elle ait été épargnée de nombreux désirs matérialistes, une part d'elle-même était secrètement envieuse.

Cette dualité, entre son orgueil et ses désirs réprimés, l'a conduite à ne pas comprendre l'envie chez les autres, mais aussi à rejeter l'idée de l'éprouver elle-même. C'est seulement en rencontrant les écrits de Melanie Klein, psychanalyste qui a étudié l'envie chez les enfants, qu'elle a pris conscience de l'aspect humain et universel de l'envie.

Klein explique que l'envie n'est pas un péché ou une défaillance, mais une émotion naturelle. Cette reconnaissance de l'envie comme une partie intégrante de l'expérience humaine permet à Llaria Gaspari de comprendre que l'envie est partagée par tous, y compris par ceux qui la refoulent ou la projettent. En grandissant, elle a appris que l'envie ne venait pas seulement de la comparaison, mais aussi du manque de confiance en soi, un aspect qui, paradoxalement, alimentait cette émotion.

Jalousie, paradoxe et supplice

"La mémoire est la tourmenteuse des jaloux." (Victor Hugo, cité dans Petit manuel philosophique à l'intention des grands émotifs)

Llaria Gaspari admet d’abord qu’elle a menti pendant des années en niant sa jalousie. Cette émotion, qu’elle réprouvait profondément, est pourtant au cœur de son récit. Lors d’une interview, elle évoque un souvenir d’enfance marquant : un caprice lié à sa fourrure rose, symbole de son désir d’être aimée et de son besoin de se faire remarquer.

Ce souvenir révèle un moment où elle a cherché à imposer sa volonté contre l’ordre des adultes, un comportement enfantin dicté par un orgueil démesuré, mais aussi par l’émotion de la jalousie, née du changement dans sa vie après la naissance de sa sœur.

Elle remarque que ce souvenir de la fourrure rose symbolise un sentiment de jalousie, un besoin d’attirer l’attention dans un contexte où l’autonomie et l’amour étaient désormais partagés avec sa sœur. Ce caprice, bien que comique et anodin, est perçu par l'autrice comme une réaction jalouse face à l’arrivée d'un rival, une forme de possession infantile et possessive.

La souffrance du jaloux est liée à une idée de l’insécurité et de l’incertitude quant à l’amour de l’autre. Elle cite le personnage d’Othello, dont la jalousie, exacerbée par les manipulations de Lago, le conduit à tuer sa femme, Desdémone, malgré son amour sincère. La jalousie, en effet, fait naître des doutes constants et des souffrances profondes, alimentées par des soupçons et des failles émotionnelles.

Cette émotion est souvent exacerbée par l’idée de la perte d’affection, ainsi que par la peur de l’abandon. Elle est alimentée par des fantasmes et des peurs irrationnelles.

Llaria Gaspari évoque aussi la "jalousie rétrospective", une forme de jalousie basée sur des spéculations sur le passé amoureux, nourrie par des doutes et des inquiétudes sans fondement concret.

Le philosophe Spinoza affirme que la vertu elle-même est une forme de béatitude, et que la véritable récompense ne réside pas dans l’attente d’une validation extérieure, mais dans l’acceptation des émotions humaines, y compris la jalousie.

La clé pour surmonter cette émotion est donc de la reconnaître, d’accepter nos faiblesses et de se tourner vers la gratitude et l’émerveillement, afin de s’ouvrir à une vie plus pleine et moins dominée par les passions négatives. La jalousie, comme d’autres émotions, est humaine et inévitable, mais elle ne doit pas définir notre relation à soi et aux autres.

Émerveillement, ici naît la philosophie

Llaria Gaspari se questionne sur l'impact de la technologie : amenuise-t-elle notre capacité à éprouver de l'émerveillement ? En grandissant dans les années 90, elle a vécu une époque où la communication était marquée par des surprises, comme les appels téléphoniques inattendus ou les photos argentiques qui prenaient plusieurs jours à être développées. Souvent, cette attente provoquait l'émerveillement.

Aujourd'hui, avec la domination des smartphones et des applications, ces moments de surprise se sont raréfiés. Les téléphones mobiles, par exemple, ont transformé la manière dont nous communiquons, au point que les appels impromptus sont presque devenus inexistants.

Ce changement a aussi engendré ce que l'on appelle la "ringxiety" (contraction de ring, sonner, et anxiety, angoisse), une angoisse d'entendre son téléphone sonner, même quand il est en mode silencieux !

Tout comme pour les appels téléphoniques, la photographie a évolué. À l'époque analogique, l'attente de découvrir les photos prises offrait un moment de surprise, où l’on découvrait des détails et des perspectives inconnues sur soi-même et les autres. Aujourd'hui, avec la photographie numérique, nous avons instantanément accès à l'image, sans surprise, et nous avons la possibilité de supprimer les photos qui ne nous conviennent pas.

Ce contrôle sur notre image nous éloigne également de l'émerveillement, car nous avons perdu la spontanéité du moment capturé. Les selfies, en particulier, montrent notre désir de maîtriser la perception qu'ont les autres de nous et d’éliminer tout ce qui pourrait être inattendu.

La technologie, en apportant des solutions pratiques et une immédiateté d'accès à l'information et à la communication, a donc modifié notre rapport à la surprise et à l'émerveillement. Toutefois, malgré ces changements, la capacité à s'émerveiller reste essentielle à notre bien-être et à notre développement intellectuel et émotionnel.

Elle évoque en particulier Descartes, qui considérait l'émerveillement comme la première des passions, celle qui pousse à la recherche et à la philosophie, et qui nourrit la curiosité humaine.

L’autrice cite également Aristote et Platon, pour qui l’émerveillement était la source de la philosophie, la force motrice de la quête de compréhension du monde. Cette notion est renforcée par Schopenhauer, qui souligne que seul l'homme, parmi tous les êtres vivants, éprouve une forme de stupeur face à sa propre existence, un processus qui mène à la réflexion métaphysique.

L'émerveillement est un retour à l'étonnement enfantin, un regard neuf sur le monde, et une ouverture à l'inconnu. Pour préserver l'émerveillement, il est crucial de rester vulnérable et ouvert à l'inattendu. L’émerveillement, loin d’être une naïveté, est un état essentiel pour la philosophie, la réflexion, et la vie elle-même.

« Bonheur atteint, par toi / On marche sur le fil d'une lame »

Llaria Gaspari raconte qu'elle a passé une nuit seule dans un hôtel de sa propre ville, un luxe qu'elle s'accorde rarement. Elle décrit ce moment comme un moyen de se retirer du monde et de réfléchir sur le bonheur.

Alors qu’elle écrit sur ce thème, elle se remémore la pandémie qui a paralysé le monde et éveillé en elle un sentiment de culpabilité, comme si penser au bonheur était égoïste en période de souffrance collective. Mais elle finit par se libérer de cette culpabilité et accepte l'idée que le bonheur n'est pas un privilège à expier mais une vocation humaine, une quête légitime.

Elle évoque le bonheur selon les Grecs. Ceux-ci le définissaient comme une vertu, une quête d’autonomie et de connaissance de soi. Le bonheur n'est pas un moment fugace mais un parcours qui inclut aussi les souffrances.

Elle cite Épicure et Socrate qui soulignaient que le bonheur demande de rester fidèle à soi-même, de ne pas se trahir, et de se connaître. Elle fait également référence aux travaux de Jean Rouch et Edgar Morin, qui en 1960 ont filmé des Parisiens en leur posant la question "Êtes-vous heureux ?", pour immortaliser un instant de bonheur.

Le bonheur, selon la philosophe, n'est pas un idéal abstrait ou un moment figé, mais une expérience qui se construit au fil du temps. Elle critique la tendance moderne à associer le bonheur à des moments parfaits et à les immortaliser sur les réseaux sociaux, soulignant que ce processus peut, en réalité, nous en éloigner.

Elle fait le parallèle avec sa propre enfance, où elle a cherché à capturer chaque instant parfait avec un appareil photo, mais où elle a également compris que les souvenirs ne sont pas simplement des images, mais des expériences vécues et ressenties profondément.

Llaria Gaspari conclut que le bonheur n’est pas un caprice ou une illusion, mais une forme de sagesse qui repose sur la compréhension de soi et de la vie. Elle souligne l'importance de vivre pleinement chaque moment, sans chercher à tout contrôler ni à le retenir, mais en appréciant ce que la vie a à offrir, y compris les moments de tristesse, car ils font aussi partie du voyage vers le bonheur.

Gratitude, la sensation d'être au monde

"Bienfaiteur : personne qui entreprend d’acquérir de grandes quantités d’ingratitude, sans se soucier réellement du prix, lequel reste néanmoins à la portée de chacun." (Ambrose Bierce, cité dans Petit manuel philosophique à l'intention des grands émotifs)

Durant son enfance, l'écrivaine avait un rêve : recevoir un chien en cadeau. Ce désir, inspiré d'une scène de La Belle et le Clochard, l'a poursuivi pendant des années. Puis, à sept ans, lors de vacances dans les Apennins, elle rencontre un chien errant qui la fascine. Il est soigné par son père, et, touchée par cette scène de bonté, elle espère l’adopter.

Mais, après un court moment de bonheur, le chien disparaît, et son rêve se brise. Les années passent, et bien que ses parents lui offrent d’autres animaux, le désir d’un chien reste intact. Cependant, elle se résigne progressivement à l’idée que ce rêve ne se réalisera jamais.

Beaucoup plus tard, elle décide de franchir le pas et d’adopter un chien. Avec l’aide de son fiancé, elle se rend dans un chenil à Rome, où elle rencontre un chien nommé Stanislao, un petit chien blond au regard triste. Ils l’adoptent, et le chien, bien qu’effrayé par le passé, commence à leur accorder sa confiance.

Touchée par ce chien maltraité, Llaria Gaspari comprend la différence entre le fantasme d’un chien idéal et la réalité d’une adoption pleine d’incertitudes et de peurs.

Rebaptisé Emilio, ce chien devient une métaphore de l’amour et de la gratitude. Au début, Emilio craint tout : les balais, les bruits, l’isolement. Mais peu à peu, il se laisse apprivoiser et, avec patience et amour, il développe une relation de confiance avec l’autrice et son fiancé. L’expérience lui enseigne à accepter l’amour sans réserve, à dépasser ses peurs et à accepter ce qu’il reçoit sans culpabilité.

Il n'est pas toujours facile d’accepter l’aide des autres et de reconnaître les bienfaits qu’on reçoit. Llaria Gaspari elle-même cesse peu à peu de se sentir indigne d’être aimée et apprend à recevoir sans culpabilité. Elle cite plusieurs philosophes pour souligner que la gratitude est la clé d’une relation authentique, basée sur l’échange, la reconnaissance mutuelle et la compréhension de soi-même.

Llaria Gaspari termine en affirmant que la gratitude et l’amour, bien que complexes et souvent entravés par des barrières intérieures, sont essentiels à l’épanouissement humain. Elle réalise que la véritable relation est celle qui se nourrit de confiance et d’acceptation.

L’amour véritable ne se mesure pas, ne se négocie pas, mais se vit pleinement.

Conclusion sur "Petit manuel de philosophie à l'intention des grands émotifs" de Llaria Gaspari :

Ce qu'il faut retenir de "Petit manuel de philosophie à l'intention des grands émotifs" de Llaria Gaspari :

Petit manuel philosophique à l’intention des grands émotifs de Llaria Gaspari est un véritable guide pour ceux qui cherchent à comprendre, maîtriser et apprécier la richesse des émotions humaines. Dans cet ouvrage, l’autrice nous invite à un voyage à la fois intellectuel et introspectif, en explorant avec finesse les concepts de la philosophie des émotions tout en apportant des réponses concrètes aux défis quotidiens que posent nos sentiments.

À travers des réflexions inspirées des grands penseurs de l’histoire, Llaria Gaspari aborde la complexité des émotions, telles que la tristesse, la joie, la colère ou l’angoisse, en les démystifiant et en les inscrivant dans un cadre philosophique accessible. Ce manuel se distingue par sa capacité à rendre les idées philosophiques à la fois claires et appliquées, tout en utilisant des exemples simples tirés de la vie quotidienne pour illustrer ses propos.

La philosophe nous propose des outils pour mieux gérer nos sentiments et les intégrer de manière constructive dans nos vies. Elle nous pousse à cultiver une forme de sagesse émotionnelle, qui permet de mieux comprendre nos réactions et d’apprendre à vivre avec elles de façon harmonieuse.

Bref, ce livre est donc un véritable petit trésor pour ceux et celles qui souhaitent allier philosophie et développement personnel. Que vous soyez en quête de sérénité, de compréhension ou simplement d’un éclairage philosophique sur vos émotions, Petit manuel philosophique à l’intention des grands émotifs est une lecture indispensable.

Avec son style clair et engageant, il permet à chacun de mieux se connaître et de naviguer avec plus de sagesse dans le monde des émotions. Un ouvrage à mettre absolument entre les mains de tous ceux et celles qui souhaitent vivre plus pleinement et sereinement !

Points forts :

Llaria Gaspari explique des concepts philosophiques complexes de manière simple et claire ;

Le livre offre des outils pratiques pour mieux comprendre et gérer ses émotions ;

Il encourage une gestion sage des émotions pour vivre plus harmonieusement ;

Le livre est fluide et facile à lire, même pour ceux qui ne sont pas familiers avec la philosophie.

Points faibles : 

Petit manuel philosophique à l'intention des grands émotifs est un très beau livre. Je n’ai pas trouvé de défauts !

Ma note :

★★★★★

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Thu, 03 Jul 2025 17:00:00 +0200 http://www.olivier-roland.fr/items/view/13060/Petit-manuel-philosophique-lintention-des-grands-motifs
Les philo-cognitifs http://www.olivier-roland.fr/items/view/13053/Les-philo-cognitifs

Résumé de "Les Philo-cognitifs. Ils n'aiment que penser et penser autrement…" de Fanny Nusbaum, Olivier Revol et Dominic Sappey-Marinier : un livre tout à fait original pour voir ce qui se cache sous le concept trop général de "haut potentiel" et découvrir toute la singularité des personnes qui aiment — non, adorent ! — se remuer les méninges.

Par Fanny Nusbaum, en collaboration avec Olivier Revol et Dominic Sappey-Marinier, 2019, 204 pages.

Chronique et résumé de "Les Philo-cognitifs. Ils n'aiment que penser et penser autrement…" de Fanny Nusbaum, Olivier Revol et Dominic Sappey-Marinier

Avant-propos

Trois experts – une psychologue, un enseignant-chercheur et un médecin – explorent ensemble le haut potentiel intellectuel. Leur parcours, entre expériences personnelles et recherches scientifiques, les conduit à analyser les mécanismes neurologiques et affectifs des personnes surdouées. Après des années d’échanges et de collaborations, ils proposent une typologie des profils atypiques et insistent sur l’importance d’une neuro-éducation adaptée.

Leur approche, loin d’être figée, évolue grâce aux contributions des patients et aux avancées en neurosciences. Si la plupart des philo-cognitifs trouvent des stratégies d’adaptation, d’autres rencontrent des difficultés affectives et cognitives qui justifient un accompagnement spécifique.

L’objectif de ce livre est de transformer les obstacles en tremplins, dans une dynamique de psychologie positive. Inspirés par l’image de l’albatros de Baudelaire, les auteurs proposent une lecture optimiste du haut potentiel, perçu non comme un fardeau, mais comme un levier de réussite et d’épanouissement !

CHAPITRE PREMIER - Du haut potentiel à la philo-cognition

Les mots pour les dire...

"Philo-cognitif : c’est donc le terme que nous avons choisi pour qualifier ces individus atypiques. On commence à les considérer depuis peu de temps : une cinquantaine d’années, c’est très peu dans l’histoire de l’humanité ; et dans ce laps de temps, on n’a cessé de tâtonner pour les définir." (Les Philo-cognitifs, Chapitre 1)

Les enfants à haut potentiel présentent des aptitudes intellectuelles avancées, mais avec des différences selon les domaines et parfois une dyssynchronie entre raisonnement et gestion émotionnelle. Ils partagent souvent un humour vif, une rapidité d’apprentissage, une intolérance à l’injustice et des difficultés sociales.

Cependant, ces descriptions restent trop générales pour définir précisément le phénomène. La question de son existence réelle se pose, d’autant plus que ses caractéristiques sont larges et parfois floues. Sans classification claire, le risque d’un effet Barnum persiste, rendant difficile l’identification objective du haut potentiel.

Surdon, précocité, haut potentiel...

Le haut potentiel intellectuel souffre d’un manque de définition claire et d’une terminologie fluctuante selon les époques et cultures. Les termes surdoué, précoce et haut potentiel présentent tous des limites.

« Surdoué » implique une performance exceptionnelle dans un domaine précis, souvent associée à un don inné, alors que certaines réussites résultent davantage d’un entraînement intensif et d’un environnement propice.

« Précoce » suggère une avance cognitive temporaire, alors qu’il s’agit plutôt d’une qualité durable du fonctionnement cérébral.

Quant à l’analogie avec les zèbres, elle ne reflète pas la diversité des profils et ne repose sur aucune base scientifique.

Le terme haut potentiel semble le plus approprié mais reste imprécis. Il sous-entend une intelligence en sommeil nécessitant une transformation pour s’exprimer pleinement, ce qui ne correspond pas toujours à la réalité. Certains individus à haut potentiel rencontrent des obstacles qui limitent leur expression intellectuelle, tandis que d’autres possèdent une intelligence déjà optimisée.

De plus, une intelligence supérieure ne garantit pas forcément de meilleures performances. Le concept manque encore de critères stabilisés et ne permet pas une classification homogène des individus concernés. Cette imprécision rend difficile un consensus sur la manière de définir et d’accompagner ces profils atypiques.

L'arbitrage de la science

L’étude scientifique du haut potentiel intellectuel est récente, rendant sa définition et sa mesure complexes. Les statistiques varient selon les critères d’observation : la prévalence oscille entre 1,5 % et 3 %, avec des biais de recrutement importants.

Des idées reçues persistent, comme une prépondérance masculine ou un taux élevé d’échec scolaire, bien que ces chiffres manquent de fiabilité. Les échantillons étudiés regroupent des profils hétérogènes, issus de milieux divers (associations, consultations cliniques, compétitions intellectuelles).

Ces limites méthodologiques compliquent l’identification d’un modèle unifié du haut potentiel, laissant encore place à de nombreux questionnements.

Trois caractéristiques majeures pour une façon de penser singulière

✔️ Je suis, donc je pense : l'hyperspéculation

Les individus à haut potentiel partagent un besoin irrépressible de penser, nommé hyperspéculation. Cette réflexion compulsive pousse à analyser, questionner et extrapoler, refusant les explications simplistes. Certains orientent leur pensée vers des objectifs précis, tandis que d'autres « pensent pour penser ».

Ce processus inclut un hypercontrôle, qui vise à maîtriser l’incertitude par l’analyse et la planification. Sur le plan neurologique, ces fonctions s’appuient sur le réseau exécutif, impliquant le cortex préfrontal dorso-latéral et le cortex pariétal postérieur, zones essentielles au raisonnement, à la mémoire de travail et à la régulation cognitive.

✔️ Comme un sixième sens : l'hyperacuité

Les individus à haut potentiel présentent une hyperacuité sensorielle, émotionnelle et proprioceptive. Leur hypersensibilité émotionnelle leur permet de détecter finement les émotions, mais peut aussi entraîner une surcharge affective. Leur hypersensorialité amplifie la perception des stimuli, rendant l’analyse fine mais parfois envahissante.

Leur hyperproprioception affine la perception corporelle, mais peut compliquer l’ajustement moteur. Ces caractéristiques s’appuient sur le réseau de la saillance, impliquant l’insula, l’amygdale et le cortex cingulaire antérieur, jouant un rôle clé dans la gestion des émotions, de l’attention et de la perception, influençant leur rapport au monde.

✔️ Un réassemblage permanent des idées : l'hyperlatence

Les individus à haut potentiel présentent une hyperlatence, c'est-à-dire un traitement inconscient intensif de l’information basé sur une pensée analogique en arborescences. Ce processus favorise l’apprentissage, la créativité et la résolution de problèmes, mais peut aussi conduire à une rumination mentale lorsqu’aucune cohérence n’émerge.

Ce mode de pensée repose sur le réseau par défaut, actif au repos, impliquant le cortex préfrontal médian, le cortex cingulaire postérieur et les jonctions temporo-pariétales. Ce réseau gère la mémoire, l’introspection et la régulation émotionnelle, jouant un rôle clé dans la conscience réflexive et la conceptualisation, mais aussi dans la vulnérabilité au stress et aux pensées envahissantes.

Trois fois mieux !

Les philo-cognitifs possèdent une connectivité cérébrale supérieure : ils traitent l'information de manière particulièrement rapide et efficace. Cette connectivité accrue, interhémisphérique et intra-hémisphérique, suggère une supériorité cognitive globale plutôt que spécifique.

Trois réseaux cérébraux majeurs sous-tendent ces capacités :

Le réseau par défaut (introspection et mémoire) ;

Le réseau exécutif (raisonnement et contrôle cognitif) ;

Le réseau de la saillance (gestion des émotions et de l’attention).

L’IRM fonctionnelle révèle une activité accrue dans ces régions, confirmant une organisation cérébrale optimisée pour la compréhension, l’apprentissage et la régulation cognitive et émotionnelle.

Comment appeler ces penseurs atypiques ?

Faisons donc un premier point. Le terme philo-cognitif désigne un individu animé par un besoin intense de penser, structuré autour de trois processus :

Hyperspéculation (raisonnement compulsif) ;

Hyperacuité (sensibilité exacerbée) ;

Hyperlatence (pensée analogique automatique).

Hyperlatence (pensée analogique automatique). Ce profil ne signifie pas forcément une compétence exceptionnelle mais une capacité accrue à collecter, analyser et intégrer les informations. La réflexion philosophique et l’extrapolation constante sont centrales, au point de ressembler à une addiction cognitive. Ce fonctionnement, souvent invisible, transforme chaque situation en source de questionnement, illustrant une pensée en mouvement permanent.

Les philo-cognitifs se posent des questions en permanence, souvent de manière inconsciente, transformant chaque détail en sujet de réflexion profonde. Leur pensée augmentée les pousse à remettre en question les évidences, mais peut aussi saturer leur raisonnement, entraver l’action et accentuer un besoin de contrôle.

Leur hyperconscience du monde les rend plus vulnérables au stress, au cynisme et à la somatisation, sans forcément atteindre un seuil pathologique. Cette complexité rend leur accompagnement difficile, car leurs difficultés sont diffuses et fluctuantes, rendant leur prise en charge moins évidente que celle de troubles clairement identifiés.

Les deux profils

Loin des stéréotypes, les philo-cognitifs présentent des profils variés. Deux types émergent : le profil complexe et le profil laminaire, différant par leur rapport au monde, à eux-mêmes et à leurs comportements.

Philo-complexe ou philo-laminaire ?

Les philo-laminaires possèdent une pensée fluide, structurée et cohérente, avec un QI homogène souvent supérieur à 140. À l’inverse, les philo-complexes ont une pensée fulgurante mais hétérogène, marquée par une dyssynchronie cognitive. Leur QI (120-135) montre de grandes disparités entre raisonnement élevé et vitesse de traitement plus faible.

Ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre...

Les philo-laminaires et philo-complexes appartiennent à la même famille, partageant une pensée spéculative et émotionnelle commune. Chaque philo-cognitif possède ces deux dimensions à des degrés variables, mais avec une dominante stable. Ce rapport peut évoluer au fil du temps sans jamais s’inverser complètement.

Le modèle de cognition de F. Nusbaum (Les Philo-cognitifs, Chapitre 1)

Les philo-cognitifs peuvent évoluer entre complexité et laminarité selon leur âge, contexte et expériences, mais conservent toujours une dominante initiale, qui s’accentue en situation d’insécurité. Un équilibre 50 % complexe / 50 % laminaire est rare, la plupart affichant un rapport moyen de 60 % / 40 %.

Les philo-complexes montrent une connectivité cérébrale prédominante à gauche, tandis que les philo-laminaires sont plus latéralisés à droite. Bien que ces profils puissent se moduler avec le temps, leur identité cognitive reste stable.

Vous voulez en savoir plus ? Les prochains chapitres décrivent ces profils sous une forme simplifiée.

 CHAPITRE 2 - Ouvreurs de voies : Les philo-complexes

Les philo-complexes se distinguent par leur pensée fulgurante, leur créativité intense et leur sensibilité exacerbée, qui a tendance à rendre leurs interactions avec le monde souvent dissonantes. Leur énergie débordante, leur originalité et leur quête incessante de sens les rendent fascinants, mais parfois déconcertants…

Portrait chinois

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Thu, 12 Jun 2025 17:00:00 +0200 http://www.olivier-roland.fr/items/view/13053/Les-philo-cognitifs
Braver sa nature sauvage http://www.olivier-roland.fr/items/view/13054/Braver-sa-nature-sauvage

Résumé de "Braver sa nature sauvage" de Brené Brown : un livre sur l'appartenance et l'estime de soi par l'une des auteures de développement personnel les plus plébiscitées de ces dernières années — L'idée principale ? Ne changez rien, mais soyez enfin qui vous êtes !

Brené Brown, 2018, 162 pages.

Titre original : Braving the Wilderness (2017).

Chronique et résumé de "Braver sa nature sauvage" de Brené Brown

Chapitre 1 : Partout et nulle part

Quand Brené Brown écrit, la peur l’envahit. Elle doute de sa légitimité, surtout quand ses recherches bousculent les idées reçues. Elle se demande si elle a le droit de choquer ou de remettre en cause des croyances établies. Dans ces moments, elle s’entoure mentalement de figures courageuses qui l’inspirent.

Elle pense à J.K. Rowling, Bell Hooks, Shonda Rhimes, Oprah Winfrey, Maya Angelou. Ces voix l’aident à garder le cap, à ne pas céder à la peur ou à l’autocensure. Brené Brown rejette aujourd’hui l’ancienne méthode consistant à satisfaire les critiques et les cyniques. Cette approche étouffait son authenticité.

Son lien avec Maya Angelou reste profond. La poétesse la guide depuis ses années universitaires. Pourtant, une citation la déstabilise : « Vous êtes libre quand vous comprenez que vous n’êtes de nulle part. » Pendant des années, l’auteure rejette cette idée.

Pour Brené Brown, ne pas appartenir représente une douleur ancienne et viscérale. Dès l’enfance, elle vit l’exclusion. À l’école, son prénom complet, Casandra Brené Brown, la fait passer pour afro-américaine. Dans une Louisiane encore marquée par la ségrégation, cela suffit à l’écarter des fêtes et des cercles sociaux.

L’apprentissage de la solitude

Elle vit les rejets des deux côtés, sans comprendre pourquoi elle dérange. Sa différence devient un obstacle. Elle cherche désespérément une place, un groupe, une reconnaissance. Chaque déménagement rend cette quête plus difficile.

Son grand espoir réside dans l’équipe des Bearkadettes (sorte de danse chorégraphiée nommée "meneuses de claque"). Elle s’entraîne intensément, suit un régime strict, et croit en ses chances. Mais son numéro n’apparaît pas sur la liste. Ses parents gardent le silence. Ce rejet, couplé à l’absence de réconfort familial, devient fondateur.

Convaincue de ne pas mériter l’amour ni l’appartenance, elle apprend à se conformer. Elle lit les attentes des autres, s’adapte, joue des rôles. Elle devient caméléon, mais s’éloigne d’elle-même. Plus tard, elle choisit l’observation des comportements comme mode de survie.

En analysant les autres, elle développe des compétences qui l’amènent à la recherche. Pourtant, elle reste coupée de son authenticité. À 21 ans, elle est perdue, en fuite. Puis, elle rencontre Steve, qui la voit vraiment. Leur relation lui offre un espace de réparation.

Peu après, elle entame un parcours vers la sobriété. Elle teste plusieurs groupes, sans trouver sa place. Elle comprend que sa vraie dépendance est une fuite constante de la vulnérabilité. Elle commence alors à s’écrire des permissions pour vivre pleinement.

Retrouver sa voix

Lors d’un tournage avec Oprah Winfrey, elle se sent nerveuse, peu présente. Un collègue lui rappelle de vivre l’instant au lieu de l’analyser. Ce conseil provoque un déclic. Elle s’écrit une permission d’être joyeuse et gauche.

Cette journée devient un moment fondateur. Elle rencontre Maya Angelou, qui lui dit : « Ne te laisse pas ébranler. » Ces mots résonnent comme une bénédiction. Brené Brown comprend qu’elle doit s’ancrer pleinement en elle-même.

Plus tard, à une conférence, elle refuse de se déguiser en femme d’affaires. Elle choisit de s’habiller comme elle est vraiment. Elle refuse aussi de censurer sa foi ou son langage. Elle veut rester fidèle aux histoires qu’on lui confie.

Elle partage ses doutes avec Steve, qui l’écoute sans jugement. Il lui rappelle qu’elle appartient à leur foyer, à leurs enfants. Ce soutien lui permet de saisir enfin le sens des mots de Maya Angelou. Elle comprend que la véritable appartenance commence par soi-même.

En relisant l’entrevue complète de la citation qui la gênait, elle découvre que Maya Angelou affirme s’appartenir à elle-même. Cette révélation transforme le récit fondateur de sa douleur. Elle n’a plus besoin d’un groupe pour exister. Elle accepte enfin de ne pas s’ébranler.

Chapitre 2 : La quête de la véritable appartenance

Brené Brown explore la notion de véritable appartenance, ce besoin humain profond d’être accepté pour ce que nous sommes réellement. Elle distingue l’appartenance authentique de la conformité ou de la quête d’approbation, qui, loin d’y mener, en sont les ennemis.

Présenter son moi imparfait au monde exige une acceptation de soi complète. Mais cette définition évolue. La véritable appartenance ne dépend pas des autres : elle réside en nous. Elle nécessite parfois de rester seul, debout dans la vulnérabilité, l’incertitude et la critique.

Dans un monde divisé, s’appartenir devient un acte de courage. Il ne s’agit pas de rejoindre un groupe ou d’adhérer à une idéologie, mais de se relier à quelque chose de plus grand : l’amour et l’esprit humain. Même isolés, nous restons connectés. La véritable appartenance commence donc par une foi profonde en soi et la capacité de rester fidèle à son identité dans un monde incertain.

Définition de la véritable appartenance

Dans le cadre d’une recherche en théorie ancrée qualitative, Brené Brown explore la préoccupation majeure liée à l’appartenance. Les participants souhaitent appartenir à un groupe sans renoncer à leur authenticité, leur liberté ou leur pouvoir. Ils dénoncent une culture polarisée du « nous contre eux », source de déconnexion spirituelle.

Beaucoup redoutent que la peur et le mépris aient remplacé l’humanité partagée, l’amour et la compassion. Cette crise d’appartenance apparaît surtout spirituelle, non religieuse, traduisant un besoin profond de se sentir connectés aux autres sans se conformer.

Brené Brown pose quatre questions pour comprendre comment certains développent une véritable appartenance enracinée en eux. Les réponses dégagent quatre éléments clés, ancrés dans le monde actuel et réel. Ces éléments sont au centre des chapitres suivants :

Les gens sont difficiles à haïr de près. Rapprochez-vous.

Contrez les conneries avec la vérité. Soyez poli.

Tenez-vous la main. Avec des étrangers.

Dos fort. Devant doux. Cœur sauvage.

Sa démarche ne suit donc pas une idée préconçue : elle suit les données, même lorsqu’elles révèlent un monde chaotique.

La nature sauvage

Brené Brown compare la véritable appartenance à une nature sauvage : un lieu solitaire, indompté et exigeant, à la fois redouté et recherché. Appartenir pleinement à soi-même nécessite de braver cette nature, de quitter ses refuges idéologiques et d’oser la vulnérabilité.

Ce chemin, imprévisible, ne peut être dicté par autrui. Il implique de s’ouvrir aux autres sans renier son identité, de dialoguer malgré les divergences. La véritable appartenance est active, pas passive. Elle demande du courage, de l’inconfort, et un engagement sincère envers l’authenticité, même dans l’adversité. C’est une pratique personnelle et spirituelle, non une simple adhésion sociale.

Aptitudes à la bravoure

Brené Brown affirme que pour s’aventurer dans la nature sauvage de la véritable appartenance — cet espace de solitude, de courage et d’authenticité — un élément est essentiel : la confiance. Elle s’appuie sur la définition de Charles Feltman, qui voit la confiance comme le choix de rendre quelque chose de précieux vulnérable aux actions d’autrui. La méfiance, au contraire, suppose que ce qui compte n’est pas en sécurité avec l’autre.

Pour clarifier ce concept complexe, Brené Brown développe l’acronyme BRAVING, une grille qui s’applique autant à la confiance en soi qu’en les autres :

Faire confiance aux autres :

Boundaries (limites) : respect des limites, capacité à dire non.

Reliability (fiabilité) : tenir ses engagements, connaître ses limites.

Accountability (responsabilité) : reconnaître ses erreurs et réparer.

Vault (coffre-fort) : préserver la confidentialité des confidences.

Integrity (intégrité) : choisir le courage, l’éthique, et vivre ses valeurs.

Nonjudgment (impartialité) : exprimer ses besoins sans crainte d’être jugé.

Generosity (générosité) : interpréter les intentions d’autrui avec bienveillance. (Braver sa nature sauvage, Chapitre 2)

Faire confiance à soi-même implique de se poser ces mêmes questions avec les pronoms personnels :

B — Ai-je respecté mes propres limites ?

R — Ai-je été fiable ?

A — Me suis-je tenu responsable ?

V — Ai-je respecté la confidentialité et partagé de façon appropriée?

I — Ai-je agi avec intégrité ?

N — Ai-je demandé de l’aide sans me juger ?

G — Ai-je été généreux envers moi-même ? (Braver sa nature sauvage, Chapitre 2)

Ce chemin vers la reconnaissance est paradoxal. Il semble absurde d’appartenir partout et nulle part, mais c’est pourtant vrai. Carl Jung et Maya Angelou affirment tous deux la valeur de cette vérité profonde : elle est exigeante, mais sa récompense est immense.

« La véritable appartenance est la pratique spirituelle de croire et d’appartenir à vous-même si profondément que vous pouvez partager votre moi le plus authentique avec le monde et trouver le sacré à la fois dans le fait de faire partie de quelque chose et de vous tenir debout seul dans la nature sauvage. La véritable appartenance n’exige pas de changer qui vous êtes, mais d’être qui vous êtes. » (Braver sa nature sauvage, Chapitre 2)

Chapitre 3 : Grande solitude : une crise spirituelle

Brené Brown évoque le « high lonesome », un cri musical du bluegrass, symbole d’une douleur profonde transformée en expérience partagée. L’art a ce pouvoir : il donne forme à la solitude et au chagrin pour qu’ils deviennent sources de connexion. Aujourd’hui, au lieu de partager nos blessures par la musique ou les récits, nous crions, nous nous replions, nous nous opposons.

Pour l'autrice, le monde traverse une crise spirituelle collective. Nous avons rompu notre lien d’humanité partagée. Cynisme, peur et méfiance dominent. Nous nous divisons selon nos idéologies, oubliant notre interconnexion essentielle, ancrée dans l’amour et la compassion.

Braver cette crise exige un courage immense. Se taire ou se battre ne fait qu’amplifier la solitude. Peu cherchent à bâtir des ponts entre les différences. Or, la véritable appartenance repose sur cette humanité commune. Pour la retrouver, il faudra oser sortir des lignes et affronter la nature sauvage relationnelle.

Nous répartir

Brené Brown s’appuie sur les travaux de Bill Bishop pour montrer comment la société américaine s’est idéologiquement et géographiquement fragmentée. En cherchant le confort de l’homogénéité, les gens se regroupent avec ceux qui partagent leurs idées, ce qui accroît l’extrémisme, étouffe la dissidence et renforce les stéréotypes.

Cette polarisation crée une solitude croissante, même au sein des familles. Malgré des divergences profondes, beaucoup refusent de couper les liens avec leurs proches. La société valorise pourtant les factions au détriment des relations humaines.

Brené Brown constate que cette répartition n’a pas nourri le sentiment d’appartenance, mais a provoqué isolement, méfiance et repli. Les comtés deviennent idéologiquement uniformes, tandis que les taux de solitude doublent. Le paradoxe est clair : plus les gens vivent entre semblables, plus ils se sentent seuls. Comprendre la nature de cette épidémie de solitude devient crucial pour restaurer le lien humain et la véritable appartenance.

Regard de l'extérieur

La solitude, définie par John Cacioppo comme un isolement social perçu, survient lorsque nous nous sentons déconnectés des autres. Contrairement au fait d’être seul, qui peut être réparateur, la solitude signale un manque de liens significatifs : famille, amis, communauté. Elle affecte même notre perception des lieux, qui peuvent parfois « vibrer de déconnexion ».

Espèce sociale, l’humain a biologiquement besoin de connexion pour s’épanouir. Cacioppo explique que notre cerveau envoie des signaux – comme la faim ou la soif – pour signaler ce besoin vital. Mais la solitude est stigmatisée, associée à la faiblesse ou à l’anormalité. Cette honte nous pousse à nier notre solitude, même lorsqu’elle résulte de pertes ou de deuils.

Le danger est réel : le cerveau solitaire entre en mode autoprotection, réduisant l’empathie et renforçant la défensive. Ce cercle vicieux aggrave l’isolement. Il faut d’abord reconnaître la solitude comme un avertissement, puis rechercher des connexions de qualité, non de quantité.

Selon une méta-analyse, la solitude augmente de 45 % le risque de mort précoce, un taux supérieur à ceux liés à l’obésité ou à l’alcool. La connexion humaine n’est donc pas un luxe, mais une nécessité biologique.

La peur nous a menés ici

La peur est identifiée comme le moteur principal de la fragmentation sociale et de la déconnexion. Alimentée par le terrorisme, les violences et les discours polarisants, elle pousse les individus à se retrancher dans des bunkers idéologiques. Ces refuges promettent sécurité, mais renforcent solitude et isolement. Les vraies conversations, vulnérables et inconfortables, sont évitées.

Pourtant, la véritable appartenance exige de braver cette nature sauvage intérieure, en quittant le confort pour la connexion. L’espoir repose sur une masse critique de personnes prêtes à écouter, ressentir et se relier, au-delà des différences. C’est ainsi que la peur cesse de gagner.

"Je viendrais vers toiJe traverserais les mers Pour soulager ta peine." (Town Van Sandt, cité dans Braver sa nature sauvage, Chapitre 3)

Chapitre 4 : Les gens sont difficiles à haïr de près. Rapprochez-vous

Dans un monde saturé de haine, de polarisation politique et de jugements instantanés, Brené Brown invite à passer du regard global à l’expérience personnelle. En zoomant sur nos vies, nous découvrons que la haine généralisée s’effondre face à des relations humaines réelles et nuancées.

Face à la douleur, beaucoup choisissent la colère comme refuge, mais s’y accrocher nous ronge. La colère, si elle est transformée, devient un catalyseur de courage, de justice et de connexion. Refuser de haïr, comme l’illustre la lettre d’Antoine Leiris après la mort de sa femme au Bataclan, devient un acte radical de résistance.

Reconnaître notre souffrance et celle des autres est essentiel pour guérir. La haine dissimule souvent une peine non reconnue. Pour bâtir un monde plus humain, nous devons transformer notre douleur, briser les cercles de l’égoïsme et reconnecter par la compassion. La haine coûte trop cher. La vraie force est dans la vulnérabilité et l’amour.

Il y a toujours des limites, même dans la nature sauvage

Se rapprocher des autres implique d’affronter des conflits réels, parfois douloureux, surtout au sein de la famille. Pour maintenir une véritable appartenance, il faut définir des limites claires. Les participants à la recherche insistent sur deux formes de sécurité indispensables à la vulnérabilité : la sécurité physique et la sécurité émotionnelle. Cette dernière ne signifie pas fuir le désaccord, mais refuser le langage déshumanisant.

La déshumanisation transforme l’autre en ennemi, en être « moins que », rendant acceptable l’exclusion morale. Elle commence par des mots et se poursuit par des images. Dans l’histoire, elle a justifié des génocides, l’esclavage et les violences extrêmes.

Le langage inhumain est le premier signe. Une fois les gens réduits à des caricatures ou à des menaces, l’empathie disparaît, et le conflit se fige dans une opposition bien/mal. Tous les humains sont vulnérables à ce processus. Reconnaître ce glissement est essentiel pour préserver notre humanité partagée et résister à l’exclusion morale.

Le courage d'étreindre notre humanité

La déshumanisation commence souvent par des mots et des images qui excluent certaines personnes. Ce processus, largement alimenté par les réseaux sociaux, pousse à rejeter sans nuance ceux avec qui nous sommes en désaccord. Pourtant, cette tendance nuit autant à ceux qu’elle vise qu’à ceux qui y participent. La véritable appartenance exige de tracer une ligne claire fondée sur le respect de la dignité humaine.

Voici cinq principes à retenir selon Brené Brown :

Si des insultes sexistes vous choquent envers certaines femmes, elles devraient vous déranger dans tous les cas, peu importe leur camp politique.

Si un propos vous a blessé parce qu’il vous visait, soyez attentif aux paroles similaires dirigées contre d’autres.

Le langage dégradant, d’où qu’il vienne, doit être dénoncé, même s’il vise un adversaire politique.

Traiter des personnes comme des bêtes ou des objets est un signal d’alerte : cela facilite l’exclusion morale.

Si des images haineuses vous offensent selon leur cible, elles doivent toutes vous inquiéter, quel que soit leur auteur.

Déshumaniser n’est pas tenir responsable. Cela ne favorise ni la justice ni le changement. L'auteure appelle à dépasser les faux choix entre loyauté et responsabilité. Aimer un groupe, c’est aussi le rendre meilleur en nommant les abus. Refuser les espaces où la dignité est bafouée, ce n’est pas chercher le confort émotionnel, c’est refuser la violence symbolique. La véritable appartenance commence par le courage de réhumaniser.

Transformation des conflits

Pour mieux naviguer les conflits, la Dre Michelle Buck — interrogée par Brené Brown pour le livre — propose une approche qui transforme la confrontation en connexion. Plutôt que de fuir ou de «convenir de ne pas être d’accord», elle suggère d’explorer les intentions sous-jacentes de chacun. Cela permet de dépasser les malentendus et de renforcer la relation.

Elle recommande aussi de déplacer la conversation du passé vers un avenir commun à construire ensemble. Pour elle, il ne s’agit pas de «résoudre» mais de transformer le conflit, en créant de nouvelles perspectives et une compréhension mutuelle plus profonde. Enfin, elle insiste sur l’importance de ralentir, de poser des questions comme «Dites-m’en davantage» et surtout d’écouter pour comprendre, pas pour répondre.

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Seuls ensemble http://www.olivier-roland.fr/items/view/12977/Seuls-ensemble

Résumé de "Seuls ensemble" de Sherry Turkle : une psychologue reconnue se demande si nous vivons dans un monde avec "de plus en plus de technologies" et de "moins en moins de relations humaines" et elle en vient à la conclusion qu'il faudrait peut-être repenser notre façon d'être ensemble en société — un livre événement par l'une des spécialistes de sciences humaines les plus en vue du moment.

Sherry Turkle, 2015, 523 pages.

Titre original : Alone together (2011).

Chronique et résumé de "Seuls ensemble" de Sherry Turkle

Préface — Trois tournants

Sherry Turkle a une longue expérience en tant que psychologue et anthropologue. Étudiante à Paris, elle est ensuite partie faire carrière au célèbre Massachussetts Institute of Technology (MIT) pour y étudier "les cultures informatiques". Plus précisément, elle s'intéresse aux rapports intimes que nous entretenons avec le monde numérique.

Au cours des 40 dernières années, elle a écrit trois livres importants :

The Second Self (1984) ;

Life on the Screen (1995) ;

Alone together (2011) (traduit par Seuls ensemble) ;

Reclaiming Conversation (2015) (traduit par Les yeux dans les yeux).

Introduction — Seuls ensemble

« La technologie se présente comme l'architecte de nos intimités. » (Seuls ensemble, Introduction)

Toute la technologie dite "numérique" — depuis l'utopie virtuelle de Second Life aux hamsters de compagnie Zhu Zhu — nous est présentée comme une série d'améliorations artificielles de la réalité. Mais ces "améliorations" sont-elles réelles ? Et sont-elles sans risque ?

Pour l'auteure, il y a un inconvénient majeur à cette promesse de l'hyperconnexion numérique, à savoir la possibilité de la perte des relations humaines directes. Elle le montre bien en citant l'histoire d'une jeune fille qui envoie des textos à son amie alors qu'elles sont dans la même maison !

Sur la base de ce constat, Sherry Turkle propose de demander :

« comment en sommes-nous arrivés là — et sommes-nous contents d'y être ? » (Seuls ensemble, Introduction)

Sherry Turkle utilise plusieurs anecdotes et arguments pour présenter son propos.

Par exemple, alors qu'elle emmène sa fille au New York Museum of Natural History, celle-ci lui dit que le musée aurait dû utiliser des robots à la place des tortues Galápagos, au lieu d'emprisonner des créatures vivantes. Selon l'autrice, beaucoup d'autres enfants réagissent de la même façon, et cela l'inquiète.

Elle critique également le livre d'un expert en intelligence artificielle, David Levy, qui promeut les relations romantiques avec les robots. Elle craint qu'une interaction avec un objet inanimé "comme s'il" était vivant puisse, d'une manière ou d'une autre, nous faire "perdre" une dimension essentielle de notre humanité.

La technologie moderne promet de nous rapprocher. Ce qui est sûr, c'est qu'elle s'appuie sur nos "vulnérabilités humaines" — à savoir, en premier lieu, le besoin d'intimité avec autrui et de connexion sociale. Mais nous aide-t-elle vraiment à combler ce besoin, ou nous fait-elle courir de nouveaux risques ? Telle est toute la question de cet ouvrage.

Première partie — Le moment robotique : nouvelles solitudes, nouvelles intimités

Chapitre 1 — Nos plus proches voisins

Quelles sont nos relations aux robots domestiques qui peuplent déjà nos quotidiens ? L'auteure a mené de nombreuses études pour tenter de répondre à cette interrogation.

Tout d'abord, en tant qu'étudiante du MIT dans les années 1970, elle a fait l'expérience d'ELIZA, un programme informatique de base qui avait pour propriété essentielle de mimer un dialogue avec un psychothérapeute.

En réalité, ELIZA se contentait souvent de reformuler (éventuellement sous forme de questions) ou de paraphraser les propos de l'utilisateur. Mais la plupart des personnes l'ayant utilisé étaient prises au jeu et lui révélaient leurs secrets.

Pour Sherry Turkle, les participants ne pensent en rien qu'ils parlent à une véritable intelligence, mais ils "jouent le jeu", en quelque sorte. Autrement dit, ils sont complices du programme et utilisent les capacités du programme pour provoquer ce qu'ils attendent, à savoir des réponses réalistes d'ELIZA.

Il en va sensiblement de même pour les enfants avec les Furbies, ces peluches animées qui peuvent interagir avec leurs propriétaires. À travers les interviews qu'elle a menées durant de longues années, Sherry Turkle découvre que les petits considèrent les Furbies comme vivants, tout en sachant qu'ils ne sont pas "biologiquement vivants".

En fait, les enfants n'ont pas peur de brouiller les catégories : ils voient leur Furby à la fois comme une machine et comme un être vivant. Wilson, un petit garçon interrogé par l'auteure, affirme qu'il peut "toujours entendre la machine à l'intérieur".

D'un autre côté, dans ses études sur l'usage des Tamagotchis par les enfants, Sherry Turkle a remarqué que certains d'entre eux pleurent la mort de leurs petits animaux de compagnie électroniques. Elle donne ainsi l'exemple d'une petite fille qui refuse d'appuyer sur reset après la "mort" de son Tamagotchi.

Selon l'auteure, la pensée de ces enfants est directement liée à leurs interactions — c'est une pensée pragmatique, orientée vers l'action. Ils se prennent au jeu, comme si les Tamagotchis étaient en vie, et se demandent : que veut-il ? Quelles sont les expériences significatives que j'ai eues avec lui ?

Chapitre 2 — Assez vivants

Sherry Turkle amène avec elle huit Furbies dans une école primaire au printemps 1999. Directement, les enfants essaient de se connecter avec les jouets en leur parlant. Ils remarquent que les Furbies ont beaucoup en commun avec eux :

Ils ont des besoins ;

Ils sont distincts les uns des autres ;

Enfin, ils ont besoin d'être nourris.

Étrangement, certains enfants utilisent le vocabulaire des êtres vivants pour parler des machines, et parfois s'appliquent à eux-mêmes le vocabulaire des machines pour parler d'eux-mêmes. Un flou se crée. Pour l'auteure :

« [Les Furbies] promettent la réciprocité parce que, contrairement aux poupées traditionnelles, elles ne sont pas passives. Ils font des exigences. Ils se présentent comme ayant leurs propres besoins et leur vie intérieure. » (Seuls ensemble, Chapitre 2)

Autre expérience : le « test à l'envers ». Ici, des adultes tiennent trois "choses" à l'envers :

Une Barbie ;

Une gerbille (sorte de hamster) ;

Et enfin un Furby.

Apparemment, les gens sont plus réticents à laisser le Furby à l'envers trop longtemps. Pourquoi ? Car celui-ci, contrairement aux deux autres, est capable de dire "J'ai peur" (langage programmé dans la machine). Ils savent que c'est un robot, et pourtant c'est plus fort qu'eux, ces paroles les touchent.

Sherry Turkle raconte encore les opinions de deux garçons sur les robots, à vingt-cinq ans d'intervalle.

En 1983, l'auteure parle à Bruce, un garçon qui pense que, bien qu'un robot puisse faire moins d'erreurs, les défauts des humains sont ce qui les rend spéciaux.

En 2008, elle s'entretient avec Howard, qui voit quant à lui l'infaillibilité d'un robot comme un avantage. Il pense qu'un robot est susceptible de donner de meilleurs conseils qu'un humain, car il a accumulé davantage de connaissances.

Dans le cas de Bruce, c'est l'humanité et sa singularité qui sont mises en avant. La réponse de Howard, quant à elle, est typique de l'optimisme qui caractérise les constructeurs de technologies numériques et de robots. Mais celle-ci, pour Sherry Turkle, comporte le risque de se satisfaire des relations robotiques.

En d'autres termes, l'auteure craint que nos interactions répétées avec des robots sociables ne mènent à une réduction de ce que nous considérons comme "la vie", et tout particulièrement la vie humaine, avec les liens sociaux complexes qui la caractérisent.

Chapitre 3 — De vrais compagnons

C'est ce qu'elle cherche à exemplifier à partir d'un autre cas : la relation entre les robots AIBO — les chiens robots — et leurs propriétaires. Est-ce un véritable animal de compagnie ? Et plus important : est-ce que le fait de faire "comme si" il s'agissait d'un vrai chien peut amener ces personnes à se suffire de ce type de relation, somme toute limitée ?

Que leur manquent-ils ? Pour Sherry Turkle, la réponse est claire : l'altérité, à savoir la capacité de voir le monde à travers les yeux d'un autre.

Pour l'auteure, comme le robot n'est pas vivant, il devient simplement une prothèse ou une extension de la personne qui le possède. Lorsque nous interagissons avec des êtres humains, nous avons l'habitude de considérer l'altérité. Ne pas le faire est même le signe certain d'un problème psychologique (personnalité narcissique, manipulatrice, etc.).

Dans leurs relations avec AIBO, les enfants sont à nouveau pragmatiques. Ils le considèrent "comme si" il était un animal de compagnie normal et agissent en fonction. Toutefois, une jeune fille interviewée par l'auteure dit que l'AIBO est plus facile que les animaux de compagnie à certains égards parce qu'elle peut l'éteindre, à la différence d'un "vrai" animal vivant.

Sherry Turkle appelle cela un « attachement sans responsabilité ». Selon elle, s'habituer à ce type d'interaction peut être risqué dès lors qu'il influence nos rapports avec les autres personnes.

Bien sûr, il y a des nuances à faire. Les personnes n'interagissent pas de la même manière avec ces robots et ces interactions ne disent pas la même chose de notre façon d'agir avec les autres. À la fin du chapitre, l'auteure présente plusieurs exemples qui permettent de nuancer le propos.

Chapitre 4 — Enchantement

My Real Baby est une poupée robotique sortie en 2000. C'est un robot sociable légèrement plus avancé que le Furby. Il mûrit et devient plus indépendant. Sa "personnalité" est peu à peu façonnée par la façon dont il est traité par son propriétaire.

Sherry Turkle étudie les interactions entre My Real Baby et les enfants âgés de 5 à 14 ans. Elle remarque tout d'abord qu'ils voient les robots sous un jour positif, à la manière dont ils sont présentés dans les blockbusters hollywoodiens (R2D2 dans Star Wars ou Wall-e, par exemple).

L'auteure s'intéresse à la question de savoir si les enfants pensent que les robots pourraient, à l'avenir, prendre soin d'eux ou de leurs proches (enfants ou personnes âgées). Elle récolte des réponses — et des questions — intéressantes.

Certains se demandent concrètement si les robots ont de l'empathie pour eux. Selon Sherry Turkle, c'est une idée particulièrement courante chez ceux qui ont des parents absents. Un enfant nommé Kevin, âgé de 12 ans et particulièrement précoce, demande à l'auteure :

« Si les robots ne ressentent pas de douleur, comment pourraient-ils vous réconforter ? »

Mais d'autre part, Sherry Turkle remarque aussi que le comportement pragmatiste de bon nombre d'entre eux ne change pas : ils se satisfont de l'action simulée du robot et s'inquiètent seulement du fait qu'il pourrait tomber en panne.

Lorsqu'elle les interroge sur l'utilisation des robots pour aider leurs grands-parents, certains enfants affirment qu'ils pourraient être utilisés pour intervenir en cas de problème (chute, mort, etc.) ou de les aider à se sentir moins seuls. Mais certains enfants craignent aussi que leurs grands-parents en viennent à aimer le robot plus qu'eux !

Sherry Turkle termine ce chapitre par deux autres illustrations intéressantes.

Elle donne d'abord l'exemple de Callie, une jeune fille de 10 ans qui a une relation forte avec son jouet My Real Baby. Comme son père est souvent absent, la présence du robot la réconforte et lui fait "se sentir plus aimée". Investie d'un sentiment de responsabilité, elle se considère même comme la mère du bébé.

Tucker, un enfant de sept ans, est atteint d'une maladie grave. Il utilise AIBO pour exprimer ses sentiments sur la mort, sur son corps et sa propre peur de mourir. Il compare AIBO à son chien, mais considère que l'AIBO "fait mieux". Selon Sherry Turkle, il identifie le robot à « un être qui peut résister à la mort par la technologie ».

Chapitre 5 — Complicités

Sherry Turkle fait la découverte du robot Cog pour la première fois en 1994, au MIT. Cog est un robot assez évolué qui apprend de son environnement et cherche à créer du lien social.

Lors de nouvelles expériences avec des enfants, Sherry Turkle présente deux robots — Cog et Kismet (un autre robot "sociable") — à un groupe d'enfants. Ceux-ci, naturellement curieux, interagissent avec les robots et cherchent à faire connaissance.

Ils essaient de plaire aux robots et se font les complices de l'effort des concepteurs pour rendre les robots plus humains qu'ils ne le sont vraiment. Ils parlent et ils dansent avec eux ; bref, ils cherchent à attirer leur attention et à créer du lien social.

Même lorsque les concepteurs expliquent à certains enfants le mécanisme qui se cache derrière ces robots, ou bien lorsque ceux-ci tombent en panne, les élèves interrogés continuent de trouver des justifications et des explications pour conserver cet aspect "vivant".

Pour aller plus loin, Sherry Turkle raconte notamment l'histoire d'une petite fille de 11 ans qui, en raison de ses origines indiennes, a quelques difficultés à s'intégrer dans le groupe.

Elle n'aime pas la façon dont les filles qu'elle fréquente font semblant d'être ses amies, puis se moquent de son accent. Par contraste, elle aime la "fiabilité" de Cog. Selon Sherry Turkle, la petite fille s'assure ainsi d'être aimée, sans risquer le rejet d'autrui.

Une autre petite fille, à l'inverse, considère que c'est de sa faute si le robot ne parle pas suffisamment. Elle se demande pourquoi il n'est pas très bavard et s'en impute la responsabilité. Ici, c'est un sentiment d'échec qui est fabriqué par la relation avec la machine.

L'auteure donne de nombreux autres exemples très parlants. À chaque fois, elle pose la question du sens de créer des robots sociables. Quelles sont les implications éthiques de ce type de technologie et sommes-nous capables de les assumer ?

"Voulons-nous vraiment être dans le business de la fabrication d'amis qui ne pourront jamais être des amis ?" (Seuls ensemble, Chapitre 5)

L'amitié avec les robots ne pourra jamais être réciproque. Ce sera toujours une projection de nos propres sentiments sur un être finalement indifférent. Autrement dit, l'amitié véritable nécessite l'altérité.

Chapitre 6 — L'amour au chômage

Connaissez-vous Paro ? C'est un robot thérapeutique introduit dans certaines cliniques à partir du printemps 2009. Sa cible : les personnes âgées et, avant tout, les résidents des maisons de retraite. C'est l'occasion, pour Sherry Turkle, de revenir sur ses réflexions et ses observations auprès de ce groupe d'individus.

Sherry Turkle raconte d'abord les expériences qu'elle a menées avec My Real Baby. Elle explique que le robot est bien accepté, même si, de façon générale, elle remarque que les personnes âgées cherchent surtout à interagir avec les personnes humaines réelles qui organisent l'étude ou prodiguent les soins.

L'auteure raconte ensuite son incursion auprès des chercheurs en robotique. En 2005, elle assiste à un symposium intitulé « Caring Machines [machines de soin] : l'intelligence artificielle dans les soins aux personnes âgées ». Elle questionne notamment les participants au sujet du titre du symposium lui-même : veut-on vraiment que les machines prennent soin de nos ainés ?

Selon elle, prendre soin est ce qu'elle nomme "le travail de l'amour". Il s'agit avant tout d'une activité fondamentalement humaine.

Plus tard, toutefois, elle parle avec Tim, un homme d'âge moyen qui affirme que le robot Paro améliore la vie de sa mère. Celle-ci, selon lui, semble plus vivante grâce à la compagnie du robot. Mais est-elle pour autant moins seule qu'auparavant ? Telle est l'inquiétude de l'auteure.

Voici quelques autres exemples donnés par Sherry Turkle :

Une personne âgée nommée Andy devient très attachée à un My Real Baby et en vient à lui parler comme à son ex-femme.

Johnathan, un autre résident, ancien ingénieur, est plus terre-à-terre. Il démonte My Real Baby et trouve une puce informatique dont il ignore la composition.

Une femme âgée nommée Edna préfère le jouet à sa véritable arrière-petite-fille de 2 ans parce qu'elle peut jouer avec elle sans aucun risque. Le robot la détend.

Les robots comme Paro ou encore Nursebot (un autre robot de ce genre) commencent à intégrer les maisons de repos. Ils peuvent aider dans certaines tâches, comme la prise de médicaments. Mais nous devons faire attention aux conséquences inattendues de ces technologies sur les liens sociaux et, en particulier, sur la façon dont nous prodiguons l'amour et les soins.

Chapitre 7 — Communion

Sherry Turkle relate une série d''études visant à tester les compétences du robot Kismet dans la conversation entre adultes. Rich, jeune homme de vingt-six ans, participe à cette expérience.

Il commence par activer ce que l'auteure a appelé dès le premier chapitre "l'effet ELIZA". C'est-à-dire qu'il cherche activement à faciliter la relation avec le robot afin de créer l'illusion de son caractère "vivant". Peu à peu, un rapport se crée et Rich se prend au jeu — au point d'oublier que le lien est factice !

Avec Domo, une version améliorée de Kismet pensée pour l'aide ménagère, les effets sont semblables. Selon son concepteur, peu importe de savoir que le robot n'as pas de sentiments ; ce qui compte, c'est ce que nous ressentons lorsqu'un robot, par exemple, nous tient la main.

Mais Sherry Turkle n'est pas d'accord avec ce point de vue. Elle considère que, derrière ce "fantasme de communion", se cache en réalité "l'indifférence ultime" du robot. Et que cette indifférence n'est pas sans conséquences.

Selon le psychologue Clifford Nass, les personnes tendent à éviter les conflits ou à blesser les "sentiments" de l'ordinateur, même s'ils savent, au fond d'eux, que l'ordinateur n'en a pas. C'est toute la thématique de l'"informatique affective", une discipline inventée par Rosalind Picart dont parle l'auteure à la fin de ce chapitre.

Deuxième partie — En réseau : dans l'intimité, de nouvelles solitudes

Chapitre 8 — Toujours connectés

Sherry Turkle se souvient d'un groupe de personnes surnommées « les cyborgs » au MIT, dans les années 90. "Errant dans et hors du réel physique", ils étaient les premiers passionnés des jeux en ligne.

Leur attachement à l'espace virtuel semblait bizarre et marginal dans ces années-là. Mais qu'en est-il aujourd'hui ? L'auteure souligne que beaucoup d'entre nous vivent comme cela désormais, que ce soit par le biais des réseaux sociaux ou des jeux en ligne comme Second Life.

Pour Sherry Turkle, notre vrai moi, notre moi physique, se confond peu à peu avec notre moi virtuel. Ou, à tout le moins, l'un et l'autre se transforment mutuellement. La psychologue-anthropologue prend plusieurs exemples tirés de ses recherches plus récentes.

En voici un. Pete est un homme d'âge moyen qui vit un mariage malheureux. Mais il a une femme virtuelle dans Second Life. Selon lui, cette relation en ligne aide effectivement son mariage dans la vie réelle à perdurer.

Pourquoi ? Car elle lui donne un exutoire. Dans le jeu, il peut aborder des sujets que sa femme refuse d'entendre. Les moments où il se sent le plus "lui-même", c'est dans le jeu, dit-il encore.

Sherry Turkle s'intéresse aussi au multitâche et à ses implications. Elle rappelle des études ayant montré les effets plutôt négatifs, en terme d'efficacité d'apprentissage, notamment, de ce mode de travail.

Par ailleurs, l'auteure remarque que la patience des gens diminue à mesure que les technologies de communication nous offrent des services toujours plus rapides. Les nuances se perdent aussi. Dans un monde où les réponses instantanées deviennent la norme, il faut faire court et direct.

Sherry Turkle voit ainsi une « symétrie effrayante » émerger : à mesure que les robots sont promus au rang d'être (quasi-) vivants, les personnes qui communiquent en ligne sont rétrogradées au stade de « machines maximisantes », sommées d'être toujours plus efficaces.

Finalement, Sherry Turkle observe un lien fort entre la robotique et les réseaux sociaux. Nous sommes profondément séduits par les deux technologies.

Les robots sociaux attirent les utilisateurs avec leurs besoins artificiels et créent une réponse positive chez les utilisateurs, qui se mettent à "jouer le jeu".

Les réseaux sociaux exigent de nous un engagement de plus en plus intense. Nous nous sentons obligés, ici aussi, d'entrer dans le jeu et de répondre le plus rapidement possible aux notifications et aux messages qui nous sont envoyés.

Chapitre 9 — Grandir constamment reliés

Depuis l'apparition des smartphones, de nombreux adolescents (et adultes) sont "scotchés" à leurs écrans. Quitte, parfois, à les utiliser lorsqu'ils conduisent ou quand ils savent que cela est dangereux.

La génération native d'Internet pense que la connexion via les réseaux sociaux est quelque chose d'acquis, de déjà-là et de premier. Mais, selon l'auteure, cette attitude peut nuire à l'auto-réflexion, qui passe par l'intimité et la solitude.

Par ailleurs, le médium lui-même, à savoir la forme des messages que nous envoyons, encadre la façon dont nous pensons et réagissons. L'auteure craint que le caractère rapide, court et direct des messages déposés sur les réseaux sociaux empêche les adolescents d'exprimer et de ressentir complètement leurs sentiments.

Aujourd'hui, une étudiante qui envoie des messages 15 fois par jour n'est pas considérée comme "anormale". Mais pensez-y. Était-ce ainsi il y a dix ans ? Pas du tout. À cette époque, vous auriez sans doute trouvé cela "bizarre". Les codes sociaux et culturels changent.

Sherry Turkle utilise de nombreux entretiens qu'elle a elle-même réalisés afin de montrer comment les jeunes se "créent des identités" en ligne et comment celles-ci peuvent causer des troubles intérieurs ou participer à réparer (partiellement ou artificiellement) des blessures dans la vie réelle.

Trish, par exemple, est une jeune fille de 13 ans qui est maltraitée physiquement. Dans les Sims Online, elle se crée une famille respectueuse et aimante.

Katherine, 16 ans, expérimente diverses personnalités dans ce même jeu.

Mona et un autre lycéen s'inquiètent de la relation de conséquence entre la création de leur profil sur Facebook et les opportunités qu'ils peuvent avoir dans la vie réelle. Leur profil virtuel peut avoir des conséquences importantes sur leur bien-être et leur avenir.

Sherry Turkle montre qu'un certain nombre d'étudiants sont fatigués de cet "audit" constant et de cette simplification de soi-même qu'implique l'univers des réseaux sociaux.

En résumé :

« Les réseaux sociaux nous demandent de nous représenter sur un mode très simplifié. Et devant notre public, nous nous sentons ensuite tenus de nous conformer à ces représentations simplificatrices. » (Seuls ensemble, Chapitre 9)

Chapitre 10 — Plus la peine de passer un coup de fil

Dans ce chapitre, Sherry Turkle continue son investigation sur les réseaux sociaux et la communication en ligne de façon plus générale.

Elle donne l'exemple d'Elaine, 17 ans, qui préfère envoyer des textos plutôt qu'appeler. Pourquoi ? Car cela lui donne le temps de construire ses pensées sans pression et souvent pendant qu'elle est seule. Ici, le message écrit peut aider la réflexion.

Audrey, 16 ans, est quant à elle timide. Elle préfère envoyer des textos, plutôt que de parler. Mais c'est surtout parce qu'elle n'aime pas mettre fin aux appels. Ses parents sont divorcés et ses frères sont souvent occupés ; dès lors, elle ressent chaque fin d'appel comme un rejet. Avec les textos, c'est plus simple, dit-elle.

Cela dit, elle avoue que, lorsqu'elle a déménagé, elle aurait aimé dire au revoir à l'un de ses amis par téléphone ou en personne, plutôt que par message écrit.

D'ailleurs, les adolescents ne sont pas les seuls à préférer les textos. L'auteure cite une femme adulte qui cherche à convertir son mari à ce mode de communication. Lui qui préfère téléphoner se voit contraint d'écrire afin d'être "plus efficace".

Sherry Turkle utilise de nombreux autres exemples en relation aux textos. À chaque fois, elle montre bien l'ambiguïté de ce médium. En effet, celui-ci peut aider à l'expression. Mais il contraint également énormément les échanges.

Et — comme nous avons toujours le mobile à côté de nous — il ne permet plus que rarement les moments de solitude et de remise en question.

Chapitre 11 — Réduction et trahison

Sherry Turkle se prête ici au jeu et crée un personnage de Second Life nommé Rachel. Elle affirme que "quand nous jouons à recréer notre vie via un avatar, nous exprimons nos espoirs, nos forces et nos fragilités".

À nouveau, l'auteure n'est pas contre la technologie. Elle reconnaît même qu'un tel « jeu » peut avoir des effets thérapeutiques ou éducatifs sur la vie réelle d'une personne.

Les psychologues distinguent deux processus mentaux que Sherry Turkle propose d'utiliser pour penser les formes de vie en ligne :

Le « retour du refoulé » ;

Le « travail sur les problèmes ».

Le « retour du refoulé » désigne ici le fait de rester bloqué au sein des mêmes conflits intérieurs, sans pouvoir avancer et trouver une solution. Votre présence en ligne ne vous aide pas à grandir, mais plutôt à vous cacher.

Par contraste, en « travaillant sur les problèmes », vous utilisez l'univers virtuel pour explorer de nouveaux comportement et mettre un terme à vos soucis.

Par exemple, Joel, un programmeur informatique à succès, utilise Second Life pour « explorer son potentiel d'artiste et de leader ». Son avatar est un éléphant miniature nommé Rashi qui organise et construit de grands projets artistiques et bâtiments dans le jeu et qui est respecté pour cela.

La vie en ligne de Joel "rejaillit" de façon positive sur sa vie hors ligne.

En revanche, Adam a plutôt tendance à s'enfermer dans le virtuel et à "laisser tomber" sa vie réelle. Il est insatisfait de sa vie hors ligne et en particulier de son travail. Mais il aime sa vie virtuelle dans Quake, un jeu de tir à la première personne auquel il joue seul ou avec des amis. Il aime aussi Civilization, un jeu dans lequel il peut construire des univers entiers.

« Tel est le secret de la simulation : elle offre l'exaltation de la créativité sans la pression, l'excitation de l'exploration sans le risque. » (Seuls ensemble, Chapitre 11)

Cette caractéristique peut être mise à profit pour évoluer dans la vie, ou simplement nous divertir. Mais elle peut aussi susciter des phénomènes d'addiction et la perte des repères avec le monde réel.

Chapitre 12 — De vraies confessions

Sur un site appelé PostSecret, les gens envoient des cartes postales manuscrites confessant quelque chose, et ces confessions de cartes postales sont ensuite mises en ligne. Il existe plusieurs sites de ce genre où l'idée est, à chaque fois, de faire part aux autres internautes de ses questionnements les plus intimes.

Sherry Turkle remarque qu'il est plus facile de se confesser de cette façon. En effet, nous pouvons rester plus évasifs et nous nous dévoilons sous couvert d'anonymat. Mais c'est aussi moins efficace, car nous ne confrontons pas à une relation directe (avec un ami ou un membre de la famille, par exemple).

En fait, ces confessions en ligne sont, dans un sens, semblables à ces compagnons robots analysés dans la première partie. Comme avec eux, nous n'avons plus à traiter avec de vraies personnes ; nous pouvons juste nous satisfaire de faire "comme si" nous nous excusions vraiment, ou comme si nous réparions vraiment nos erreurs.

Par ailleurs, confesser ses problèmes en ligne augmente le nombre de réponses auxquelles nous pouvons nous attendre. Or, ce ne sont pas toujours des réponses bienveillantes ou justifiées, loin de là. La "cruauté" des internautes peut rendre l'expérience vraiment pénible.

Enfin, ces messages peuvent avoir pour effet de limiter l'empathie de ceux qui les lisent. Nous doutons de l'aspect "réel" et sincère de la confession. Et comme nous estimons qu'il pourrait s'agir d'une "performance", nous nous lassons des messages.

Chapitre 13 — Angoisses

Autre phénomène analysé par Sherry Turkle : le stress et l'anxiété. L'anxiété est monnaie courante à l'ère du numérique. Nous avons peur de manquer une information ou un bon plan (le fameux FOMO pour fear of missing out) et nous avons le sentiment simultané que tout est disponible et de devoir toujours être accessible.

Pour l'auteure, c'est d'ailleurs à partir des attentats du 11 septembre que les mobiles sont devenus "des symboles de sécurité physique et émotionnelle". En l'ayant toujours avec nous, nous nous sentons davantage protégés. Même si ceux-ci nous stressent aussi d'un autre côté.

À la fin du chapitre, Sherry Turkle aborde la question délicate du harcèlement sur Facebook et celle de la surveillance généralisée qu'impliquent les réseaux sociaux. Elle rappelle l'importance cruciale de la vie privée pour la démocratie.

Chapitre 14 — La nostalgie des jeunes

Finalement, Sherry Turkle note que de nombreux jeunes aspirent à une connexion plus profonde et en face à face. Ils se sentent enfermés dans le cercle vicieux créé par la technologie numérique. Envoyer des textos, par exemple, crée « une promesse qui génère sa propre demande ».

La promesse est que vous pouvez envoyer un SMS et demander à un ami de le recevoir en quelques secondes, ;

La demande est que l'ami soit obligé de répondre.

Robin, une jeune journaliste ambitieuse de 26 ans, se sent par exemple obligée de garder son BlackBerry avec elle à tout moment. Elle se sent même anxieuse et presque malade lorsqu'il n'est pas à bout de bras.

Pourquoi cet attachement si fort aux mobiles ? Parmi ses arguments, Sherry Turkle fait valoir que l'une des raisons pour lesquelles les enfants d'aujourd'hui souhaitent être connectés est qu'ils ont grandi en concurrence avec les téléphones pour attirer l'attention de leurs parents.

Conclusion — Des débats nécessaires

La psychologue et anthropologue démontre que les ordinateurs nous "utilisent" — et nous façonnent — autant que nous les façonnons. Nous inventons de nouvelles technologies pour nous aider à vivre et à travailler au quotidien, mais celles-ci nous transforment profondément !

L'un de ses amis et collègues handicapés, Richard, lui raconte comment il valorise l'aide que lui apportent les personnes humaines. Selon lui, un robot ne pourrait pas agir vis-à-vis de lui de cette façon. L'être humain, dit-il, surtout quand il est fragile, a besoin d'être raccroché à son histoire et à des liens concrets de fraternité. C'est ce qui lui donne sa dignité.

Non, la seule "performance du sentiment" ne suffit pas. Bien sûr, nous pouvons être tentés par cette solution, car nous contrôlons (ou pensons mieux contrôler) les rapports que nous entretenons avec les robots. Mais nous nous exposons moins à l'altérité.

Par ailleurs, nous risquons de ne plus supporter la solitude, pourtant essentielle à la création de nouvelles idées. Constamment aux prises avec cette performance du sentiment (aussi bien avec les robots qu'avec les autres virtuels), nous en oublions de nous retrouver avec nous-même pour nous poser ou réfléchir.

Au final, Sherry Turkle voit bien que certaines générations ressentent davantage le besoin de se mettre au vert et de concevoir d'autres formes de connectivité — c'est d'ailleurs tout l'objet du cyberminimalisme.

Que ce soit avec les robots ou les réseaux sociaux, nous pouvons créer des limites. Les robots, par exemple, peuvent très bien nous aider dans certaines tâches, mais nous ne devrions pas nous laisser avoir par l'illusion de l'amour robotique — dans le domaine des soins, surtout.

En somme, c'est à nous de reprendre le contrôle des usages acceptables et indésirables !

Épilogue — La lettre

Sherry Turkle raconte ici une anecdote personnelle. Elle envoie un texto à sa fille, qui prend une année sabbatique à Dublin avant l'université. Mais elle est insatisfaite : elle se souvient avec nostalgie des lettres qu'elle envoyait et recevait de sa propre mère alors qu'elle était à l'université.

Elle se rappelle que ces lettres étaient longues, sincères et pleines d'émotions. Bien qu'elle apprécie les échanges écrits et les visioconférences par Skype avec sa fille, quelque chose lui manque. Et elle remarque aussi que d'autres mères sont dans la même situation.

Alors, que faire ? Sherry Turkle évoque différentes méthodes pour « capturer la vie ». Il y a l'art et la science, bien sûr. Mais aussi la volonté, pour certaines personnes, d'archiver leur vie complète en écrivant des mémoires — ou en consignant chaque petit moment sur Instagram ou sur Facebook !

Pourtant, au quotidien, comment échanger de façon à la fois simple et plus profonde ? Sherry Turkle propose à sa fille de s'écrire des lettres, comme elle le faisait quand elle était elle-même plus jeune. Une correspondance à l'ancienne, pourquoi pas !

Conclusion sur "Seuls ensemble" de Sherry Turkle :

Ce qu'il faut retenir de "Seuls ensemble" de Sherry Turkle :

Ce livre se lit presque comme un roman. Pourtant, il repose sur un nombre impressionnants d'études et d'expériences réalisées par l'auteure et ses collègues pendant plus de quatre décennies. Grâce à sa force narrative et sa rigueur scientifique, l'ouvrage est devenu un classique à la fois dans les universités et en dehors.

Ses deux champs d'expérimentation sont :

La conception et la commercialisation de robots domestiques et en particulier de robots sociaux (jouets, robots domestiques, de compagnie, de soin, etc.) ;

L'apparition, grâce à Internet, de mondes en ligne divers (jeux, réseaux sociaux, etc.) et d'une connexion accrue (via les messageries, les textos, etc.).

Elle remarque une similitude entre ces deux domaines. En effet, à chaque fois, les êtres humains, jeunes ou vieux, se prêtent au jeu de la simulation et en oublient qu'ils deviennent, à leur tour, les jouets de réactions préprogrammées.

Or, ce qui l'intéresse plus que tout, c'est de voir comment ces relations à sens unique affectent notre sens de l'intimité, de la solitude et des relations humaines.

Et sa contribution principale consiste à documenter avec précision les difficultés auxquelles nous sommes confrontés avec les technologies actuelles issues de la robotique et d'Internet. À savoir :

Le risque de se couper de l'altérité et de l'imprévisibilité ;

La tentation de préférer des émotions artificielles aux joies et aux peines concrètes ;

Le manque de solitude nécessaire à la constitution du soi et des relations humaines.

Pour autant, Sherry Turkle, qui est une fine psychologue et anthropologue, ne considère pas qu'il faille — comme on dit — jeter le bébé avec l'eau du bain. Selon elle, il existe des usages positifs de la robotique ainsi que des réseaux sociaux et des jeux en ligne. Mais ce n'est qu'en les pratiquant avec conscience et réflexion que nous pouvons en tirer le meilleur.

Points forts :

Un style personnel qui permet d'entrer dans l'étude comme s'il s'agissait d'un roman ;

De très, très, très nombreux exemples issus de toutes ses études de terrain et entretiens ;

Un effort théorique solide ;

Une bibliographie et des annexes intéressantes.

Point faible :

C'est un livre peu ardu, mais qui en vaut la peine.

Ma note :

★★★★★

Avez-vous lu le livre de Sherry Turkle, « Seuls ensemble » ? Combien le notez-vous ?

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Thu, 21 Nov 2024 17:00:00 +0100 http://www.olivier-roland.fr/items/view/12977/Seuls-ensemble
Faire plus avec moins http://www.olivier-roland.fr/items/view/12973/Faire-plus-avec-moins

Résumé de « Faire plus avec moins » de Vicky Payeur : la créatrice du blog Vivre avec moins nous propose ici un condensé de son savoir et de ses conseils pour « redécouvrir l’abondance grâce à la frugalité » et apprendre à vivre mieux au jour le jour.

Vicky Payeur, 2022, 204 pages.

Chronique et résumé de "Faire plus avec moins" de Vicky Payeur

Avant-propos

Connaissez-vous le frugalisme ? Il s'agit de cette tendance à rechercher l'indépendance financière hors travail le plus tôt possible dans son existence. Autrement dit, prendre sa retraite dès 30 ou 40 ans ! Mais est-ce vraiment réalisable ?

Au Québec — pays de Vicky Payeur — comme ailleurs, la réponse est oui. À condition, bien sûr, de respecter certains principes de vie et d'avoir mis suffisamment d'argent de côté pendant les années de labeur.

Le mouvement FIRE, pour Financial Independence Retire Early est pionnier et particulièrement représentatif de cette tendance de fond des sociétés contemporaines. Il a émergé aux États-Unis dans les années 2010, quand des blogueurs ont publié leurs idées concernant l'épargne et la retraite précoce.

Vicky Payeur dit s'inspirer de tous ces auteurs du mouvement FIRE. Mais elle voudrait répondre à une question restée selon elle largement sans réponse : "comment vivre la frugalité au quotidien ?" C'est-à-dire concrètement (p. 8-9) :

« Comment faire augmenter la valeur de ses placements ?

Quelles stratégies utiliser pour réduire les impôts à payer ?

Comment travailler davantage ou gagner plus d'argent ?

Quelles dépenses est-il nécessaire d'enlever de son budget pour peut-être espérer vivre librement un jour ?

Comment épargner un peu plus chaque mois ? » (Faire plus avec moins, Avant-propos)

L'autrice s'est posé ces questions dans sa propre existence : en 2015, elle est passée d'un mode de vie hyperconsommateur à une existence frugale, principalement pour rembourser ses dettes. Aujourd'hui, elle est très heureuse de son choix et veut partager ses bons plans avec vous. Sympa, non ?

Si vous voulez en savoir plus, rendez-vous sur son blog Vivre Avec Moins.

Introduction

"Frugalité est un mot que j'entends bien rarement. Probablement parce qu'il est souvent associé péjorativement à l'avarice ou, comme on dit, au fait d'être cheap. Personne ne souhaite être perçu ainsi dans une société où l'étalage des richesses et la démonstration d'exploits professionnels sont valorisés ! Cependant, il y a une nuance importante entre frugalité et avarice."

Quelle est-elle ?

L'avare ne veut pas se séparer de son argent ; il veut même en accumuler toujours plus, sans raison.

La personne frugale (ou le "frugaliste") est sobre, oui, économe, encore, mais elle n'est pas attachée à l'argent et pourra se montrer généreuse ou s'octroyer des plaisirs de temps à autre.

La frugalité ne date pas d'hier

En un sens, la frugalité est une habitude de grand-mère. Rappelez-vous ses petits plats et sa manie à "tout" réparer ou à tout garder. Eh bien, c'est l'inverse de notre mode de vie actuel et, pourtant, c'est vers cela que nous pouvons aller si nous le voulons.

Oui, penser sa consommation est (re)devenu essentiel ! Oui, penser, réfléchir à ce qui est utile et à ce qui ne l'est pas. Commençons petit à petit et voyons comment amplifier peu à peu cette attitude dans notre existence de tous les jours. L'enjeu est économique, mais aussi environnemental.

Oser devenir libre

"En consommant moins, mais mieux, on peut transformer notre budget en entier", dit l'auteur. Épargner : voilà la clé. Et ce livre est justement conçu pour vous aider à le faire de manière efficace. Certaines propositions peuvent paraître "extrêmes", mais c'est parce qu'elles visent à "atteindre des objectifs ambitieux".

C'est possible. Par ailleurs, être frugal ne veut pas dire arrêter complètement de travailler. Vous pouvez vous consacrer à des projets qui ont du sens pour vous, mais vous ne dépendez plus d'un emploi qui ne vous plaît pas.

À vous de définir exactement votre idée de la liberté financière. À vous, aussi, de laisser de côté les conseils qui vous plairont le moins pour adapter la méthode en fonction de vos aspirations profondes.

Partie 1 — L'heure des bilans

  1. Analyse

Au Québec, un tiers de la population environ vit d'une paie à l'autre sans pouvoir épargner ou en épargnant très peu. Pour Vicky Payeur, c'était la même chose. Jusqu'au jour où elle s'est mise en tête d'étudier les dépenses de son compte bancaire.

Elle donne ce premier conseil :

"Prenez le temps d'analyser votre situation financière en toute franchise et posez-vous la question suivante : "où va mon argent ?"." (Faire plus avec moins, Chapitre 1)

Posez-vous des questions telles que :

Combien est-ce que je dépense en… (restaurant, vêtements, etc.) ?

Quand ai-je réalisé ma dernière grosse dépense ?

Combien est-ce que j'épargne par mois ?

Jusqu'à quand pourrais-je survivre si je perdais mon travail demain ?

En fait, nous pensons souvent agir plus vertueusement que nous ne le faisons en réalité. Lorsque nous nous imposons cette petite analyse, nous voyons mieux où le bât blesse et ce que nous pouvons faire pour corriger le tir. Et cela vaut à 20 ans comme à 50 !

  1. Quotidien

Nous ne sommes pas les victimes. L'état de nos finances dépend de nous. Bien sûr, nous avons diverses obligations, mais il est toujours possible de revenir à la question : "qui a choisi de contracter ce prêt ?", etc.

Commençons donc par nous dire que c'est possible. Et que nous avons la responsabilité de gérer correctement notre argent. Chacun, en fonction de sa situation propre, peut faire un premier pas.

Quels sont les postes de dépenses que vous pouvez revoir ?

Les déplacements

Si vous avez besoin d'une voiture, interrogez-vous sur l'utilité réelle (et non symbolique) d'avoir une voiture neuve, en location (leasing) ou achetée avec un prêt, par exemple. Ne vaut-il pas mieux opter pour une voiture d'occasion ?

Et si vous ne possédiez pas de voiture ? Le quotidien deviendrait-il impossible ? Si la réponse est non, alors interrogez-vous sur le caractère nécessaire de cet achat et envisagez les autres options en comparant l'aspect financier (autobus, train, etc.).

L'hypothèque

Les prix des logements montent, grimpent, volent ! Vous voulez acheter ? Avez-vous les reins assez solides pour vous embarquer dans une hypothèque à long terme ?

Vicky Payeur met surtout en garde au niveau de la tentation de voir trop grand. Pensez votre logement en fonctions, ici encore, de vos besoins réels. Selon le nombre de personnes dans votre famille, vous aurez certes besoin d'une maison ou d'un appartement plus petit ou plus grand, mais à quoi bon vouloir un palace difficile à chauffer ?

Le ratio des dépenses mensuelles liées au logement devrait être d'un tiers (30 %) et idéalement d'un cinquième (20 %). Dans beaucoup d'endroits, il est difficile de tenir ce ratio, mais vous pouvez agir à d'autres endroits.

"En réduisant le coût obligatoire associé à votre habitation, vous aurez plus de marge de manœuvre pour les autres postes de dépenses et, par le fait même, pourrez épargner davantage." (Faire plus avec moins, Chapitre 2)

Les sorties au restaurant

Nous aimons tous aller au restaurant. Mais nous avons aussi tendance à y aller… beaucoup. Surtout lorsque nous travaillons à l'extérieur. Petit-déjeuner, déjeuner et dîner : parfois les trois repas y passent !

Faites le compte. Cela revient vite cher, vous verrez. Nous verrons dans la suite de l'ouvrage (partie 2) comment mettre en place une alimentation plus frugale et plus saine — sans pour autant nous priver du restaurant lors des occasions spéciales !

Les achats impulsifs

Les trois postes de dépenses précédents (voiture, logement, nourriture) sont souvent les plus gourmands et ceux qui nous empêchent d'épargner. Il faut y ajouter tous ces achats impulsifs qui allègent grandement notre portefeuille.

À quoi pensez-vous ? À la télévision que vous venez d'acheter ? Au cafe latte de 16 h ou à cette dernière paire de chaussures commandée en ligne ? Pas besoin de vous faire un dessin ; vous voyez certainement de quoi Vicky Payeur veut parler !

"Tous ces achats que vous faites parfois sans réfléchir ont un effet direct sur votre liberté. Plus vous dépensez, plus vous devrez travailler pour payer ces abonnements mensuels et ces achats spontanés. Chaque fois que vous utilisez votre carte bancaire, vous venez de retarder l'heure, le jour et l'année de l'atteinte de votre liberté." (Faire plus avec moins, Chapitre 2)

Cette dernière phrase peut faire réfléchir, pas vrai ? Gardez-la à l'esprit au moment de sortir votre carte bleue plus vite que Zorro.

Choisir sa vie

Bien entendu, personne ne vous demande de vivre une vie qui ne vous conviendrait pas. Vous avez le contrôle. Si, pour vous, cette vie plus dépensière vous satisfait et que vous pouvez vous l'offrir (même si c'est à crédit sur votre retraite anticipée), alors pourquoi pas !

Mais si vous avez l'ambition de moins travailler et/ou de vous consacrer davantage à ce que vous aimez vraiment, bref si votre vie ne vous convient pas en l'état, alors pensez-y…"Prenez quelques minutes pour analyser votre mode de vie actuel et les frais occasionnés", dit l'autrice. "Où aimeriez-vous habiter ? Quelle vie aimeriez-vous mener ?".

  1. Changement

Le changement est aussi psychologique et social. Nous avons l'habitude d'écouter certains discours qui nous poussent à la consommation. Mais correspondent-ils à nos valeurs et à nos aspirations ? Pas vraiment, ou rarement.

Changer dans le sens du frugalisme, c'est donc aussi ouvrir son esprit à d'autres manières de voir le monde et d'agir en son sein.

Par ailleurs, la motivation à vous limiter aujourd'hui peut être boostée par votre volonté à atteindre un objectif précis. C'est aujourd'hui que commence ce projet, et pas demain ! Établissez dès que possible votre pourquoi (votre objectif) et votre comment (les moyens pour y parvenir).

Progressez à votre rythme

"Ne vous inquiétez pas, je ne vous suggère pas de devenir un ermite dans le fond des bois, loin de la consommation de notre société capitaliste (bien que je trouve ce mode de vie inspirant !). Il suffit de modifier quelques-uns des gestes que vous accomplissez quotidiennement au profit d'une option plus économique." (Faire plus avec moins, Chapitre 3)

Autre point central qui est même la "règle d'or" selon Vicky Payeur : y aller à son rythme. Sans quoi, vous risquez fort bien d'abandonner rapidement.

Par ailleurs, utilisez ce que vous avez déjà. Prenons un exemple. Terminez tous vos produits de ménage habituels afin de penser à en acheter d'autres qui seront plus économiques et écologiques (par exemple en vrac).

Selon Vicky Payeur, la durée de "mise en route" d'un mode de vie frugal peut fortement varier selon les personnes. Dans son cas, cela lui a pris un an et demi pour "atteindre un niveau satisfaisant". "Il ne faut pas devenir fou et rechercher la perfection", dit-elle encore pour nous rassurer.

L'important, c'est d'être curieux et de tester les astuces. D'en faire de petites habitudes à intégrer dans votre quotidien progressivement. Laissez de côté celles qui ne vous correspondent pas et adoptez les autres !

Cherchez l'inspiration

Vous trouverez sur Internet différentes inspirations, des plus radicales (comme Mark Boyle et son livre L'homme sans argent) au plus softs.

Vous pouvez aussi trouver l'inspiration plus directement autour de vous. Nous avons parlé plus tôt de la grand-mère, mais cela peut être un cousin ou un oncle. Qui sait ! Demandez-leur comment ils font et ils partageront certainement leurs astuces frugales avec vous.

Mais Vicky Payeur ne veut pas s'arrêter là. Selon elle, vous pouvez devenir votre propre source d'inspiration. Comment ça ?

En fait, vous pouvez rapidement devenir "accro" à ce petit jeu de l'épargne. Dès que notre focale se concentre sur la liberté financière, vous avez envie d'éliminer les dépenses superflues. cela devient un jeu !

Persévérez

Comment tenir bon, même dans les moments difficiles ? L'autrice rapporte ici sa propre expérience et donne des dates précises :

2015-2016 : elle freine sa surconsommation et met de l'ordre dans ses finances.

2016-2018 : elle commence à voir son endettement se réduire peu à peu. En un peu moins de deux ans, elle rembourse 16 000 $.

2018-2019 : elle se constitue un fonds d'urgence pour "assurer sa sécurité financière". Elle décide de quitter son emploi au bout d'un an d'épargne.

2019-2020 : ce n'est pas toujours facile d'être complètement à son compte. Mais elle a réussi à ne pas s'endetter à nouveau et à vivre modestement, mais correctement.

2020-2021 : elle achète un bien immobilier avec son compagnon, beaucoup de dépenses en une fois, mais un investissement rendu possible par les efforts réalisés jusque-là !

"Parfois, il faut mettre la main à la pâte pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, pour changer son quotidien." (...) Le chemin le plus facile pour y arriver, c'est celui de la frugalité." (Faire plus avec moins, Chapitre 3)

Petit à petit, vous pouvez voir le ciel s'éclaircir et penser non seulement à l'épargne, mais aux investissements financiers tels que la bourse ou l'immobilier.

  1. Doutes

"Êtes-vous obligé de parler de vos nouvelles motivations, de votre changement de vie ou de vos prises de conscience ? La réponse est non." (Faire plus avec moins, Chapitre 4)

Parfois, nous pouvons percevoir notre entourage comme un frein dans la réalisation de nos objectifs. À d'autres moments, ils sont une grande source d'inspiration et de motivation. À vous, donc, de voir quand et avec qui vous voulez partager votre nouveau goût pour la simplicité.

Vicky Payeur, pour sa part, a décidé d'ouvrir complètement les vannes, puisqu'elle a créé un blog dans lequel elle s'est mise à raconter son parcours, depuis ses erreurs jusqu'à ses réussites. Elle partage au quotidien avec son audience des trucs et astuces et répond aux questions qui lui sont adressées.

☀️ En véritable infopreneuse, elle propose aujourd'hui des ateliers et des formations pour aider celles et ceux qui le souhaitent à prendre le chemin de la frugalité. Bref, à sa manière, elle suit la méthode des rebelles intelligents proposée dans votre livre gratuit Vivez la vie de vos rêves grâce à votre blog !

Le jugement des autres

Le jugement des autres peut avoir une influence négative sur vous. Certaines personnes peuvent être fermées à ce mode de vie. D'autres peuvent (parfois même les mêmes) ressentir de la jalousie. Savoir s'y préparer permet de mieux affronter ce problème.

Comment faire ? En ne parlant pas quand vous n'en sentez pas le désir et en ignorant ceux et celles qui vous critiquent ou vous envient. Malgré ses activités de blogueuse, Vicky Payeur prône plutôt la voie du "en dire moins, c'est souvent mieux'.

Surtout lorsqu'il s'agit de parler de ce que vous arrivez à mettre de côté ! En effet, ce n'est pas la même chose de parler de ses difficultés et de trucs et astuces pour les surmonter que d'exposer ses objectifs et ses revenus réels.

La prudence est donc de mise. Mais dans tous les cas, vous restez maître de vos prises de parole.

Une histoire de collègues

Au travail, vous pourrez faire face à des collègues qui sont eux aussi dans des situations d'endettement ou de difficultés financières, mais qui refuseront (voire se moqueront) de vos objectifs frugaux. C'est ce qu'a vécu Vicky Payeur. Comme elle, laissez vos chemins se séparer.

Focalisez-vous sur votre propre réussite et adoptez la pensée positive.

"Aujourd'hui, je sais pertinemment qu'adopter la pensée positive dans mes différentes actions du quotidien a été la clef de ma réussite." (Faire plus avec moins, Chapitre 4)

La force des amitiés

À côté des personnes qui vous tirent vers le bas, il y — aussi ! — toutes celles qui vous aident dans votre parcours. Les vrais amis sont ceux qui accepteront de ne plus sortir au restaurant comme avant mais vous aimeront toujours autant.

Redécouvrez ensemble des activités que vous aviez perdues de vue, par exemple. Pourquoi ne pas se retrouver chez soi plutôt que d'aller dans un bar ? Aller se promener ou jouer aux cartes… Ce ne sont que quelques illustrations.

Vous pouvez également adapter certaines activités pour les rendre plus frugales. Par exemple : les vacances. Vous pouvez épargner tout au long de l'année dans l'optique de ces vacances entre amis que vous avez l'habitude de faire.

"Croire qu'on ne peut pas adopter de nouvelles habitudes par crainte de l'avis de ses amis ou d'autrui, c'est s'enfermer dans une cage sans même avoir essayé d'en sortir. Essayez de nouvelles choses, osez, puis vous verrez ce qui en découlera !" (Faire moins avec plus, Chapitre 4)

Partie 2 — Comment se vit la frugalité ?

  1. Avant

Revenons encore une fois à nos grands-parents. Non pas pour nier les progrès dont nous profitons aujourd'hui, mais pour éclairer de leur perspective notre tendance à l'hyperconsommation.

Ils avaient l'habitude de recycler et d'entretenir les choses ; nous jetons sans même prendre le temps de réparer. Qui a raison ? Prenons-les en exemple, soutient Vicky Payeur.

S'inspirer de la Grande Dépression

La grande crise qui fit suite au Krash boursier de 1929 intéresse beaucoup l'autrice. Selon elle, il y a même "7 astuces économes" à retenir en particulier :

« Cuisiner à partir de rien ;

Réparer avant de remplacer ;

Se divertir dans le confort de son foyer ;

Faire soi-même ;

Faire du troc ;

Dépenser seulement l'argent qu'on a ;

Réutiliser. » (Faire plus avec moins, Chapitre 5)

Retourner à la base

Nos ancêtres avaient beaucoup d'imagination pour vivre de peu ! En allant fouiller pour nous dans les savoirs de nos aïeux, la blogueuse retrouve plein de trucs et astuces qu'elle partage dans cet ouvrage.

Parmi les conseils supplémentaires, très pratico-pratiques, qu'elle donne à la suite du chapitre pour concrétiser les "7 astuces économes", vous trouverez :

Faire son bouillon (alimentation) ;

Sécher les poches de thé (alimentation) ;

Entretenir un potager (alimentation) ;

Réutiliser les vieux tissus (textile) ;

Raccommoder les vêtements (textile) ;

Revaloriser les emballages alimentaires (organisation) ;

Prendre des notes sur des vieilles enveloppes (organisation) ;

Etc.

À vous de consulter l'ouvrage afin de voir quels sont les trucs qui vous plaisent et vous paraissent réalisables chez vous ;). Maintenant, entrons dans le détail des propositions de Vicky Payeur.

  1. Alimentation

"Il faut arrêter de consommer en mode automatique et commencer à se poser les bonnes questions qui nous rapprocheront un peu plus de notre liberté financière. L'argent qu'on évite de gaspiller aujourd'hui est peut-être ce qui fera la différence entre une retraite à 45, 50 ou 55 ans, plutôt qu'à la mi-soixantaine !" (Faire plus avec moins, Chapitre 6)

La cuisine est sans doute l'un des endroits où nous pouvons agir le plus efficacement pour réduire nos dépenses et mettre en pratique le frugalisme. Voyons comment.

L'évolution de mon panier

Vicky Payeur raconte comment elle est passée d'un panier d'achat de 120 $ à 50 $ par semaine (et même à 20 $ lorsqu'elle remboursait ses dettes !). Plusieurs actions sont à mettre en place, comme utiliser ce que vous avez dans vos tiroirs et n'acheter que ce dont vous avez besoin.

Progressivement, vous pouvez également changer durablement vos habitudes alimentaires. Manger moins de viande est économique et écologique, sans compter que c'est également bon pour votre santé.

Autre astuce : être attentif aux aubaines : réductions en tout genre dans les magasins ou via des applications dédiées, par exemple.

Viser l'équilibre, pas les extrêmes

Il est important de continuer à s'alimenter correctement. Manger des pâtes au beurre tous les jours n'est pas la solution… Votre santé est plus précieuse que vos économies !

Manger frugal

Manger frugal, c'est donc manger des produits frais et variés. Bref, c'est manger sainement et économiquement en suivant ces 9 règles d'or de l'alimentation frugale (p. 83) :

« Ne rien gaspiller ;

Cuisiner ce que l'on a ;

Utiliser des techniques de conservation adaptées ;

Planifier ses repas ;

Connaître les prix ;

Adopter la semaine sans épicerie ;

Mettre en place un système anti-gaspillage ;

Faire pousser des aliments ;

Manger principalement des repas maison." (Faire plus avec moins, Chapitre 6)

L'autrice présente en détail ces 9 points et vous donne encore plus de conseils dans les pages qui suivent. Mais passons à la suite.

Les fameux gadgets de cuisine

Minimalisme et frugalisme vont de pair. Pas besoin d'avoir les nouveaux robots ménagers à la mode ou les ustensiles hyperspécialisés qui vous serviront trois fois dans l'année. Débarrassez-vous de tous ces gadgets inutiles, encombrants. Et surtout : ne les achetez pas ! Ou bien si vraiment c'est indispensable, achetez en promotion…

N'oubliez pas : les produits dits "révolutionnaires" censés vous "simplifier la vie" ne sont souvent que des machins compliqués qui, au final, ne vous font pas gagner une seule minute — et encore moins un centime.

Économiser un dollar à la fois

En apprenant la simplicité et le recyclage en matière d'alimentation, vous pouvez vraiment commencer à voir la différence dans votre portemonnaie et votre compte en banque. C'est l'un des domaines où vous pouvez être le plus créatif et le plus rapidement efficace.

  1. Logement

"Imaginez : chaque jour, le tiers de votre temps passé au travail ne sert qu'à mettre un toit sur votre tête. Réduire sa mensualité pour se loger est donc, sans surprise, une piste de solution majeure pour réduire vos dépenses de manière générale et alléger votre budget." (Faire plus avec moins, Chapitre 7)

Ne partons pas du principe que c'est impossible ; se loger à coût raisonnable est parfaitement faisable. Il y a des solutions plus radicales, telles que vivre en yourte ou sur un bateau, par exemple, et d'autres qui le sont moins. Explorons-les ensemble.

Les pièges à éviter

La première erreur est peut-être… de choisir une propriété "qui utilise le maximum de notre capacité d'emprunt pour l'hypothèque". À quoi bon ? Le plus important n'est-il pas de bien vivre au quotidien, sans se créer (trop) de stress supplémentaire ?

La modestie peut ici vous éviter de gros ennuis plus tard, lorsque vous devrez rembourser mensuellement votre prêt.

Autre écueil (lié au premier) : éviter de faire le "voisin gonflable", c'est-à-dire celui qui a tendance à gonfler son importance de biens trop chers pour lui, jusqu'à l'endettement insupportable.

Nous avons toujours tous tendance à nous comparer aux autres et à vouloir ce qu'ils ont (voire mieux). C'est la base sociologique de ce phénomène problématique.

Mais nous pouvons y résister. Au lieu d'agir de façon impulsive, attendez deux semaines ou un mois avant d'agir. "Il y a de fortes chances que vous ayez déjà oublié ce désir et que vous soyez rendu à autre chose", prédit Vicky Payeur !

Les autres frais

Il existe des dépenses plus essentielles que d'autres. Parmi celles-ci, bien sûr, le paiement de l'hypothèque ou du loyer, ainsi que les assurances diverses et les frais fixes (abonnements à l'électricité, internet, eau, gaz) qui nous permettent de vivre confortablement et en sécurité au jour le jour.

Par contre, réfléchissez aux dépenses qui sont accessoires. Cela dépend de chacun, mais voici quelques exemples :

Femme de ménage ;

Entretien paysager ;

Télévision câblée (ou abonnement Netflix) ;

Etc.

Se loger à petit prix

Dans cette section, l'autrice vous donne quelques idées pour vivre de façon moins conventionnelle et plus économique — voire plus rentable :

Opter pour un petit logement (genre tiny house, yourte, etc.) ;

Vivre en colocation ;

Habiter avec ses parents ;

Déménager dans une autre région ;

Louer une partie de son bien immobilier ;

Vivre en van ;

Faire du "home sitting" (gardiennage de maison) ou du WWOOFing (travail contre logement) ;

Etc.

Les solutions sont nombreuses et très variées !

Vivre de façon alternative, même avec des enfants

Peut-être pensez-vous que ces solutions sont réservées à des jeunes gens. Impossible d'agir de la sorte quand on a une famille ! Et pourquoi pas ? L'autrice rapporte plusieurs anecdotes de parents vivant frugalement et différemment en ayant un ou plusieurs enfants.

Hypothèque ou location ?

Impossible à dire de façon générale. "Pour savoir si vous gagnez à louer ou à acheter une propriété, il vous faudra sortir la calculatrice", prévient Vicky Payeur. Toutefois, il est possible de mettre en évidence quelques avantages et inconvénients de chaque situation.

Pour la location :

Prix fixe chaque mois (+) ;

Mais possibilité de hausse du prix du loyer au renouvellement du contrat, voire d'expulsion (-) ;

Moins de frais liés à l'entretien (+) ;

Mais moins de liberté d'action (-).

Pour l'achat/hypothèque :

Marge de manœuvre accrue (+) ;

Mais frais "surprises" (-) ;

Épargne "forcée" qui nous permet de constituer un capital (+).

  1. Loisirs

"Plutôt que de dépenser votre argent en biens matériels, dépensez-le en nouveaux apprentissages. Le savoir est la seule chose que personne ne pourra jamais vous retirer." (Dominique Loreau, L'art de la simplicité, Cité dans Faire plus avec moins, Chapitre 8)

Nous avons plus de loisirs aujourd'hui qu'avant, mais souvent nous passons notre temps libre à passer d'une activité payante à une autre. Pourtant, il est tout à fait possible de profiter du quotidien sans en faire des tonnes.

Vivre plutôt que consommer

Les émotions que nous ressentons lorsque nous achetons quelque chose (bien ou service) ne durent généralement pas. En revanche, celles qui nous prennent lorsque nous vivons quelque chose de fort, fortuit et gratuit, celles la restent ancrées en nous.

Ces expériences peuvent être de différentes natures : bénévolat ou simple jardinage, il y a le choix ! L'idée consiste à se détourner des possessions et du matériel pour insister sur le moment passé ensemble.

Le coût des loisirs

Vous pouvez limiter les dépenses et mieux profiter de l'existence. Comment ? En réfléchissant à vos achats de "gadgets". Encore une fois, il tient à vous seul de savoir ce qu'est, pour vous, une dépense légitime et une dépense superflue.

Si vous faites un sport, par exemple, certaines dépenses seront nécessaires. Mais comment les gérer ? Vicky Payeur vous propose de mettre tout cela par écrit et de faire le point.

Quelle est l'enveloppe budgétaire que vous avez consacrée en un an à votre loisir principal (sport, activité culturelle) ? Êtes-vous heureux du résultat et souhaitez-vous continuer ainsi ?

Et les autres activités ?

Lesquelles vous semblent pertinentes et satisfaisantes ? Lesquelles pourraient être supprimées ou limitées ?

Les modes

Les stigmatisations vont bon train. Pour les sports, on vous reprochera de ne pas avoir le matériel dernier cri. Pour la musique, par exemple, certains vous demanderont pourquoi vous n'avez "que" la version freemium…

Nous l'avons déjà dit : nous sommes influencés par nos pairs. Cela vaut dans le domaine de l'alimentation et du logement comme du loisir. Mais vivre sobrement, c'est penser différemment et c'est donc "arrêter de faire… comme tout le monde" !

Les activités déjà payées à même les taxes

Eh oui, chaque année, nous payons en impôts et en taxes des infrastructures et des institutions de loisirs dont nous aurions bien tort de nous priver. Par exemple ?

Au niveau du sport :

Chemins de randonnée publics et gratuits ;

Parcs municipaux et infrastructures sportives qui y sont installés ;

Sentiers, trottoirs et pistes cyclables pour courir ou faire du vélo ;

Groupes d'entraide et de création d'événements gratuits ;

Piscines municipales (moins chères) ;

Etc.

Au niveau culturel :

Musées (parfois gratuits) ;

Festivals et spectacles gratuits l'été ;

Bibliothèques ;

Conférences et cours gratuits ;

Quartiers et villages proches ;

Groupes et associations locales ;

Etc.

En outre, vous pouvez vous divertir en restant chez vous. Recréez, par exemple, l'ambiance cinéma à la maison… Ou profitez de votre temps libre pour écrire sur des thématiques qui vous intéressent ou jouer de la musique en autodidacte…

Des loisirs modestes

Vicky Payeur a plein d'idées ! Elle propose de noter les activités en fonction de leur coût ($$$, $$, $ ou 0) et à voir ce que vous pouvez changer par des loisirs gratuits et "modestes". Il y en a pour tous les goûts :

Au niveau du sport (utiliser les infrastructures gratuites pour courir, faire du vélo, jouer au ping-pong, etc.) ;

Ou des activités culturelles (depuis les visites gratuites, jusqu'aux conférences citées plus haut, etc.) ;

Et des activités domestiques (comme le jardinage, la construction/restauration de meubles, etc.) ;

Ou sociales (bénévolat, organisation de dîner partagé ou de pique-nique, chez soi ou dans la nature) ;

Etc.

L'autrice donne une foule d'idées impossible à reproduire ici. Consultez l'ouvrage pour vous faire une meilleure idée !

Voyager léger

Faire le tour du monde sans argent ? C’est ce qu’ont fait Muammer Yilmaz et Milan Bihlmann pour démontrer que c’était possible. Vous ne souhaitez pas aller jusque là ? C’est compréhensible.

Voyons donc les solutions qui s’offrent à vous. :

Être flexible (si vous travaillez de chez vous en freelance, par exemple, c'est plus facile de voyager les jours "creux") ;

Faire du couchsurfing ;

Prendre le bus de ville et acheter vos propres aliments au lieu d'aller au resto tous les jours ;

Aller dans des pays où vous avez un meilleur pouvoir d'achat (en Asie, notamment).

La frugalité et les loisirs dans la vraie vie

Il y a un équilibre à trouver entre le souhait d'épargner et l'envie de vivre le moment présent. L'important consiste à ne pas devenir avare. Sachez dépenser votre argent, mais dépensez-le sagement !

"La frugalité n'est pas la privation", répète Vicky Payeur. "C'est économiser là où d'autres dépensent tout leur argent et le faire de manière intelligente et réfléchie", conclut-elle.

  1. Apparence

Combien dépensez-vous par mois en vêtements et soins personnels ? Pour un Canadien, c'était en moyenne 400 $ par mois en 2019. Si cela vous semble beaucoup, faites votre propre compte. Vous aurez peut-être des surprises !

La différence entre besoin — quelque chose de nécessaire à notre bien-être — et désir — plus proche du caprice inutile — est ici importante.

Moins, c'est mieux !

Vicky Payeur prête beaucoup d'attention à son physique, mais elle le fait de façon minimaliste et frugaliste.

Elle a fait le vide et n'a gardé que 20 % de sa garde-robe ; ce qu'elle porte vraiment. Elle a aussi modifié son style pour qu'il soit plus simple et que ses vêtements soient plus faciles à assembler au quotidien.

"La confiance en soi est probablement le plus bel accessoire", dit encore Vicky Payeur. Plus besoin de chercher le dernier sac à la mode, contentez-vous d'être bien dans vos baskets !

Les vêtements

Réduire ses achats vestimentaires passe par :

Un tri de sa garde-robe et par l'appréciation de ce qu'on a déjà ;

De petites retouches par-ci par-là pour garder ses vêtements plus longtemps ;

Des achats de seconde main, des friperies ou des échanges, etc. ;

Via de petites (e-)boutiques ou des sites/applications de petites annonces ;

Des achats de qualité !

L’autrice recommande d’éviter certains tissus qui se dégradent plus rapidement comme l’acrylique et la viscose et privilégier des matières organiques comme le lin ou le coton.

Les cheveux

Parfois, nous dépensons des sommes folles chez le coiffeur. Et nous pensons qu'avoir du shampoing chez soi est tout simplement évident. Mais il y a des alternatives…

Au menu de cette section :

La méthode no-poo à base de bicarbonate de soude et de vinaigre de cidre de pomme ;

Du savon ;

La réduction des produits utilisés (surtout pour mesdames).

Pour le coiffeur ? À vous de voir. Vous pouvez aussi apprendre à couper les cheveux de vos proches.

Le corps

Vicky Payeur relate avoir ressenti un mal-être physique très jeune, alors qu'elle avait à peine 24-25 ans. Elle s'est rendu compte qu'elle bougeait peu et ne mangeait pas toujours bien. Pas besoin pour autant de dépenser une centaine de dollars en abonnement à la salle de gym ou en équipement.

Vous pouvez suivre les conseils déjà donnés plus haut (chapitre 8 sur les loisirs). Quant à l'autrice, voici sa routine santé quotidienne :

Faire une balade dehors de 30 minutes au moins ou faire une activité sportive ;

Boire de l'eau tout au long de la journée ;

Soupe et salade au moins une fois par jour ;

Bien dormir !

J'achète, donc je suis

La pression sociale peut être forte : nous voulons être beaux et belles pour apparaître parmi nos collègues et nos amis. Alors, nous recourons aux moyens les plus aisés… mais souvent les plus coûteux.

Et pourquoi ne pas se simplifier la vie ? Cela ne signifie certainement pas arrêter de prendre soin de soi. Au contraire ! En consommant de façon réfléchie, vous vous sentirez mieux et cela se verra.

  1. Famille

"Avoir des enfants, ça coûte de l'argent." (Faire plus avec moins, Chapitre 10)

Certes. Et même beaucoup. Et pourtant, là encore, il est possible d'économiser. Il n'est pas question de parler ici de l'éducation proprement dite. Simplement de faire un petit arrêt sur image pour se demander ce que nous faisons et se rappeler ce que nous aimions quand nous étions enfants.

Êtes-vous influençable ?

Nous voulons être de bons parents. Alors, nous écoutons les publicitaires nous raconter que ce produit est essentiel au bien-être de notre bambin (ou de nous-mêmes). Nous capitulons devant leurs arguments. Bref, nous nous montrons influençables.

Si vous remarquez ce ciblage marketing, prenez vos distances. Interrogez toujours le caractère "nécessaire" et "essentiel" de ce produit ou de ce service. Cache-t-il un vrai besoin ou seulement un désir ?

Réduire le rythme

Autre point : voulons-nous que nos enfants aient des horaires de ministres ? Pas nécessairement. Ralentir le rythme est à la fois sain pour eux et pour la vie financière de la famille.

Leur créativité n'en sera pas abîmée, détrompez-vous ! Un peu de temps, un peu d'ennui est plus que nécessaire au développement des aptitudes créatrices des petits comme des grands.

Les objets de seconde main

Vos familles et vos amis vous donnent de vieux vêtements et des objets de leurs précédents enfants ? Quel bonheur ! Si ce n'est pas le cas, tournez-vous vers du seconde main dès que c'est possible. Surtout pour les vêtements, qui ont souvent la vie courte.

Bien sûr, la sécurité doit avoir votre priorité : un siège-auto ou ce genre de choses devront être adaptés à votre environnement et devront donc peut-être être achetés neufs.

Emprunter et échanger plutôt qu'acheter ?

Aujourd'hui, il existe de nombreux groupes, notamment sur Facebook, pour s'échanger des objets en tout genre ou emprunter ce dont nous avons besoin. Cela vaut aussi pour les jouets et autres objets infantiles. Pourquoi ne pas essayer ?

La nature comme terrain de jeux

Nous l'avons dit plus haut : le monde autour de nous recèle d'espaces où découvrir le monde et où faire ses premiers pas et ses premières expériences. Il suffit souvent de quelques kilomètres pour trouver un parc ou un espace naturel où faire évoluer son enfant en toute liberté.

"Laisser à un enfant du temps de jeu libre et actif en nature lui apporte de nombreux avantages qui lui rendront service tout au long de sa vie." (Faire plus avec moins, Chapitre 10)

Les trois cadeaux

La frugalité en famille repose également sur l'apprentissage d'autres voies possibles à côté de la surconsommation. Les cadeaux sont souvent l'occasion d'un excès. Mais pourquoi ne pas en faire un rituel vertueux ?

Vicky Payeur propose d'offrir 3 cadeaux (à se répartir entre parents et grands-parents, par exemple) :

Quelque chose que l'enfant veut vraiment ;

Une chose dont il a vraiment besoin ;

Un livre.

Voici une autre idée : offrir quelque chose de commun pour la famille. Par exemple : une activité à pratiquer tous ensemble.

Conclusion sur "Faire plus avec moins" de Vicky Payeur :

Ce qu'il faut retenir de "Faire plus avec moins" de Vicky Payeur :

"Adopter des habitudes frugales au quotidien est LA façon viable pour atteindre ses objectifs de devenir libre financièrement et de prendre sa retraire hâtivement." (Faire plus avec moins, Conclusion)

Selon Vicky Payeur, il est souvent difficile de faire jouer son salaire. Nous ne savons pas avec certitude si nous gagnerons plus dans 5 ou 10 ans. Il est donc préférable de commencer dès maintenant à épargner, petit à petit.

Certes, cela demande du travail et quelques efforts. Mais le jeu en vaut vraiment la chandelle. Tant d'un point de vue économique qu'éthique. Finalement, c'est la porte d'entrée vers vos objectifs de vie !

Points forts :

Un manuel très clairement présenté ;

Plein de conseils pour commencer à épargner tout de suite ;

Une belle mise en page ;

Une annexe avec des recommandations de lectures utiles ;

Des résumés à la fin de chaque chapitre.

Point faible :

L'aspect blogging (qui permet d'augmenter ses revenus en faisant quelque chose qu'on aime) est peu abordé, ainsi que les façons plus proactives (placements en bourse, investissements) de développer son capital financier.

Ma note :

★★★★★

Avez-vous lu le livre de Vicky Payeur « Faire plus avec moins » ? Combien le notez-vous ?

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Mon, 04 Nov 2024 17:00:00 +0100 http://www.olivier-roland.fr/items/view/12973/Faire-plus-avec-moins
Apprendre à s’organiser, c’est facile ! http://www.olivier-roland.fr/items/view/12920/Apprendre-sorganiser-cest-facile-

Résumé de "Apprendre à s'organiser, c'est facile !" de Stéphanie Bujon et Laurence Einfalt : un manuel en quatre parties pour vous aider à vous organiser, que vous soyez étudiant, freelance ou même à la retraite — avec une foule d'exercices pratiques et de bons plans, of course !

Stéphanie Bujon et Laurence Einfalt, 2008 (2017), 351 pages.

Chronique et résumé de "Apprendre à s'organiser, c'est facile !" de Stéphanie Bujon et Laurence EInfalt

Introduction

Que vous ayez trop d'activités à effectuer, pas assez de temps pour tout faire ou trop d'informations à traiter, "il existe une solution", affirment les auteures d'une seule voix !

Cette solution, vous la trouverez dans les lignes de cet ouvrage composé de quatre parties, chacune ayant un objectif propre :

La première partie vous enseigne la méthode de base à suivre, quel que soit le problème ;

La deuxième partie vous aide à aller plus loin sur le chemin de l'organisation de votre vie ;

Ensuite, la troisième partie s'adresse à des profils spécifiques, de l'étudiant au retraité ;

Enfin, la quatrième partie porte sur des situations précises, du nettoyage à l'organisation d'une réunion, par exemple.

"De l'information brute à la mise en œuvre de l'action, notre méthode vous accompagne et vous oriente. Il n'est absolument pas question de robotiser votre vie quotidienne, loin de là. À chaque étape, vous faites de vrais choix, qui sont loin d'être "automatiques"." (Apprendre à s’organiser, c’est facile !, Introduction)

Petit à petit, vous apprendrez à prendre les bonnes décisions et à les intégrer naturellement dans votre vie. Comme le rappellent tous les bons coaches de vie, vous avez la responsabilité de mener votre vie et c'est donc à vous d'assumer les choix que vous ferez en faveur — ou non — de l'organisation.

Alors, prêt à apprendre à mieux vous organiser ? Si c'est le cas, continuez votre lecture ! ;)

Première partie — La méthode

Chapitre 1 : Avant de vous lancer

À l'origine des émotions pénibles : des ampoules

Chaque expression que nous employons dans le cadre de nos projets et de notre organisation est comme une ampoule qui s'allume dans notre cerveau :

"Il faut que je…" ;

"tiens, si je…" ;

"Un jour, je…" ;

"Il est urgent de…" ;

Etc.

Ampoule ! Souvent, ce sont de véritables "guirlandes" d'ampoules que nous trimbalons dans notre tête tout au long de la journée. Mais nous ne trouvons pas cela très joli ; en fait, chaque illumination agit comme une alarme, comme une "notification", pour reprendre le langage des téléphones mobiles.

Mais que sont-elles ? En fait, ce sont "des engagements que vous prenez avec vous-même". Dès que vous ne passez pas à l'action, c'est comme si vous ne respectiez pas ce mini "contrat" que vous aviez passé avec vous-même.

Résultat : vous pouvez être déçu et vous pouvez avoir l'impression que vous ne pouvez pas vous faire confiance. Ce serait dommage de perdre confiance en soi, alors que l'intention était bonne !

Nous ne pouvons pas toujours maîtriser ces ampoules : ni quand nous les allumons, ni quand nous les éteignons. Parfois, elles s'allument même "toutes seules" en pleine nuit ! Cela vous fatigue. Et pour une bonne raison : votre cerveau n'est pas capable de gérer tous vos engagements. Il lui faut l'aide d'un système externe.

La solution : un système externe fiable "anti-ampoules"

La liste de choses à faire et les papiers collés partout sur votre bureau sont comme les ancêtres de ce système — ou sa version basique, dirons-nous. Mais pour passer de l'intention à l'action (bref, apprendre à éteindre correctement toutes nos ampoules), il faut souvent quelque chose de plus solide que cela !

L'enjeu : mettre un peu d'ordre dans ce débordement de choses à faire, d'informations et de temps qui passe (trop vite). La méthode : un système externe en 5 étapes. Mode d'emploi ⬇️.

Une méthode en 5 étapes

Voici les cinq étapes qui seront détaillées dans la suite de cette partie :

Récolter les ampoules ;

Réfléchir à ce que vous voulez en faire ;

Organiser le résultat de vos réflexions ;

Vous tenir à jour ;

Et enfin… agir !

Les auteures proposent un glossaire des expressions qu'elles utilisent dans l'ouvrage pages 11-12. En voici trois à titre d'exemple :

3PA = "acronyme de Plus Petite Prochaine Action, c'est-à-dire, en vue d'un résultat désiré, la plus petite action que je peux faire maintenant, pour progresser vers mon but. Pour la trouver, se poser la question : "Si je m'y mettais maintenant, qu'est-ce que je ferais, physiquement, tout de suite ?" (p. 11)

Boîte = corbeille ou autre contenant qui permet de recueillir les "ampoules" au quotidien, sous toutes leurs formes, c'est-à-dire documents écrits, pense-bêtes, objets, messages électroniques, vocaux, etc." (p. 11).

Réserve = "ensemble des informations que l'on décide de garder pour le jour où on en aura besoin" (p. 12) ;

Etc.

Votre matériel

Les auteures optent pour un mode "physique" d'organisation plus qu'high tech. Elles vous proposent de vous munir de :

Au moins trois "boîtes" (selon le sens donné ci-dessus) ;

Papier-crayon ou écran-clavier, peu importe (mais si vous optez pour le papier, privilégiez un cahier ou des classeurs pour ordonner les notes) ;

Fournitures de bureau standard (des trombones aux ciseaux, etc.) ;

Titreuse (appareil pour créer des étiquettes) ;

Chemises cartonnées (en quantité) ;

Une poubelle ;

Un agenda.

Chapitre 2 : Récolter les ampoules

La journée est remplie d'ampoules que nous notons à la va-vite ou que nous pensons pouvoir mémoriser. Dans l'un ou l'autre cas, elles finissent souvent par être perdues ou oubliées. Conséquence : nous n'avons pas agi comme prévu.

Pourquoi regrouper les ampoules ?

Première raison : pour donner une chance à des projets non urgents, mais importants (comme apprendre un instrument, appeler un ami ou faire un check-up santé) d'avoir une place dans notre emploi du temps.

Deuxième raison : pour savoir où les informations se trouvent. Autrement dit : réduire les supports (papiers volants, mémoire défaillante, email, etc.) à un endroit dédié à tous les "je dois…".

Troisième raison : pour ne pas avoir à y penser plusieurs fois — c'est-à-dire ne pas se laisser déranger par certaines ampoules au mauvais moment et ainsi éviter cette impression de débordement constant.

Quatrième raison : pour éviter de (trop) faire confiance à sa mémoire. Autant s'aider d'un système externe quand nous le pouvons.

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Thu, 25 Jul 2024 17:00:00 +0200 http://www.olivier-roland.fr/items/view/12920/Apprendre-sorganiser-cest-facile-
Les personnes ultra-transformées http://www.olivier-roland.fr/items/view/12919/Les-personnes-ultra-transformes

Résumé de "Les personnes ultra-transformées: Pourquoi nous mangeons tous des choses qui ne sont pas de la nourriture… Et pourquoi nous n’arrivons pas à nous arrêter ? » de Chris van Tulleken : un livre événement sur la nourriture, véritable best-seller à sa sortie, qui expose les techniques douteuses de l’industrie alimentaire pour produire ce que nous mangeons tous les jours — et nous inciter à en consommer plus.

Chris van Tulleken, 2023, 376 pages.

Titre original : Ultra-Processed People: Why Do We All Eat Stuff That Isn't Food… and Why Can't We Stop? (2023).

Chronique et résumé de "Les personnes ultra-transformées (Ultra-Processed People): Pourquoi nous mangeons tous des choses qui ne sont pas de la nourriture… Et pourquoi nous n'arrivons pas à nous arrêter ?" de Chris van Tulleken

Introduction

Notre corps ressemble davantage à un écosystème complexe qu'à une machine. Chris van Tulleken dit avoir été impressionné par un article de 2014 sur les virus dormants où il est démontré que ceux-ci co-évoluent avec nous depuis des millénaires.

En fait, nos interactions avec l'environnement sont multiples et subtiles. Et cela s'applique tout particulièrement, bien sûr, à la façon dont nous nous nourrissons. Tout au long de l'évolution biologique, notre corps a développé des relations complexes avec les sources alimentaires qui lui permettent de se maintenir en vie.

Pourtant, au cours des 150 dernières années, ces relations ont été profondément modifiées. Pourquoi ? Car « nous avons commencé à manger des substances artificielles et à utiliser des processus jamais rencontrés auparavant dans notre histoire évolutive », soutient l'auteur.

Il s'agit notamment de l'utilisation et de l'ingestion de/d' :

amidons modifiés ;

émulsifiants synthétiques ;

gommes stabilisatrices ;

colorants et de composés aromatisants.

Les processus utilisés sont par exemple le raffinage, le blanchiment et l'hydrogénation. Ces aliments ultratransformés sont nommés UPF (ultra-processed food). Or, ceux-ci risquent de bouleverser l'équilibre complexe entre les aliments, notre corps et — surtout — notre santé.

Quelle est l'origine de cette transformation ? En grande partie la tendance de nos sociétés industrielles et commerciales à chercher toujours les options les moins coûteuses. L'utilisation des UPF a vu le jour avec l'industrialisation de la production alimentaire et elle est en passe de supplanter les régimes traditionnels (comme le régime méditerranéen, par exemple).

À titre d'illustration, la nourriture ultratransformée (pour traduire UPF en français) constitue aujourd'hui 60 % de l'alimentation moyenne au Royaume-Uni et aux États-Unis !

Pour Chris van Tulleken, cette augmentation est liée à l'apparition de plusieurs problèmes de santé contemporains et c'est précisément ce qu'il veut démontrer dans ce livre. Voici quelques maladies ou problèmes de santé dont l'augmentation est, selon lui, directement ou indirectement liée à l'usage d'UPF :

Obésité ;

Taux de cancer ;

Maladies métaboliques ;

Maladies mentales ;

Risques de démence ;

Maladies inflammatoires.

Par ailleurs, l'auteur considère que l'alimentation ultratransformée est corrélée à des problèmes sociaux et écologiques plus larges. Il rappelle en effet que l'industrie agroalimentaire est « le deuxième plus grand contributeur » aux émissions de gaz à effet de serre.

Enfin, le spécialiste en maladies infectieuses affirme que les UPF créent de profondes addictions. Pour sentir véritablement ses effets au-delà du simple argument théorique, l'auteur invite à répéter une expérience qu'il a lui-même réalisée : consommer un régime composé de 80 % d'UPF pendant un mois. Selon lui, si vous suivez ce "régime", vous sentirez nettement ses effets négatifs et son potentiel addictif.

Prêt à essayer ? Pas sûr ! Mais commençons déjà par développer les arguments de l'auteur pour voir de quoi il en retourne.

Première partie — Non mais attends, qu'est-ce que je suis en train de manger, là ?

1 — Pourquoi y a-t-il de la bave de bactérie dans ma crème glacée ?

Chris Van Tulleken utilise l'exemple d'une crème glacée produite en série par une marque appelée Hackney Gelato. Il souhaite exposer la façon dont l'UPF est fabriquée et quelle est la logique économique qui se cache derrière ce processus.

La liste des ingrédients nous renseigne déjà :

Stabilisateurs ;

Émulsifiants ;

Gommes ;

Différentes huiles.

Rien de très courant dans nos cuisines ! Et justement, l'auteur donne un critère très simple pour savoir si vous consommez des UPF : ce sont des aliments que vous ne retrouveriez normalement pas dans votre propre cuisine.

Mais quelle est la logique économique là derrière ? Ne serait-il pas plus simple et plus économique d'utiliser des aliments habituels ? En fait, non. En s'appuyant sur plusieurs entretiens avec un professionnel de l'industrie, l'auteur montre que l'utilisation de ces ingrédients UPF a pour but d'économiser de l'argent.

Comment ? Car les ingrédients de l'UPF garantissent un stockage et une distribution plus efficaces des produits. Dans le cas de la crème glacée, les émulsifiants et les gommes permettent à la crème glacée de voyager en tolérant des différences de chaleur. Ce qui permet de gagner de l'argent et de l'exporter plus loin.

Les facilités logistiques ne sont pas la seule raison économique. L'autre raison est que ses ingrédients artificiels sont moins chers à produire (ou à récolter) que les aliments traditionnels. Les UPF sont ainsi des "fac-similés", des copies à bas coût d'aliments existants.

Reprenons l'exemple de la glace. Traditionnellement, celle-ci est composée de :

Lait ;

Crème ;

Jaunes d'œufs.

Ces ingrédients sont chers car ils nécessitent l'élevage d'animaux de ferme. En utilisant des UPF, l'industrie se passe de cette étape. Elle utilise des produits végétaux qu'elle modifie pour recréer l'apparence et la texture que nous connaissons, mais sans utiliser ces produits classiques.

2 — Je préfère plutôt manger cinq bols de Choco Pops : la découverte de l'UPF

Chris Van Tulleken examine ensuite les origines du concept d'alimentation ultratransformée ou UPF. Un scientifique en est à l'origine : Carlos Monteiro, nutritionniste et statisticien brésilien. Ses recherches portent sur l'explosion des problèmes d'obésité au Brésil à partir de la fin du XXe siècle.

Dans ce cadre, il a montré que le souci ne résidait pas tant dans les changements alimentaires (augmentation de la consommation de sucre et de graisse, notamment) que dans le passage de régimes traditionnels à des régimes non traditionnels.

Que contiennent ces nouveaux régimes alimentaires ? Beaucoup d'aliments transformés comme les :

Boissons gazeuses ;

Céréales et biscuits.

En 2010, Carlos Monteiro a proposé une nouvelle typologie d'aliments : le système NOVA. Selon ce système, les aliments sont divisés en quatre groupes en fonction de la nature et de l'étendue de leur transformation.

Aliments bruts ou peu transformés tels que les fruits, la viande et les légumes.

Ingrédients directement issus de matières brutes comme l'huile, le beurre et le sel — des ingrédients de base qui nécessitent une certaine transformation non industrielle.

Aliments transformés (combinaisons des groupes 1 et 2) pour la conservation, comme les viandes et les poissons fumés ou séchés, les fromages, les confitures ou encore le pain.

Aliments ultratransformés comme les sodas, les biscuits industriels et les repas préparés.

Contrairement aux autres groupes, les aliments du groupe NOVA 4 ne sont pas réalisables sans des technologies industrielles complexes. C'est pourquoi le critère de "je peux le faire à la maison" est si utile !

En bon scientifique, Chris van Tulleken reste toutefois prudent. En effet, les travaux de Carlos Monteiro ne suffisent pas à prouver définitivement que la consommation d'aliments du groupe 4 est la cause principale de l'obésité. Néanmoins, l'auteur s'appuie sur de nombreuses études citées dans l'ouvrage pour montrer qu'il existe une forte corrélation entre les deux.

3 — Oui d'accord, la nourriture ultratransformée, ça ne donne pas envie, mais est-ce vraiment un problème ?

Chris Van Tulleken relate notamment l'étude de Kevin Hall, scientifique et nutritionniste britannique. En 2019, celui-ci a conçu une expérience pour invalider la thèse de Carlos Monteiro. Toutefois, cette étude a plutôt eu l'effet inverse ! En effet, l'étude a montré une nette corrélation entre prise de poids et consommation d'UPF.

L'expérience réunissait 20 hommes et femmes, dont :

La moitié suivait un régime de 80 % d'UPF.

L'autre moitié ne consommait aucun aliment du groupe NOVA 4.

Chaque régime contenait la même quantité de sel, de sucre, de graisse et de fibres. Après un mois (en fait, deux semaines, car l'expérience prévoyait un échange de régime après deux semaines), ceux qui suivaient le régime UPF avaient consommé 500 calories supplémentaires par jour et avaient pris du poids en conséquence. En revanche, ceux qui suivent le régime non-UPF ont perdu du poids.

Cette étude a été capitale pour démontrer que l'UPF provoque bel et bien une prise de poids. D'ailleurs, elle a aidé à la reconnaissance de l'hypothèse de Carlos Monteiro sur la scène internationale.

Pour Chris van Tulleken, il faudrait en outre prendre en considération le marketing lié, notamment, à l'emballage des produits. Ces techniques de vente provoquent une consommation excessive des produits et cela devrait être pris en compte dans d'autres études.

L'auteur rapporte par ailleurs d'autres études venant corroborer les conclusions de Carlos Monteiro et Kevin Hall. Ainsi, une expérience publiée dans le British Medical Journal a montré qu'une augmentation de 10 % de la consommation d'UPF était associée à une augmentation de 10 % du risque de cancer.

4 — (Je ne peux pas croire que ce ne soit pas le cas du) beurre de charbon : l'UPF ultime

Le médecin raconte ensuite l'histoire — assez répugnante — de la première graisse comestible synthétique. Celle-ci fut produite à l'origine à partir de rebuts de carburant liquide !

Tout commence en 1912, quand l'Allemagne inventa le lignite, un pétrole de piètre qualité ayant pour but de remplacer le pétrole venu de l'étranger. À la fin des années 1930, cette technique tournait à plein régime, mais créait de grandes quantités de déchets. Or, à cette époque, le pays était aussi à court de graisse comestible…

Un industriel et un homme politique trouvent une solution en 1938. Ils combinèrent de la glycérine à la slackwax pour en faire une graisse (prétendument) comestible, la speisefett. Combinée avec de la diacétyle, il se trouva que cette graisse prenait le goût du beurre.

Ainsi naquit le « beurre de charbon », autrement dit « le premier aliment totalement synthétique ».

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les soldats allemands furent nourris avec cet ancêtre de l'UPF. Il fut découvert, plus tard, que plusieurs tests avaient montré — dès cette époque — que cet aliment provoquait de graves problèmes rénaux chez les animaux.

Deuxième partie — Mais je ne peux pas simplement contrôler ce que je mange ?

5 — Les trois âges de l'alimentation

Dans ce chapitre, Chris van Tulleken cherche à démontrer l'importance historique de cette modification de régime alimentaire à l'ère industrielle. Il propose, pour ce faire, une division en trois « âges de l'alimentation ».

En résumé :

Premier âge = les bactéries consomment des matériaux inorganiques comme le fer pour produire de l'énergie.

Deuxième âge = évolution vers des régimes plus complexes à partir de matériaux organiques (plantes, autres animaux). Les besoins alimentaires se complexifient en même temps que les espèces animales.

Troisième âge = consommation de molécules que l'on ne trouve pas dans la nature, mais créées artificiellement par des processus industriels.

L'auteur montre patiemment comment se produit le passage d'un âge à un autre en insistant toujours sur les modifications de relations entre le vivant et son milieu.

Par exemple, il explique comment les espèces peuvent cohabiter dans des formes de symbioses. Il cite, notamment l'importance du microbiome intestinal qui se "nourrit" de notre alimentation tout en nous protégeant de diverses affections.

Il aborde aussi la question de la cuisson des aliments, qui nous a donné un grand avantage évolutif sur les autres prédateurs. En effet, en cuisant nos aliments, nous tuons plus de parasites et nous extrayons davantage d'énergie de la nourriture, ce qui favorise le développement de l'espèce.

Enfin, il date l'apparition du troisième âge de l'alimentation à 1879, avec l'invention de la saccharine (sucre de synthèse).

6 — Comment nos corps gèrent réellement les calories

En tant que médecin et spécialiste en maladies infectieuses, l'auteur pense qu'il y a un lien entre UPF et perturbation des mécanismes profonds qui régissent le sentiment de satiété (le fait de ne plus avoir envie de manger, de se sentir "repus").

Selon lui, nous avons peu à peu développé, tout au long de l'évolution, un système de régulation interne très fin de notre rapport aux aliments. Nous savons intuitivement et sentons presque instantanément lorsque notre apport en calories et en nutriments est atteint. Par ailleurs, notre corps sait très bien stocker ces calories en tant que matières grasses.

Tout ce système complexe implique non seulement nos microbiomes (notamment intestinaux), mais aussi nos organes et nos tissus adipeux. Par ailleurs, il régule également les hormones qui nous avertissent de la faim, mais aussi du sentiment de satiété et de ce que nous devrions manger.

Bref tout cela est — normalement — bien huilé ! Mais les UPF, selon le docteur Chris Van Tulleken, détraquent cette horlogerie de précision. En effet, l'alimentation ultratransformée, en raison de ces caractéristiques propres, parvient à pervertir la régulation normale de l'appétit et du stockage des graisses.

Concernant la transformation des sucres en graisse et l'utilisation du jeûne pour limiter les problèmes d'obésité, vous pouvez également lire Le guide complet du jeûne.

7 — Pourquoi ce n'est pas à cause du sucre…

Dans la suite de cette partie, Chris van Tulleken cherche à démonter les principaux arguments habituellement utilisés pour justifier l'augmentation de l'obésité dans le monde, à savoir :

Augmentation de la consommation de sucre ;

Diminution de l'exercice sportif ;

Perte de la volonté de faire des efforts.

Concernant le sucre, l'auteur s'appuie sur une étude célèbre du nutritionniste américain Gary Taubes publiée en 2002. Celui-ci avait montré que ce n'était pas tant la graisse que le sucre qui provoquait des problèmes de santé. Selon cette étude, les sucres augmenteraient la sensation de faim et seraient à blâmer en priorité.

Pour Chris Van Tulleken, il y a de graves défauts dans cette hypothèse. En fait, nous mangeons depuis les années 1970 à la fois plus de graisses et plus de sucres. Or, il est difficile de montrer une corrélation stable entre l'augmentation des lipides ou des glucides et la prise de poids.

Une étude de la Nutrition Science Initiative (2012) montre que, sur une période de deux semaines, il n'y a pas de différence de prise de poids entre des personnes qui suivent un régime riche en glucides et ceux qui n'en suivent pas.

Ni les graisses ni les sucres ne peuvent donc, en eux-mêmes, être les responsables de l'épidémie d'obésité qui s'observe depuis la seconde moitié du XXe siècle, selon l'auteur.

8 — Ni de l'exercice

Chris Van Tulleken discute un autre argument : l'augmentation de la sédentarité et le manque d'exercice. Nous avons tous entendu que nous devions manger plus équilibré et faire plus de sport. Mais est-ce si sûr ?

Cela paraît logique de prime abord : nous brûlons moins de calories et, dans le même temps, nous mangeons plus de sucres et de graisses. Nous stockons donc davantage de graisses, bref, nous grossissons ! Et pourtant, il n'est pas si certain que l'argument tienne la route…

L'auteur montre par exemple, en s'appuyant sur des études scientifiques, que :

Le nombre de calories brûlées par des indigènes réputés "sportifs" (car vivants dans la nature et devant utiliser beaucoup d'énergie pour se procurer de la nourriture) et les populations occidentales était sensiblement identique ;

Chimpanzés captifs et sauvages brûlent le même nombre de calories par jour.

Qu'en conclure ? Eh bien, notre corps s'adapte. Lorsque nous ne faisons pas d'effort physique, nous avons besoin de plus d'énergie pour certaines tâches essentielles comme la protection du système endocrinien ou la réduction du stress, etc. À l'inverse, lorsque nous faisons de l'exercice, nous dépensons moins d'énergie pour gérer ces processus biologiques.

Autrement dit, le corps maintient un niveau relativement constant de dépense calorique ! Conclusion de l'auteur : le manque d'exercice n'est pas responsable de la crise de l'obésité, car il ne provoque pas, en soi, de perte de poids.

9 — Ni même de la volonté

Il existe un autre mythe au sujet de l'obésité. Celui-ci est d'ailleurs lié à l'exercice. Il suffirait d'avoir de la volonté pour se mettre à bouger et à contrôler son alimentation. Bien sûr, selon cette thèse, il existerait aussi une influence des gènes sur le comportement alimentaire. Mais est-ce si simple ?

Chris Van Tulleken considère que non. Il n'y a pas que les gènes et la volonté qui influencent notre comportement alimentaire. Il y a aussi l'environnement ou plutôt ce qu'il nomme les « environnements alimentaires ». Ceux-ci comprennent les « contextes physiques, économiques, politiques, sociaux et culturels » qui jouent un rôle sur ce que nous consommons au quotidien.

Si nous grandissons dans un environnement pauvre, où l'alimentation principale à notre disposition est de mauvaise qualité, nous aurons beaucoup de difficultés pour modifier nos habitudes alimentaires. En fait, certains "mauvais" gènes peuvent être activés en raison de ce contexte détérioré et nous mener à l'obésité.

En somme, la théorie actuelle, dite "de l'abondance" (plus d'aliments riches en sucre et en graisse versus moins d'exercice physique et de volonté), ne rend pas du tout compte des inégalités en matière d'obésité.

Ainsi, au Royaume-Uni par exemple, « naître dans un ménage à faible revenu peut doubler le risque d'obésité », rappelle l'auteur. En fait, si l'hypothèse de l'abondance était correcte, ce serait plutôt l'inverse qui devrait se produire, puisque les pauvres ont moins d'argent pour se nourrir et sont habituellement plus susceptibles d'effectuer des travaux physiques durs (autrement dit, font plus d'exercice).

Bref, pour Chris van Tulleken, il est clair que l'obésité n'est pas causée par le manque de volonté, mais bien par des facteurs complexes en relation avec notre environnement. C'est la thèse à suivre dans le chapitre suivant.

10 — Comment l'UPF bidouille nos cerveaux

Lorsqu'il a testé le régime à 80 % d'alimentation ultratransformée, le médecin s'est soumis à une IRM pour voir ce que les UPF produisaient sur son cerveau et d'autres parties de son corps (notamment via le système hormonal).

Pour l'auteur, les résultats de ces analyses montrent qu'il devenait de plus en plus dépendant aux substances ingérées. En effet, les scanners ont révélé un lien plus fort entre :

Les zones du cerveau impliquant le contrôle hormonal de l'apport alimentaire ;

Celles impliquées dans le désir et la récompense.

Il raconte d'ailleurs qu'il ressentait de plus en plus fort ce sentiment de manque et cette difficulté à contrôler sa consommation au jour le jour. Selon lui, son expérience personnelle (faute d'études encore définitives sur le sujet) montre que les UPF induisent une forte dépendance.

Habituellement, lorsque nous consommons des aliments des groupes 1 à 3, notre corps régule de lui-même les excès de calories, même en période d'abondance. Or, pour Chris van Tulleken, ce n'est plus le cas avec les aliments du groupe 4.

Si cette hypothèse est valide, alors les UPF pourraient être responsables de l'obésité, car ils interfèrent avec les systèmes complexes qui gèrent la satiété. L'auteur nous demande d'ailleurs de réfléchir à notre propre expérience : n'avons-nous pas parfois la sensation d'être incapables d'arrêter de manger ? Apprenons à y être attentifs et à voir lorsque celle-ci se produit.

L'affirmation du médecin a une conséquence importante. En effet, elle fait passer l'obésité du côté d'une maladie causée par l'ingestion de « substances comestibles addictives » et non d'un problème lié à la responsabilité des individus. Ce faisant, la responsabilité est d'abord à trouver du côté des industries qui produisent l'alimentation ultratransformée, et non des personnes.

Troisième partie — Ah, donc c'est pour ça que je suis anxieux et que j'ai mal au ventre !

11 — L'UPF est pré-mâchée

À partir de ce chapitre, Chris van Tulleken examine les raisons qui font que la nourriture ultratransformée est si problématique. La première est celle-ci : l'UPF est pré-mâchée ou "douce" (soft, dans le texte anglais).

En fait, c'est une question de texture. L'aliment ultratransformé nous paraît agréable et facile à manger. Dès la première bouchée, vous en voulez une autre. Or, cela a des conséquences fâcheuses, puisque nous sommes entraînés à consommer plus, avant même que nos hormones de satiété se mettent à fonctionner.

C'est ce que l'auteur appelle "l'hypertraitement". Un produit doux se vend mieux, mais quels sont véritablement ses effets sur la santé ? La texture plus "dure" et la résistance des aliments nous obligent à manger plus lentement et à sécréter les bonnes substances digestives.

L'auteur met en doute certaines propositions des industriels visant à supprimer cette douceur pour redonner une texture plus dure aux aliments. Selon lui, ce n'est pas en faisant confiance aux mêmes compagnies que nous allons régler les problèmes qu'elles ont créés. Autant se tourner vers d'autres solutions.

12 — L'UPF a une drôle d'odeur

C'est l'odorat et sa relation aux arômes artificiels, notamment, qui est ici analysé par Chris van Tulleken.

Avec les aliments des groupes NOVA 1 à 3, les odeurs jouent un rôle de détection des nutriments. Autrement dit, ce que nous sentons nous renseigne sur la teneur nutritive (ou le danger) de tel ou tel aliment.

Mais avec les aliments du groupe NOVA 4, les choses changent. En effet, l'ultratraitement de l'UPF à partir d'amidons et d'huiles de base supprime en grande partie ou totalement les nutriments et les odeurs qui leur sont naturellement associées. Il est donc nécessaire d'ajouter des arômes dans un second temps pour rendre ce qui est fade appétissant.

En somme, nous mangeons des aliments pauvres en nutriments tout en ayant l'impression, grâce aux arômes, de consommer de "bons" aliments. Or, cela conduit également à la surconsommation, dans la mesure où nous continuer à chercher dans les aliments les nutriments manquants.

Les suppléments de vitamines peuvent-ils nous aider ? Pour l'auteur, c'est non. La valeur des vitamines ne se déploie que dans le cadre d'une alimentation saine, comportant une majorité d'aliments non ou peu transformés.

13 — L'UPF a un goût étrange

Chris van Tulleken passe ensuite au goût et se concentre surtout sur les boissons gazeuses type sodas.

Son argument principal est le suivant : l'acidité (acide phosphorique) et l'amertume (caféine ou autre énergisant), combinées à l'effervescence et au sentiment de froid, nous donnent une plus grande tolérance au sucre.

Pour le dire autrement, ces boissons ne nous plairaient pas sans cette combinaison de saveurs, car elles sont beaucoup trop sucrées. En fait, nous rejetterions naturellement ces boissons. Mais l'amertume et l'acidité créent un effet d'équilibre qui introduit cette grande quantité de sucre "en contrebande" dans notre palais, pour reprendre l'expression de l'auteur.

Par ailleurs, l'auteur met aussi en garde contre les édulcorants artificiels. En réalité, ceux-ci ne diminuent pas le risque d'obésité. Cela peut même être le contraire, lorsqu'ils sont consommés avec d'autres types d'aliments ultratransformés ou en combinaison avec du sucre.

Le marketing et la chimie s'associent pour créer des relations intimes et profondes entre nous et une marque. Comment ? En passant par le goût. Nous avons par exemple l'impression de manger un jambon traditionnel "au feu de bois" alors que nous ingérons des colorants et des arômes. Autre cas : nous devenons accros à l'odeur de certaines pâtes à tartiner qui nous rappellent — c'est l'argument marketing — notre enfance…

Pourtant, ces aliments (et surtout les marques qui sont derrière) ne nous veulent pas du bien. Elles veulent seulement s'enrichir.

14 — Anxiété générée par les additifs

Existe-t-il des risques au-delà du risque physique d'obésité ? Plusieurs études (exposées dans l'ouvrage) démontrent que c'est bien le cas.

Chris van Tulleken explore par exemple l'effet des émulsifiants. Cet additif, utilisé pour lier différentes substances dans les aliments, nuit au microbiome intestinal qui assure une bonne digestion et protège l'intestin contre certaines bactéries nocives.

Ces deux fonctions sont perturbées par les émulsifiants. Or, ces dommages pourraient être responsables, selon l'auteur, de l'augmentation des maladies auto-immunes et inflammatoires — ainsi que de l'augmentation des maladies métaboliques comme le diabète de type 2.

Le diabète de type 2 est également au centre des réflexions sur le jeûne. Pour un exemple de livre et de recettes liées à cette pratique, voir Faites votre Glucose Revolution de Ingrid Inchaupsé.

Quatrième partie — Mais j'ai déjà payé pour ça !

15 — Des organismes dérégulés

Dans cette avant-dernière partie, Chris Van Tulleken se penche sur le cadre institutionnel qui permet de réguler la diffusion de ces aliments sur le marché.

Il prend l'exemple de l'huile de maïs de la société Corn Oil ONE. La compagnie souhaite produire et distribuer une nouvelle huile dérivée de la purée de maïs utilisée pour produire du biocarburant. Pour faire valider ce nouveau produit comme apte à la consommation humaine, la société peut opter pour :

Une demande d'examen complet du produit par la Food and Drug Administration (FDA), l'organisme fédéral de réglementation des additifs alimentaires. Si cet examen réussit, l'huile de maïs peut être considérée comme additif alimentaire approuvé. Problème : c'est complexe et peu sûr.

Une demande spécifique, plus souple, qui vise à reconnaître que l'additif peut être « généralement reconnu comme sûr ». Là encore, des données doivent être envoyées. La FDA fait de son mieux pour traiter ces demandes, mais avec des effectifs réduits. C'est l'option choisie par la Corn Oil ONE.

L'autodétermination, à savoir la décision libre, de la part d'un industriel, d'utiliser un nouvel additif alimentaire dans un produit. Cette règle a été mise en place à la fin des années 1990 pour faire face à un retard dans les demandes spécifiques (numéro 2).

L'auteur donne un chiffre : depuis les années 2 000, seulement 10 demandes d'examen (options 1 et 2) ont été réalisées auprès de la FDA, pour 786 nouveaux additifs alimentaires introduits sur le marché. Soit 98,7 % d'autodétermination.

L'auteur cherche ici à démontrer que la mise sur le marché de ces substances est dramatiquement sous-réglementée. Pire, cela produit un résultat néfaste, à savoir que c'est à la société civile (aux consommateurs) de prouver que le produit leur cause du tort.

16 — L'UPF détruit les régimes traditionnels

Dans ce chapitre, Chris Van Tulleken explore le phénomène de remplacement des régimes traditionnels par un régime à base d'aliments ultratransformés. Comme c'est déjà une réalité en Occident, il observe le phénomène dans les pays en voie de développement.

Premier exemple : Nestlé et son activité dans le bassin amazonien, au Brésil. En 2010, une sorte de supermarché Nestlé flottant a descendu le fleuve Amazonie. Objectif ? Vendre ses produits aux villes et villages alentours.

Les populations ont été séduites par cette alimentation peu chère et nouvelle, apparemment riche en saveurs. Peu à peu, ils ont réduit leur consommation d'aliments directement recueillis (ou chassés) dans la forêt. En peu de temps, ces populations brésiliennes passèrent d'un régime traditionnel à un régime UPF.

Dans la ville de Fruteira Pomar, qui borde l'Amazonie, les supermarchés locaux proposent désormais de nombreux produits de grandes entreprises de type Nestlé. Désormais, ce sont les clients eux-mêmes qui réclament ces produits.

Autre phénomène inquiétant : la transformation de produits locaux en produits UPF. En effet, la cuisine locale est "transformée", imitée, voire absorbée par des versions ultratransformées.

L'exemple le plus parlant de Chris Van Tulleken ? Le poulet frit, qui était une tradition locale de la population noire des États-Unis. Les grandes chaînes de restauration rapide du type KFC ont pris la main sur ce marché et ont complètement modifié la recette traditionnelle.

Ce phénomène de remplacement d'un régime par un autre peut avoir des effets dévastateurs. Pour l'auteur, ce n'est pas un hasard si le taux d'obésité a augmenté de 550 % au Mali entre 1980 et 2015 !

Outre l'obésité, ce sont les maladies cardiovasculaires et le diabète de type 2 qui grimpent en flèche. Or, ces pays ne disposent pas toujours des infrastructures sanitaires adaptées, ce qui rend d'autant plus difficile le traitement de ces maladies.

17 — Le vrai coût des Pringles

Ici, Chris van Tulleken aborde une série d'autres problèmes qui sont plus ou moins directement liés à la production industrielle d'alimentation ultratransformée :

L'évasion fiscale et les coûts juridiques ;

Les dommages environnementaux (utilisation de combustibles fossiles et déforestation, notamment) ;

Le problème de la résistance aux antibiotiques (qui a des conséquences environnementales et sanitaires) ;

L'utilisation abusive de plastiques pour emballer ou mettre en bouteille les produits ultratransformés.

Attention au greenwashing ! Lorsque vous regardez les sites web ou les publicités des entreprises productrices d'UPF, vous pourriez croire qu'ils cherchent à protéger l'environnement (et votre santé, accessoirement).

Or, c'est un leurre. La production d'aliments ultratransformés est très gourmande en énergie et en ressources — elle exige beaucoup plus de la terre que les régimes alimentaires plus traditionnels.

Pour découvrir des alternatives à la surconsommation et à l'agriculture intensive, lisez le livre Un million de révolutions tranquilles. Partout, il y a des initiatives qui montrent d'autres voies possibles !

Cinquième partie — Que diable dois-je donc faire alors ?

18 — L'UPF est faite pour être sur-consommée

Résumons :

D'un côté, la saveur et la texture des aliments ultratransformés nous invitent à manger toujours plus et finissent même par nous rendre accros.

D'un autre côté, l'alimentation UPF remplace des aliments entiers et nutritifs par des aliments pauvres en nutriments, ce qui peut à son tour provoquer une consommation excessive (pour pallier le manque de nutriments).

Par ailleurs, les additifs alimentaires causent des dommages tels que des inflammations (pour n'en citer qu'un) et dérèglent les systèmes hormonaux de contrôle de la satiété.

Enfin, les méthodes de production de cette industrie alimentaire génèrent des coûts sanitaires, sociaux et environnementaux importants qui sont supportés par la société.

Face à ces défis, l'industrie alimentaire est-elle capable de jouer les bons pères de famille et de se réguler elle-même afin de résoudre — au moins une partie — de ces problèmes ? Nous avons vu avec l'exemple de l'autodétermination que ce n'était vraisemblablement pas le cas.

Chris van Tulleken apporte deux arguments supplémentaires à sa thèse :

Premièrement, il a déjà été demandé aux entreprises de faire des efforts, et cela depuis 40 ans. Les gouvernements ont demandé de réduire le taux de graisse des aliments ultratransformés, mais les modifications apportées n'ont pas modifié les coordonnées principales du problème.

Deuxièmement, et plus fondamentalement, il faut rappeler que ces entreprises sont motivées en premier lieu par le profit — et non par la santé des populations ou le respect de l’environnement.

De façon générale, l’auteur ne croit pas en la capacité des entreprises à se réguler elles-mêmes pour gérer les problèmes qu’elles génèrent, précisément en raison de l’opposition entre leurs buts intrinsèques et ceux de la société.

19 — Ce que nous pourrions demander aux gouvernements de faire

C'est bien pourquoi Chris Van Tulleken préfère imaginer ce qui pourrait être fait d'un point de vue politique.

Mais, à cette fin, il prend un nouvel exemple assez glaçant. Dans les années 1970, Nestlé a cherché à commercialiser des préparations pour nourrissons dans plusieurs pays pauvres. Ce faisant, la compagnie cherchait concrètement à remplacer l'utilisation du lait maternel par des substituts produits industriellement.

Pour réaliser son objectif, Nestlé ne reculait devant rien. Des représentants commerciaux malhonnêtement déguisés en infirmiers conseillaient les jeunes mamans sur les avantages de leur produit. Après avoir reçu un échantillon gratuit, les mères devaient payer le prix plein si elles voulaient continuer à nourrir leur petit avec du lait maternisé labellisé Nestlé. Le tour était joué.

Or, cette préparation pour nourrissons a eu des effets désastreux sur la santé des bébés, entraînant des milliers de décès. Chris van Tulleken évoque quatre raisons.

La préparation du lait maternisé avec de l'eau propre est susceptible d'endommager le microbiome.

L'impossibilité d'utiliser de l'eau propre et de stériliser la bouteille conduit les nourrissons à boire des préparations contaminées par des bactéries.

L'augmentation des prix accroit la pauvreté et le phénomène de malnutrition.

La dilution des préparations (pour raisons économiques), qui crée un trop faible apport en nutriments pour l'enfant et donc la malnutrition.

L'Organisation mondiale de la santé s'est emparée de ce problème et a créé un "code" pour éviter qu'un drame de ce type ne se reproduise. Mais il est toujours possible que ces réglementations soient "infiltrées" par les intérêts des industriels.

Pour l'auteur, il est donc d'une importance capitale que :

Les politiciens ne soient pas financés par l'industrie alimentaire qu'ils sont censés réguler.

L'information doit être rendue disponible et le marketing trompeur doit être interdit.

Les enfants sont souvent les premières cibles des dégâts liés aux aliments ultratransformés. Il est donc particulièrement important de les protéger en premier lieu. L'auteur évoque la possibilité d'interdire certains produits dans les écoles, comme cela a été fait au Chili à partir de 2016, par exemple.

20 — Que faire si vous voulez arrêter de manger de l'UPF

Il est également possible et souhaitable, bien sûr, d'agir directement au niveau individuel. Tout d'abord, nous pouvons tester notre degré d'addiction aux aliments ultratransformés. Par exemple en réalisant l'expérience proposée en début d'ouvrage par l'auteur.

Pour ceux qui expérimentent déjà une relation addictive avec l'UPF, il importe de s'informer et de comprendre les enjeux liés à ce phénomène pour se donner de bonnes raisons de le combattre.

Ensuite, sur la longue durée, il faudrait réapprendre à cuisiner et à apprécier des aliments peu ou pas transformés. Il existe des solutions pour se nourrir bien à des prix tout à fait abordables. À titre d'exemple, Chris van Tulleken recommande la lecture de Allegra McEvedy et Jack Monroe.

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Thu, 18 Jul 2024 17:00:00 +0200 http://www.olivier-roland.fr/items/view/12919/Les-personnes-ultra-transformes
Construire un second cerveau http://www.olivier-roland.fr/items/view/12915/Construire-un-second-cerveau

Résumé de "Construire un second cerveau — Une méthode complète pour organiser votre vie numérique et libérer votre potentiel créatif" de Tiago Forte : un manuel dont le célèbre Seth Godin revendique l'efficacité — pour quoi faire ? Eh bien, pour découvrir tout votre potentiel et apprendre à l'exprimer, pardi !

Tiago Forte, 2022, 276 pages.

Titre original : « Building a Second Brain » (2022).

Chronique et résumé de "Construire un second cerveau — Une méthode complète pour organiser votre vie numérique et libérer votre potentiel créatif" de Tiago Forte 

Introduction — La promesse d'un second cerveau

Première partie — Les fondations : comprendre ce qui est possible

✅ Chapitre 1 — Où tout a commencé

Tiago Forte utilise le storytelling dans ce premier chapitre. C'est-à-dire ? Il nous raconte une histoire — son histoire personnelle — faite de difficultés et de réussites. Plus précisément, il nous raconte comment il a surmonté l'obstacle de la maladie grâce à l'invention de son système de notes et d'organisation de la pensée.

Un tournant personnel : la découverte du pouvoir associé à la prise de note

Alors qu'il était malade — un étrange mal de gorge qui ne passait pas et que les médecins n'arrivaient pas à bien diagnostiquer — il s'est rendu compte qu'il pouvait noter ses sensations et ses pensées pour aider le corps médical à y voir plus clair.

Ensuite, il a commencé à regrouper également les rapports des médecins et à composer un véritable dossier personnel de gestion de sa maladie.

Peu à peu, il a étendu cette bonne habitude à d'autres domaines de sa vie et a transformé ses notes manuscrites en notes numériques. Lorsqu'il a décroché son premier emploi, il a utilisé cette méthode est s'est rendu compte de sa puissance.

Un autre tournant : la découverte du pouvoir du partage

Oui, il s'est rendu compte que son système de notes était véritablement un atout professionnel. Cela lui a d'abord valu d'être apprécié par ses collègues et sa hiérarchie. Puis, il a même reçu des demandes de conseils et de formation venues de certains collaborateurs.

Peu à peu, sa méthode d'organisation a pris une forme plus structurée et prête pour être échangée, partagée. Les discussions informelles se sont transformées en ateliers, voire en conférences. Il a également écrit des articles sur le sujet qui sont parus dans des revues prestigieuses.

Les origines du système du second cerveau

Bien sûr, Tiago Forte n'est pas seul à avoir pensé à l'organisation des idées. Pour créer sa méthode, il s'est inspiré de nombreux scientifiques et penseurs qu'il cite d'ailleurs dans l'ouvrage.

Quoi qu'il en soit, il a patiemment agrégé son expérience personnelle et ces précieuses références pour concocter un programme qu'il a nommé CODE et qui sera présenté dans la deuxième partie de cet ouvrage (et de cette chronique !).

✅ Chapitre 2 — Un second cerveau, c'est quoi ?

"L'information constitue la matière première de tout ce que nous entreprenons." (Construire un second cerveau, Chapitre 2)

Nous pouvons quantifier la quantité d'informations que nous "ingurgitons" par jour. Le New York Times, par exemple, estime à 34 gigaoctets la quantité d'informations consommée quotidiennement par un "individu moyen".

Problème : souvent, nous nous noyons dans cet océan d'informations. Celui-ci nous submerge ; au lieu de le maîtriser, nous perdons pied. Internet a été le grand démultiplicateur de ce phénomène.

Le constat est désormais connu : notre capacité d'attention est sollicitée constamment par les dispositifs numériques, et cela au détriment de notre qualité de vie et de la réalisation de nos projets.

Pourtant, le numérique et Internet sont également des outils formidables pour se construire un second cerveau. C'est même pour cela que l'ordinateur personnel a été inventé ! Rappelez-vous la phrase de Steve Jobs : "l'ordinateur est comme un vélo pour l'esprit".

L'héritier des mémentos

Mais n'allons pas trop vite. Regardons un peu en arrière. Comment les personnes créatives et organisées faisaient-elles, il n'y a pas encore si longtemps, pour produire leurs œuvres et réaliser leurs objectifs ?

Beaucoup d'entre eux utilisaient des mémentos ou, en anglais, des commonplace books. Typiquement, il s'agit de carnets utilisés pour y laisser des idées ou pour recopier des passages de livres, par exemple.

Ce faisant, ces personnes créaient (et créent toujours, pour bon nombre d'entre elles qui utilisent encore ce système éculé) leurs propres idées et projets en s'appuyant sur toute cette compilation de notes personnelles.

Pour Tiago Forte, cette simple pratique peut nous aider à endiguer le phénomène de perte d'attention évoqué plus haut. Mais nous pouvons nous servir des outils mis aujourd'hui à notre disposition !

Le mémento numérique

La numérisation du mémento permet un archivage et une organisation plus pratique. Les calepins se perdent, doivent être recompilés, conservés physiquement, etc. À l'inverse, les notes numériques sont plus aisément consultables et nous pouvons les conserver sans grande difficulté, notamment grâce au cloud.

En fait, le mémento numérique est le second cerveau. Lorsque vous aurez appris à le créer et à l'utiliser, il agira comme une machine à penser rien que pour vous. L'auteur le définit également comme un laboratoire où vous pouvez regrouper et assembler des savoirs qui vous sont propres.

Repenser la prise de notes : les notes comme. des briques de savoir

Tout le monde est concerné par la prise de notes et la mémorisation aujourd'hui. Pourquoi ? Car la plus grande partie des emplois sont liés à l'information. En fait, nous sommes dans une société où :

"Plus de la moitié des actifs peuvent être considérés comme des "travailleurs du savoir", c'est-à-dire des individus pour qui les connaissances constituent le bien le plus précieux et qui passent le plus clair de leur temps à gérer de vastes quantités d'informations." (Construire un second cerveau, Chapitre 2)

Et pourtant, nous n'apprenons que très rarement à gérer celles-ci. À l'école, on nous apprend à retenir pour retenir, sans chercher à faire quelque chose des notes que nous prenons une fois l'examen passé.

En situation professionnelle, nous nous trouvons souvent démunis, car nous n'avons justement pas appris à manipuler les connaissances comme il se doit.

Il importe donc d'agir. Pour ce faire, commencez par imaginer chaque connaissance comme une brique de Lego. Nous allons apprendre à les conserver et à les associer pour faire émerger vos plus belles idées.

Une histoire de deux cerveaux

Tiago Forte raconte deux histoires :

Celle de Nina, qui n'utilise que son "premier cerveau" (celle qui est dans sa tête !). Elle a bien des difficultés à se souvenir de l'endroit où elle a placé tel rapport ou telle note, et perd un temps fou à organiser ses idées.

Votre histoire, une fois que vous aurez adopté la méthode proposée par l'auteur (découvrez-la p. 39-42 !).

Mettre la technologie au service de la pensée

Même lorsque nous utilisons les outils numériques, nous devons nous rendre à l'évidence : une bonne part de notre production finit au fond d'un cloud ou d'une clé USB et nous n'en entendons plus jamais parler…

Le numérique ne résout donc pas tout naturellement. Il faut réaliser un effort pour le mettre au service d'une gestion efficace des connaissances personnelles (le PKM ou personal knowledge management est un véritable champ de recherches aux États-Unis).

Pour que le numérique devienne véritablement notre deuxième cerveau, nous devons apprendre à interagir de façon saine et adaptée avec lui. Voyons maintenant ce que cela pourrait donner !

✅ Chapitre 3 — Comment un second cerveau fonctionne

"Dites-vous que votre second cerveau est votre meilleur assistant personnel." (Construire un second cerveau, Chapitre 3)

Ensuite, demandez-vous quels seraient ses attributions ou ses superpouvoirs.

Les superpouvoirs d'un second cerveau

Pour Tiago Forte, il y en a quatre :

Concrétiser ses idées ;

Mettre en lumière de nouvelles associations d'idées ;

Faire germer de nouvelles idées ;

Affûter ses perspectives dans leur singularité (p. 46).

Superpouvoir numéro 1 : concrétiser nos idées

Même les plus puissants esprits ont besoin de rendre leurs idées concrètes. En science comme ailleurs, dès que nous pensons abstraitement, nous avons besoin de revenir, à un moment donné, vers le concret, le manipulable.

C'est pourquoi noter ses idées, dessiner ou encore modéliser en 3D est si important. Avec le mémento numérique, chaque brique prend sa place quelque part et se "matérialise" en quelque sorte (même si c'est avec des pixels et des bits informatiques).

Superpouvoir numéro 2 : mettre en lumière de nouvelles associations d'idées

"La créativité consiste à connecter des idées, dit l'auteur, surtout quand celles-ci semblent n'avoir rien à voir de commun les unes avec les autres". Il prend l'exemple du Scrabble, ce jeu où il faut mélanger des cubes pour former des ensembles de lettres à partir desquelles former des mots.

Tout comme le Scrabble, le mémento numérique vous offre la possibilité de mélanger vos idées afin de faire émerger de l'inattendu et créer du sens.

Superpouvoir numéro 3 : faire germer de nouvelles idées

Le "biais de récence" signifie la tendance à favoriser les briques de connaissance que vous avez vues (ou entendues, etc.) récemment. Grâce à votre second cerveau, vous pourrez aller rechercher des idées lointaines sans peine et les connecter avec d'autres beaucoup plus récentes.

Cet effet de longue durée — grâce à la mémoire externe qu'est votre second cerveau — peut vous aider à faire émerger des idées véritablement originales, au-delà de la simple association d'idées récentes.

Superpouvoir numéro 4 : affûter nos perspectives dans leur singularité

Compiler et associer les idées d'autrui a pour fin de faire naître vos propres idées et votre propre perspective sur le monde. La création ne part pas de rien ! Elle s'appuie sur ce qui a été réalisé en amont par d'autres que nous.

En réalité, nous pouvons donner une interprétation particulière à ce que nous voyons, entendons, etc., bref, percevons du monde extérieur.

Retenez ceci : le fait que vous soyez bloqué dans un projet créatif (par exemple, écrire) ne signifie pas nécessairement que vous n'êtes pas doué ou que vous avez perdu toute inspiration, mais simplement que vous n'avez pas encore suffisamment de matériaux à votre disposition.

Choisir une application de prise de notes : le centre neurologique de votre second cerveau

Tiago Forte se refuse à donner une recommandation en particulier. Vous pouvez selon lui opter pour le programme qui vous convient le mieux, que ce soit, par exemple, Evernote, Notion ou encore Apple Notes.

Les quatre atouts d'un assistant numérique de ce type sont :

Le multimédia, à savoir la possibilité d'utiliser vos contenus sur plusieurs médias (ordinateurs, téléphone, etc.).

Le caractère informel, c'est-à-dire que vous n'avez pas à rendre un travail fini et sans fautes !

La durée indéterminée du processus.

L'orientation vers l'action, puisque l'intérêt est de capter rapidement des idées pour les utiliser ensuite.

Si votre système de notes comprend ces quatre points forts, vous pouvez l'adopter ! Pensez aussi que vous pouvez commencer par une application basique, puis monter en gamme ensuite. Le plus important ici :

"[N]e pas se faire piéger par le perfectionnisme en repoussant le moment de commencer à prendre des notes au prétexte que vous devez d'abord trouver l'application "parfaite" qui inclura une liste précise de fonctionnalités. Le but n'est pas d'avoir à votre disposition des outils parfaits, mais des outils fiables sur lesquels vous pouvez compter, en sachant que vous pourrez toujours en changer plus tard." ((Construire un second cerveau, Chapitre 3)

Se souvenir, se connecter créer : les trois étapes de la gestion des connaissances personnelles

Le plus souvent, les personnes prennent du temps pour mettre véritablement à profit leur second cerveau. L'auteur recommande d'ailleurs de passer par ces trois étapes :

Commencez par simplement prendre des notes et à vous servir de votre système comme aide-mémoire.

Ensuite, passez à un stade de réflexion et de découverte de nouvelles idées par connexion.

Enfin, bâtissez un véritable système de création de nouvelles choses, comme des vidéos YouTube, par exemple, ou tout autre projet créatif que vous aurez à l'esprit !

L'auteur introduit ensuite sa méthode CODE. Toutefois, dans le cadre de cette chronique, nous pouvons nous passer de ce résumé et passer directement à la présentation de la méthode en tant que tel. Prêt à construire votre second cerveau ? C'est parti !

Deuxième partie — Les quatre étapes de la méthode CODE

✅ Chapitre 4 — Capter : garder ce qui résonne en soi

"L'information n'est pas un luxe ; c'est la condition même de notre survie." (Construire un second cerveau, Chapitre 4)

Que veut dire TIago Forte ici ? Eh bien, qu'en tant qu'humains, nous avons besoin de penser et de nous informer afin de répondre à nos besoins les plus élémentaires.

Par ailleurs, comme la nourriture, les informations conditionnent notre bien-être. Si nous mangeons mal, nous serons probablement en mauvaise santé à un moment ou à un autre. Il en va de même pour les "nourritures de l'esprit".

Se constituer un recueil de connaissances personnel

L'auteur prend l'exemple de la chanteuse de pop et country Taylor Swift. Dans plusieurs documentaires, celle-ci se met en scène en train de créer ses chansons. Or, elle utilise précisément un système de notes du type "second cerveau", qui lui permet de se souvenir, de connecter les idées et de créer.

Chaque personnalité reconnue pour son talent dispose d'un système semblable. La créativité ne vient pas seule, comme par enchantement. Elle suppose un processus créatif qui peut être enseigné et appris.

Se créer une banque de savoirs : comment générer des intérêts composés à partir de vos idées

Une question délicate se pose : comment sélectionner les informations à sauvegarder ? Comment savoir ce que nous voulons conserver et ce qui ne mérite pas ce traitement de faveur ?

Pour ce faire, commençons par compliquer — ou plutôt élargir — la notion de savoir. Par ce mot, Tiago Forte n'entend pas ici les grands principes philosophiques ou scientifiques, mais tout "actif informationnel", tout "contenu" qui vous semble intéressant pour une raison ou pour une autre.

Il y a donc du savoir partout autour de vous, et c'est à vous de décider ce qui peut vous aider à :

Résoudre un problème ;

Gagner du temps ;

Éclairer un concept ;

Apprendre d'une expérience passée ;

Etc. (exemples donnés par l'auteur p. 73)

Bref, tout actif informationnel est ce qui peut vous servir, quel que soit le but que vous vous proposez (et il peut y en avoir plusieurs en même temps, c'est d'ailleurs souvent le cas).

Par ailleurs, en plus des "briques" que vous trouverez dans le monde extérieur, il y a ce qui apparaît "à l'intérieur". En effet, chaque information peut résonner en vous et vous faire penser à quelque chose qui peut, à son tour, être noté.

Ce qu'il ne faut pas garder

Voici une liste non exhaustive de documents qu'il est préférable de ne pas intégrer à votre système de notes :

Des rapports confidentiels ou données à sécuriser ;

Des documents avec des formats trop spécifiques ;

Les fichiers trop imposants ;

Les contenus collaboratifs en temps réel.

Douze problèmes favoris : l'art de la captation vu par un prix Nobel

Revenons au filtre lui-même, à savoir les buts que vous vous fixez. Vous pouvez transformer ces buts ou ces problèmes en questions. Dès que vous repérez une donnée qui semble répondre, même partiellement, à l'une de vos questions, vous la répertoriez dans votre système de notes !

C'est à partir de l'exemple du prix Nobel de physique Richard Feynman que Tiago Forte propose cette astuce bien utile. Vos questions peuvent regrouper des problèmes existentiels ou complètement prosaïques, peu importe ! L'important est que vous ayez envie de récolter des informations sur ces sujets.

Voici quelques exemples donnés par l'auteur, mais il est bien plus efficace de trouver vos 12 questions en fonction de vos intérêts propres :

Comment moins vivre dans le passé et plus dans le présent ?

Comment mon business peut-il devenir à la fois durable et rentable ?

Que puis-je faire pour manger plus sainement ?

Etc.

Si vous n'y arrivez pas, ne stressez pas. Essayez les trucs suivants :

Posez des questions à votre entourage et en particulier à vos parents pour voir ce qui vous intéressait enfant ;

Arrêtez-vous au nombre que vous avez, sans aller jusqu'à 12.

Conformez-vous avec ce premier jet, vous l'améliorerez plus tard si nécessaire !

Bien sûr, préférez les questions ouvertes (qui appellent des réponses longues) aux questions fermées (oui/non) !

Les critères de captation : comment éviter de trop capter (ou pas assez)

Retenez également que la valeur d'un contenu est distribuée. Autrement dit, tout ne vous intéressera pas. Au lieu de garder un article complet dans vos favoris, ne le lisez qu'une fois et sélectionnez les passages les plus pertinents pour votre problème pour les placer dans votre système de notes.

Vous devez impérativement apprendre à faire le tri en ne sélectionnant que les parties qui vous parlent le plus. Sinon, c'est la submersion — et c'est un problème qui arrive à beaucoup d'entre nous.

Alors, pour apprendre à raffiner votre sélection, voici quatre questions à vous poser. Est-ce… :

Inspirant ?

Utile ?

Personnel ?

Surprenant ?

En définitive, captez ce qui résonne en vous

"Lorsque vous vous imprégnez d'une information, soyez à l'écoute de vous-même et voyez si elle vous émeut ou vous surprend. Ce sentiment de "résonnance" — comme un écho dans votre âme — est votre intuition qui vous dit que ce contenu vaut vraiment la peine d'être noté." (Construire un second cerveau, Chapitre 4)

Nos émotions nous aident à organiser notre savoir et jouent un rôle dans notre raisonnement. Apprenez donc à écouter cette petite voix intérieure suffisamment souvent pour qu'elle prenne de la force et vous guide dans vos choix.

Au-delà de l'application de prises de notes : choisir des outils de captation

Tiago Forte détaille tous les logiciels ou outils numériques qui vous permettent de récupérer du contenu au quotidien. Par exemple, vous pouvez :

Copier-coller du contenu YouTube en demandant d'afficher la transcription ;

Utiliser la fonction "partager" des livres numériques ;

Découper des segments de podcasts ;

Etc.

Ce ne sont que quelques exemples parmi ceux donnés par l'auteur. Le plus souvent, des solutions simples existent pour récupérer les éléments qui vous intéressent le plus.

Les étonnants bénéfices de l'externalisation de vos pensées

Cela vaut pour les briques de connaissance extérieure. Mais quand vous voulez exprimer vos propres idées (notamment vos ressentis par rapport aux documents que vous sélectionnez), vous pouvez simplement écrire directement dans votre système de notes (ou vous enregistrez en audio, si vous préférez).

Notez vos idées ou les exprimer à haute voix a bien des avantages. Premièrement, cela facilite la mémorisation. Mais ce n'est pas tout. Le fait d'exprimer ce que vous pensiez ou ressentez vous donne de nouvelles idées ou vous procure de nouvelles émotions qui peuvent être très libératrices.

La prise de notes nous aide aussi — et c'est lié — à prendre nos distances avec l'information reçue. Nous cessons peu à peu de réagir à chaud, sans prendre le temps d'y réfléchir. D'ailleurs, certains des contenus que vous sélectionnez aujourd'hui vous sembleront inutiles ou triviaux quelques jours plus tard. Dans ce cas, supprimez-les !

À votre tour : à quoi ressemblerait la captation d'idées si c'était facile ?

Plutôt que de chercher à retenir tous les éléments un par un de ce livre, demandez-vous comment vous pourriez mettre en place la captation d'idées dans votre quotidien de manière agréable et aisée. Imaginez les contenus que vous pourriez y intégrer.

En somme, commencez à agir plutôt qu'à tout retenir. C'est ainsi que vous trouverez les chemins qui vous conviennent le mieux et que vous tirerez tout le bénéfice des conseils donnés dans ce livre.

✅ Chapitre 5 — S'organiser : sauvegarder ses actifs en vue d'une utilisation future

Twilda Swarp est l'une des chorégraphes les plus réputées dans le monde de la danse contemporaine. Elle a une technique créative simple qu'elle nomme "La boîte".

Elle dépose dans une simple boîte de rangement tous les éléments liés à un projet chorégraphique, depuis son objectif (qui peut être un simple mot) jusqu'à des objets de toutes sortes et des morceaux de musique. Lorsqu'elle veut travailler sur son projet, elle sait où aller voir : dans la boîte !

L'effet cathédrale : concevoir un espace pour vos idées

L'environnement numérique est important. Nous passons de nombreuses heures immergés "dans" ces espaces de travail, que ce soit via nos téléphones ou nos ordinateurs.

Dès lors, il est capital de les organiser au mieux, en favorisant autant que possible un esprit de découverte et de réflexion. Nous allons voir une solution pour créer ce type d'espace dans les sections suivantes.

Avec PARA, formez votre esprit (et vos notes) en vue d'agir

En réalité, ce passage à l'organisation est souvent l'écueil de ceux qui prennent des notes. Ils accumulent, sans parvenir à créer un ordre. Résultat : la submersion à nouveau.

Tiago Forte propose une technique d'organisation qu'il nomme PARA pour :

Projet (projects) = les efforts limités dans le temps, concentrés sur une tâche en cours actuellement (les 12 questions du chapitre 3, par exemple).

Domaines (areas) = les responsabilités à long terme que vous souhaitez maîtriser dans la durée.

Ressources (resources) = les sujets ou intérêts potentiellement utiles pour l'avenir.

Archives (archives) = les informations devenues inactives, issues des trois autres catégories.

L'idée est de déposer les briques de connaissance dans l'un de ces quatre répertoires, à partir de l'usage que vous voulez en faire.

PARA vu des coulisses

L'auteur montre, grâce à des captures d'écran, son propre classement en action sur son ordinateur. Il a 4 fichiers principaux, puis, à l'intérieur, les fichiers correspondants.

Par exemple, s'il clique sur le premier fichier "Projets", il a 11 nouveaux fichiers qui apparaissent avec les projets qui l'occupent en ce moment. Lorsqu'il clique sur l'un de ces fichiers, il ouvre des documents avec les informations qu'il a répertoriées.

Il en va de même avec les autres fichiers principaux (domaines, ressources et archives).

Où ranger cette information? Comment faire pour savoir où sauvegarder chacune de vos notes

Si vous avez encore des difficultés à vous décider, malgré ce système de classement, demandez-vous :

Quel est le projet concerné par cette note ?

Aucun, alors pour quel domaine (plus long terme) ?

Toujours aucun ? Alors est-ce une ressource intéressante "au cas où" ?

Non, alors dans les archives (ou à ne pas noter).

Faites confiance à votre intuition et pensez rapidité. Votre note doit être là où vous l'attendez. Elle doit vous aider concrètement à réaliser vos objectifs.

Organiser l'information comme une cuisine : que suis-je en train de préparer ?

Tiago Forte propose cette analogie curieuse et bien trouvée avec la cuisine.

Vos projets sont les petits plats qui mijotent sur le feu.

Vos domaines sont le réfrigérateur, y sont conservées les choses à consommer relativement rapidement.

Le garde-manger, ce sont vos ressources, disponibles en cas de besoin pour n'importe quel repas.

Les archives ? Votre congélateur ! C'est un lieu de stockage à durée indéfinie.

Vous comprenez bien que les notes peuvent se déplacer d'un endroit à un autre. Lorsque vous avez terminé un projet, vous pouvez le mettre au congélateur ou placer quelques éléments que vous n'avez pas utilisés (ou qui peuvent encore servir) dans votre fichier Ressources, par exemple.

Vos projets achevés sont l'oxygène de votre second cerveau

L'objectif n'est pas d'avoir un ordinateur bien rangé ; l'objectif est de mener à bien vos projets créatifs et productifs. Un projet terminé vous donne de l'énergie pour le suivant et augmente votre confiance en vous.

Pour ce faire, vous avez besoin de faire le vide dans leur espace de travail. Si vous avez trop de documents dont ne vous savez que faire, placez-les dans Archive (avec la date, éventuellement) jusqu'à un meilleur usage. Libérez les espaces importants pour vos projets et faites disparaître ce qui ne compte plus.

À votre tour : rapide dans vos gestes, délicat dans votre toucher

Telle est la phrase que Tiago Forte a entendue d'une de ses coaches. Et c'est aussi ce qu'il veut nous transmettre. Être rapide dans ses gestes et délicat dans son toucher, cela signifie prendre le chemin de la moindre résistance. Bref, ne pas faire de forcing.

Cherchez donc le moyen le plus simple de vous rapprocher de votre envie de créer une organisation efficace pour votre prise de notes. Par exemple, ne commencez qu'avec les projets. Peu à peu, ajoutez, quand vous vous sentez à l'aise.

"Surtout, gardez à l'esprit que ces catégories ne sont pas définitives. PARA est un système dynamique qui se transforme constamment. Votre second cerveau évolue en parallèle de vos projets et de vos objectifs, ce qui signifie que vous n'avez pas à vous préoccuper de savoir s'il est parfait ou même finalisé." (Construire un second cerveau, Chapitre 5)

✅ Chapitre 6 — Distiller : aller à l'essentiel

Comment faire quelque chose de nouveau à partir de briques de connaissances existantes ? Il faut les distiller, c'est-à-dire les interpréter et en retirer la substantifique moelle.

Pour montrer ce processus à l'œuvre, Tiago Forte utilise l'exemple de Francis Ford Coppola lorsqu'il réalisa Le Parrain à partir d'un roman de Mario Puzo. Il utilisa un classeur pour répertorier ces impressions sur le livre et transformer celui-ci en un film très personnel.

La prise de note quantique : comment créer des notes pour un futur inconnu

La captation et le classement sont les étapes en amont. Une fois que votre connaissance est intégrée dans votre classement, vous devrez en faire quelque chose. Sur le moment, vous n'avez pas le temps de la relire ou de l'interpréter. Il faudra donc réaliser ce travail ensuite.

Les deux premières étapes sont ainsi comme un message envoyé à votre moi futur : "eh, prends garde, cela compte, fais-en quelque chose !". Mais pour ce faire, il faut aussi parvenir à garder l'intérêt pour vos notes. Comment faire ?

La "découvrabilité" : le lien manquant pour rendre vos notes utiles

Vos notes doivent être claires : les points importants doivent sauter aux yeux directement. C'est ça la "découvrabilité" selon l'auteur. Si vous voulez que votre idée reste fraiche dans un avenir plus ou moins proche, vous devez la rendre "découvrable" en ce sens.

Imaginez que vous serez débordé demain, avec toutes les informations que vous vous serez "envoyé". Pour vous faciliter la vie, vous avez besoin de vous rappeler très facilement ce qui était important au moment où vous avez collectionné cette information.

Surlignage 2.0 : la technique de la synthèse progressive

L'auteur propose d'améliorer la technique habituelle du surlignage en créant quatre strates permettant de se souvenir rapidement du sens d'une note :

La note brute (en elle-même, elle est déjà une sélection d'un document) ;

Les passages en caractère gras ;

Les passages surlignés ;

Le sommaire exécutif.

Le sommaire exécutif de votre note, c'est vous qui l'écrivez en reprenant de façon synthétique ce que vous avez surligné. En passant de strate en strate, c'est comme si vous zoomiez sur votre carte du savoir pour prendre de la hauteur.

Dans la suite du chapitre, Tago Forte donne quatre exemples de synthèse progressive avec des documents de plus en plus courts (voir pages 144-150).

Le secret de Picasso : élaguer le "bien" pour faire ressortir l'"extraordinaire"

Connaissez-vous la série de lithographies de taureaux du célèbre artiste espagnol (voir image ci-dessous) ? En 11 lithographies, le peintre simplifie une image d'un taureau pour n'en conserver que les traits les plus élémentaires.

La simplification — ou la distillation — est tout un art !

"La synthèse progressive ne sert pas à se rappeler autant de choses que possible. À mesure que vous distillerez vos idées, elles s'amélioreront naturellement, parce que quand vous éliminez ce qui n'est "que" bon, cela permet à ce qui est excellent de briller plus intensément." (Construire un second cerveau, Chapitre 6)

Les trois erreurs les plus courantes des preneurs de notes novices

Tiago Forte en repère trois principales :

Surligner à l'excès ;

Surligner sans but précis ;

Compliquer le surlignage.

Gardez les choses simples en ayant toujours à l'esprit que vos briques de connaissances doivent être malléables et utilisables pour votre moi futur. Si vous surlignez trop ou avec trop de couleurs, vous vous perdrez sans doute.

À votre tour : gardez votre moi futur à l'esprit

Exercez-vous à la méthode PARA avec des contenus que vous aurez sélectionnés et classés. Par exemple, un extrait d'article de blog ou de vidéo YouTube.

Tiago Forte conseille de créer vos notes en respectant les trois strates indiquées pour les rendre "découvrables". Pour vérifier que vous avez correctement effectué cette action, laissez la note de côté, mais mettez-vous un rappel quelque part pour qu'elle revienne dans votre champ de vision quelques jours plus tard.

Est-ce que vous pouvez vous rappeler aisément, en 30 secondes environ, de quoi il s'agit ? Dans ce cas, c'est que votre note fonctionne. Conservez-la alors sous cette forme définitive dans le dossier choisi.

✅ Chapitre 7 — Exprimer : montrer son travail

Octavia Butler est l'une des plus grandes écrivaines de science-fiction contemporaines. Or, elle a commencé avec peu. Comment a-t-elle réussi à créer des mondes futuristes et à avoir des intuitions fortes sur le monde d'aujourd'hui ?

Eh bien, elle prenait énormément de notes à propos de ses multiples centres d'intérêts. Ce qui fait dire à Tiago Forte :

"Les créateurs professionnels s'inspirent constamment de ce que leurs expériences et leurs observations personnelles leur offrent, des idées des autres et des leçons glanées aussi bien des succès que des échecs. S'il y a un secret à la créativité, c'est qu'elle se nourrit de nos efforts quotidiens pour rassembler et organiser ce qui nous influence." (Construire un second cerveau, Chapitre 7)

Comment protéger vos ressources les plus précieuses

"L'attention d'un travailleur du savoir est sa plus rare et précieuse ressource", dit l'auteur. Notre système de notes doit donc nous libérer de l'attention pour créer, au lieu de nous en demander davantage.

La dernière étape du programme CODE consiste à s'exprimer. Comment faire ? Ici encore, mieux vaut ne pas attendre que tout soit parfait. Recherchez le feed-back d'autrui assez régulièrement, sans attendre le dernier moment.

Les briques intermédiaires : pour être puissant, pensez petit

Cette notion de découpage en tâches intermédiaires est connue. Découper un projet en petits bouts vous aidera à combattre la procrastination et à avancer plus sereinement.

Il est également important de proposer un premier jet — et cela quel que soit votre domaine (de la musique à l'architecture, en passant par le copywriting).

Mais tout ceci ne suffit pas. Votre second cerveau va agréger les premiers jets qui sont comme autant de briques intermédiaires sur le chemin de votre projet final. C'est en associant ces briques que vous gagnerez en puissance créative et en efficacité.

D'un projet à l'autre, vous pouvez en effet réutiliser certaines briques intermédiaires, comme des notes distillées (voir le chapitre précédent) ou des livrables que vous avez rendus dans d'autres circonstances, par exemple.

Tiago Forte considère que cette pratique a quatre avantages principaux :

Augmentation de la concentration ;

Adaptation du travail au temps disponible ;

Réorientation et feed-backs plus rapides ;

Facilitation toujours accrue de la réalisation des projets.

Assembler ses briques : le secret d'une production bien huilée

Pensez à un projet. Par exemple : organiser une conférence. Vous pouvez penser que cela est hors de votre portée, car vous ne l'avez jamais fait. Et pourtant, si vous découpez la tâche en plusieurs morceaux, vous vous rendrez vite compte que vous savez déjà tout faire ou presque.

Par exemple, vous devrez créer un programme et envoyer des invitations aux conférenciers. Ce sont des choses que vous savez déjà probablement faire. Si cela est nécessaire, vous pourrez même utiliser des briques de votre second cerveau pour aller plus vite dans la réalisation de chacune de ces sous-tâches.

Pensez Lego ! Construisez peu à peu votre projet à partir de briques qui viennent remplir les plus petites tâches que vous avez identifiées et sans même vous en rendre compte, vous aurez complété votre projet tout entier.

Comment récupérer et réutiliser votre travail passé

Le processus de récupération des briques de connaissance n'a rien de trivial. C'est à ce moment-là que de nouvelles connexions, encore plus puissantes, peuvent émerger entre différents morceaux d'informations que vous aurez collectés.

L'auteur propose quatre méthodes de récupération :

Recherche = utilisez la fonction recherche de votre navigateur ou de votre logiciel de prise de notes.

Navigation "au gré du courant" = ouvrez votre dossier PARA pertinent et parcourez-le.

Balises = utilisez les étiquettes ou balises (aussi appelés tags, en anglais) pour "casser" les frontières/silos entre vos dossiers et faire des connexions plus étonnantes.

Sérendipité = laissez votre intuition parler !

Par nature, la créativité est collaborative

Non, nous ne créons pas seuls. Même si nous sommes effectivement seuls dans notre bureau à un moment X, nous sommes habités par de multiples voix qui viennent nous aider à réaliser nos ambitions. Ce sont les briques de connaissance qui portent ces voix !

Plus prosaïquement, le fait de recevoir des retours réguliers de vos collègues ou éditeurs (ou autres) participe complètement au processus créatif.

Tout n'est que combinaison

Dans le même ordre d'idée, nous pouvons dire que la créativité est toujours un "art de la combinaison", c'est-à-dire que nous travaillons toujours en nous appuyons sur ce que d'autres ont déjà fait.

Il existe même des briques de connaissance si essentielles qu'elles reviennent constamment dans votre travail et dans celui des autres. Reconnaître que vous vous inspirez d'autrui n'a rien de déshonorant. Au contraire !

"Rendre à César ce qui est à César ne diminuera pas la valeur de votre contribution, cela la rehaussera. Comme toutes vos sources seront clairement documentées dans votre second cerveau, vous n'aurez pas de peine à les retrouver et les inclure dans votre version définitive." (Construire un second cerveau, Chapitre 7)

À votre tour : vous seul savez ce que vous souhaitez produire

"C'est en réalisant des choses concrètes que nous apprenons — avant même de nous sentir prêts, avant d'avoir tout compris et avant de savoir où cela nous mènera", dit encore l'auteur un peu plus loin.

Autrement dit : passez à l'action sans attendre d'avoir tout compris. C'est en faisant que vous vous rendrez plus intelligent ! Quelle que soit la création que vous vous proposez de réaliser, qu'elle soit professionnelle ou personnelle, vous pouvez commencer à agir en vous aidant du système proposé dans ce livre.

Troisième partie — La conversion : réaliser vos projets

✅ Chapitre 8 — L’art de l’exécution créative

Tiago raconte l'histoire de sa mère, musicienne, et de son père, peintre. La création a fait partie de sa vie très jeune. Et c'est le sens même de ce qu'il veut transmettre. L'organisation et la prise de notes ne sont pas des fins en soi, mais des moyens pour créer.

Divergence et convergence : un exercice créatif d'équilibriste

Si les résultats de notre créativité sont nouveaux, le processus créatif, lui, est "immuable". Pour l'exposer clairement, l'auteur a recours à une opposition entre deux phases :

Divergence ;

Convergence.

Pendant la phase de divergence, nous accumulons une foule bigarrée de sources d'inspiration. Mais elle ne suffit pas. Il lui faut aboutir à un résultat unique et cohérent : c'est la phase de convergence.

Les deux premières lettres du programme CODE, capter et organiser, font partie de la phase de divergence. Les deux suivantes, distiller et exprimer, sont quant à eux au cœur du processus de convergence.

Les trois stratégies que j'utilise pour donner corps à un travail créatif

Pour vous pousser à l'action et tout particulièrement vers la phase de convergence, qui peut être sans cesse repoussée, Tago Forte donne trois astuces :

"L'archipel des idées" vise à créer des ponts et à éviter l'angoisse de la page blanche en créant, sur votre page de traitement de texte, un "archipel" avec plusieurs citations ou sources à votre disposition. De cette façon, il vous sera plus facile de commencer à écrire.

"Le pont d'Hemingway" est une technique du romancier pour passer d'une session de travail à une autre. Au lieu de terminer à bout de souffle, prenez le temps, vers la fin de votre session, de faire le point sur la situation actuelle de votre travail et de vous donner des idées pour la prochaine fois. Pensez également à noter les informations à ne pas oublier et à vous rappeler à vous-même vos intentions.

Réduire la portée de votre travail en créant un produit un peu plus simple que ce que vous aviez prévu à la base, surtout si vous avez une date limite à respecter. Vous pourrez l'améliorer ensuite ou utiliser ce que vous avez fait pour autre chose.

L'auteur nous montre, image à l'appui, comment il s'est servi de sa méthode pour penser l'aménagement de son garage en bureau et studio d'enregistrement.

À vous : soyez prompt et avancez

Si vous voulez vous lancer, commencez par :

Rédiger une esquisse ;

Regarder dans vos dossiers PARA ce qui pourrait "coller" ;

Vous poser des questions pour ajouter de nouveaux éléments (éventuellement) ;

Réserver un créneau pour sortir un premier jet (15 minutes environ) ;

Si cela est nécessaire, créer un "pont Hemingway" pour la prochaine séance de travail ;

Réduire la portée si le projet s'avère trop ambitieux ;

Noter tout ce que vous apprenez en cours de route ;

Recueillez les feed-backs de votre premier jet.

✅ Chapitre 9 — Les habitudes essentielles des experts en organisation numérique

"Votre second cerveau est un système pragmatique destiné à rehausser votre productivité et votre créativité." (Construire un second cerveau, Chapitre 8)

Pour Tiago Forte, productivité et créativité vont de pair. Grâce au système qu'il propose, nous pouvons associer les deux. En fait, les deux reposent sur de bonnes habitudes, que ce chapitre se propose de passer en revue.

La "mise en place", une façon d'encourager une productivité durable

La "mise en place" est une notion de cuisine professionnelle pour désigner la façon d'organiser l'espace de travail des chefs cuisiniers. En l'occurrence, cela passe par une attention constante à l'ordre de rangement de chaque chose, même lorsque vous êtes dans le feu de l'action.

Cette discipline interne et externe est nécessaire aussi dans le monde numérique et pour les travailleurs du savoir.

Les listes de contrôle d'un projet : la clé pour lancer le "volant d'inertie" du savoir

Nous consommons tous les jours des informations et une partie d'entre elles nous serviront à produire ce que nous voulons en fonction de nos objectifs. L'auteur invite à considérer les connaissances comme des actifs que vous investissez et que vous pouvez sans cesse recycler. C'est ce qu'il nomme, après d'autres, le "volant d'inertie" du savoir.

Pour vous assurer de bien utiliser vos connaissances dans ce sens, vous pouvez établir des listes de contrôle :

Une pour le lancement du projet ;

Une autre pour la clôture du projet.

L'objectif de ces listes consiste à vous permettre de commencer et de terminer vos projets en restant dans la ligne que vous aviez décidée. C'est une aide à l'action plus qu'une structure rigide. Comme les échafaudages, elles permettent à votre projet de tenir debout le temps de la construction.

Faire des revues une habitude : pourquoi traiter vos notes par lots et à quelle fréquence

C'est David Allen qui a proposé cette technique dans S'organiser pour réussir. Celle-ci a pour but de faire le point de façon régulière sur un sujet ou un projet en cours. Tiago Forte ajoute à ceci l'idée que vous pouvez le faire en révisant vos notes de la semaine ou du mois.

L'auteur explique en détail comment formater sa revue hebdomadaire sans se laisser submerger et réaliser des revues mensuelles pour être tout à fait au clair sur ce que vous êtes en train de faire.

L'habitude de l'attention en éveil : utiliser son second cerveau pour provoquer la chance

L'opportunisme a mauvaise presse. Pourtant, ce terme peut être utilisé de façon positive, pour signaler la possibilité d'être attentif à l'instant et à la surprise, et être capable d'en faire quelque chose. De petites "opportunités" s'offrent à nous tous les jours.

Face à une modification de priorité ou d'objectif, votre second cerveau est suffisamment souple pour agir. Si une occasion se présente, vous n'avez qu'à regrouper d'anciennes notes dans un nouveau dossier. À condition que vous preniez l'habitude de considérer véritablement votre système de notes comme un outil de travail et non comme un simple pense-bête.

À vous : si votre système parfait reste inutilisé, c'est qu'il n'est pas parfait

Les trois habitudes présentées ci-dessus sont faciles à mettre en place et à réaliser dans vos créneaux creux de la journée. Agissez avec souplesse pour construire progressivement l'environnement qui vous ressemblera le plus et sera le plus efficace pour vous.

"Rappelez-vous que vous n'êtes pas en train de construire une encyclopédie de savoirs parfaitement organisés, mais un système fonctionnel. À la fois dans le sens où il doit être opérationnel et dans le sens où il doit faire partie intégrante de votre quotidien. Pour cette raison, rien ne vaut un système imparfait, mais utile dans les conditions réelles de votre vie courante." (Construire un second cerveau, Chapitre 9)

✅ Chapitre 10 — Trouver sa voie pour s’exprimer

Dans un monde où l'information est devenue abondante, l'enjeu est moins de savoir comment se relier à elle que comment bien le faire.

Tiago Forte considère en outre que nos émotions et notre histoire façonnent notre rapport à l'information. Ce qui compte avant tout, c'est autrement dit de se doter du bon état d'esprit et non pas avant tout de la bonne boîte à outils.

La crainte que notre esprit ne soit pas assez puissant

Construire un second cerveau vous aidera à mener à bien vos projets en libérant votre "premier cerveau", trop souvent surchargé et anxieux. Peu à peu, une relation va s'établir entre votre cerveau "interne" et votre cerveau "externe".

Cette relation peut devenir intime, au point que vous aurez des difficultés à vous passer de votre système de notes. Votre être biologique changera : vous serez capable de rester concentré plus longtemps et vous serez plus calme.

À partir du moment où votre second cerveau vient soulager le premier, vous pouvez vous étonner de ce qu'il est capable de faire. Pour l'auteur, "se construire un second cerveau est une entreprise de développement personnel" car vous modifierez progressivement de nombreux aspects de votre personnalité.

Bien sûr, un tel changement peut faire peur. Mais il en vaut assurément la peine. Grâce à ce nouvel état d'esprit et au système CODE, vous passerez de :

La pénurie d'idées à leur abondance ;

L'obligation de faire les choses au véritable service rendu ;

La consommation pure et simple à la création.

Le besoin fondamental d'expression de soi

Tiago Forte relate son expérience de maladie et le bienfait que lui a procuré la méditation. Il affirme que la pratique de la méditation Vipassana a pour lui été une révélation, qui s'est greffée à une autre : l'écriture en public.

Ces deux activités lui ont fait comprendre à quel point l'expression de soi est un besoin fondamental.

À votre tour : le courage de partager

Nous avons souvent peur de partager nos histoires de vie ou nos idées. Nous n'osons pas nous affirmer positivement. Il nous semble toujours qu'il y a une bonne raison de ne pas le faire : la hiérarchie ou le sentiment d'imposture, par exemple.

Pourtant, les avantages de l'expression de soi sont véritablement sans commune mesure avec ceux du silence. S'adresser à un public pour exprimer des choses que nous souhaitons partager crée non seulement du lien social, mais vous reconnecte à vous-même.

Conclusion sur "Construire un second cerveau — Une méthode complète pour organiser votre vie numérique et libérer votre potentiel créatif" de Tiago Forte :

Que retenir de "Construire un second cerveau — Une méthode complète pour organiser votre vie numérique et libérer votre potentiel créatif" de Tiago Forte :

"Les idées de Tiago Forte marchent vraiment", dit le maître du marketing Seth Godin à propos de cet ouvrage. Alors, pourquoi se priver de les appliquer, au moins pour essayer ?

Il vous aidera à :

Prendre des notes ;

Établir un système de données numériques ;

Organiser vos idées ;

Les conserver efficacement ;

Rendre vos idées plus concrètes ;

Faire mûrir vos idées ;

Créer des contenus qui font la différence !

Retenez que le numérique peut être un puissant instrument pour nous aider à développer notre créativité, à condition de savoir l’utiliser et de le maîtriser.

Grâce à un système de type CODE, vous vous construirez un cerveau externe à toute épreuve pour vous aider dans les tâches du quotidien ET réussir à mieux exprimer ce que vous souhaitez dire au monde.

Vous voulez en savoir plus sur Tiago Forte et sa méthode ? Rendez-vous sur :

Sa chaîne YouTube ;

Son site internet, Forte Labs.

Points forts :

Un manuel très clair et instructif ;

Plein de conseils et de captures d'écran pour commencer tout de suite ;

Des exemples inspirants venus d'artistes, philosophes ou scientifiques ;

Un chapitre bonus pour créer des tags efficaces ;

Un résumé à la fin de l'ouvrage (Section "Dernières pensées : vous en êtes capable").

Points faibles :

Je n'en ai pas trouvé.

Ma note :

★★★★★

Avez-vous lu le livre de Tiago Forte « Construire un second cerveau » ? Combien le notez-vous ?

[ratings]

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Mon, 15 Jul 2024 17:00:00 +0200 http://www.olivier-roland.fr/items/view/12915/Construire-un-second-cerveau
Autobiographie d’un yogi http://www.olivier-roland.fr/items/view/12884/Autobiographie-dun-yogi

Résumé de « Autobiographie d'un yogi » de Paramahansa Yogananda : le témoignage unique et fabuleux du yogi qui a exporté le yoga de l'Inde vers les États-Unis au début du vingtième siècle.

Par Paramahansa Yogananda, 2022, 769 pages.

Titre original : Autobiography of a yogi, 2012.

Chronique et résumé de "Autobiographie d'un yogi" de Paramahansa Yogananda

1 - Mes parents et mes premières années

Né dans l'Uttar Pradesh (Inde) en 1893, Mukunda Lal Ghosh était le quatrième enfant d'une famille de huit personnes. Ses parents étaient des disciples du maître spirituel Lahiri Mahasaya, qui leur enseigna le Kriya Yoga.

À 8 ans, Mukunda est atteint du choléra asiatique. Il a alors une vision de saints dans des grottes de montagne. Il découvre également sa capacité à prédire certains événements.

Lorsqu'il est encore enfant, sa famille déménage à Lahore, au Pendjab. À cette époque, le jeune garçon vénère tout particulièrement la déesse Kali.

2 - La mort de ma mère et l'amulette mystique

À 11 ans, Ananta, le frère de Mukunda, se fiance. Malheureusement, sa mère meurt la même année, sans que celui-ci ait le temps de la revoir une dernière fois.

Ananta donne à Mukunda un message de leur mère, révélant qu'un moine lui a confié qu'il est destiné à devenir yogi. En héritage, elle lui transmet une amulette en argent, symbole de sa vocation nouvelle.

3 - Le saint aux deux corps

A 12 ans, Mukunda visite la ville de Banaras. À cette occasion, son père lui demande de donner une lettre à son ami Kedar Nath Babu. Grâce à l'intervention d'un tiers, le garçon parvient à localiser la personne et à le rencontrer pour lui remettre le document.

L'ami de son père, Kedar, arrive au rendez-vous après s'être baigné dans le Gange, puis disparait subitement dans la foule. Il semble à Mukunda que ce personnage saint parvient à se trouver simultanément à deux endroits !

4 - Ma fugue vers l'Himalaya est interrompue

Mukunda et ses amis prévoient de fuir Calcutta vers l'Himalaya. Ils se déguisent en Européens afin d'éviter que son grand frère, Ananta, ne les retrouvent.

C'est une véritable aventure mystique qui s'enclenche. L'un de ses amis disparaît à Burdwan, tandis que les autres continuent vers Hardwar. Ils sont interrogés par un responsable des chemins de fer, mais parviennent à s'échapper. À Hardwar, ils sont arrêtés par la police et c'est la fin de l'expérience.

Suite à cet épisode, Ananta emmène Mukunda à Banaras pour rencontrer un érudit hindou, dans l'espoir de le décourager de devenir sannyasi (initié, "prétendant" moine hindou). Cependant, leur mission échoue et ils retournent à Calcutta.

Le père de Mukunda fait alors en sorte que Swami Kebalananda, un moine disciple de Lahiri Mahasaya, lui enseigne le sanskrit. Cet apprentissage renforce encore davantage sa vocation.

5 - Le saint aux parfums et ses prodiges

Mukunda rencontre Gandha Baba, le « Saint des parfums », qui prétend notamment avoir le pouvoir de redonner aux fleurs fanées leur parfum. Mukunda remet en question ces prétentions en considérant qu'il est aisé de se procurer du parfum.

Pourtant, celui-ci est mis à l'épreuve et Mukunda est finalement convaincu par le pouvoir du moine (swami). Bien plus tard, il comprendra que les expériences sensorielles sont le résultat de variations vibratoires des électrons et des protons. Selon lui, Gandha Baba utilise des pratiques yogiques pour modifier la structure des représentations sensorielles et créer les effets souhaités.

6 - Le swami aux tigres

Mukunda rend visite à un autre swami, dit le Swami aux tigres. Ce saint lui raconte son histoire. Plus jeune, il était connu pour combattre les tigres à mains nues. Selon lui, ces animaux ne sont pas plus redoutables que les chats domestiques — il faut simplement de la force pour les maîtriser !

Après une blessure infligée lors d'une bataille mémorable avec un tigre, l'homme est blessé. Durant plusieurs mois, il lutte pour recouvrer la santé. Il décide alors, suivant les prédictions d'un prêtre, de se tourner vers la voie spiriturelle.

Celui-ci lui avait dit :

« Je t'apprendrai à maîtriser les bêtes de l'ignorance qui errent dans les jungles de l'esprit humain » (Autobiographie d'un yogi, Chapitre 6)

C'est comme ça que l'homme est devenu le "Swami aux tigres".

7 - Le saint aux lévitations

L'ami de Mukunda, Upendra Mohun Chowdhury, rapporte avoir vu un saint nommé Bhaduri Mahasaya léviter au-dessus du sol.

Ils finissent, là aussi, par se rencontrer. Bhaduri Mahasaya et Mukunda discutent de la pratique du yoga et le premier convainc le second qu'il devrait être pratiqué à la fois en Orient et en Occident.

Bhaduri Mahasaya devient un maître important pour Mukunda. C'est lui qui le convaincra de se rendre pour la première fois aux États-Unis pour y enseigner le yoga.

8 - Jagadis Chandra Bose, grand scientifique de l'Inde

Mukunda découvre les inventions du scientifique indien Jagadi Chandra Bose, notamment le crescographe, qui mesure la croissance des plantes. J. C. Bose admire la méthode scientifique occidentale et considère qu'il peut, grâce à elle, révéler la vie émotionnelle des plantes.

Pendant tout un temps, Mukunda fréquente l'Institut Bose de Calcutta. Il y apprend les lois physiques de la matière organique et inorganique. Les réalisations du laboratoire influencent, à cette époque, des domaines ausi variés que :

La physique ;

Mais aussi la physiologie ;

La médecine ;

Et même l'agriculture.

Mukunda observe les nombreux instruments inventés ou perfectionnés par J. C. Bose, comme le "cardiographe résonant", qui mesure les pulsations infinitésimales des structures végétales, animales et humaines.

9 - Le bienheureux fidèle et son amour cosmique

Alors jeune homme, Mukunda ressent un manque. Il pleure la perte de sa mère et se sent seul. Il demande de l'aide auprès d'un maître hindou qui le guide vers le Temple de Kali, célèbre déesse que Mukunda honorait déjà lorsqu'il était plus jeune.

C'est pour lui une nouvelle révélation. Toute cette période est marquée par une sensation de profonde plénitude et de dévotion à l'égard de Kali.

10 - Je rencontre mon maître, Sri Yukteswar

Mukunda ayant réussi ses examens de lycée, il rejoint un ermitage de Bénarès (aujourd’hui Vanarasi) avec son ami Jitentra. Au départ, il a du mal à s'adapter à la vie à l'ermitage ; d'autant plus qu'il découvre que son amulette a disparu (celle que lui avait confiée sa mère).

Il prie Kali pour l'aider et c'est à ce moment qu'il rencontre Sri Yukteswar Giri, son futur maître (guru ou gourou, en français). Il le suit jusqu'à Serampore, où ce dernier a sa résidence, et y passe plusieurs jours.

La fin du séjour se passe dans la discorde, car le gourou n'est pas content du refus de Mukunda de retourner auprès de sa famille. Il le met en garde : son enseignement futur n'est pas garanti. Mukunda devra à nouveau convaincre le maître de lui faire confiance.

11 - Deux garçons sans argent à Brindaban

Le frère de Mukunda, Ananta, envoie Mukunda et Jitendra à Brindaban pour le décourager de suivre sa vocation religieuse. Ils sont accompagnés de deux inconnus qui leur offrent de la nourriture, un abri et un repas luxueux.

Lors de leur périple, ils visitent aussi un temple et apprennent le Kriya Yoga auprès d'un jeune homme. Ananta lui-même est impressionné et demande à Mukunda de lui apprendre cette pratique.

Après le départ de son frère, Mukunda se rend à Serampore pour rencontrer son maître, qu'il avait connu quatre semaines plus tôt.

12 - Les années à l'ermitage de mon Maître

Sri Yukteswar demande à Mukunda de fréquenter l'université de Calcutta et est ensuite initié au Kriya Yoga. Il apprend de son maître ce qu'est la force vitale créatrice et comment elle peut le rendre plus sain et plus fort.

Il voit son gourou guérir des maux et apprend à discipliner son esprit. Le progrès spirituel de Mukunda dépend du traitement strict que lui réserve son maître.

Lors de la visite d'un érudit à l'ashram (ermitage), Sri Yukteswar se rebelle contre la lecture par cœur que celui-ci propose des Écritures saintes. Il lui demande comment il a véritablement appris de ces écritures à partir de sa propre expérience directe.

L'érudit, déstabilisé par ce questionnement, doit reconnaître qu'il n'a aucun sentiment profond et intérieur du divin. Plus tard, Sri Yukteswar soulignera encore que l’apprentissage des livres n’est pas nécessaire à la réalisation spirituelle. Le plus important, c'est la pratique.

13 - Le saint qui ne dort jamais

Après six mois passés à l'ashram de Sri Yukteswar, Mukunda rend visite à Ram Gopal Muzumdar, le "saint sans sommeil", dans l'Himalaya.

Après des débuts un peu houleux, Ram Gopal se montre plus amical et partage ses 25 années de pratique du yoga. Il prédit que Mukunda finira lui aussi par perdre le sommeil.

Cette visite fait beaucoup de bien à Mukunda, y compris sur un plan physique.

14 - L'expérience de la conscience cosmique

De retour à l'ashram, Sri Yukteswar lui indique que les montagnes himalayennes ne peuvent lui offrir ce qu'il cherche vraiment, à savoir la conscience cosmique.

Le secret est de vivre de manière équilibrée, en expérimentant l’infini sans affecter les tâches quotidiennes. En apprenant à calmer toujours davantage ses pensées, Mukunda pourra provoquer ce qu'il souhaite obtenir.

Celui-ci y parvient finalement. Il fait l'expérience de l'illumination divine, de la vision omnisciente et de la joie.

15 - Le vol du chou-fleur

Mukunda passe ses vacances d'été à Puri, à 310 milles au sud de Calcutta. À cette occasion, son gourou lui joue un tour pour le punir de son étourderie (il avait oublié de fermer la porte de l'ashram avant de partir). Il fait en sorte qu'un paysan vole un chou-fleur que Mukunda lui avait offert.

16 - Comment déjouer les astres

Mukunda est initié à l'influence des astres par Sri Yukteswar. Selon le gourou, il est possible de protéger de leur influence néfaste en portant certains objets sur soi. C'est ce que fait Mukunda et il en est satisfait.

Par ailleurs, Sri Yukteswar propose une interprétation intéressante de l'histoire d'Adam et Ève. Pour lui, l'arbre représente le corps humain et le serpent est son énergie sexuelle vitale.

17 - Sasi et les trois saphirs

L'un des amis d'université de Mukunda, Sasi, souffre de tuberculose. Son état s'améliore suite à sa visite à l'ashram et à l'intervention du gourou Sri Yukteswar.

Mukunda néglige ses études universitaires au profit de sa vie à l’ashram. Toutefois, il réussit ses examens et obtient un diplôme intermédiaire. Sri Yukteswar lui conseille de quitter Calcutta et de poursuivre le reste de ses études à Serampore.

18 - Le faiseur de miracles musulman

Sri Yukteswar raconte à Mukunda l'histoire étonnante d'un "faiseur de miracles" musulman qui prétendait pouvoir faire disparaître et faire apparaître n'importe quel objet.

Le gourou explique à son élève que cette magie était tournée vers l'égoïsme et qu'elle n'aide personne. Finalement, le faiseur de miracles se repentit et décida d'entrer dans une véritable réflexion sur le sens de la spiritualité.

19 - Mon Maître, en visite à Calcutta, m'apparaît à Serampore

Mukunda emmène l'un de ses amis d'université nommé Dijen à l'ashram, car celui-ci doute de l'existence de Dieu et des miracles. Toutefois, Sri Yukteswar a dû s'absenter à Calcutta.

Mukunda reçoit une carte postale de sa part indiquant qu'il arrivera en train à Serampore à 9h00 mercredi. Mais Mukunda a l'intuition que son maître n'aura pas pu prendre ce train et ne se rend donc pas à la gare.

Dijen va quant à lui à la rencontre du train, mais revient déçu. Plus ou moins au même moment, Sri Yukteswar "apparaît" à Mukunda pour lui annoncer son heure d'arrivée. Dijen n'en croit pas ses yeux lorsque la prédiction se réalise !

Il se rend alors compte que ses connaissances universitaires sont bien insuffisantes pour appréhender tout cet univers.

20 - Nous n'allons pas au Cachermire

Mukunda prévoit un voyage au Cachemire avec son maître et plusieurs amis. Cependant, Sri Yukteswar persuade Mukunda de rester avec lui un peu plus longtemps, pendant que ses amis prennent déjà le train pour Calcutta.

Après leur départ, Mukunda commence à éprouver les symptômes très douloureux du choléra asiatique. Sri Yukteswar avait pressenti le danger et cherche à protéger son élève. Finalement, celui-ci récupère plus vite que prévu et peut penser à partir.

21 - Nous allons au Cachemire

Une fois Mukunda rétabli, Sri Yukteswar accepte de se rendre au Cachemire. Le groupe de six personnes se rend d'abord à Rawalpindi puis à Srinagar, capitale du Cachemire. Ils visitent un ancien temple. Mukunda monte à cheval pour la première fois et aperçoit l'Himalaya.

Après trois semaines de voyage, Mukunda retourne au Bengale, tandis que Sri Yukteswar reste quelque temps à Srinagar. Celui-ci laisse entendre qu'il aura bientôt des problèmes de santé et qu'il pourrait même en mourir.

De fait, Sri Yukteswar tombe à son tour dangereusement malade, mais récupère cependant en quelques jours. Lorsque le maître revient à Serampore deux semaines plus tard, Mukunda constate qu'il a perdu beaucoup de poids.

22 - Le cœur d'une statue de pierre

Roma, la sœur de Mukunda, demande son aide. Son mari, Satish Chandra Bose, est trop matérialiste et elle souhaite qu'il se développe spirituellement. Mukunda fait en sorte qu'ils visitent tous les trois le temple de Kali, dans l'espoir qu'il ressentira la présence divine.

Au cours du voyage, Satish se montre cynique et sans respect vis-à-vis des saints et des prêtres. Le matin, Mukunda prie et demande à Kali de changer le cœur dur de son beau-frère.

Après la fermeture du temple, Satish se plaint de n'avoir pas déjeuné. Mukunda lui dit de ne pas s'en faire et que Dieu y pourvoira. Finalement, un déjeuner est servi par un prêtre du temple, alors que cela est normalement interdit après la fermeture. Voilà le signe attendu.

Sur le chemin du retour, Satish adoucit son attitude et décide de voir comment il pourrait poursuivre une vie plus spirituelle.

23 - J'obtiens mon diplôme universitaire

Mukunda passe beaucoup plus de temps à l'ashram qu'à l'université. Si bien que les étudiants du Serampore College l’appellent « Mad Monk » !

Il sait qu'il n'est pas prêt pour les examens finaux qui concluront ses quatre années d'études. Pourtant, son gourou insiste pour qu'il trouve une solution. Mukunda demande à son ami Romesh de l'aider.

Grâce à cela, Mukunda réussit tous ses examens et obtient son diplôme de l'Université de Calcutta en 1915.

24 - Je deviens moine de l'Ordre des Sawmis

Un mois plus tard, Sri Yukteswar initie Mukunda à l'Ordre Swami. Le maître l'invite à choisir un nouveau nom et Mukunda choisit Yogananda. Le nom signifie « félicité (ananda) par l'union divine (yoga) ».

Un swami appartient à un ancien ordre monastique qui a été réorganisé il y a plusieurs siècles par Shankaracharya. Les moines font vœu de pauvreté, de chasteté et d'obéissance et se consacrent au service de l'humanité.

Par ailleurs, Yogananda définit le yogi comme toute personne qui pratique une technique afin de se mettre au contact du divin. Selon lui :

« [Le yoga] est une méthode pour contenir les turbulences naturelles des pensées qui, autrement, empêchent les gens d’entrevoir leur véritable nature de l’esprit » (Autobiographie d'un yogi, Chapitre 24).

25 - Mon frère Ananta et ma sœur Nalini

Ananta tombe malade et meurt alors que Yogananda est en Chine.

Événement troublant : le jeune moine achète un cadeau pour Ananta, mais le laisse tomber. Le cadeau casse et Yogananda en déduit que cela présage une mauvaise nouvelle pour son frère. À son retour en Inde, son plus jeune frère Bishnu confirme qu'Ananta est morte le jour même où Yogananda a acheté le présent.

Sa sœur Nalini, quant à elle, s'est toujours plainte d'être trop maigre. Grâce à un régime végétarien suivi selon les conseils de Yogananda, elle parvient à reprendre du poids. Atteinte, plus tard, d'une fièvre thyroïde, elle parvient à s'en tirer, là aussi, en suivant les conseils de son frère.

26 - La science du Kriya Yoga

Cette technique contemplative de yoga a été popularisée en Occident par l'auteur. Son enseignement ne peut toutefois pas être divulgué dans un livre, car il s'agit avant tout d'une pratique qui doit être enseignée sous l'égide d'un professeur reconnu.

Yogananda affirme notamment dans ce chapitre que :

Il s'agit d'une technique de maîtrise de la respiration qui permet de recharger le sang en oxygène ;

Cette méthode — ou une autre très similaire — fut utilisée par des personnalités religieuses de tous horizons, y compris Jésus !

27 - Création d'une école de yoga à Ranchi

Yogananda fonde une école de garçons en 1917. Celle-ci dispense des cours classiques, notamment liés à l'agriculture, ainsi que des cours de préparation physique et mentale appelés "yogoda". L'école peut accueillir 100 élèves en résidence, et le succès est au rendez-vous.

28 - Kashi, réincarné et retrouvé

L'un de ses élèves du nom de Kashi lui demande, lors d'une randonnée en groupe, quel sera son destin. Yogananda lui annonce qu'il risque de mourir et lui conseille de rester à l'école. Mais ses parents l'emmènent à Calcutta et il périt effectivement du choléra.

Le jeune homme lui avait demandé de le retrouver s'il se réincarnait. C'est ce que fait son professeur : il retrouve un bébé dans une maison de Calcutta et un lien s'établit entre eux. Son nom est également Kashi. Il le suivra durant plusieurs années et le jeune garçon entrera dans une école grâce à son aide.

29 - Radindranath Tagore et moi comparons nos systèmes d'éducation

Radindranath Tagore est un écrivain indien qui reçoit le prix Nobel de littérature en 1913. Peu après, il invite Yogananda à venir visiter l'école qu'il a lui-même fondée.

Les systèmes éducatifs sont assez semblables. Mais, dans l'école de R. Tagore, l'enseignement de la littérature et de la poésie est davantage poussé, ainsi qu'en musique. À l'inverse, le yoga n'est pas enseigné.

Le prix Nobel insiste sur l'importance, pour les étudiants, de trouver la sagesse par eux-mêmes.

30 - La loi des miracles

Pour les hindous, la nature profonde du monde est l'unité. Même si nous divisons les choses en corps/esprit, notamment, et même si nous voyons de la multiplicité partout, le monde est "Un".

Selon Yogananda, la physique de son époque, et en particulier les travaux d'Albert Einstein, va dans le sens de cette croyance. La théorie de la relativité unifiée permet de penser l'univers de façon cohérente avec la philosophie hindouiste.

Pour l'auteur, c'est ce qui permet aux yogis véritablement expérimentés de réaliser des "miracles". C'est parce qu'il maîtrise sa propre structure et qu'il est relié au tout de l'univers que le maître de yoga peut réaliser des choses étonnantes.

31 - Un entretien avec la vénérable mère

L'auteur rend visite à Srimati Kashi Moni, la femme de l'un des plus grands yogis de tous les temps : Lahiri Mahasaya. Elle lui raconte sa vie avec son mari et gourou, ainsi que les miracles qu'il a, selon elle, accomplis.

Yogananda relate ces exploits. Il parle aussi d'un homme qui aurait vécu 300 ans et dont l'existence était remplie de choses extraordinaires.

32 - Rama ressuscité des morts

L'histoire suivante est encore plus troublante (et même si nous n'y croyons pas, il est important de l'écouter comme un témoignage de la culture de l'époque).

L'auteur rapporte que Lahiri Mahasaya, qui était le maître de son propre maître, Sri Yukteswar, parvint à soigner et "ressusciter" l'un des compagnons de ce dernier, que tout le monde — médecins y compris — pensait mort.

33 - Babaji, un yogi-Christ de l'Inde moderne

Il est intéressant de constater comment les yogis font référence à leurs maîtres : il y a une chaîne de transmission du yoga qui est racontée tout au long du livre.

Dans ce chapitre, l'auteur parle de Babaji, le maître de Lahiri Mahasaya. Il est dit que celui-ci aurait vécu plusieurs siècles, mais il existe peu d'informations sur sa vie (date de naissance, etc.). Yogananda reçoit des témoignages de plusieurs personnes et les rapporte dans Autobiographie d’un yogi.

Ici encore, l'auteur raconte les miracles et péripéties de ce personnage, parvenu, semble-t-il, à un degré éminent de sagesse et de maîtrise de son propre corps.

34 - La matérialisation d'un palais dans l'Himalaya

Son professeur de sanskrit lui raconte une autre histoire sur Babaji, qu'il a entendue de Lahiri Mahasaya. Selon cette légende, Lahiri Mahasaya rencontra Babaji dans l'Himalaya et celui-là l'emmena dans sa grotte. Mais en lieu et place de ce logement sommaire, Babaji donne l'illusion qu'il s'agit d'un véritable palais !

Pourquoi ? Car Lahiri Mahasaya avait exprimé le désir de visiter un tel édifice somptueux. En le manifestant sous ses yeux, Babaji permet en fait à son élève de se libérer de ce désir.

35 - La vie christique de Lahiri Mahasaya

L'auteur fait souvent référence à Jésus et il pense qu'il y a de nombreux points communs entre les deux religions (christianisme et hindouisme).

En l'occurrence, il fait ici remarquer le rôle joué par Lahiri Mahasaya face aux autorités de la religion hindoue traditionnelle. Comme Jésus qui s'opposa aux structures religieuses de son temps, le célèbre yogi chercha à se défaire des codes et à enseigner la pratique du yoga à un plus vaste public.

36 - Babaji montre son intérêt pour l'Occident

Le maître Babaji considérait déjà que l'Orient et l'Ouest devaient établir un chemin intermédiaire qui combine le développement matériel et scientifique à la spiritualité et à la sagesse hindoue.

Très longtemps avant que Yogananda ne devienne moine, il dit qu'il enverra à Sri Yukteswar un disciple qu'il pourrait former en vue de répandre le yoga en Occident.

Cette prédiction s'est réalisée sous les traits de l'auteur de ce livre, qui accomplit précisément ce projet !

37 - Je vais en Amérique

Yogananda se rend en Amérique, où il a été invité à servir en tant que délégué à un Congrès international des libéraux religieux à Boston. Anxieux au sujet du voyage, Yogananda prie pour obtenir des conseils divins — et Babaji apparaît à sa porte ! Il rassure Yogananda sur sa mission et lui donne des instructions pour la mener à bien, puis s'en va.

Le 6 octobre 1920, il s'adresse au congrès des États-Unis et c'est un succès. Pendant trois ans, Yogananda vit à Boston pour y donner des conférences et des cours.

En 1924, il accomplit un voyage dans tout le pays, donnant des conférences dans de nombreuses villes.

À la fin de 1925, il établit un premier quartier général à Los Angeles. Entre 1920 à 1930, les cours de yoga se développent à grande vitesse et accueillent des dizaines de milliers d'étudiants.

38 - Luther Burbank, un saint au milieu des roses

L'auteur se lie d'amitié avec un botaniste californien du nom de Luther Burbank, qui a conçu des variétés hybrides de plantes et a aussi écrit un livre sur l'éducation (The Training of the Human Plant).

Le botaniste se met à la pratique du Kriya Yoga avec passion. Luther Burbank publie aussi un article dans le premier numéro du magazine créé par Yogananda, nommé East-West.

39 - Thérèse Neumann, la catholique stigmatisée

En méditation, Yogananda entend la voix de son maître, Sri Yukteswar, lui demandant de rentrer chez lui. Après 15 ans en Amérique, Yogananda part en juin 1935.

Après une brève visite en Angleterre et en Écosse, il se rend en Allemagne pour rencontrer une mystique catholique, Thérèse Neumann de Konnersreuth. Il est très intéressé par le récit de son expérience et partage plusieurs jours avec elle, se faisant le témoin de son ascèse et de ses expériences de transe.

Finalement, il passe par la Palestine et l'Égypte avant de retourner en Inde.

40 - Mon retour en Inde

Yogananda arrive à Bombay (aujourd'hui Mumbai) en octobre 1935. Il se rend à Calcutta avec son secrétaire Richard Wright, et de grandes foules le saluent. À Serampore, il retrouve son père et Sri Yukteswar.

Ensuite, il retourne à Calcutta et travaille dur pour venir à bout des difficultés financières que connaît l'école de Ranchi qu'il avait fondée des années plus tôt. Bientôt, la situation s'améliore.

Les élèves y pratiquent quotidiennement leurs exercices spirituels et apprennent les valeurs morales liées à la pratique du yoga.

41 - Voyage idyllique dans l'Inde du sud

En novembre 1935, Yogananda se rend dans l'État de Mysore, dans le sud de l'Inde. Il y donne des conférences qui rassemblent parfois plusieurs milliers de personnes.

Il en profite également pour visiter certains sites archéologiques et en apprendre davantage sur l'histoire des villes qu'il visite. L'auteur s'intéresse également aux écrits de la Grèce antique qui ont mis en avant et valorisé la culture indienne.

Finalement, Yogananda et son secrétaire font un pèlerinage pour rencontrer le sage Sri Ramana Maharishi, dans son ashram près de Tiruvannamalai.

42 - Les derniers jours de mon guru

Lors d'une célébration d'hiver, le maître de Yogananda confie à son élève qu'il n'en a plus pour très longtemps. Celui-ci devra prendre la charge de l'ashram dans lequel il a reçu son éducation.

Lors d'un périple en janvier, l'auteur a l'opportunité de voir le Taj Mahal. Il visite également un autre yogi qui lui remet un message de Babaji.

Peu après, alors qu'il est de retour à Calcutta, il apprend que son gourou est dans une autre ville, à plus de 3 000 miles de là. Il s'y rend, mais celui-ci meurt avant qu'il n'arrive. Yogananda présidera la cérémonie funéraire.

43 - La résurrection de Sri Yukteswar

Plusieurs mois plus tard, en juin 1936, Yogananda est dans une chambre d'hôtel à Bombay lorsqu'il a une vision de Sri Yukteswar.

Sri Yukteswar explique à son ancien élève ce qu'est le "monde astral", sorte de paradis pour les yogi ayant achevé le cycle de leurs réincarnations. L'auteur en profite pour expliquer la théorie de l'âme typique de la religion hindoue.

44 - En visite chez le Mahatma Gandhi

Yogananda rend visite au Mahatma Gandhi à son ashram en août 1935. C'est le jour de silence de Gandhi, et il les accueille avec une note écrite. À 8 heures, il sort du silence. Il interroge Yogananda sur l'Amérique et l'Europe, et ils discutent de l'Inde et des affaires mondiales.

L'après-midi suivant, Yogananda visite l'ashram de Gandhi pour les petites filles. Lorsqu'il retourne à l'ashram de Gandhi, il observe à quel point la vie de l'homme est simple, dépourvue de pièges matériels.

Yogananda demande à Gandhi sa définition de la non-violence, et le Mahatma répond :

« Éviter de nuire à toute créature vivante dans la pensée ou l'acte. » (Autobiographie d'un yogi, Chapitre 44)

Réfléchissant plus tard à l'action de Gandhi, Yogananda écrit que sa méthode de non-violence s'est avérée extrêmement efficace. Il observe que la force ne résout pas les problèmes humains et en appelle tà préférer la vie plutôt que sur la mort et la destruction.

45 - Ma Ananda Moyi, la "Mère rayonnante de joie"

Le moine rend également visite à une sainte, Ananda Moyi Ma, à Calcutta. Elle est sur le point de partir avec ses disciples, mais retarde son départ pour Yogananda.

Cette sainte hindoue voyage beaucoup en Inde et est responsable de beaucoup de réformes sociales. Yogananda l'invite à l'école Ranchi dont il est le responsable pour qu'ils échangent sur ces sujets.

Lorsqu'elle lui rend visite, elle confie à Yogananda qu'elle ne s'est jamais identifiée à son corps physique, même dans son enfance. Elle s'est toujours sentie "enveloppée dans l'éternel". Yogananda admire son dévouement.

46 - La femme-yogi qui ne mange jamais

En mai 1936, Yogananda, accompagné de son secrétaire et de quelques amis, rend visite à Giri Bala, une sainte qui pratique une technique de yoga très spéciale, qui lui permet de ne (presque) pas manger.

Giri Bala les accueille à la porte de sa maison. Yogananda est frappé par son apparence spirituelle. Elle raconte son histoire étonnante à ses invités.

47 - De retour en Occident

À la fin de 1936, Yogananda se rend à nouveau en Angleterre, puis retourne en Amérique. Il célèbre Noël au centre de la Self-Realization Fellowship, l'institution qu'il a créée pour promouvoir le yoga en Occident.

À cette occasion, Yogananda offre de nombreux cadeaux à ses amis et à ses disciples, y compris une tasse en argent à un disciple de longue date, M. Dickinson.

Celui-ci se montre étonné et avoue qu'il a attendu 43 ans pour ce cadeau. En 1893, il avait rencontré un moine qui lui avait dit que son professeur viendrait à lui en lui donnant une coupe d'argent !

48 - À Encinitas, en Californie

Pendant que Yogananda était à l'étranger, ses disciples ont construit un ashram pour lui à Encinitas, en Californie. C'est un immense domaine financé par l'un des disciples de Yogananda, James J. Lynn, homme d'affaires américain.

Quelques mois plus tard, Yogananda organise un service de Pâques au lever du soleil sur la pelouse de l'ashram. Toute cette année en Californie est décrite comme heureuse. En 1937, il fonde une succursale du Self-Realization Center à Encinitas.

49 - Les années 1940 - 1950

Plusieurs réalisations de la Self-Realization Fellowship voient le jour dans les années qui suivent :

En 1942 à Hollywood ;

À San Diego en 1943 ;

Ainsi qu'à Long Beach en 1947 :

Et à Los Angeles en 1949.

Yogananda est à l'ogirine de tous ces centres. Pour lui, c'est un devoir que Babaji et Sri Yukteswar lui avaient confié.

Au cours de ces années, l'auteur passe du temps à interpréter le Nouveau Testament et à traduire la Bhagavad Gita.

Il considère toujours que le Kriya Yoga est une pratique éminemment puissante qui permet de conduire une personne à la vérité spirituelle, "simplement" à partir d'une une compréhension juste de la respiration.

Il termine l'ouvrage en soulignant que les humains ne comprendront peut-être jamais tous les secrets de l'univers et de la vie. Mais peu importe : leur tâche est de rechercher la sagesse et d'apprendre à comprendre leur vraie nature.

Conclusion sur « Autobiographie d’un yogi » de Paramahansa Yogananda :

Ce qu'il faut retenir de "Autobiographie d'un yogi" de Paramahansa Yogananda :

Que vous croyiez ou non aux affirmations de Paramahansa Yogananda, et de façon plus générale à l'existence des miracles dans la tradition hindou, vous apprécierez ce livre pour une raison essentielle : c'est l'histoire d'un homme qui exporta le yoga des terres lointaines de l'Inde vers le monde occidental.

Ce livre est un témoignage précieux sur les modes de pensées et les pratiques du tout début du XXe siècle en Inde. Il est fascinant de voir comment le yoga s'est transformé au cours de toutes ces années. Aujourd'hui vécu surtout comme une pratique sportive et une hygiène de vie, il était alors complètement lié à la spiritualité.

Cette Autobiographie d’un yogi est sans doute un peu longue (près de 1 000 pages !) ; c'est le seul reproche qui peut lui être fait. Mais si vous voulez vous immerger complètement dans cette culture pour plusieurs jours (ou même semaines), alors c'est exactement le livre qu'il vous faut !

Vous voulez vous initier à la méditation, consultez cette chronique sur la méditation de pleine conscience.

Points forts :

Une plongée fascinante dans l'Inde du début du XXe siècle et des croyances hindoues.

De nombreuses anecdotes personnelles de l'auteur ;

Une histoire du yoga et de son arrivée en Occident ;

Un outil de réflexion pour penser le développement personnel.

Point faible :

Sa longueur, mais c'est assez subjectif.

Ma note :

★★★★★

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Thu, 13 Jun 2024 17:00:00 +0200 http://www.olivier-roland.fr/items/view/12884/Autobiographie-dun-yogi
4 000 semaines : la gestion du temps pour les mortels http://www.olivier-roland.fr/items/view/12866/4-000-semaines-la-gestion-du-temps-pour-les-mortels

Résumé de « 4 000 semaines : la gestion du temps pour les mortels » de Oliver Burkeman : un livre qui questionne les ouvrages de développement personnel et pose la question de la gestion du temps de façon plus philosophique et personnelle — à lire pour tous ceux qui veulent en finir avec les excès de la productivité et de la flexibilité !

Par Oliver Burkeman, 2021.

Titre original : « Four Thousand Weeks: Time Management for Mortals », 2021.

Chronique et résumé de « 4 000 semaines : la gestion du temps pour les mortels » de Oliver Burkeman

Introduction : sur la longue durée, nous sommes tous morts

Le croyez-vous ? Un être humain vit environ 4 000 semaines. Eh oui, si nous avons la chance de vivre jusqu’à 80 ans, c’est bien le nombre juste.

Cela vous semble peu ? À Oliver Burkeman aussi. Pour lui, cette durée est « effroyablement et outrageusement courte ».

Ce thème de la brièveté de la vie est un classique de la philosophie, de la spiritualité et de l’art. Depuis l’Antiquité, de nombreux intellectuels et artistes se sont intéressés à ce paradoxe : nous avons tant à faire, et pourtant si peu de temps pour réaliser tout ce que nous souhaiterions.

Le développement personnel, si en vogue aujourd'hui, peut-il contribuer à nous aider ? Après tout, un grand nombre d'entre eux abordent précisément cette question de la gestion du temps, et au-delà de la productivité.

Oliver Burkeman cite d'ailleurs un livre célèbre de développement personnel sur la gestion du temps : Getting things done (S'organiser pour réussir) de David Allen. Pourtant, l'auteur de 4 000 semaines entreprend aussi de le critiquer.

En effet, Oliver Burkeman considère que ce type d'ouvrages de self-help (nom du développement personnel en anglais) se trompent globalement. Pour lui, le livre de David Allen, comme d'autres, se concentre généralement sur les aspects les plus superficiels du problème, tels que :

Les routines matinales ;

La préparation de repas (batchcooking) ;

Le rangement ;

La création ou la tenue d'un agenda ;

Etc.

En résumé, selon eux, l'enjeu est l'organisation parfaite. Mais pour Olivier Burkerman, il faut aller plus loin. Notamment en s'intéressant de plus près à la philosophie et aux disciplines qui ont traditionnellement proposé des solutions à ce problème.

En fait, il faut placer la brièveté de l'existence humaine au cœur du sujet. Or, cela implique de questionner aussi le véritable sens de la vie. Comment agir, quelles actions privilégier, face à ce manque cruel de temps qui est notre lot commun ?

Voici la question que veut poser l’auteur et qui va, selon lui, au-delà du développement personnel classique.

La vie du côté passager

Profitons-nous vraiment du « temps libre » dégagé par la pléthore d’outils et d’applications qui nous promettent de nous faire gagner du temps ?

Et le gagnons-nous vraiment ? Certes, nous n'avons plus à laver la vaisselle (seulement à la ranger) et nous pouvons faire nos comptes beaucoup plus rapidement (à l'aide de programmes de gestion comptable, par exemple). Mais quelle est véritablement la qualité de ce temps "gagné" sur ces activités habituellement considérées comme inutiles et chronophages ?

En fait, nous ne profitons peut-être pas autant de cette liberté que nous le croyons. Peut-être même que nous ne nous sentons pas "plus libres" que les personnes qui vivaient au Moyen-Âge ou dans l'Antiquité… Selon l'auteur, cela est dû au fait que la vie s'est considérablement accélérée.

En fait, nous sommes confrontés à l'obligation sociale d'intégrer des quantités croissantes de tâches à réaliser dans un délai limité — le même que celui de tout individu depuis des générations. C'est même pire : plus nous en faisons, et plus nous avons le sentiment que nous devons en faire plus. Telle est notre "condition moderne".

Être occupé (rappelons que business signifie littéralement être occupé, to be busy, en anglais) est devenu une valeur en soi ; quelque chose de positivement valorisé. Plus la société moderne augmente la richesse des populations, et plus des activités nouvelles voient le jour. Pris dans ce paysage, chacun de nous a beaucoup de mal à ralentir.

Nous vivons comme des passagers de nous-mêmes, conduits par des forces qui, elles, vont à tout allure. Mais où allons-nous, précisément ?

S'organiser pour réussir les mauvaises choses

Souvent, nos tentatives pour nous organiser échouent, car elles nous font faire de plus en plus de traces que nous ne voulons pas vraiment ou qui nous fatiguent encore plus. Nous pensons que le temps gagné doit avant tout être utilisé de façon productive au sens "rentable" du terme.

En réalité, nous téléchargeons des applications qui nous offrent quelques menus services, puis nous nous rendons compte que nous en faisons un usage qui nous "enferme" encore plus dans la répétition de cette logique. Nous passons ainsi nos journées, mais faisons-nous vraiment ce qui importe à nos yeux ?

Par exemple :

Passer du temps avec nos proches ;

Nous consacrer à une cause sociale ;

Développer un art ou une discipline qui nous tient vraiment à cœur ;

Etc.

Si nous voulons vraiment parvenir à agir en ce sens, alors il ne faut plus tourner autour du pot. Il faut accepter que la question de la gestion du temps s'étende bien au-delà de celle de la productivité.

Il faut prendre pleinement conscience que nous avons peu de temps et tourner cette connaissance difficile à notre avantage. Comment ? La suite de l'ouvrage nous le dira.

Citons donc ici la dernière phrase de l'introduction :

"Commençons par admettre la défaite : [L'organisation parfaite] n'arrivera jamais. Mais vous savez quoi ? C'est une excellente nouvelle." (4 000 semaines, Introduction)

Partie 1 — Choisir de choisir

Chapitre 1 — Une vie qui embrasse ses propres limites

Durant de longues périodes de l’histoire, la sensation du temps était liée aux récoltes et aux tâches agricoles. Une fois la tâche terminée, la saison arrivée à son terme, venait le temps du repos. Les éléments naturels, dont le lever et le coucher du soleil, rythmaient la vie des gens.

Autrement dit, le temps était perçu à partir des tâches à accomplir et de l'environnement. Aujourd'hui, c'est l'horloge, au temps homogène, qui dirige les activités. Nous ne nous préoccupons plus des saisons ni de la durée interne d'un travail ; nous rapportons tout aux secondes, aux minutes et aux heures.

Auparavant, temps et vie allaient de pair. Une activité donnée, par exemple traire des vaches ou récolter des cultures, s'exerçait au "bon moment", c'est-à-dire quand il le fallait pour survivre. Cette façon de penser le temps et la vie permet de vivre dans l'instant présent.

Cela est plus difficile aujourd'hui, car nous pensons avoir un temps sans limites. Le temps des horloges passe que nous soyons là ou non. Nous avons le sentiment de courir après lui et nous avons souvent la sensation d'être "submergé" par lui.

Le temps avant les calendriers

Bien sûr, l'expérience médiévale et agricole du temps a ses limites. Dans les villes, notamment, nous devons pouvoir nous coordonner les uns aux autres. Nous devons nous accorder sur une mesure commune pour agir de concert.

Ce sont d'ailleurs les moines du Moyen-Âge qui ont inventé les premières horloges mécaniques pour organiser le culte dans leurs monastères. Ce faisant, ils ont aussi créé une notion de temps selon laquelle il est "une chose abstraite avec une existence indépendante, distincte des activités spécifiques" que nous exerçons.

La fin de l'éternité

Dans 4 000 semaines, Oliver Burkeman continue cette fresque historique en montrant que la vision du temps se modifie encore davantage à partir de la Révolution industrielle. Peu à peu, le temps est découpé de façon encore plus générale et uniformisée.

La semaine de six jours (plus une de repos) et la notion d'heures de travail fixes commencent à dominer l'expérience des gens. À partir des Temps modernes, le temps devient une ressource comme une autre, qu'il faut "employer" à bon escient et éviter de gaspiller.

Pour l'auteur, c'est là le début de l'anxiété que nous vivons encore aujourd'hui. Chaque moment devient une opportunité, et il nous appartient à nous seuls de savoir la saisir. C'est une responsabilité immense qui entraîne aussi beaucoup d'angoisse.

Nous ne pouvons nous empêcher de nous projeter et d'organiser notre temps de la façon la plus efficace possible. Nous voulons profiter de chaque "parcelle" de temps dont nous disposons. Malheureusement, cette approche nous enferme dans le futur et nous empêche de simplement profiter de l'instant présent.

Confessions d'un geek de la productivité

Ne vous trompez pas ! Oliver Burkeman ne pense pas être au-dessus des autres sur ces sujets. Dans cette section, il avoue avoir lui-même passé des années à essayer de maîtriser son temps. Il a même tenu une chronique de journal dans laquelle il s’est évertué à « tester » chaque nouvelle mode en matière de gestion du temps.

Mais il a remarqué quelque chose : il devenait de plus en plus stressé ! Il voulait accomplir toujours plus. Et c'est là que lui est venue sa "révélation" : un jour, il s'est rendu compte que cela lui serait impossible. Il a donc décidé de changer son fusil d'épaule et de trouver une autre voie, plus sereine.

Être sans cesse occupé ne nous aide pas à avoir une vie bonne et heureuse. Nous évitons constamment la question de nos limites. Nous croyons, au contraire, que "tout est possible". Mais c'est faux. Nous devons apprendre à nous défaire de ce désir de contrôle permanent.

Pour le dire autrement : nous nous noyons dans le travail pour échapper aux questions existentielles qui nous travaillent presque malgré nous. Pourtant, nier la réalité ne fonctionne pas, ou du moins pas très longtemps.

Un souffle glacé de réalité

Oliver Burkeman en tire une maxime ou plutôt ce qu'il appelle le « paradoxe de la limitation » qui dit que :

Plus nous essayons de tout adapter à l'objectif de la maîtrise du temps ;

Plus nos vies deviennent insatisfaites.

Être capable de prendre du recul et d'accepter ce paradoxe nous aide à changer de voie. Non, nous n'aurons jamais le temps de faire tout ce que nous voulons ! Oui, nous devons faire des choix difficiles au sujet du temps que nous allons allouer pour chaque chose !

Et ce sentiment de réalité n'est pas négatif. En fait, choisir une voie en conscience, en sachant que nous allons perdre d'autres choses, nous permet de valoriser le chemin que nous avons choisi à sa pleine valeur.

Cette façon de penser les choses nous oblige à penser à ce que nous voulons vraiment et ce qui est le plus précieux à nos yeux.

Chapitre 2 — Le piège de l'efficacité

Être constamment occupé : voilà bien une affliction moderne qui affecte tout le monde, et cela dans toutes les classes socio-économiques ! Du ministre au coursier Uber, tout le monde se sent désespérément "tenu" par le temps.

Chacun d'entre nous refuse pourtant d'admettre la vérité énoncée plu haut. À la place, nous cherchons à optimiser notre temps en dégageant du temps pour faire tout ce que nous souhaitons faire. Nous dégageons du temps pour apprendre l'espagnol dans notre salle de bain ou écouter des podcasts dans notre voiture, etc.

Nous voulons tout faire !

Et nous pensons qu'il suffit de trouver plus de temps pour accomplir toutes ces choses auxquelles nous aspirons. C'est là le piège de l'efficacité qui nous empêche, encore une fois, de nous mettre face à notre humaine — et mortelle — condition.

La boîte mail de Sisyphe

L'un des premiers livres de gestion du temps a été Comment vivre 24 heures par jour (How to Live on 24 Hours a Day) de l'écrivain anglais Arnold Bennet (1908). Comme certains spécialistes du développement personnel aujourd'hui, Arnold Bennet incitait ses lecteurs à tirer le meilleur parti de leur quota quotidien de 24 heures en arrêtant de procrastiner ou de se plaindre.

Suffit-il de trouver des stratégies pour faire tout ce que nous voulons ? Nous l'avons compris, pour Oliver Burkeman, la réponse est non. Non seulement car cela nous donne la sensation d'avoir toujours plus à faire, mais aussi parce qu'il y a plein de choses qu'au fond, nous ne voulons pas vraiment, nous ne ferons pas et n'avons pas à faire.

Plutôt que de tourner en rond de façon absurde en cherchant sans cesse la meilleure manière d'optimiser la gestion de notre boîte mail (exemple donné par l'auteur), préférons une bonne réflexion sur ce que nous voulons vraiment.

La to-do list sans fond

La seule façon d'être libre n'est pas de trouver de bonnes stratégies, mais d'accepter que nous devions faire des choix difficiles sur la façon de passer notre temps. Bien sûr, ce sens du sacrifice ne cadre pas vraiment avec le mantra moderne de l'acquisition et de la consommation effrénée.

Les technologies modernes telles qu'Internet nous promettent de prendre le contrôle sur nos tâches, mais elles augmentent aussi le nombre de tâches que nous devons accomplir. Pourquoi ? Parce qu'elles nous donnent l'impression que nous pouvons toujours "ajouter" une tâche supplémentaire dans un créneau de temps libre.

Cela crée une to-do list sans fond.

Il est intéressant de comparer, à ce titre, l'expérience moderne à l'expérience dite "prémoderne" du Moyen-Âge ou de l'Antiquité. Les philosophes stoïciens, par exemple, imaginaient le temps comme un éternel retour. Dans ce cadre, pas besoin de courir ; il importe bien davantage de savoir quelle est notre place dans ce monde.

Pourquoi vous devriez arrêter de parer au plus pressé

Une autre idée courante parmi les auteurs de développement personnel est que nous devrions parer aux tâches les plus urgentes en premier lieu, puis nous occuper de ce qui compte le plus pour nous.

C'est une erreur ! De cette façon, vous êtes sûr de ne jamais parvenir à réaliser les activités qui sont vraiment significatives pour vous. Vous êtes sans cesse pris dans cette liste interminable ou ce travail de Sisyphe absurde.

Quelle est réellement la tâche que vous devriez effectuer en premier lieu ? Traiter ce mail ou aller voir votre frère malade (pour ne donner qu'un exemple) ? Oliver Burkeman adopte une approche originale et nous incite à réorganiser nos activités à partir de ce qui a le plus de valeur à nos yeux.

Les écueils du confort

Nous pensons "économiser" du temps et gagner en confort. De nombreuses applications vendent d'ailleurs leurs services de cette façon : plus vous utilisez notre (magnifique) produit, plus vous gagnerez du temps pour ce qui a du sens et de l'intérêt. Mais est-ce le cas ?

D'une part, il importe de se rendre compte que ces façons de nous faire gagner du temps posent problème au niveau social. Par exemple, utiliser les services d'Uber implique de souscrire à son modèle de rémunération précaire.

Autre cas : envoyer une carte d'anniversaire électronique peut sembler anodin. Pourtant, vous évitez de ce fait de soutenir les libraires locaux et de prendre du temps pour écrire quelques mots vous-même. Quel est le geste qui est le plus dénué de sens, ici ?

Voulons-nous vraiment que tout soit "facile" ? Voulons-nous réellement vivre des vies entièrement "confortables" ? Quel est le prix du confort ? Ce sont ces questions que nous devrions nous poser.

La culture du confort peut nous conduire là où nous ne voudrions pas forcément être. Pensez à Netflix. Il est facile de rester dans son canapé. Mais ne préférons-nous pas aller au cinéma entre amis ?

La réponse n'est pas nécessairement facile à donner à chaque fois, mais nous devrions à minima penser à nous poser la question le plus souvent possible.

Chapitre 3 — Faire face à la finitude

Dans 4 000 semaines, l'auteur cherche des ressources dans la philosophie contemporaine. Il introduit rapidement à la pensée du philosophe allemand Martin Heidegger. Dans son livre majeur, Être et Temps (1927), celui-ci affirme que le temps doit devenir la dimension essentielle de la vie humaine.

Jetés dans le temps

Martin Heidegger considère que nous « sommes un temps limité ». En d'autres termes, nous ne possédons pas le temps comme une ressource, mais nous sommes des êtres temporels. Cet état nous définit comme êtres vivants et humains.

Cette perspective heideggerienne sur le temps a l’avantage de nous faire prendre conscience de nos limites. C'est parce que nous avons un terme, une limite donnée — bref que nous sommes des êtres temporellement limités — que nous devons réfléchir à la question du sens de notre existence.

La plupart du temps, nous optons pour une myriade de distractions, mais est-ce là un choix "authentique" ? Telle est l'un des problèmes que pose Martin Heidegger.

Devenir concret

Oliver Burkeman poursuit son argumentation à partir du livre This Life (2019), du philosophe suédois Martin Hägglund. Celui-ci soutient que la finitude de la vie est ce qui lui donne son sens.

En fait, si nous pensions que rien ne finirait jamais, alors rien ne pourrait vraiment avoir d'importance.

Les personnes qui croient en la vie éternelle et ceux qui pensent qu'ils peuvent organiser leur vie parfaitement sont "dans le déni". Rien n'est véritablement en jeu pour eux.

Pour devenir concrets, nous avons besoin d'accepter la certitude de notre mort. C'est ce que disent aussi les stoïciens et certains psychologues comme le psychologue espagnol Rafael Santandreu, d'ailleurs.

Nous n'avons que du temps prêté

À ce sujet, le cas des expériences de mort imminente est particulièrement troublant. Oliver Burkeman soutient que les personnes ayant vécu ce type d'événement développent une relation plus authentique et plus précieuse avec le temps. En prenant conscience de leur fragilité, ils apprécient chaque moment et apprennent à donner la priorité aux choses qui comptent le plus.

Toutes ces réflexions nous mènent vers une conclusion : la vie et le temps ne nous appartiennent pas. Nous sommes en vie pour un temps donné ou, plus exactement, « prêté » — puisque celui-ci nous sera enlevé à un certain moment.

Cela doit-il nous rendre insatisfaits ? Non, car nous pourrions tout aussi bien, à la place, ressentir de la gratitude pour le fait que nous ayons reçu ce temps à vivre. En un sens, l'existence a quelque chose de miraculeux. Nous pouvons donc affirmer notre vie avec joie même si celle-ci est fragile et limitée.

Chapitre 4 — Devenir un meilleur procrastinateur

Pour résumer, Oliver Burkeman soutient que la gestion de notre temps ne concerne pas seulement ce que nous devons faire, mais aussi — et surtout — ce que nous devons laisser de côté.

Oliver Burkeman attire l'attention sur le livre de Stephen Covey de 1994, Priorité aux priorités (First Things First). Celui-ci enseigne qu'il faut faire les tâches les plus importantes en premier, puis les plus triviales.

Mais comment faire quand, comme aujourd'hui, nous sommes faces à une foule d'actions importantes à mener en parallèle ? C'est impossible.

En fait, dit Oliver Burkeman, la solution de Stephen Covey ne fonctionne pas. Le vrai problème de la gestion du temps est de se rendre capable de décider entre ce qui sera fait et ce qui ne le sera pas.

L'art de la négligence créative

Oliver Burkeman commence par citer quelques stratégies de remplacement.

Jessica Abel, par exemple, conseille simplement de prendre le temps, au début de la journée, pour accomplir le projet qui vous tient le plus à cœur, même si cela signifie négliger d'autres tâches importantes.

Il fait également valoir que nous devrions limiter la prise en charge de plusieurs projets. Souvent, nous nous investissons dans trop de projets et nous n'en finissons aucun (ou aucun de manière véritablement satisfaisante).

Au lieu de cela, nous devrions nous tenir à la leçon suivante : terminer le projet en cours avant d'en entamer un autre. C'est aussi l'occasion de réapprendre une chose : notre capacité de travail est limitée.

Perfection et paralysie

Les bons procrastinateurs acceptent qu'ils n'accomplissent jamais tout. Ils savent qu'ils doivent faire des choix. Les mauvais procrastinateurs, quant à eux, ils sont paralysés par l'idée d'abandonner quoi que ce soit, parce que cela signifierait faire face à leurs limites.

Ce type de procrastination apparaît dans toutes les sphères de la vie quotidienne :

Professionnelle ;

Amoureuse ;

Sociale ;

Etc.

Henri Bergson, le célèbre philosophe français du début du XXe siècle, donne une réponse à la question du procrastinateur : pourquoi reportons-nous les choses à demain ? Selon lui, c'est parce que nous aimons plus que tout imaginer un avenir luxuriant où tous nos rêves restent possibles.

Pour sortir de ce perfectionnisme et de cette paralysie, il importe d'oser agir et de faire des choix, en ayant conscience que ceux-ci impliquent des sacrifices.

L'inévitable enracinement

Prenons un exemple en matière d'amour. Vous pouvez chercher infiniment à trouver le partenaire parfait. Vous sauterez de relation en relation sans vous attacher jamais. Pour vous, c'est comme si la vie n'avait pas de fin et que vous aviez l’éternité pour trouver chaussure à votre pied.

Mais est-ce bien la solution ? N'est-ce pas là être obsédé par des chimères ?

Dans le domaine des relations de couple, il importe aussi d'accepter les défauts de son partenaire et de reconnaître nos limites réciproques. Celui qui a peur de l'engagement préfère rester dans l'idéalisation.

Nous pouvons passer des années à hésiter sur le chemin à prendre. Pourtant, une fois la décision prise, la plupart d'entre nous éprouvent un soulagement et découvrent qu'ils aiment finalement s'engager et s'enraciner quelque part.

Selon Oliver Burkeman, c'est parce que :

"Lorsque vous ne pouvez plus revenir en arrière, l'anxiété disparaît parce que, désormais, il n'y a qu'une seule direction à prendre : aller de l'avant en faisant face aux conséquences de votre choix." (4 000 semaines, Chapitre 4)

Chapitre 5 — Le problème de la pastèque

Un autre problème très actuel lié à la gestion du temps est celui de la distraction. L'auteur prend l'exemple d'une vidéo absurde sur BuzzFeed où une pastèque explose : 3 millions de vues !

Comment expliquer qu'autant de personnes perdent leur temps à regarder de tels contenus ridicules ?

Prenons d'abord le temps d'une définition. La distraction peut être définie comme le fait de consacrer notre temps et notre attention limités à des activités dans lesquelles nous n'avons jamais eu l'intention de nous engager — par opposition à nos passions.

L'avènement d'Internet et des médias sociaux a placé la distraction au premier plan. Et, en fait, c'est bien là un enjeu de taille. La personne qui regarde une pastèque exploser choisit-elle vraiment de regarder cela plutôt qu'un documentaire ou faire quelque chose de plus intéressant ?

La réponse est en grande partie non. Nous sommes aujourd'hui happés par des mécanismes savamment construits pour détourner notre attention.

Auparavant, nous pensions globalement que la personne distraite pouvait choisir sa distraction. Par exemple, je peux choisir de prendre un bain de soleil au lieu de me plonger dans mon travail.

Mais avec les réseaux sociaux, l'attention devient une ressource dont les entreprises cherchent à tirer profit. Plus nous nous distrayons, et plus elles gagnent de l'argent en glissant, par-ci par-là, des publicités sous nos yeux.

Une machine peut faire mauvais usage de votre vie

Comment ? En personnalisant sans cesse le contenu et en nous maintenant en état d'alerte grâce aux notifications.

En surface, nous pouvons croire que la solution consiste à se doter d'outils ou de techniques permettant de minimiser la distraction en ligne. Par exemple :

Mise en pause des notifications :

Applications de blocage des publicités (ad blockers) ;

Ou même la méditation.

Cependant, ces solutions ne vont pas à la racine du problème. En réalité, la maîtrise complète de l'attention d'une personne est impossible.

Pourquoi ? Car nous sommes programmés par l'évolution biologique pour répondre aux signaux d'alerte. Et c'est très bien ainsi ! Nous ne pouvons négliger que le bus est sur le point d'arriver ou qu'un enfant crie au secours.

Par ailleurs, la distraction offre de beaux moments. Nous sommes parfois surpris par un beau coucher de soleil ou par le regard mystérieux et sympathique d'un ou d'une inconnue. En soi, toute distraction n'est donc pas à empêcher.

Toutefois, il est important de noter les conséquences de la distraction en ligne. Celles-ci ne se limitent pas à une heure perdue de temps en temps. En fait, les capacités de prédiction des algorithmes entraînent des effets plus graves et plus directement politiques.

Par exemple, la tendance à suivre des contenus de plus en plus filtrés et choquants sur certains thèmes nous conduit à adopter des positions extrêmes. Nous devenons de plus en plus irritables et pouvons nous fâcher avec notre famille, nos amis, voire — plus inquiétant — prendre en grippe la société tout entière.

Si ce thème vous intéresse, vous pourriez aussi aimer la chronique du livre de Sébastien Bohler, Le bug humain ou celui de Pascal Bronner, Apocalypse cognitive.

Chapitre 6 — L'interrupteur intime

Dans 4 000 semaines, Oliver Burkeman insiste sur le courage de faire face au présent. L'auteur soutient que la distraction est un moyen de fuir cet inconfort ressenti avec le moment présent tel qu'il est.

Si les réseaux sociaux cherchent à nous manipuler et à gagner notre attention, nous collaborons avec eux souvent de bonne grâce. Oui, une partie interne de nous-mêmes nous éloigne des tâches que nous voulons accomplir. Pourquoi ? Car nous aimons la facilité !

Et c'est un paradoxe important :

Lorsque nous sommes engagés dans une tâche significative qui ajoute une réelle valeur à nos vies ;

Nous éprouvons en même temps un sentiment d'ennui parfois si désagréables que nous ferions presque tout pour que celui-ci disparaisse.

Or cet ennui est capital, car il signale nos limites. Si nous nous ennuyons, c'est peut-être parce que nous sommes face à de l'incertitude et à notre propre fragilité : allons-nous réussir ? Comment allons-nous surmonter cette difficulté, cet obstacle qui se dresse devant notre désir ?

L'inconfort de ce qui compte

En "succombant" à la distraction, nous évacuons d'un trait ces peurs et ces angoisses que révèle l'ennui. En vaquant à des occupations sans importance, nous nous redonnons l'illusion de l'infini et de la compétence. Nous retournons dans notre zone de confort.

La solution n'est pas aisée. Elle passe par une reconnaissance de l'inconfort lié à l'ennui. Pour Olivier Burkeman, nous devons :

Faire face et tourner notre attention consciemment vers ce qui nous pose problème dans le moment présent, afin de chercher à résoudre la tension.

En même temps, reconnaître que nous ne pouvons pas déterminer complètement le résultat des événements. Nous agissons au mieux, mais sans garantie de succès.

Cette attitude permet d'avancer dans l'inconfort et dans l'incertitude.

Partie 2 — Au-delà du contrôle

Chapitre 7 — Nous n'avons jamais réellement le temps

Le spécialiste de la cognition Douglas Hofstader a établi une loi simple : chaque tâche prend plus de temps que prévu. Oliver Burkeman abonde dans ce sens. Pour lui, c'est le signe que le temps ne peut pas être complètement contrôlé.

Tout peut arriver

L'auteur raconte des anecdotes de famille. Il vient, dit-il, d'une famille de planificateurs obsessionnels ! Chaque membre de sa famille aime ressentir ce sentiment de contrôle sur l'avenir.

Pour lui, l’origine de cette tendance comportementale familiale est liée à la Seconde Guerre mondiale, lorsque sa grand-mère parvint à fuir l’Allemagne avant les premières grandes déportations organisées par le gouvernement nazi.

L'anxiété profonde de sa grand-mère devant ce qui pourrait se passer a été transmise de génération en génération. Pour elle, l'important était de prédire ce qui allait se passer et de maîtriser sa destinée dans un moment crucial.

Même si, aujourd'hui, le danger n'est plus mortel, la crainte et le besoin de contrôle demeurent. C'est le cas de sa grand-mère, mais aussi de ses parents et du reste de sa famille.

S'occuper de ses affaires

"Le planificateur obsessionnel […] exige que des gages de sécurité lui soient donnés au sujet de l'avenir — mais l'avenir n'est justement pas le genre d'objet qui peut lui fournir l'assurance dont il a envie !" (4 000 semaines, Chapitre 7)

Pourquoi ? Car l'avenir est par nature incertain. C'est d'ailleurs également ce que dit le célèbre statisticien Nicholas Nassim Taleb dans ses livres, que ce soit Le Cygne noir ou Antifragile.

Êtes-vous inquiet ? Pensez-vous que c'est en prédisant quelque chose que vous éviterez que cela se passe mal ? C'est une erreur logique. Vous ne pouvez pas contrôler l'avenir en établissant des plans. L'imprévu fait intégralement partie de la vie.

Il faut en tirer une conclusion : il n'y a aucune garantie que nous serons en mesure d'utiliser le temps comme nous l'avions prévu. Et il se peut que nous ayons beaucoup moins à vivre que les 4 000 semaines annoncées au début du livre.

Si nous examinons nos vies rétrospectivement, nous pouvons nous rendre compte du côté absurde de la prévision. Posez-vous la question : votre vie s'est-elle déroulée telle que vous l'aviez prévue ? La réponse est sans doute non !

Notre existence est le fruit de circonstances que nous n'avions pas prévues et d'occasions fortuites. Certes, nous avons pris des décisions, mais toujours sur la base de ce "terrain mouvant".

Y a-t-il de quoi être rassuré, alors ?

Bien sûr, car l’acceptation de l’incertitude nous dégage de l’obligation de tout contrôler et, donc, de l’anxiété qui lui est liée. Qui plus est, il n’est pas question de ne faire aucun plan, mais simplement de se rappeler que ceux-ci sont des aide-mémoires, susceptibles de changement.

Chapitre 8 — Vous êtes ici

La catastrophe causale

Nous instrumentalisons le temps en le considérant comme ce qui nous mène vers une plus grande récompense, un plus grand succès, etc.

« Vous vous concentrez sur l'endroit où vous vous dirigez, au détriment de vous concentrer sur l'endroit où vous êtes ». (4 000 semaines, Chapitre 8)

Cette "instrumentalisation" perpétue l'illusion dommageable d'une satisfaction à venir et d'un contrôle total. Ce faisant, nous estimons que le présent n'est jamais satisfaisant et nous propulsons l'épanouissement personnel dans un avenir idéalisé.

La dernière fois

Oliver Burkeman s'est rendu compte qu'il vivait lui-même selon cet état d'esprit orienté vers l'avenir lorsqu'il est devenu père. Il a constaté que les manuels qu'il lisait sur le sujet tombaient tous sous le coup de cette façon de voir le monde.

En effet, les manuels destinés aux parents considèrent que le présent du nourrisson doit être utilisé comme un tremplin vers leur avenir. Objectif : donner la priorité à la formation de l'enfant pour qu'il soit un adulte prospère.

Mais ce n'est pas l'avis de l'auteur. Pour lui, il est préférable de vivre chaque instant avec son enfant. Les expériences que celui-ci vit sont une découverte constante. L'enfant est "pure présence" et non une projection vers l'avenir.

Présent, mais absent

L'orientation vers l'avenir au détriment du présent ne se produit pas seulement au niveau individuel, mais aussi au niveau sociétal. À force de rechercher le profit ou la perfection, nous nous "absentons" de l'instant présent.

Pour certains spécialistes du développement personnel, la méditation de pleine conscience semble être la solution pour enfin "savourer le moment". Pour Oliver Burkeman, c'est un peu plus compliqué.

En fait, il arrive souvent que nous recherchions désespérément à nous concentrer pour accomplir les exigences de la méditation. Dans ces cas-là, tout ce que nous réussissons à faire est à créer un fossé entre le vécu réel et ce que nous voulons vivre dans le présent.

L'auteur propose une option à la fois plus simple et plus directe, mais peut-être pas moins aisée : accepter simplement que nous vivons dans le présent, que cela nous plaise ou non.

Chapitre 9 — Redécouvrir le repos

Le déclin du plaisir

Les philosophes de l'Antiquité pensaient bien différemment. Il est vrai que pour eux, le travail était dévalorisé ; il s'agissait d'une dégradation. Avoir du temps libre (et être libre) signifiait se dédier entièrement à l'étude de soi et du monde. C'est ce qu'ils nommaient la contemplation.

À l'époque médiévale, le rythme de l'existence était en grande partie dicté par la religion : le dimanche, les jours fériés, etc. sont en partie des reliques de cette époque. Certaines périodes étaient dédiées au jeûne, d'autres à l'engagement communautaire, d'autres encore à la prière. Bref, le temps libre était prescrit et faisait sens de façon collective.

Et aujourd'hui ?

Même notre temps libre doit faire l'objet d'un contrôle accru. C'est étrange, mais nous organisons de plus en plus notre temps hors travail comme le temps de travail lui-même. Il existe une pression sociale à "rentabiliser" individuellement ce temps disponible du mieux possible.

Résultat : stress, stress et encore stress au bout du compte ! Ce qui devait être un temps de loisir et de plaisir devient une sorte de corvée. Paradoxal, non ?

La productivité pathologique

Avec l'industrialisation et la quantification du temps (comptabilisé à partir des horloges), le temps libre devient un "temps utile". L'ouvrier veut faire ce qu'il veut quand il n'est pas soumis à la loi du patron. Mais ce qu'il veut, bien souvent, c'est s'améliorer (ou améliorer ses biens).

Cette tendance à prendre le temps libre pour un temps où l'individu doit s'occuper de lui-même, de sa famille et de ses biens est typique de la modernité. Mais il engendre une forme de "productivité pathologique".

Dans 4 000 semaines, Oliver Burkeman soutient en effet que si nous ne nous permettons pas de perdre du temps et d'être inactifs, alors nous ne nous permettons pas du tout de nous libérer. Nous sommes juste pris dans une forme stressante de développement personnel.

D'où vient ce phénomène ? En partie dans ce que le célèbre sociologue allemand Max Weber a nommé dans l'un de ces livres célèbres « l'éthique de travail protestante ». Qu'est-ce que c'est ?

En résumé, il s'agit d'une manière de voir le monde qui a émergé dans les cercles calvinistes d'Europe du Nord. Parmi ceux-ci, beaucoup ont immigré aux États-Unis. L'idée de base est la suivante : travailler dur et accumuler des biens est le signe de la moralité et de l'élection divine. Au jour du Jugement dernier, seuls ceux qui auront travaillé dur seront sauvés !

Bien que nous ne nous reconnaissions pas nécessairement dans cet esprit religieux, notre mentalité a été construite à partir de telles idées, qui sont passées dans la culture populaire (via des romans et des films, notamment).

Nous pensons malgré nous que si nous optimisons constamment notre temps, nous ne ressentirons pas le besoin de justifier notre existence ; nous nous sentirons valorisés, reconnus et aimés par nos proches.

Règles pour le repos

Alors, comment retrouver le repos ? Premier point mis en avant par l'auteur : se rappeler que l'avenir est incertain (voir le chapitre précédent). En conséquence : cesser de le surinvestir et profiter du temps présent tel qu'il se donne, là, maintenant.

Oliver Burkeman conseille aussi de se reposer sans attendre d'être "tout à fait" bien. Lorsque nous cherchons le bon moment, la bonne position, etc., nous revenons à ce petit démon de la perfection. Sentons-nous plutôt maladroits, avec quelques douleurs, mais sentons-nous bien malgré tout, dit l'auteur.

Oliver Buckerman dit aussi qu'il adore randonner. Il propose de s'adonner à cette activité comme une fin en soi. C'est-à-dire ? Eh bien comme une activité que vous faites sans autre but que marcher et explorer le monde.

Rod Steward, radical

L'auteur prend également l'exemple du célèbre rockeur. Dans son temps libre, celui-ci assemble un train miniature. Et il se passionne pour cette activité depuis des années ! Pas très sexy, pour une rock star ? Il s'en fiche et avoue même n'être pas très bon à cela !

Voici donc un conseil qui prolonge ce qui précède : jouer ou plutôt prendre plaisir à des passe-temps non productifs où nous ne ressentons pas l'obligation d'exceller. Dans une société fondée sur le perfectionnisme et l'abstraction d'un avenir parfait, agir par pur plaisir devient un luxe presque inconcevable !

Pourquoi ? Car cela nous oblige à nous concentrer sur l'existence réelle et ses processus, plutôt que sur les bénéfices attendus qui sont toujours reportés à… demain.

Chapitre 10 — La spirale de l'impatience

Échapper à la vitesse

Voilà un nouveau constat ironique :

La technologie moderne réduit les temps d'attente (voyage, communications, etc.).

Et pourtant, nous sommes plus impatients que jamais !

Nous sommes frustrés par notre incapacité à accomplir des tâches difficiles dans le temps que nous nous donnons. Pourquoi ? Peut-être parce que nous éprouvons comme désagréable le fait de ne pas avoir un contrôle total des événements, malgré les technologies toujours plus "efficaces" qui sont mises à notre disposition.

La société dans son ensemble devient de plus en plus impatiente et rapide. Les attentes en matière d'efficacité dans des domaines tels que le travail ont augmenté. La pression augmente sur les employés.

Vous devez arrêter, mais vous ne pouvez pas vous arrêter

La lecture est l'un des domaines qui souffrent le plus de cette impatience contemporaine généralisée. De nombreuses personnes se plaignent de ne pas avoir le temps de lire. Pourtant, ils sont rapidement frustrés quand ils se mettent à lire, car ils se rendent compte qu'un texte "prend du temps".

Oui, chaque texte a sa propre durée. Pour le saisir pleinement, nous devons abandonner nos propres attentes de satisfaction instantanée et nous plonger dedans avec attention.

Fait intéressant : la psychothérapeute de la Silicon Valley Stephanie Brown a découvert que de nombreux patients à elle souffraient d'une dépendance à la vitesse. Tout comme un alcoolique utilise l'alcool pour évacuer des sentiments difficiles, les accros à la vitesse cherchent à éviter la douleur émotionnelle en se ruant sur de nombreuses activités.

Dans une certaine mesure, c'est ce que nous faisons tous. Nous avons trop peur de perdre le rythme et de nous laisser distancer. Pour gérer ce sentiment désagréable, nous cherchons à reprendre le contrôle et à faire toujours mieux.

Malheureusement, cela génère une spirale addictive qui peut avoir un impact négatif aussi bien sur nos relations que sur notre santé. Contrairement à l'alcoolisme, cette dépendance à la vitesse est socialement acceptée et valorisée, ce qui la rend encore plus compliquée à gérer.

Pour se rétablir, Oliver Burkeman préconise :

Accepter la vérité selon laquelle les tâches prennent plus de temps que ce que vous ne pensez ou souhaiteriez ;

Reconnaitre que vous aurez toujours besoin de courir plus vite une fois que vous commencez à entrer dans cette spirale infernale.

L'anxiété face aux tâches chronophages diminue considérablement lorsque vous acceptez le processus qu'elles impliquent. C'est alors que vous pourrez acquérir ce "superpouvoir" mal aimé… la patience !

Chapitre 11 — Rester dans le bus

Regarder et attendre

Voilà bien une qualité sous-estimée dans la société occidentale. La patience semble impliquer la passivité, voire la fainéantise. Nous cherchons au contraire à forcer les événements pour obtenir ce que nous voulons. C'est cette attitude proactive qui est valorisée.

Pourtant, Oliver Burkeman affirme dans 4 000 semaines que "la patience devient une forme de pouvoir". Ceux qui prennent le temps dont ils ont besoin pour faire un travail significatif obtiennent une satisfaction plus durable aussi bien pendant la réalisation du projet qu'une fois le résultat accompli.

L'auteur donne l'exemple de Jennifer Roberts, professeure d'histoire de l'art à Harvard. Celle-ci confie à ses étudiants la tâche ardue de regarder le même tableau pendant trois heures d'affilée.

Pourquoi ? Car cette tâche encourage les jeunes gens à regarder la peinture et à s'imprégner de son atmosphère. Ils remarqueront des éléments nouveaux qu'ils n'auraient pas pris en compte autrement.

Le psychothérapeute M. Scott Peck observe quant à lui notre inconfort face à l'attente. Il affirme que :

"Nous sommes tellement mal à l'aise avec l'expérience du déroulement naturel de la réalité que lorsque nous sommes confrontés à un problème, nous courons au plus vite vers une résolution — n'importe quelle solution, pourvu que nous puissions nous dire que nous y faisons "face", et ainsi avoir le sentiment de l'avoir sous contrôle." (Scott Peck dans The Road Less Travelled [1978], cité dans 4000 semaines, Chapitre 11)

Trois principes de patience

La première solution proposée par Oliver Burkeman consiste à "développer le goût des problèmes". Plutôt que de nous précipiter vers la sortie, nous ferions mieux d'accepter le fait que la douleur, le mystère et les énigmes à résoudre font partie de la condition humaine.

Deuxième proposition : l'incrémentalisme radical. C'est-à-dire ? Avancer par petits pas quotidiens, sans en faire trop en une fois. Habituez-vous à attendre jusqu'à demain pour continuer votre tâche. Cela vous permet de ne pas forcer et de laisser advenir naturellement la créativité.

Enfin, l'auteur rapporte le principe du photographe finno-américain Arno Minkkinen. Celui-ci suggère de "rester dans le bus". Qu'entend-il par là ? Dans le domaine de la création, rester dans le bus signifie accepter la période où notre production sera médiocre et dérivée, et cheminer à travers cela jusqu'à parvenir au point d'originalité souhaité.

Chapitre 12 — La solitude du digital nomad

Synchronisation et désynchronisation

Aujourd'hui, de nombreux conseils de spécialistes du numérique prônent le fonctionnement asynchrone. En soi, il est tout à fait positif de pouvoir choisir ses horaires. Mais cela pose néanmoins quelques problèmes.

Pour Oliver Burkeman, l'un des dangers du digital nomadism (nomadisme numérique en bon français) et du travail asynchrone est la solitude. Il met en avant le fait que certaines des activités les plus importantes de la vie sociale nécessitent la synchronisation :

Se faire des amis ;

Élever des enfants ;

S'engager politiquement ;

ET même faire du business.

Tout ne peut donc pas être "asynchrone". Nous devons pouvoir nous coordonner avec autrui, échanger en direct, etc.

Dans les sociétés prémodernes, l'ostracisation — le fait d'être forcé de rester à l'écart de la communauté — était l'une des plus grandes punitions. Aujourd'hui, la société moderne célèbre cette atomisation des relations et la distanciation de chacun vis-à-vis de chacun. Nous ne créons plus de rythmes communs.

La figure du nomade numérique est exemplaire de ces transformations, puisque celui-ci peut théoriquement choisir son emploi du temps en fonction de ses caprices et travailler à partir de n'importe quel endroit dans le monde.

L'auteur souligne pour terminer que le terme « nomade numérique » est trompeur. En effet, les nomades d'origine n'étaient pas des vagabonds solitaires. Ils voyageaient en groupe.

Nous pouvons constater que les relations professionnelles et personnelles souffrent d'un manque de « rythmes partagés ». Pourquoi est-ce important ? Car c'est ainsi que se constituent des relations plus profondes.

Rester unis dans le temps

Oliver Burkeman cite plusieurs études qui montrent que le partage du temps, la coordination, améliore le sentiment de bien-être des individus. Par exemple, l'étude de 2013 du chercheur suédois Terry Hartig montre que — contrairement à ce que pensent les gourous de la productivité — le bonheur des gens est lié à la "régulation sociale du temps".

Les périodes de repos socialement prescrites sont essentielles pour permettre aux gens de coordonner plus facilement leurs temps de loisirs avec ceux de leurs proches. Cela stimule les relations personnelles, qui sont elles-mêmes propices au bonheur.

Nous avons également l'impression de nous sentir plus réels et d'avoir des expériences plus vivantes lorsque nous sommes synchronisés avec les autres. En tant qu'êtres sociaux, nous avons besoin d'agir de concert dans un but donné.

La liberté de ne jamais voir ses amis

En fin de compte, nous devons évaluer avec attention ce que nous voulons faire :

Profiter de la flexibilité des horaires, au risque de voir le travail s'infiltrer dans tous les aspects de notre vie ;

Nous engager dans des activités en commun, avec une gestion sociale du temps, mais aussi des temps d'arrêt mieux marqués.

En tant qu'individus, nous pouvons privilégier l'un ou l'autre. Pour Oliver Burkeman, il est préférable de perdre un peu de son indépendance pour retrouver un sens du temps "en commun". Mais peut-être y a-t-il moyen de concilier les deux ? De décider de ses horaires tout en préservant des temps précieux pour les siens et sa communauté ?

Chapitre 13 — La thérapie de l'insignifiance cosmique

La Grande Pause

Nombreuses sont les personnes qui pensent qu'elles pourraient vivre des expériences plus enrichissantes et significatives. Nous voulons profiter de la vie dans le temps qui nous est octroyé.

En soi, ce désir est très positif. Il atteste que nous voulons jouir de l'existence dans le présent et que nous sommes prêts à nous poser les bonnes questions sur la manière de mener sa vie.

Durant la pandémie mondiale de COVID-19, nous nous sommes collectivement posé cette question ! Beaucoup de personnes ont (re)découvert la valeur du voisinage ; ils ont utilisé leur temps et leurs ressources pour faire tout leur possible pour aider ceux qui vivaient autour d'eux. Ils ont cherché à faire ce qui compte le plus.

Ce n'est pas qu'ils ne se souciaient pas des autres avant la pandémie, mais c'est simplement qu'ils pensaient qu'ils n'avaient pas le temps. Dans le contexte de la crise sanitaire mondiale, ils changèrent de point de vue et se mirent à agir différemment.

Cette "Grande Pause" qu'a été le Covid a été pour certains l'occasion d'un véritable changement d'attitude à l'égard du temps et de la vie de tous les jours.

Une modeste vie qui a du sens

Quelle est cette thérapie de l'insignifiance cognitive ? Elle part du principe que nous nous donnons trop d'importance, en tant qu'individu et en tant que société. Nous croyons être importants, ou être la meilleure civilisation qui n'ait jamais existé.

Mais redescendons sur terre. L'humanité, dans son ensemble, n'a que 6 000 ans, ce qui est très jeune par comparaison avec l'âge du monde lui-même. N'est-il pas étonnant de penser que l'époque des pharaons égyptiens ne remonte qu'à 35 vies en arrière de la nôtre !

Conséquence logique : notre propre vie n'est qu'une infime goutte d'eau dans cet océan de personnes ayant vécu jusqu'ici. Et notre temps sur Terre est bel et bien court, très court ; "un minuscule petit scintillement de presque rien dans le schéma des choses".

Ce constat de notre « insignifiance cosmique » peut être assez désagréable. Pourtant, il peut aussi nous libérer de l'enfermement dans nos problèmes et nos obsessions quotidiens (210). Plutôt que d'en avoir peur, nous pourrions nous servir de cette sagesse pour profiter plus raisonnablement de la vie quotidienne.

Comment ? En trouvant plus de sens dans les tâches que nous faisons déjà. À l'inverse, la surévaluation de notre existence nous amène à rejeter nos limites et à nous égarer dans des rêves impossibles.

Chapitre 14 — La maladie humaine

La vie provisoire

Notre lutte contre le temps découle de la tentative de le maîtriser et de sentir ainsi que nous avons un pouvoir sur notre propre condition mortelle. Nous cherchons à être productifs et proactifs, à réaliser tous nos objectifs. À l'inverse, nous nous épuisons et nous retardons les échéances.

Ces attitudes sont liées au fait que nous oublions le fait essentiel : le temps ne se laisse pas ainsi attraper. Il déborde de nos projets, nos désirs. Et il nous pousse malgré nous jusqu'à nos limites, que nous le voulions ou non. Cette vie nous est prêtée dans le temps, "pour" un temps.

Abandonner l'espoir de cette relation de maîtrise par rapport au temps peut nous libérer. Cela signifie accepter qu'il y ait toujours plus de choses à faire que ce que nous pouvons effectivement faire. Cela implique aussi que nous devrons prendre des décisions difficiles sur la meilleure vie à mener.

5 questions

Pour terminer ce chapitre de 4 000 semaines, Oliver Burkeman préconise que nous nous posions cinq questions importantes sur la façon dont nous passons notre temps.

Où, dans votre vie ou votre travail, recherchez-vous actuellement le confort, alors que ce qui est demandé est un peu d'inconfort ?

Vous tenez-vous et vous jugez-vous par des normes de productivité ou de performance qui sont impossibles à atteindre ?

Avez-vous accepté le fait que vous êtes qui vous êtes, et non la personne que vous pensez que vous devriez être ?

Dans quels domaines de l'existence pensez-vous que vous n'êtes pas encore tout à fait prêt à passer à l'action ?

Comment passeriez-vous vos journées si vous ne vous souciiez pas de voir vos actions se concrétiser ?

La dernière chose la plus importante

Dernier conseil d'Oliver Burkeman : ne pas se laisser submerger par les idées (et les outils) sur la gestion du temps. Prenons simplement une seule mesure, la plus significative pour nous. Acceptons nos limites. C'est ainsi que nous travaillerons réellement à un monde meilleur.

Conclusion — Au-delà de l'espoir

Dans le dernier chapitre et dans la conclusion, Oliver Burkeman montre que la question du temps importe politiquement. Nous sommes à une époque de grands changements. Bien agir, dans le temps qui nous est imparti, peut avoir de grandes conséquences.

Abandonner l'espoir signifie que nous avons, aujourd'hui, dans le moment présent, le pouvoir de changer les choses. Nous n'espérons pas un monde meilleur ; nous le bâtissons, dans les limites qui sont les nôtres.

Concentrons-nous sur les causes qui comptent à nos yeux et acceptons que nous ferons de notre mieux, sans garantie ni contrôle absolus.

Conclusion sur « 4 000 semaines : la gestion du temps pour les mortels » de Oliver Burkeman :

Ce qu’il faut retenir de « 4 000 semaines : la gestion du temps pour les mortels » de Oliver Burkeman :

Voici dix conseils rassemblés en fin d'ouvrage par Oliver Burkeman pour vivre une vie épanouie tout en respectant nos limites temporelles.

Adopter une approche de la productivité à "volume fixe".

Sérialiser, c'est-à-dire se concentrer sur un seul grand projet à la fois.

Décider à l'avance où l'on veut échouer/ne pas exceller.

Tenir une liste des choses « terminées » afin de contrer l'impression d'avoir trop de choses à faire.

Être bienveillant et choisir une cause humanitaire tout en étant conscient de ce qu'on peut lui donner.

Adopter une technologie ennuyeuse et à usage unique qui ne distraie pas.

Chercher la nouveauté dans le banal, travailler sa patience.

Expérimenter dans les relations, notamment en cherchant à comprendre véritablement autrui.

Agir dans le moment présent (par exemple, remercier un collègue ou aider quelqu'un) plutôt que de privilégier son emploi du temps.

Pratiquer l'art de ne rien faire en se laissant le temps d'accepter la réalité et le temps qui passe.

Ce livre d'Oliver Burkeman est original car il casse certains codes du développement personnel. Il ouvre des portes pour penser autrement notre gestion du temps et plus généralement notre rapport au monde.

Points forts :

Une écriture vivante et facile ;

Une introduction claire et pédagogique à des ouvrages de philosophie et à des études scientifiques sur la gestion du temps :

De nombreux exemples issus de la vie personnelle de l'auteur.

Point faible :

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Mon, 27 May 2024 17:00:00 +0200 http://www.olivier-roland.fr/items/view/12866/4-000-semaines-la-gestion-du-temps-pour-les-mortels
IA 2042 http://www.olivier-roland.fr/items/view/12860/IA-2042

Résumé de « IA 2042 — Dix scénarios pour notre futur » de Kai-Fu Lee et Chen Qiufan : un livre qui mêle les talents de conteur de Chen Qiufan aux connaissances de Kai-Fu Lee en matière d'intelligence artificielle afin de proposer dix visions possibles des sociétés boostées à l'IA — pour le meilleur… et pas vraiment pour le pire !

Par Kai-Fu Lee et Chen Qiufan, 2022, 499 pages.

Titre original : « AI 2041 — Ten Visions for Our Future » (2021)

Chronique et résumé de « IA 2042 — Dix scénarios pour notre futur » de Kai-Fu Lee et Chen Qiufan

Introduction par Kai-Fu Lee : La véritable histoire de l'IA

C'est John McCarthy qui invente le terme d'intelligence artificielle (IA) à l'occasion du célèbre "Projet de recherche d'été sur l'intelligence artificielle" à Darmouth, en 1956.

Pendant longtemps, l'IA s'est cantonnée au monde universitaire. Mais récemment, elle a fait sa grande apparition publique. Voici deux dates marquantes, liées à l'avènement d'un nouveau type d'IA liée à l'apprentissage profond ou deep learning :

2016 = AlphaGo bat un humain au jeu de go, un jeu de société plus complexe que les échecs ;

2020 = l'IA résout un problème scientifique, à savoir le repliement des protéines.

Depuis quelques années, le deep learning a énormément progressé grâce à :

L'augmentation de la puissance de calcul ;

L'augmentation des données et des capacités de stockage de celles-ci.

La valeur économique de l'IA est en train de monter en flèche. Pourquoi ? Notamment car cette technologie est "omni-usage", c'est-à-dire disponible pour un très grand nombre d'applications.

Dans ce texte, les auteurs cherchent à proposer une série de "fictions scientifiques". Ils se servent des ressources du récit fictif pour faire de la prospective sérieuse.

"Ce livre s'appuie sur une IA réaliste, c'est-à-dire sur des technologies qui existent déjà, ou dont on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'elles arrivent à maturité dans les vingt prochaines années." (IA 2042, Introduction par Kai-Fu Lee)

L'objectif est de penser l'avenir de l'humanité et de l'IA afin de nous aider à relever les défis qui nous attendent avec réalisme et optimisme.

Introduction par Chen Quifan : Comment apprendre à ne plus s'inquiéter et accueillir l'avenir avec imagination

Alors que Kai-Fu Lee est le scientifique de l'aventure, Chen Quifan est l'auteur de fiction. À eux deux, ils combinent les talents pour raconter avec justesse et imagination les avenirs possibles d'une humanité boostée à l'IA.

L'auteur de science-fiction (SF) rappelle la loi d'Amara :

"Nous avons tendance à surestimer l'effet d'une technologie à court terme et à en sous-estimer l'effet à long terme." (IA 2042, Introduction par Chen Qiufan)

La SF a depuis longtemps mis en scène les relations homme-machine et l'irruption d'intelligences artificielles. Grâce à elle, nous pouvons explorer toutes les questions qui nous concernent au plus près.

Elle est d'ailleurs, selon Yuval Noah Harari, l'auteur de Homo Deus, "le genre artistique le plus important" de notre époque.

En fait, les scientifiques et les ingénieurs s'inspirent également de la SF pour construire leurs théories et leurs nouvelles technologies. De cette façon, la littérature change le monde. Mais elle le fait aussi car elle nous permet, à tous, d'avoir plus d'esprit critique.

Voici les enjeux des nouvelles qui suivent :

Anticiper avec réalisme les développements techniques ;

Imaginer l'avenir des êtres humains et des institutions sociales ;

Poser des questions pour faire réfléchir.

Espérons que ce pari soit réussi et que vous preniez plaisir à la lecture de ces 10 courtes histoires ! Après chacune d'entre elle, Kai-Fu Lee fait le point sur les développements techniques liés à l'IA.

1 — L'éléphant doré

La première histoire se passe en Inde.

Au niveau technologique, plusieurs évolutions ont eu lieu. La plus importante d'entre elles — développée dans la nouvelle — consiste en une assurance en ligne nommée Ganesh, du nom du dieu de la mythologie indienne.

Cette assurance est proposée en lien avec une série d'applications (shopping, santé, etc.). Pourquoi ? Car celles-ci permettent à l'assurance de récolter un grand nombre de données sur ces utilisateurs.

Quel est l'objectif ? Proposer des polices d'assurance adaptées aux comportements des clients. L'idée est de faire baisser les polices d'assurance en faisant baisser, en même temps, les risques. Grâce à ces applications, l'assurance donne de nombreux conseils pour préserver sa santé physique, mentale et financière.

Sur le plan social, l'histoire insiste sur l'abolition plus ou moins réussie des castes. Les intouchables, à savoir la caste la plus basse et dénigrée d'Inde, n'ont pas accès aux mêmes services et continuent de vivre dans des conditions moins avantageuses, même après les lois passées pour contrer ce phénomène, dès les années 2010.

À travers une histoire d'amour entre deux adolescents, la question principale posée par cette nouvelle est la suivante : comment éviter que ces algorithmes — qui utilisent les données pour fournir des conseils personnalisés — ne reproduisent les inégalités sociales ?

L'analyse de Kai-Fu Lee

Certaines applications que nous connaissons déjà sur nos smartphones utilisent l'apprentissage profond pour transformer nos données en recommandations ou conseils personnalisés. C'est le cas, par exemple, pour Facebook ou Spotify, pour n'en citer que deux parmi d'autres.

Dans cette partie, le scientifique explique en détail ce qu'est le deep learning et les "réseaux de neurones artificiels" qui en assurent le fonctionnement. Vous pouvez également retrouver ces informations, plus détaillées encore, dans la chronique de L'intelligence artificielle pour les nuls !

Les résultats stupéfiants de l'apprentissage profond ne doivent pas nous masquer les limites et les problèmes de cette technologie. Voici les points mis en évidence par le chercheur et investisseur :

Une grande puissance de calcul est nécessaire ;

Il ne faut surtout pas confondre le fonctionnement du cerveau humain et de ces réseaux de neurones artificiels ;

L'IA a besoin de grandes quantités de données pertinentes et d'un objectif assez précis et concret (ce qui est appelé la "fonction objectif").

Deux exemples de domaines de développement de l'IA sont proposés :

Internet (en particulier via Facebook et Amazon) ;

La finance et ce qui est maintenant appelé la fintech, à savoir l'alliance des technologies de pointe et de la finance et du monde de l'assurance (avec des sociétés comme Waterdrop en Chine ou Lemonade aux États-Unis).

Enfin, l'auteur aborde les problèmes liés à ce type d'application :

Manipulation des utilisateurs ;

Perpétuation des préjugés (au centre de la nouvelle "L'éléphant doré") ;

Impossibilité de justifier ou d'expliquer les choix pris par l'IA.

2 — Derrière les masques

La deuxième nouvelle a lieu au Nigeria.

Sur le plan technologique, les deux innovations majeures mises en avant ici sont :

Les progrès de la reconnaissance facile via les caméras de sécurité ;

L'amélioration des logiciels de création audio et surtout vidéo. Ceux-ci permettant notamment de créer des deep fakes, ces trucages très difficiles à reconnaître.

Au niveau social, nous apprenons beaucoup de choses sur ce pays et, notamment, les conflits entre les peuples Igbo et les Yoruba qui divisent le pays. L'usage des trucages vidéo est ici utilisé à des fins de manipulation politique.

L'histoire suit un jeune homme Igbo pauvre, qui est recruté pour monter un deep fake contre les dirigeants Yoruba, mais qui va se rebeller et décider, finalement, de suivre une autre voie, plus positive pour l'avenir de son pays.

L'analyse de Kai-Fu Lee

Le chercheur explique ici comment fonctionne la vision par ordinateur. Celle-ci, pour fonctionner, doit résoudre bien des problèmes, en termes de :

Capture et traitement d'images ;

Détection d'objets et segmentation d'images ;

Reconnaissance d'objets ;

Suivi d'objets en mouvement ;

Reconnaissance des gestes et des mouvements ;

Compréhension des scènes.

Il y a, à l'heure actuelle, pléthore d'applications qui utilisent la vision par ordinateur, de la reconnaissance facile à la navigation autonome d'automobiles (voir en particulier la nouvelle 6, "Le pilote sacré"), en passant par l'édition de contenu.

Pour ce dernier type d'application, les ingénieurs utilisent la technologie dite des réseaux neuronaux convolutifs (CNN pour convolutional neural networks) et celle des réseaux antagonistes génératifs (generative adversial networks ou GAN).

Kai-Fu Lee prévoit que ces technologies évolueront suffisamment, dans vingt ans, pour créer des trucages vidéos indétectables à l'oeil nu. D'où l'importance de développer des logiciels antitrucage. Ceux-ci seront sans doute intégrés dans de nombreux domaines de la vie de tous les jours.

Voici sa conviction :

"Tout comme nous avons su remédier au problème de spams et des virus grâce à des innovations technologiques, nous garantirons de même la sécurité de l'IA la majorité du temps (car il est vrai que les attaques de spam et de virus n'ont pas totalement disparu). Les vulnérabilités d'origine technologique ont toujours été compensées en tout ou partie grâce à de nouveaux progrès technologiques." (IA 2042, Chapitre 2)

3 — Les jumeaux

Le cadre du troisième récit est le Sri Lanka.

Ici, la question technologique est liée à l'usage de l'IA dans l'éducation. Avec le développement des IA génératives et de la réalité virtuelle, il sera possible — selon les auteurs — de développer des assistants éducatifs qui aideront les jeunes à rapprendre leurs leçons, à réaliser leurs devoirs et, aussi, à se divertir.

Mais quelles sont les conséquences de ces technologies sur les relations sociales ? Et comment ces technologies pourront-elles se développer en des sens différents, pour laisser place à la diversité, notamment en termes de sensibilité et d'apprentissage ?

Dans l'histoire présentée, deux jumeaux sont adoptés par des familles différentes. L'un se développe avec une forte volonté et un sens de la compétition exacerbé. L'autre, atteint d'autisme, recherche plutôt l'évasion dans des mondes artistiques et oniriques qu'il crée lui-même de toutes pièces grâce à l'IA.

Bien sûr, une rivalité surgit entre les deux…

L'analyse de Kai-Fu Lee

C'est le fonctionnement du traitement automatique du langage naturel qui est exposé ici par le scientifique. L'auteur explique ce qu'est la méthode d'apprentissage supervisé (TALN) et quel est son usage pour le traitement du langage.

Plus récemment, la méthode d'apprentissage auto-supervisé a permis à Google et OpenAI de créer les chatbots conversationnels que nous connaissons sous le nom de ChatGPT ou Gemini. Ces progrès de l'IA conversationnelle peuvent déboucher sur des applications étonnantes, comme des "professeurs IA" !

"Peut-être que dans vingt ans, GPT-23, ayant lu chaque mot jamais écrit et vu chaque vidéo jamais produite, sera à même de construire son propre modèle du monde. Ce transducteur de séquence omniscient contiendra toutes les connaissances accumulées sur l'histoire humaine. Il ne nous restera plus qu'à lui poser les bonnes questions." (IA 2042, Chapitre 3)

Cela dit, Kai-Fu Lee est prudent lorsqu'il s'agit de prédire "la singularité" (moment où l'intelligence humaine sera surpassée par celle des machines). Pour lui, cela n'arrivera pas de si tôt. Encore une fois, il insiste sur la différence entre cerveau humain et cerveau artificiel.

4 — L'amour sans contact

Nous voici en Chine pour la quatrième histoire !

Ici, la technologie de l'IA vient s'associer à la robotique. Il y a beaucoup de robots ménagers dans ce récit, mais pas seulement. Le plus important, c'est le développement de toute une série de méthodes et objets liés au domaine de la santé et, plus largement, à la vie domestique.

Au niveau social, l'enjeu de ce récit est celui de la lutte contre les pandémies et de nos réactions face à leurs conséquences, notamment en termes de distanciation sociale.

Voici l'intrigue : Chen Nam est amoureuse d'un Brésilien nommé Garcia. Ils ne sont jamais vu "en vrai", car la jeune femme a peur de sortir de chez elle à cause des variants de la Covid. À l'aide de complices et d'un plan ingénieux, son compagnon va toutefois lui permettre de sortir de la "cage dorée" de son appartement… et mettre leur amour à l'épreuve.

L'analyse de Kai-Fu Lee

"Je considère que nous sommes aujourd'hui à l'orée d'une nouvelle révolution en matière de soins. En effet, la numérisation va permettre de déployer encore davantage toutes les technologies dépendantes des données dans des domaines comme l'informatique, la communication, la robotique, la science des données et, par-dessus tout, l'IA."

L'auteur prévoir l'accélération ou l'apparition de :

Processus de numérisation des bases de données et des processus liés à la santé ;

Technologies intimement liées au numérique et à l'IA (depuis les outils simples de mesure des indicateurs de santé comme la fréquence cardiaque, jusqu'à des outils de séquençage ADN, etc.).

La découverte de médicaments se fera de plus en plus rapide et de plus en plus personnalisée. Le tout, selon l'auteur, à moindre prix ! Par ailleurs, les diagnostics seront facilités et fournis avec plus de précision grâce à l'IA.

Le rôle des médecins évoluera vers un rôle de "soignants compatissants et de communicants d'informations médicales".

Dans la suite de cette partie, le chercheur introduit également aux grands principes de fonctionnement de la robotique et aux applications industrielles et commerciales qui vont en découler dans les décennies à venir. Enfin, il se penche sur la numérisation de la vie personnelle et professionnelle.

5 — Mon idole fantôme

La nouvelle "Mon idole fantôme" prend place au Japon.

La RX est un acronyme utilisé pour regrouper les différents types de mélanges entre réalité et "virtualité". Il y en a trois principaux :

RV ou réalité virtuelle (immersion dans un monde numérique) ;

RA ou réalité augmentée (superposition d'éléments virtuels dans un environnement réel) ;

RM ou réalité mixte, qui introduit un degré supérieur d'intrication entre ces deux "mondes".

Ces technologies vont probablement bouleverser bien des domaines de notre vie sociale. Mais ici, c'est le domaine du divertissement qui est étudié. Il est possible de créer des jeux et des expériences divertissantes d'une ampleur encore jamais vue.

Dans l'histoire conçue par Chen Qiufan, une fan nommée Aiko participe à un jeu grandeur nature qui concerne la prétendue mort mystérieuse de son idole : le chanteur Hiroshi. Parviendra-t-elle à s'habituer à la présence de l'avatar 3D virtuel de sa star préférée et à résoudre l'énigme de sa disparition ?

L'analyse de Kai-Fu Lee

Il y a plusieurs technologies qui se retrouvent d'une nouvelle à l'autre et qui donnent à penser qu'elles seront à coup sûr présentes dans nos vies de demain pour l'auteur :

Le smartstream ou successeur du smartphone.

Les lunettes et mêmes lentilles XR.

Le premier sera le support de toutes nos applications, comme il l'est déjà. Mais il gagnera en puissance de calcul et en nombre de données au point de devenir ultra-performant et personnalisé (comme cela est montré dans le chapitre 1 avec le système d'assurance).

Les secondes nous intéressent davantage ici. Grâce à elles, nous pourrons nous immerger dans les différents niveaux de RX à tout moment de la journée. Le personnage principal de l'histoire dit même qu'elle se sent "aveugle" sans elles.

Dans IA 2042, Kai-Fu Lee prend le temps d'expliquer les ressorts techniques de ces nouvelles technologies et leurs limites, tant fonctionnelles qu'éthiques — tout particulièrement la question de la conservation des données.

Il aborde aussi la question des gants haptiques et des technologies qui nous permettront de connecter nos autres sens (en plus de la vie) au monde numérique.

6 — Le pilote sacré

Nous sommes de retour au Sri Lanka pour cette nouvelle.

La réalité virtuelle ressemble à un jeu. Mais l'est-elle uniquement ? Certes, du divertissement peut être créé à partir d'elle, mais aussi bien d'autres choses. Et si la réalité virtuelle, couplée à la technologie de la voiture autonome, pouvait nous aider à guider à distance les voitures des personnes comme c'est déjà le cas pour les drones ?

La réalité sociale du Sri Lanka est faite de tensions politiques et parfois d'attentats terroristes. Mais c'est un pays qui se développe et qui bénéficiera de technologies de pointe dans vingt ans.

Dans cette histoire, un jeune prodige des jeux vidéo nommé Chamal est recruté par une entreprise pour effectuer des missions spéciales qu'il prend au départ pour un simple jeu vidéo. Avant de s'apercevoir que c'est loin d'être le cas !

L'analyse de Kai-Fu Lee

Grâce à cette histoire, nous plongeons encore plus profondément dans l'univers de la RX, tout en y intégrant une autre technologie : celle des voitures autonomes.

L'idée de base des auteurs consiste à affirmer que le cinquième stade de la voiture autonome (pour un rappel des cinq stades de la voiture autonome, lire la chronique Elon Musk : L'homme qui défie la science) sera complètement atteint en 2042.

Toutefois, il se peut qu'une "reprise en manuel" soit nécessaire de temps à autre, surtout lors de crises majeures (catastrophes naturelles, attentats, etc.) qui peuvent brouiller les systèmes d'IA, voire les rendre inopérants. L'hypothèse faite ici est que des pilotes "à distance" prennent le relais dans ces situations.

Au-delà de cette possibilité (qui relève ici de la fiction), Kai-Fu Lee étudie les retombées positives et négatives de la voiture autonome. Puis, il passe en revue les freins éthiques et juridiques qui pourraient ralentir les progrès techniques — comme la question de savoir qui est responsable en cas d'accident avec une voiture autonome, par exemple.

Pour l'auteur :

"Élargir la conscience que nous avons de ces questions toutes légitimes, et en débattre, est indispensable. Il nous faut résoudre ces difficultés le plus vite possible afin d'être prêts pour les technologies d'automatisation de la conduire, le jour où elles parviendront à maturité." (IA 2042, Chapitre 6)

7 — Apocalypse quantique

L'Islande, mais aussi l'Europe entière, est au cœur de ce septième chapitre.

La technologie mise en avant ici n'est pas à proprement parler celle de l'IA, même si elle lui est liée. Il s'agit de l'informatique quantique. Si cette technologie arrive à maturité, elle pourrait bien révolutionner l'IA en la dotant d'une puissance de calcul jamais atteinte.

La question sociale posée ici est celle de l'usage volontairement néfaste des technologies. L'un des mantra répétés dans tout l'ouvrage c'est que la technologie n'est pas bonne ou mauvaise en soi, mais qu'elle dépend de ce que les humains en font.

Quid si quelqu'un — ou une organisation — décide de faire le mal ?

Dans la nouvelle "Apocalypse quantique", un scientifique devenu fou cherche à "punir" la société en utilisant un ordinateur quantique et une armée de drones autonomes. Deux spécialistes que tout oppose — une jeune femme hacker et un fonctionnaire chargé de cybersécurité — vont se retrouver en charge de sauver l'humanité !

L'analyse de Kai-Fu Lee

"L'informatique quantique a, d'après moi, 80 % de chance de fonctionner en 2042. Si c'est le cas, son impact sur l'humanité pourrait dépasser celui de l'IA. Comme la machine à vapeur, l'électricité, l'informatique et l'IA? C'est une technologie extrêmement polyvalente capable de bouleverser la compréhension que nous avons de la nature et de nous aider à réaliser des progrès scientifiques spectaculaires." (IA 2042, Chapitre 7)

Le spécialiste de l'IA expose les grands principes de l'informatique quantique puis pose la question de la sécurité. En effet, l'informatique quantique, par sa puissance de calcul exceptionnelle, pourrait "hacker" tous les systèmes de sécurité actuels, y compris — par exemple — les systèmes de protection des bitcoins.

Un autre thème traité dans la suite de cette partie concerne les armes autonomes. Pour plus d'information sur ce sujet, vous pouvez également lire la chronique du livre À nous d'écrire l'avenir de l'ancien patron de Google Eric Schmidt.

Pour les auteurs, il est de la plus grande importance de limiter leur prolifération.

8 — Le sauveur d'emplois

Les États-Unis accueillent cette huitième histoire.

L'intelligence artificielle s'est infiltrée dans tous les secteurs, tous les métiers. C'est notamment l'épidémie qui a accéléré cet engouement des entreprises pour le recours à l'IA. Le problème est avant tout social : que faire de toutes ces personnes qui se retrouvent sans emploi ?

Plusieurs propositions sont faites, comme le revenu universel de base (RUB). Mais l'histoire propose une autre solution : le reclassement dans des emplois plus qualifiés ou moins sujets aux pressions de l'IA. Toutefois, cette solution est très imparfaite et de nombreux travailleurs ne trouvent pas de nouveaux emplois stables.

L'histoire se concentre sur le travail d'une spécialiste en reclassement et du patron de l'entreprise, Michael Sauveur. Un jour, une étonnante nouvelle fait irruption dans leur quotidien : une autre firme promet un reclassement de 100 % des travailleurs licenciés !

Arnaque ? Promesse en l'air ? Quel est le "truc" de cette concurrente ? Eh bien, elle est de faire travailler "pour de faux" les travailleurs désœuvrés. Un scandale ? Oui ! À moins que la société consente à quelques petites modifications…

L'analyse de Kai-Fu Lee

Le problème économique de la perte massive d'emplois en raison du développement et de l'adoption de l'IA dans de nombreux secteurs d'activité est très présent dans l'actualité. C'est un problème structurel à résoudre au plus vite.

Nous avons appris à aimer travailler et à donner sens à notre existence grâce à notre travail. Oui, pour nous, êtres humains du XXe et du début du XXIe siècle, le travail est une valeur ; se réaliser dans un métier nous construit comme individu et nous positionne dans la société.

Dans ces circonstances, le chômage de masse est un véritable enjeu, non seulement social et économique, mais aussi existentiel. Le RUB est l'une des solutions qui est avancée ces dernières années, mais il se peut que ce ne soit pas suffisant, car les gens risquent de se tourner vers des activités destructrices (addictions de toutes sortes, etc.).

L'une des clés consiste à repérer clairement les domaines où l'IA aura le plus de mal à s'intégrer et à rechercher ce type de poste. En l'occurrence, Kai-Fu Lee dégage trois grandes qualités qui seront toujours requises :

La créativité ;

L'empathie ;

La dextérité.

La reconversion professionnelle va devenir une obligation pour nombre d'entre nous, au moins une fois durant notre carrière. Au-delà, le chercheur nous invite à repenser le contrat social sur lequel reposent nos sociétés occidentales et suggère un plan en trois étapes :

Réapprendre (l'acquisition de compétences utiles et peu prises en charge par l'IA) ;

Recalibrer (la définition de nouveaux emplois liés à l'IA et générer une symbiose humain-machine) ;

Renaître (le développement d'une société curieuse et ouverte, qui poursuit la visée du progrès).

9 — L'île du bonheur

Le royaume du Qatar offre le cadre de cet avant-dernier récit.

Et si une technologie pouvait nous rendre heureux ? Si l'IA pouvait être assez fine pour capter vos moindres désirs — même les plus abstraits — et vous fournir le bonheur sur un plateau d'argent ? Telle est l'hypothèse mise à l'épreuve dans cette nouvelle.

Au niveau social, nous nous trouvons dans un milieu de milliardaires. Le Prince héritier du Qatar, en souverain bienveillant, veut le bonheur de son peuple et teste sa nouvelle technologie — une IA à prétention omnisciente — auprès d'un riche, très riche public trié sur le volet.

Viktor, jeune quarantenaire russe ayant fait fortune dans les jeux en ligne, notamment, est l'un des évités du royaume. Avec d'autres, il doit demeurer dans une île où tous leurs désirs pourront prendre forme. Pourtant, loin de les combler, l'IA leur fait perdre le goût à la vie, au point qu'ils cherchent à s'enfuir.

Pourquoi ?

L'analyse de Kai-Fu Lee

C'est probablement parce que l'IA développée par le Prince ne parvient qu'à subvenir aux besoins hédonistes et non aux besoins eudémoniques. Quelle est la différence ?

Besoins hédonistes = les deux premiers paliers de la pyramide de Maslow environ (besoins physiologiques, sécurité et pour une part, besoins de liens sociaux).

Besoins eudémonistes = les trois derniers paliers (besoins d'amour et d'appartenance, d'estime et d'accomplissement de soi).

Il est très difficile — mais pas impossible selon les auteurs — de concevoir une IA qui répondrait à toute cette palette de désirs, et surtout aux besoins eudémonistes, qui sont les plus abstraits et les plus propres à l'humain. Ce ne sera sans doute pas encore une réalité en 2042.

Pour que cela puisse se faire, il faudrait résoudre à minima trois épineux problèmes :

Celui de la mesure de notre bonheur ;

Celui du stockage des données et de leur protection ;

Et enfin, celui de l'entité qui conservera nos données.

Kai-Fu Lee estime que les visées de ceux qui récoltent nos données et nos propres objectifs doivent se rejoindre. C'est ce qu'ils nomment une "IA de confiance", c'est-à-dire qui cherchera à optimiser la même "fonction objectif" que nous.

C'est le contraire qui se passe aujourd'hui avec Google ou Facebook, par exemple. Dans la mesure où ces entreprises orientent l'IA vers la maximisation du profit, leurs objectifs ne sont pas convergents avec les nôtres.

Mais il est possible de penser des solutions qui facilitent la confiance entre les deux parties et qui nous permettent, ainsi, de livrer sans trop de remords nos données.

"Que cette entité de confiance soit une monarchie éclairée, une coopérative open source ou un système de blockchain distribué, nous pourrions retirer de cette puissante IA des bienfaits sans précédent, tout en ayant bon espoir que de nouvelles avancées technologiques sécuriseraient chaque jour davantage nos données." (IA 2042, Chapitre 9)

10 — Horizon plénitude

Un voyage en Australie nous est proposé pour clore ces nouvelles.

La technologie en jeu ici est une IA qui sert une politique publique de remise à l'emploi des jeunes et, notamment, des jeunes les plus défavorisés issus le plus souvent de la minorité indigène, les aborigènes. Ce système vise à proposer des travaux aux jeunes en l'échange de récompenses et d'une valorisation sociale.

Cette technologie est censée venir en aide à ces jeunes qui n'ont plus de travail (notamment à cause de l'IA), en tablant sur la qualité d'empathie et le besoin de reconnaissance sociale et de développement personnel.

Dans "Horizon Plénitude", Keira est une jeune qui va s'occuper d'une biologiste célèbre à la retraite, Johanna Campbell. Un lien fort se noue entre les deux femmes malgré des débuts difficiles. Peu à peu, chacune aide l'autre à surmonter ses difficultés et — pour Keira — à trouver sa voie.

L'analyse de Kai-Fu Lee

Le type de société qui est dépeint dans cette histoire n'est possible que dans un pays qui aurait mis en place une forme souple de gratuité de tous les services publics, générée notamment grâce à la baisse des coûts liés aux énergies propres. L'Australie est un bon candidat, mais beaucoup de chemin reste à faire !

Kai-Fu Lee expose l'intérêt des énergies renouvelables et aussi l'innovation en matière de nouveaux matériaux de construction et de consommation (il aborde par exemple le thème de la viande de synthèse).

Nous pourrions vivre dans une société d'abondance grâce au progrès scientifique et technique. Mais c'est aussi une question d'allocation juste et raisonnée des ressources qui est en cause (évitement du gaspillage et allocation des logements vides, par exemple).

Dernier point — et non des moindres — évoqué par l'auteur : la fin de l'argent. Pouvons-nous imaginer un monde où l'argent n'aurait plus la place qu'il a aujourd'hui ? Rien n'est moins sûr, mais pour Kai-Fu Lee, c'est bien vers cet horizon de la plénitude que nous devons nous diriger.

IA : Vers une fin heureuse ?

"L'intelligence artificielle renferme la promesse d'un avenir radieux pour l'humanité [...]. L'IA créera une richesse prodigieuse et, en symbiose avec les humains, amplifiera nos capacités. Elle améliorera nos façons de travailler, de jouer et de communiquer, nous affranchira des tâches routinières et nous fera entrer dans l'ère de la plénitude." (IA 2042, "IA : Vers une fin heureuse ?")

Le plus important est de comprendre que nous ne sommes pas les jouets de l'histoire ; nous pouvons contribuer au changement en nous investissant dans de nouveaux métiers ou dans des initiatives citoyennes et politiques.

Bien sûr, le voyage ne sera pas sans risque. Mais, pour les deux auteurs de IA 2042, l'aventure en vaut assurément la chandelle !

Conclusion sur « IA 2042 — Dix scénarios pour notre futur » de Kai-Fu Lee et Chen Qiufan :

Ce qu'il faut penser de « IA 2042 — Dix scénarios pour notre futur » de Kai-Fu Lee et Chen Qiufan :

Voici un livre très bien construit qui permet au lecteur de se familiariser avec un grand nombre de concepts techniques et de cerner leurs enjeux de façon divertissante et concrète, grâce aux histoires fictives.

Les auteurs sont résolument optimistes et cherchent à convaincre leurs lecteurs de les suivre sur le chemin de la confiance vis-à-vis de l'IA. Il ne faut donc pas y voir un livre uniquement "réaliste", comme ils le prétendent au début. C'est bien un livre engagé en faveur de l'IA que vous lirez ici !

Il y a pour eux de bonnes raisons d'être optimiste de façon réaliste et mesurée. Et c'est ce qu'ils s'évertuent à montrer au fil des pages, en voyant comment les difficultés, aussi bien techniques qu'éthiques, pourraient être surmontées.

En résumé, IA 2042 est un ouvrage à mettre entre toutes les mains, surtout celles qui n'ont pas encore eu d'introduction technique à l'intelligence artificielle !

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Mon, 20 May 2024 17:00:00 +0200 http://www.olivier-roland.fr/items/view/12860/IA-2042
12 nouvelles règles pour une vie au-delà de l’ordre http://www.olivier-roland.fr/items/view/12858/12-nouvelles-rgles-pour-une-vie-au-del-de-lordre

Résumé de « 12 nouvelles règles pour une vie au-delà de l’ordre » de Jordan B. Peterson : le dernier ouvrage de l’un des penseurs les plus influents du développement personnel et de la psychologie outre-Atlantique — à ne mettre dans vos mains que si vous avez vraiment envie de vivre pleinement votre vie !

Par Jordan B. Peterson, 2021.

Titre original : « Beyond Odrer: 12 More Rules for Life », 2020.

Chronique et résumé de « 12 nouvelles règles pour une vie au-delà de l'ordre » de Jordan B. Peterson

Introduction

Contrairement à son précédent livre, 12 Règles pour une vie : un antidote au chaos, Jordan B. Peterson propose ici de réfléchir à ce que le désordre (le chaos) peut avoir de bon et de positif dans nos existences quotidiennes.

Son premier livre était une partie du chemin : une méthode pour vivre mieux en s'organisant le plus efficacement possible. Mais ici, il nous fait faire un pas de plus et découvrir comment accepter la part de désordre et d'incertitude pour rester ouvert à la nouveauté et à la créativité.

L’auteur commence par raconter sa descente aux enfers après la publication de son premier ouvrage. Sa femme et sa fille ont connu des problèmes de santé assez graves. En outre, lui-même s’est retrouvé face à une addiction aux benzodiazépines qu’il n’a réussi à traiter que très difficilement, au cours de longs mois de souffrance.

Pour Jordan B. Peterson, ces expériences sont compliquées et douloureuses, et il ne s’agit pas de les nier. Mais il n’est pas non plus opportun de se couper de ce qu’il y a de fort en nous ; ce qu’il nomme notre « part héroïque ».

"Tous ces malheurs ne forment que la moitié sombre de l'histoire de l'existence et ne tiennent aucun compte de l'élément héroïque de la rédemption ni de la noblesse de l'esprit humain qui requiert qu'on lui confie un minimum de responsabilités. C'est à nos dépens que nous méprisons cette partie de l'histoire, car la vie est si difficile que le fait de perdre de vue cette partie héroïque de l'existence pourrait nous coûter très cher." (12 nouvelles règles pour une vie au-delà de l’ordre, Introduction)

Règle 1 — Évitez de constamment dénigrer la créativité et les institutions sociales

Solitude et chaos

Parler avec autrui est capital pour mettre de l'ordre dans ses idées. C'est une leçon que l'auteur a clairement perçue grâce à l'un de ces patients. Lors des premières séances de psychothérapie avec Jordan B. Peterson, il était dépressif, très solitaire. Il ne parlait que de ce qui l'ennuyait.

Au fil des années, il a pourtant complètement changé. Il a fait de nombreux efforts, dans sa vie de tous les jours, pour se tourner davantage vers les autres. Il a peu à peu remis de l'ordre dans son existence grâce à la discussion qu'il menait avec eux et grâce au fait de les laisser voir ses talents.

La santé mentale comme institution sociale

La santé mentale ne vient pas seulement de l'harmonisation de nos différentes personnalités. Nous sommes ouverts sur le monde extérieur, que nous le voulions ou non. Autrement dit, la communauté a un grand rôle à jouer dans notre sentiment de bien-être au quotidien.

L'éducation :

Les loisirs ;

Les projets ;

Nos proches ;

Nos amours ;

Etc.

Voici des dimensions sociales de nos existences. Et tout cet « entourage » nous permet, d’une manière ou d’une autre, de rester en bonne santé mentale. En fait, les autres nous rappellent constamment quel est le « droit chemin » et celui à éviter. Comment ? Via du langage verbal et non verbal au cours de nos interactions avec eux.

De l'intérêt de désigner

Nous cherchons tous à attirer l'attention des autres. Lorsque nous désignons quelque chose (comme un bébé pourrait le faire), nous cherchons en même temps à attirer l'attention sur l'objet et sur nous-mêmes qui le montrons.

Les bébés — comme la petite-fille de l'auteur qui est prise pour exemple — ont besoin de montrer ce qui les intéresse pour recevoir une validation d'autrui.

"Si vous ne communiquez pas sur ce qui pourrait intéresser d'autres personnes, alors, la valeur de votre communication — voire la valeur de votre présence — risque d'être réduite au néant." (12 nouvelles règles pour une vie au-delà de l’ordre, Chapitre 1)

La parole est une forme plus complexe de désignation. Pour attirer l'attention de nos semblables, il y a peu de choses plus efficaces ! C'est d'ailleurs ce que savent très bien les copywriters…

Que devrions-nous désigner ?

Le langage exprime ce qui est acceptable ou non ; des valeurs sont déjà présentes dans les mots que nous employons. Souvent, nous ne nous en rendons pas compte. Nous cherchons à exprimer et à subvenir à nos besoins de façon correcte pour nous et pour les autres, au sein de la société dans laquelle nous vivons.

Nous coopérons les uns avec les autres pour ce faire. Mais nous sommes aussi en concurrence pour certains biens. C'est toute une organisation sociale qui en découle. Dans l'idéal d'une société bien organisée, chacun intervient là où il a plus de talent.

La hiérarchie qui découle de la structuration des besoins au sein d'une société est une institution sociale "qui rend en même temps possibles le progrès et la paix", dit Jordan B. Peterson.

De bas en haut

Nous intégrons tous progressivement le langage et, avec lui, les règles propres à une société. Nous entrons dans le jeu de la concurrence et de la compétition, d'abord avec les gestes, puis avec la parole.

Le jeu est un véritable microcosme social où nous expérimentons les règles. Au final, la vie et les sociétés elles-mêmes ressemblent à de grands jeux que nous jouons constamment.

L’objectif de tout joueur (ici, de tout être humain, donc) est de se rendre capable de participer au plus grand nombre de jeux possible. Ou plus exactement « d’être invité par le plus grand nombre à participer à une série de jeux ».

De l'utilité de l'Idiot

Il est tout à fait bienvenu d'être un "débutant". Nous devons tous en passer par là. Nous sommes tous, à un moment donné au moins, au bas de l'échelle. Cela peut nous apprendre l'humilité et la gratitude.

Les plus grands héros de nos mythes et fictions, de Harry Potter à Pinocchio en passant par Jésus Christ, ont tous commencé dans de piètres conditions et ont été exposés au danger. Mais c'est comme cela, à chaque fois, qu'ils apprennent à la fois qui ils sont et comment changer (ou s'adapter) au monde.

De la nécessité d'avoir des égaux

C'est parmi nos pairs que nous parlons le plus librement et que l'information circule le mieux. Entre supérieurs et inférieurs, il y a toujours du bruit ou des résistances à s'écouter l'un l'autre.

Parler entre amis, c'est-à-dire en égaux, est une chose essentielle dans l'existence. Et celle-ci implique le partage, qui s'apprend lui aussi au cours de l'enfance, comme le relate Jordan B. Peterson.

Recevoir et surtout donner son soutien sont des éléments positifs de la santé mentale (et ceux-ci influenceraient même sur la longévité). Éprouver les sentiments d'amitié renforce notre sentiment de sécurité et de sens, que ce soit dans la vie personnelle ou professionnelle.

Qui c'est le patron ?

Être une autorité dans son domaine n'a rien d'une honte. Au contraire ! Avoir de la "supériorité" dans une hiérarchie ne doit pas être considéré non plus avec mépris. Parfois, c'est le cas. Pourtant, savoir être un bon supérieur ou une autorité pour d'autres est quelque chose de très positif.

Ceux qui le cherchent ont de l'ambition, ce qui n'est pas la même chose que la "soif de pouvoir". Un bon patron ou supérieur hiérarchique se fonde sur l'autorité, c'est-à-dire sa compétence, et non sur le pouvoir (c'est-à-dire la force).

Bien sûr, les deux peuvent être mêlés, et parfois avec raison, mais il convient de les distinguer.

Les institutions sociales sont nécessaires… mais insuffisantes

Les institutions sociales et les hiérarchies sont essentielles pour grandir. Cela dit, il y a un paradoxe : les problèmes de la société changent et, parfois, les réponses apportées hier ne fonctionnent plus pour ceux-ci. Dans ce cas, que faire ?

C’est là où interviennent les esprits créatifs, qui valorisent le changement sur le statu quo. Ces personnes, souvent plus jeunes, viennent bouleverser les codes sociaux, les normes (et même parfois le langage).

« Comment établir un équilibre entre un conservatisme raisonnable et une créativité revitalisante ? », demande Jordan B. Peterson dans 12 nouvelles règles pour une vie au-delà de l’ordre.

De la nécessité d'un équilibre

Ni la créativité ni la discipline ne sont suffisantes. Les deux entretiennent une relation d'interdépendance que nous oublions trop souvent, en mettant uniquement l'accent sur l'une ou l'autre.

Pour être créatifs, nous avons besoin de suivre d'abord des règles, d'apprendre, justement, une "discipline" (que ce soit le piano, le tennis ou les mathématiques). Par ailleurs, la créativité a le grand mérite de venir renouveler l'efficacité des réponses habituellement apportées. Il nous faut les deux !

La personnalité en tant que hiérarchie… et capacité de transformation

"À quoi ressemble, alors, la personnalité qui permet d'établir un équilibre entre le respect pour les institutions sociales et la transformation créatrice ? Compte tenu de la complexité du problème, ce n'est pas facile de le déterminer. Pour cette raison, on préfère se tourner vers les histoires." (12 Nouvelles Règles pour une vie au-delà de l'ordre, Chapitre 1)

Plusieurs histoires sont mises en avant par l'auteur pour nous faire sentir la "personnalité idéale" qui parvient à joindre conservatisme et créativité. Notamment :

Harry Potter ;

Pocahontas ;

Jésus-Christ.

À chaque fois, les institutions sociales sont à la fois respectées et bafouées, mais toujours en vue de créer un monde meilleur, plus juste, plus sain et plus vivant.

Règle 2 — Imaginez qui vous pourriez devenir, et visez résolument cet objectif

Qui êtes-vous, et qui pourriez-vous devenir ?

Que serions-nous si nous n’avions pas eu cet accident, ce problème, etc. ? Nous avons tous le sentiment d’avoir du « potentiel » largement inexploité en nous. Mais comment le débloquer, et comment se donner une idée claire de ce que nous pourrions devenir ?

Jordan B. Peterson pense que cela est lié à deux choses, qui sont spécifiquement humaines.

Premièrement, nous nous racontons collectivement des histoires dans lesquelles nous mettons en scène des héros et des situations qui montrent ce dont nous sommes capables (ou des "nous" idéalisés).

Deuxièmement, nous sommes susceptibles d'apprendre toujours plus et de nous inspirer du passé pour développer nos propres luttes, nos propres combats (intérieurs ou collectifs).

Grâce à ces qualités, nous sommes en mesure d'avoir des guides pour notre développement personnel et social.

La naissance de l’inoubliable

"Une histoire inoubliable capte la quintessence de l'humanité et la condense, la transmet et la clarifie, mettant en lumière ce que nous sommes et ce que nous devrions devenir. Elle nous parle, attirant notre attention et nous poussant à l'imiter. Nous apprenons à voir et à nous conduire de la même manière que les héros de ces récits qui nous ont tant captivés." (12 Nouvelles Règles pour une vie au-delà de l'ordre, Chapitre 2)

Toutes ces histoires sont le fond dans lequel nous pouvons puiser pour comprendre comment agir au mieux et transformer ce chaos de sensations que nous éprouvons en force active et positive.

C'est pourquoi l'auteur utilise tant d'histoires et d'exemples tirés de la fiction dans les sections et les chapitres qui suivent.

Qui vous pourriez devenir 1 : Materia prima

La "matière première" est ce que les alchimistes utilisaient pour créer de l'or ou des métaux précieux (du moins essayaient-ils). Il existe toute une symbolique de l'alchimie et de la sorcellerie (que Jordan B. Peterson reprend via la saga Harry Potter, notamment) qui est utilisée par l'auteur pour expliquer le processus de transformation du potentiel.

Nous parvenons à transformer notre potentiel en une personnalité épanouie si nous réussissons à poursuivre de façon "franche et courageuse" ce qui est "à la fois significatif, dangereux et prometteur" en nous.

Qui vous pourriez devenir II : Le polythéisme dans le monothéisme, et l'apparition du héros vertueux

Jordan B. Peterson reprend plusieurs histoires, depuis le temps des mythes antiques et polythéistes jusqu'aux plus récents films, en passant par les paraboles et histoires religieuses des religions monothéistes.

Un exemple. Dans cette section, il passe de :

Enuma Elish (mythe mésopotamien) ;

Le mythe d'Horus en Égypte ;

L'histoire de Saint-Georges (christianisme) ;

Les récits de la Saint-Patrick (idem) ;

Le Hobbit de J.R. Tolkien ;

Avengers, le film de Marvel.

"Tous ces héros interprètent ce qui a sans doute été la plus grande découverte jamais faite par les ancêtres primordiaux de l'homme : si vous avez la vision et le courage (et un bâton solide, en cas de nécessité), vous pouvez chasser les pires serpents." (12 Nouvelles Règles pour une vie au-delà de l'ordre, Chapitre 2)

Qui vous pourriez devenir III : Héros, dragon, mort et résurrection

Ici, l'auteur revient sur l'histoire de Harry Potter — sa rencontre et sa bataille avec le Basilic — pour montrer tout l'intérêt de ce type d'histoire. Que nous apprend-elle, si nous suivons les symboles ?

Eh bien qu'au-delà de la bataille avec le serpent (le dragon ou le basilic, qui sont tous des reptiles), il y a une renaissance : nous devenons différents, plus forts qu'auparavant.

Comment passer à l'action

Nous passons à l'action le plus souvent sans nous en rendre compte. Lorsque nous sommes enfants, nous apprenons à agir à partir du jeu d'imitation que nous développons naturellement. Nous faisons "comme si".

Devenus adultes, nous utilisons le théâtre, mais aussi la littérature. Dans ce dernier cas, l'imitation ne passe plus par le corps directement, mais par l'imagination seule et les mots. Nous pouvons apprendre à imiter les modèles que nous imaginons grâce aux œuvres de fiction que nous lisons (et regardons sur nos écrans).

En l'occurrence, ceux-ci nous apprennent la chose suivante :

"Fixez-vous des objectifs. Choisissez la meilleure cible que vous soyez en mesure de concevoir. Approchez-vous-en tant bien que mal. Tout au long du chemin, relevez vos erreurs et vos idées fausses, affrontez-les et rectifiez-les. Soyez cohérent. Le passé, le présent, l'avenir… ils sont tous importants. Il vous faut organiser votre chemin. Vous devez savoir où vous êtes, afin d'éviter de reproduire vos erreurs passées." (12 Nouvelles Règles pour une vie au-delà de l'ordre, Chapitre 2)

C'est ce que font les héros qui se fixent un objectif ultime et cherchent à l'atteindre constamment, tout en restant modestes et ouverts quant à leurs compétences.

Règle 3 — Évitez de cacher dans le brouillard ce dont vous ne voulez pas

Ces fichues assiettes

Ne prenez pas l'habitude d'accepter les petites choses qui vous ennuient. Elles se répètent et peuvent rendre votre vie insupportable, voire mettre fin à de belles histoires. Mieux vaut les prendre à temps et accepter de se confronter à l'autre — de façon non violente et positive — lorsque cela est nécessaire.

Ça ne mérite pas que je me batte pour ça

Pour accepter de se confronter à ces proches et de s'affirmer dans la vie de tous les jours, encore faut-il savoir ce que nous voulons. L'auteur reprend l'histoire réelle d'une de ses patientes qui ne parvenait pas à se sentir chez elle dans sa propre maison.

En cause ? Elle avait laissé son mari tout décider et, pourtant, n'aimait pas ce qu'il avait choisi en termes de décoration. Peu à peu, cela lui avait rendu la vie impossible et elle ne se sentait pas heureuse, comme "prise au piège".

Mieux vaut donc parler en ayant un objectif clairement à l'esprit !

Corruption : action et omission

Nous nous aveuglons sur ce qui compte ou pas. Nous laissons souvent les choses aller, sans prendre le temps d'y réfléchir de façon plus profonde, ni d'agir en conséquence. Mais nous détournons également les soucis qui nous concernent de bien des manières. Freud, par exemple, en a souvent parlé comme des formes plus actives de "refoulement".

Et cela, pour une part, se comprend. Lorsque nous sommes mis face à de telles situations désagréables, nous avons une tendance naturelle à les évacuer. En outre, elles sont souvent enchevêtrées dans le reste de l'existence, et leur trouver une "solution claire" au problème peut être un exercice assez, voire très complexe.

Qu'est-ce que le brouillard ?

Certaines personnes peuvent avoir très peur de définir ce qu'elles veulent. Pourquoi ? Car elles ont peur d'elles-mêmes et de l'échec. Souvent pour de bonnes raisons, qui sont liées à des expériences passées.

Si c'est votre cas, vous êtes dans le "brouillard". Vous vous dissimulez vos émotions aussi bien que vos motivations et vous refusez catégoriquement d'y avoir accès. Pourtant, les émotions nous renseignent sur ce que nous voulons.

Accepter ses sentiments est difficile, mais mène à une vie plus dense et plus sereine. Vous ne vous laisserez pas prendre par l'optimisme béat (tout le monde est gentil) ou par le pessimisme noir (tout le monde va me tromper, et moi en premier lieu).

Prendre la responsabilité de ses émotions et les manifester conduit à une forme de confiance, fondée sur le courage. Vous savez qu'il est possible de se tromper (et d'être trompé), mais vous décidez malgré tout de vous engager — en vous réservant le droit de dire ce que vous ressentez.

Événements et souvenirs

Sortir de la confusion pour étudier consciemment les événements et les souvenirs que nous avons est l'une des choses les plus courageuses que nous puissions faire. Nous avons mille raisons de rester dans le "brouillard", mais cela ne nous aidera pas d'un pouce à avancer vers un mieux-être.

"Grâce à une recherche minutieuse et une attention soutenue, vous pourriez suffisamment faire pencher la balance vers l'opportunité et contre l'obstacle pour que votre existence, en dépit de sa fragilité et de la souffrance qu'elle vous procure, mérite réellement d'être vécue." (12 Nouvelles Règles pour une vie au-delà de l'ordre, Chapitre 3)

Règle 4 — Retenez que l'opportunité se cache là où l'on a démissionné de ses responsabilités

Devenez indispensable

Il est essentiel pour la santé mentale de trouver des choses importantes à faire. Cela peut être dans le travail ou dans d'autres secteurs de la vie (associative, par exemple).

Nous apprécions aussi être reconnus pour nos actions. Cela nous donne un sentiment d'être à notre place dans le monde.

Pour y parvenir, il importe d'oser entreprendre et exécuter des tâches qui nous semblent parfois difficiles à réaliser. Oser prendre sa place sur un lieu de travail ou dans une communauté, en surmontant la peur que cet engagement et ce travail impliquent.

Responsabilité et sens

Nous pouvons rester confortablement dans l'idée de la potentialité. Nous pouvons tout, comme Peter Pan. Mais quand nous nous engageons dans l'action, nous assumons des choix. En d'autres termes, nous réduisons nos potentialités.

Refuser de grandir, comme Peter Pan, cache quelque chose de noir, voire de suicidaire (voir p. 128). Se lancer dans l'aventure de la vie est bien plus positif. Même à un âge avancé, comme c'est le cas dans le récit biblique d'Abraham que relate également Jordan B. Peterson.

Sauvez votre père : Osiris et Horus

L'histoire d'Osiris et Horus, dieux de la mythologie égyptienne, est contée par l'auteur pour exposer le problème de la transmission et de la transformation. Horus, fils d'Osiris, est amené à régner. Mais il doit pour cela affronter son oncle, Seth, dieu des enfers.

La leçon qu'en tire le psychologue est ici ce qui nous intéresse le plus :

"Il n'est pas dans la nature de l'humanité de se recroqueviller, ni de se figer telle une proie sans défense ni de retourner sa veste et d'œuvrer pour le mal, mais d'affronter le lion dans sa tanière. C'est la nature de nos ancêtres : des chasseurs, défenseurs, bergers, voyageurs, inventeurs, guerriers et fondateurs de cités et de pays extrêmement courageux. C'est le père que vous pourriez secourir ; l'ancêtre que vous pourriez devenir. Vous le découvrirez au plus profond de vous." (12 Nouvelles Règles pour une vie au-delà de l'ordre, Chapitre 4)

Et qui cela pourrait-il bien être ?

Pour bien agir, il nous faut prendre en compte la répétition de notre action dans le temps. Cela peut être formulé de la façon suivante : si je répète ce comportement toute ma vie, serais-je heureux — et rendrais-je les autres autour de moi heureux ?

L'auteur montre que nous ne pouvons pas être très longtemps des êtres égoïstes agissant uniquement selon nos désirs du moment. Ça ne fonctionne tout simplement pas !

Prendre soin de soi, c'est au minimum être capable de prévoir cette répétition dans le temps et agir pour que notre "moi" futur vive dans de bonnes conditions. Il en va de même lorsque nous pensons à notre couple à la communauté tout entière.

Bonheur et responsabilité

Bien sûr, nous pourrions simplement chercher à répéter inlassablement des moments de plaisir (nourriture, sexualité, etc.). Ces délices de la vie s'en vont et reviennent avec une ardeur implacable. Mais ce court-termisme fait-il de nous des êtres heureux ?

Jordan B. Peterson ne le pense pas. Pourquoi ? Car nous savons que notre vie a une fin — la mort — et que nous voulons lui opposer des émotions positives plus durables, un sens de l'accomplissement qui soit plus profond que la fugacité des sensations agréables.

Cette façon d'envisager le bonheur passe par la responsabilité. C'est en assumant un objectif clair et à long terme que nous construirons une vie plus heureuse, au sens fort du terme. Prendre sa vie en main, voilà un geste responsable.

Acceptez un excédent de poids

"Votre existence commence à prendre du sens, dans les mêmes proportions que les responsabilités que vous acceptez d'assumer. C'est dû en grande partie au fait que vous vous efforcez désormais sincèrement de mieux faire les choses. Vous réduisez au minimum les souffrances inutiles. Vous encouragez vos proches, que ce soit par l'exemple ou la parole. Vous limitez la malveillance dans votre cœur comme dans celui des autres." (12 Nouvelles règles pour une vie au-delà de l'ordre, Chapitre 4)

Jordan B. Peterson n’explique pas vraiment le titre de cette section. Mais nous pouvons l’expliquer par la responsabilité. Celle-ci est un poids, mais c’est elle qui nous mène sur le chemin de l’aventure, celle de notre vie ! Alors, acceptons ce poids et mettons-nous en marche.

Règle 5 — Ne faites pas ce qui ne vous plaît pas

L'ordre pathologique au quotidien

Parfois, les systèmes hiérarchiques sont porteurs de mal-être, voire de domination et de manipulation. Ces ordres sont alors « pathologiques ». Pour y résister, que ce soit en entreprise ou dans la vie privée, il faut du courage et de la ténacité.

Jordan B. Peterson raconte comment l'une de ses patientes est parvenue à se défaire de relations toxiques au sein de la grande entreprise où elle travaillait. Plus tard, elle s'est même battue, en tant que journaliste, pour défendre ses idées sociales et politiques.

Notre conscience — dans le sens, ici, du sentiment moral et intellectuel que quelque chose ne va pas et que nous devrions le changer — nous oblige d'agir. Même si, trop souvent, nous nous résignons. Pourtant, seul le courage de mener à bien ces combats nous aide à rester dignes et confiants en nous-mêmes.

Renforcez votre position

C'est dans ce sens qu'il faut refuser de faire ce que nous ne voulez pas faire. Vous pouvez accepter de faire plus de travail si vous pensez que cela mènera à plus de reconnaissance. Mais ne faites pas des choses dont vous auriez honte et qui vont à l'encontre de votre sens moral.

Renforcer sa position au sein de l'entreprise (thème privilégié de ce chapitre) peut passer par la force du refus :

"Si, au travail, ce qu'on vous demande de faire vous pousse à vous mépriser, à vous sentir faible et honteux, à vous en prendre à ceux que vous aimez, à refuser de vous montrer productif, et à avoir l'impression que votre existence vous écœure, il est possible qu'il soit temps de méditer, de réfléchir, de mettre en place une stratégie et de vous mettre en situation de dire "non"." (12 Nouvelles Règles pour une vie au-delà de l'ordre, Chapitre 5)

Aspects pratiques

Une autre solution pourrait être de vous reconvertir ou de changer d'emploi dans le même secteur. Si vous pensez que vous pourriez vous faire renvoyer, c'est certainement une bonne stratégie.

Avez-vous peur de partir ? Demandez-vous quelle en est la cause… Et puis, souvenez-vous, tout choix comporte sa dose de risque. La lumière est peut-être au bout du tunnel !

Vous pensez que personne ne voudra de vous ailleurs ? Les conditions de recrutement sont dures. Mais vous ne devez pas prendre cela personnellement. Cela ne remet pas en cause votre valeur intrinsèque.

Ce sera peut-être l'occasion de faire le point sur vos compétences et de vous engager sur un nouveau chemin d'apprentissage.

Règle 6 — Renoncez à l'idéologie

Les mauvais endroits

La responsabilité est un thème qui fait mouche dans toutes les conférences données par Jordan B. Peterson. Il serait facile de penser le contraire. Ce n'est pas un thème facile. Et pourtant, il intéresse particulièrement le public. Pourquoi cela ?

Parce que les gens ont besoin de retrouver ce sens, cette capacité à être responsables. Ils le savent sans nécessairement pouvoir articuler leur pensée.

Peut-être est-il simplement endormi

Notre sens de la responsabilité s'est peut-être endormi. Nous avons réclamé des droits sans nous interroger sur nos devoirs. Nous avons critiqué toutes les hiérarchies, sans nous demander ce que nous pouvions (et devions) faire. Bref, nous n'avons fait que la moitié du chemin.

Le sens des responsabilités nous pousse à faire l'autre moitié. Mais pour cela, nous devons sortir de notre tendance à l'idéologie (endoctrinement dogmatique) et au nihilisme (désespoir de celui qui ne croit en rien).

L'attrait fatal de la fausse idole

Jordan B. Peterson met en garde contre ce qui lui apparaît comme de fausses idoles actuelles (souvent, des mots en "-isme"). Pour lui, le plus important est de ne pas se laisser abuser par des intellectuels qui construisent des théories réductrices.

Celles-ci considèrent en général qu'il y a un "grand méchant" qu'il faut combattre et que tous nos maux viennent de là.

Ressentiment

Avoir du ressentiment, c'est mettre la faute de nos ratés sur les épaules de ces "grands méchants" (patriarcat, économie, etc.). En fait, c'est se laisser influencer par l'idéologie, qui nous évite d'avoir à regarder en nous-mêmes.

Au lieu de cela, il est préférable d'avoir un peu d'humilité et de commencer par prendre soin de soi en se dotant d'objectifs à sa mesure. Si vous voulez, progressivement, lutter pour une cause qui vous dépasse, cela sera un bienfait pour tout le monde.

Mais ne commencez pas par dire que vous n'y pouvez rien "à cause du grand méchant".

Règle 7 — Travaillez aussi dur que possible dans au moins un domaine, et voyez ce qui se produit

La valeur de la température et de la pression

La température et la pression du sol transforment le charbon en diamant. Il en va de même, métaphoriquement parlant, avec les personnes. Si nous parvenons à unifier notre personnalité, grâce notamment à un environnement propice, nous pouvons devenir des êtres conscients et "lumineux".

La psychanalyse nous apprend que l'esprit est multiple et que l'unification n'est pas chose aisée. Lorsque nous sommes pris, surtout enfants, par de grosses émotions telles que la colère, ou encore lorsque nous ne parvenons pas à nous décider, nous échouons à présenter au monde un moi clair et unifié.

Pour Jordan B. Peterson, la solution consiste encore une fois en l'établissement d'objectifs que nous désignons comme tels :

"Avoir des objectifs clairs limite et simplifie le monde tout en réduisant l'incertitude, l'angoisse, la honte et les forces psychologiques autodévorantes libérées par le stress." (12 Nouvelles Règles pour une vie au-delà de l'ordre, Chapitre 7)

La pire des décisions

Quelle est la pire des décisions ? C'est de n'en prendre aucune. C'est de continuer à croire que tout est possible ou de devenir cynique en croyant, à l'inverse, que rien ne l'est.

Souvent, les personnes échouent ou abandonnent par manque de détermination. Certes, il y a parfois de réelles incompatibilités entre une personne et ses ambitions, ou encore un individu et un autre, par exemple.

Voici quelques domaines qui demandent de la détermination :

Le couple ;

La famille ;

Les amis ;

Le travail.

Pour Jordan B. Peterson, plus vous irez au bout des choses dans ces domaines, mieux vous vous sentirez.

Discipline et unité

La discipline équivaut à la pression et à la température dont nous parlions plus tôt dans le cas du diamant. Nous avons besoin, en tant qu'êtres humains, de discipline pour nous mener vers l'intégration psychique et sociale.

La discipline n'est donc pas en soi répressive ou négative. Bien au contraire. Lorsqu'un enfant joue, il s'autodiscipline en apprenant et en suivant des règles. Lorsqu'un adulte veut apprendre un métier, il doit faire de même.

La communauté familiale et amicale, pour l'enfant, ou la communauté professionnelle, pour l'adulte, sont là pour guider le débutant et s'assurer que l'apprentissage se réalise correctement.

Le dogme et l'esprit

"Si vous travaillez aussi dur que possible sur une tâche, vous changerez. Vous commencerez aussi à devenir une seule chose, au lieu de la multitude vociférante que vous étiez jadis." (12 Nouvelles Règle pour une vie au-delà de l'ordre, Chapitre 7)

N'ayez donc pas peur d'apprendre et de vous mêler à une tradition déjà existante. Apprendre des règles, suivre des règles, tout cela n'est pas contraire à la créativité et à la nouveauté. Au contraire, c'est en vous ordonnant vous-même que vous serez capable de faire advenir du nouveau dans le monde.

Règle 8 — Chez vous, essayez de décorer du mieux possible au moins une pièce

Il ne suffit pas de nettoyer sa chambre

Jordan B. Peterson est connu pour ses conseils sur le rangement. Dans son précédent ouvrage, il incitait les jeunes gens à ranger leur chambre avant de vouloir changer le monde. Et il réitère ici, mais va un cran plus loin.

Pour lui, il est essentiel de se connecter au beau et donc, à l'art. Il ne suffirait donc pas de nettoyer sa chambre, ou sa maison ; il faudrait aussi chercher à l'embellir.

Le territoire que vous connaissez, celui que vous ne connaissez pas et celui que vous n'imaginez même pas

Les artistes apprennent (et nous apprennent) à reconnaître ce que nous avons oublié de notre enfance, la façon dont nous voyions le monde à ce moment-là, pleine de mystères et de détails. Ils nous ouvrent aussi l'horizon vers d'autres territoires, ceux que nous ne connaissons pas (ou plus), et ceux que nous n'imaginerions même pas.

Et c'est pourquoi il est si important de leur réserver une place dans notre vie. Ils nous aident à voir plus loin, à oser là où nous n'osons pas. En cela, ils sont les "agents civilisateurs" du monde moderne. À l'avant-garde, les artistes et les innovateurs balisent le chemin que suivront, ensuite, les personnes plus conservatrices.

Une pièce

Le psychologue raconte des anecdotes sur sa maison, son goût pour la peinture impressionniste réaliste soviétique (oui, oui !), et ses tentatives de rénover son bureau à l'université.

Mais pour lui, une chose importe par-dessus tous ces exemples : ayez le courage de rendre au moins l'une de vos pièces de vie plus belle, plus travaillée que les autres. Et même si cela vous attire des ennuis ou des moqueries !

Pas de la décoration

L'art n'est pas de la décoration, mais une "exploration". C'est la raison pour laquelle certains artistes ne cherchent pas à faire du beau, mais à choquer, à repousser les limites, même (et volontairement) en suscitant des émotions négatives.

Ne vous trompez donc pas : il n'y a pas que la beauté de type impressionniste — esthétique que nous avons presque tous adoptée comme modèle du beau aujourd'hui — qui vaut le coup d'œil ! Choisissez des œuvres qui vous parlent et vous transportent au-delà de vous-même.

Règle 9 — Si de vieux souvenirs continuent à vous hanter, notez-les soigneusement, en intégralité

En avez-vous réellement terminé avec le passé ?

Nous avons tous, peu ou prou, été prédateur ou victime. Nous avons souffert et fait souffrir. Ces erreurs, voire ces horreurs, nous reviennent régulièrement en mémoire. Nous ressentons de la peur, de la honte ou encore de la culpabilité.

Il n'est pas facile de se dépêtrer de tels souvenirs. Mais nous devons pourtant faire quelque chose de ces expériences. Nous devons en apprendre quelque chose ; nous devons en tirer une leçon, une morale, afin de ne plus nous laisser aller à de tels agissements.

Évitez de répéter les mêmes erreurs

L'auteur relate l'histoire de l'une de ses patientes qui avait été maltraitée par son grand frère. Elle avait 4 ans et celui-ci 6. Elle voyait pourtant son frère comme une personne menaçante et forte et le considérait comme l'agresseur.

Le travail de Jordan B. Peterson fut (en une seule séance) de dévier le raisonnement en montrant que son grand frère était un enfant, comme elle. Ce qui était en cause était plutôt le manque de surveillance des parents (momentané ou récurrent).

En imaginant la scène de façon différente, la patiente put se libérer de son statut de victime qui l'encombrait et passer à autre chose.

Possédé par des fantômes

Jordan B. Peterson raconte ensuite l'histoire d'une autre patiente qui pensait être possédée par des fantômes. Elle parvint, grâce à l'aide du psychologue et à l'hypnose, à se libérer de ces démons du passé qui la hantaient.

Voici ce que relate l'auteur au sujet de sa guérison :

"Désormais, elle comprenait et admettait suffisamment les dangers potentiels qui l'entouraient pour se frayer un chemin dans la vie en toute sécurité. Il n'était plus nécessaire que ce qu'elle avait appris, mais refusait d'admettre, s'impose à elle de manière incarnée et spectaculaire. Elle avait compris que cela faisait partie de sa personnalité — de la carte qui la guiderait désormais dans ses actions —, et s'était libérée des fantômes qui la possédaient." (12 Nouvelles Règles pour une vie au-delà de l'ordre, Chapitre 9)

Malveillance incompréhensible

Un autre jeune homme suivi par Jordan B. Peterson avait été la victime de malveillance venue d'autres élèves. Il avait développé des symptômes psychotiques qui l'empêchaient de poursuivre sa scolarité.

Le fait de reprendre son histoire et de la raconter à quelqu'un (son psychologue) lui permit d'en comprendre mieux les ressorts et de tirer les leçons pour que cela ne se reproduise plus. Il reprit confiance en lui et décrocha son bac.

Réaliser son potentiel

Réaliser son potentiel passe par le fait de faire des choix. Et cela nous inquiète. Au quotidien, nous pouvons nous trouver perdus devant la montagne de questions et d'incertitudes qui nous attendent dans l'avenir. Face à cela, comment — et que — choisir ?

Ce libre arbitre humain, c'est-à-dire cette capacité de choisir ce que nous avons à faire, est essentiel. Nous nous l'attribuons à nous-mêmes et aux autres, lorsque nous considérons qu'ils sont responsables de leurs actes. À chacun de réaliser son potentiel en utilisant le libre arbitre de sa volonté.

Le verbe sauveur

L'auteur répète ici l'une de ses thèses centrales : la mise en récit de nos aventures nous aide considérablement à avancer dans la vie.

Que nous racontions ou que nous écoutions des histoires, celles-ci nous aident à structurer notre existence et à faire des choix (ou à les accepter, s’ils sont déjà faits) !

Règle 10 — Organisez-vous et appliquez-vous pour que votre relation reste romantique

Le rendez-vous romantique insupportable

L’auteur prévient : il n’est pas spécialiste des relations de couples. Mais il lui est arrivé de traiter ce problème lorsque cela était une demande expresse d’un patient et que c’était lié à sa thérapie.

Jordan B. Peterson insiste ici sur un point : en tant qu'adultes conscients, cherchant à vivre des relations longues et sereines, nous pouvons à tout moment tomber dans l'habitude, voire le ressentiment.

Pour éviter de nous laisser entraîner dans des relations négatives, nous devons travailler sur nous-mêmes et sur la relation. Quand bien même nous n'aimons pas les dîners romantiques, nous devrions peut-être nous efforcer d'apprendre à les vivre avec plaisir.

L'idée, assez connue, est la suivante : en y accordant du temps et de la patience, nous pouvons continuer à voir en l'autre des choses nouvelles :

"Avec un peu d'attention, il se peut que vous continuiez à découvrir, chez la personne que vous avez choisie, suffisamment de mystères pour maintenir l'esprit qui vous avait réunis au départ. Avec un peu d'attention, vous pourrez éviter chacun d'enfermer l'autre dans une boîte, le châtiment à portée de main s'il faisait mine d'en sortir, le mépris pour la prévisibilité qui en résulte et vous guette tous les deux." (12 Nouvelles Règles pour une vie au-delà de l'ordre, Chapitre 10)

Le ciment

Vous avez sans doute entendu la phrase : "le sexe est le ciment du couple". Mais pour l'auteur, le ciment du couple n'est pas le sexe. Les situations sont trop diverses pour que nous puissions affirmer une chose pareille.

Par contre, ce qui compte plus que tout est la confiance. En ayant confiance l'un dans l'autre, nous pourrons nous aider dans les moments les plus difficiles de nos existences respectives.

Le Christ dans le cierge

Ne nous leurrons pas : lorsque nous nous engageons dans un couple, via le serment du mariage notamment, nous ne le faisons pas en considérant que nous avons déjà trouvé la meilleure personne possible — et que, à partir de là, tout ira bien !

En réalité, il y a bien d'autres personnes qui auraient pu faire l'affaire. Et ce n'est même pas la question. Lorsque nous nous engageons, nous acceptons de construire une relation avec quelqu'un en sachant que cela va être dur, parce que nous sommes différents et pleins de défauts.

Comment s'en sortir ? En négociant de bonne foi, à propos de vos objectifs propres et communs.

Négociation, tyrannie et esclavage

Le psychologue résume les trois positions possibles (interchangeables) :

Le tyran = tu fais ce que je veux ;

L'esclave = je fais ce que tu veux ;

La négociation = cherchons un consensus sur ce que nous voulons.

Pour atteindre la négociation, il faut dépasser les "je ne sais pas ce que je veux", les larmes et, bien sûr, les insultes. La négociation n'est pas une partie de plaisir à court terme, mais c'est la voie la plus durable.

La gestion du ménage

L'auteur donne ici quelques conseils pratiques qui peuvent sembler éloignés du romantisme et qui, pourtant, lui permettent de perdurer.

Décider de questions prosaïques du quotidien comme "qui fait le lit et comment” (pour ne pas avoir à entrer dans des discussions interminables tous les jours sur ces sujets).

Choisir quelle est la carrière à faire passer en priorité.

Être clair sur les choix éducatifs des enfants.

Etc.

Pensez également à parler au moins une fois par semaine des sujets qui préoccupent votre partenaire, comme son travail, sa relation aux enfants ou ce que vous pourriez faire pour l'aider, etc.

Enfin, le romantisme

Tel est bien l'objet final de ce chapitre ! Retrouver le romantisme et le plaisir de vivre à deux. Jordan B. Peterson est fier de son ménage : plus de 30 ans de mariage, ce n'est pas rien.

Sur la base de cette expérience et de son métier, il propose en plus des conseils et réflexions ci-dessus de se consacrer au thème du romantisme de façon pragmatique. Au moins deux fois par semaine, cherchez à trouver un intermède romantique où vous pourrez surprendre ou séduire votre partenaire.

Il aborde aussi la question du célibat. Sa réponse est assez simple : organisez-vous pour trouver du temps pour vous et pour des rendez-vous galants. Préparez-vous et soyez à l'écoute. Trouver quelqu'un peut prendre du temps, mais c'est possible !

Vous voulez en lire plus sur l'amour et ses mystères ? Consultez par exemple notre chronique de L'art d'aimer d'Erich Fromm.

Règle 11 — Interdisez-vous la tromperie, l'arrogance ou le ressentiment

Le plus important, ce sont les histoires

Comment se prémunir contre la part obscure qui nous habite et que nous rencontrerons à plusieurs reprises dans notre existence ? Comment faire face, en particulier, à ce triptyque maléfique ?

La tromperie, c'est le fait de cacher des choses aux autres, de tricher, y compris avec soi-même.

L'arrogance, c'est le fait de considérer les autres avec mépris et de refuser tout apprentissage.

Le ressentiment, c'est le fait d'en vouloir aux autres, voire à la vie tout entière, pour ce que nous sommes.

Eh bien, c'est ici encore grâce aux histoires. C'est ce que Jordan B. Peterson nomme "l'histoire du théâtre humain" qui peut — si nous l'écoutons — nous renseigner sur ces attitudes et nous prémunir contre elles.

Les personnages éternels du théâtre humain

Voici quelques personnages (ou composantes) qui reviennent constamment dans les histoires. Ceux-ci font partie de notre histoire essentielle à tous :

Le dragon du chaos = la baleine dans Pinocchio, le cachot dans La Belle au bois dormant et bien d'autres… C'est l'endroit des possibles encore indéterminés, bons comme mauvais.

Nature : création et destruction = cette dynamique sans fin se retrouve partout et nous devons être initiés à la possibilité de la destruction assez tôt dans notre vie pour pouvoir y être préparés.

Culture : sécurité et tyrannie = les structures sociales et hiérarchiques qui apportent stabilité, communauté et sécurité, mais aussi risque d'étranglement et de folie destructrice.

L'individu : héros et adversaire = Caïn et Abel, et bien d'autres, représentent la division constante, dans les histoires, entre des figures positives et négatives.

Le ressentiment

"Vous éprouvez du ressentiment à cause de l'inconnu et de ses terreurs, parce que la nature conspire contre vous, parce que vous êtes victime de l'aspect tyrannique de la culture, et à cause de votre malveillance et de celle des autres." (12 Nouvelles Règles pour une vie au-delà de l'ordre)

C'est bien assez ! Le temps, la nature et la culture nous accablent, aussi bien que nous-mêmes et nos semblables. Comment, dans ces conditions, ne pas sombrer dans le ressentiment ? Mais, nous pouvons résister à cet état émotionnel.

Ce n'est pas simple, bien sûr. Mais cela passe par le courage (et les encouragements) et la sincérité.

La tromperie et l'arrogance

Nous pouvons tromper par :

Action, lorsque nous agissons expressément dans le but de tromper ;

Omission, lorsque nous nous abstenons de faire une action qui conduirait à la vérité.

La tromperie et l'arrogance ont plusieurs sources possibles. L'une d'entre elles est le manque de confiance en soi et de façon plus générale en l'humanité (pessimisme, voire cynisme).

Le risque existentiel de l'arrogance et de la tromperie

La tromperie et l'arrogance (qui lui est liée, puisqu'il s'agit de se tromper sur soi-même en se considérant à tort comme supérieur) créent un cercle vicieux. En fait, c'est une forme de dépendance, d'addiction.

"Lorsque vous vous livrez habituellement à la tromperie, vous construisez une structure qui ressemble beaucoup à celle qui prolonge la dépendance, surtout si vous vous en tirez, ne serait-ce que momentanément. La réussite du mensonge est gratifiante. Et si les risques étaient élevés et que vous ne vous êtes pas laissé prendre au dépourvu, cette récompense peut se révéler intense." (12 Nouvelles Règles pour une vie au-delà de l'ordre)

À votre place

Il n'y a pas d'autres alternatives que de se tourner vers les faces positives de l'individu, de la culture, de la nature et du temps. La confiance et le courage sont deux attitudes fondamentales que les héros de nos histoires favorites arborent et ce sont elles que nous devons travailler pour corriger nos défauts.

Règle 12 — Soyez reconnaissant malgré vos souffrances

Le bas peut permettre de définir le haut

Ce n'est bien souvent qu'après avoir fait l'expérience du mal (subi ou créé) que nous pouvons nous relever et véritablement prendre la mesure de l'existence. C'est l'expérience parfois terrifiante de la vie qui — si elle est comprise et courageusement surmontée — nous rend meilleurs.

L'esprit méphistophélique

Cet esprit, c'est celui qui nie et nous empêche de devenir qui nous voulons être explicitement. Il y a quelque chose en nous — des "démons" intérieurs — qui s'invite et déjoue nos plans. Nous procrastinons, nous changeons d'idée, etc. Et voilà que nos projets tombent à l'eau !

Plus profondément, nous avons en nous une tendance nihiliste à vouloir nier l'existence au profit du "rien". Plus de souffrance, mais plus non plus de joie, etc.

L'auteur insiste pourtant sur un point : même quand nous sommes face à la mort, en particulier d'un proche, il vaut la peine de rester fort et en vie. À la fois pour soi, pour les autres et celui qui part…

Et il en va finalement de même pour soi : malgré votre propre mortalité, apprenez à être fort et à affirmer la vie avec gratitude et reconnaissance.

Le courage et, au-dessus, l'amour

« C’est dans le cadre de cette entreprise impossible — cette décision d’aimer — que le courage se manifeste, permettant à ceux qui font de façon courageuse le choix de la difficulté, nécessaire pour agir pour le bien, même dans les pires moments. Si vous décidez d’exprimer les deux vertus de l’amour et du courage — simultanément et sciemment —, vous faites le choix de travailler à l’amélioration des choses et non à leur aggravation, même pour vous, même si vous savez qu’à cause de vos erreurs et de vos omissions, vous êtes déjà perdu aux trois quarts. » (12 Nouvelles Règles pour une vie au-delà de l'ordre, Chapitre 12)

Apprendre à aimer les autres dans toute leur complexité et leur fragilité sera l’un de vos plus beaux trésors. Et sera une part de votre antidote pour affronter les difficultés de la vie.

Conclusion sur « 12 nouvelles règles pour une vie au-delà de l'ordre » de Jordan B. Peterson :

Ce qu'il faut retenir de « 12 Nouvelles Règles pour une vie au-delà de l'ordre » de Jordan B. Peterson :

Voilà un livre de développement personnel qui va, pour ainsi dire, "au-delà" du pur manuel de trucs et astuces pour apprendre à mieux vivre et à s'organiser.

Il s’agit presque d’un livre de philosophie. Si vous aimez réfléchir en compagnie d’un auteur, c’est le livre idéal. Vous n’êtes pas obligé d’être d’accord avec toutes les idées, mais vous pourrez essayer de les comprendre et de voir comment elles s’accordent (ou pas).

Autre "plus" de ce livre : la référence aux films et aux nombreuses histoires et contes de notre enfance. Cet ancrage dans la fiction aide considérablement à rendre le propos plus vivant et nous fait, d'ailleurs, mieux comprendre son rôle également.

Vous n'avez pas besoin d'avoir lu 12 règles pour une vie : un antidote au chaos, pour vous lancer dans ce deuxième volume. Toutefois, cela ne peut pas faire de mal de savoir ce qu'il en avait déjà dit auparavant !

Points forts :

Une pensée originale et forte, qui donne envie de penser ;

De nombreux exemples de sa vie personnelle et professionnelle (avec ses patients) ;

Des analyses passionnantes de nombreux récits de fiction, mythes et histoires bibliques.

Points faibles : 

Si vous cherchez un manuel de développement personnel clé en main et facile à lire, ce n'est sans doute pas le meilleur choix.

Ma note :

★★★★★

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Thu, 16 May 2024 17:00:00 +0200 http://www.olivier-roland.fr/items/view/12858/12-nouvelles-rgles-pour-une-vie-au-del-de-lordre
Les formes de l’intelligence http://www.olivier-roland.fr/items/view/12849/Les-formes-de-lintelligence

Résumé de « Les formes de l’intelligence » de Howard Gardner : le livre classique — et polémique — de Howard Gardner, psychologue états-unien qui développe dans cet ouvrage sa fameuse théorie des intelligences multiples, abondamment reprise en éducation et en développement personnel, notamment.

Par Howard Gardner, 1997

Titre original : « Frames of mind », 1983.

Chronique et résumé de « Les formes de l’intelligence » de Howard Gardner

Quelques mots sur Howard Gardner

Howard Gardner est un psychologue de renommée mondiale né le 11 juillet 1943 à Scranton, en Pennsylvanie, aux États-Unis. Il est surtout connu pour sa théorie des intelligences multiples, qui a révolutionné notre compréhension de l’intelligence humaine.

Howard Gardner a obtenu son doctorat en psychologie du développement à l’Université de Harvard en 1971. Il y a ensuite enseigné et mené des recherches pendant de nombreuses années.

Sa théorie des intelligences multiples est exposée pour la première fois en 1983 dans son livre « Frames of Mind: The Theory of Multiple Intelligences . Il y soutient que l’intelligence ne peut pas être réduite à une seule capacité cognitive, mais plutôt qu’il existe plusieurs types d’intelligence.

Cette théorie a eu un impact significatif sur l’éducation en encourageant une approche plus diversifiée de l’enseignement pour répondre aux besoins individuels des élèves.

Parmi les autres ouvrages notables de Gardner, on peut citer :

Les Nouvelles Formes de la vérité, de la beauté et de la bonté. Pour les transmettre au XXIe siècle (2013)

Faire évoluer les esprits. En politique, dans l’entreprise et dans la vie privée (2007) ;

Les Personnalités exceptionnelles. Mozart, Freud, Gandhi et les autres (1999).

Howard Garner a reçu de nombreux prix et distinctions pour ses contributions à la compréhension de la cognition humaine. Il continue d’être une figure influente dans le domaine de la psychologie cognitive et de l’éducation.

À noter avant de commencer cette chronique : tous les noms des parties et des chapitres sont les noms originaux. Toutefois, afin de simplifier la présentation de ce livre assez technique et difficile, les intertitres à l'intérieur des chapitres ont été modifiés.

Introduction : L’idée d’intelligences multiples

Dès le départ, Howard Gardner met en avant l’idée que l’intelligence humaine est beaucoup plus complexe et diversifiée que ce que les tests traditionnels d’intelligence peuvent mesurer. Il souligne que l’intelligence ne devrait pas être réduite à une catégorie étroite, mais plutôt comprise comme une combinaison de diverses compétences et talents.

Il introduit la notion fondamentale selon laquelle l’intelligence peut se manifester de différentes manières à travers des « formes » ou « types » d’intelligence distincts. Ce point de départ met en lumière la nécessité de reconnaître et de valoriser la diversité des capacités humaines pour une meilleure compréhension de notre potentiel intellectuel.

Première partie — Le contexte

Chapitre 1 — L’intelligence : les théories classiques

Dans ce chapitre, Howard Gardner explore les théories classiques de l’intelligence qui ont influencé la psychologie cognitive et l’éducation pendant de nombreuses années. Il remet en question l’idée qu’une seule forme d’intelligence puisse être mesurée de manière exhaustive et défend l’idée que l’intelligence est plus complexe et diversifiée que ce que ces théories suggèrent.

Passage en revue des auteurs classiques

Howard Gardner évoque, entre autres :

La théorie de l’intelligence générale développée par Charles Spearman.

La théorie de la structure mentale multiple de Louis Thurstone.

Il donne une place particulière aux travaux de Jean Piaget, un psychologue suisse célèbre pour ses travaux sur le développement cognitif des enfants. Howard Gardner discute de son approche en ce qui concerne la compréhension de l’intelligence et du développement intellectuel.

Il reconnaît l’importance des travaux du chercheur suisse et de sa théorie du développement cognitif, qui a grandement influencé la psychologie du développement. Pour ce dernier, les enfants passent par différentes étapes de développement cognitif, chacune caractérisée par des modes de pensée spécifiques.

Ces étapes/périodes sont les suivantes :

Sensorimotrice ;

Préopératoire ;

Opérations concrètes ;

Opérations formelles.

Nouveaux développements

Malgré son importance, cette théorie est insuffisante, selon Howard Gardner. L’auteur développe plutôt l’idée selon laquelle :

Le développement intellectuel peut être réduit à un ensemble d’étapes universelles ;

Les individus peuvent développer diverses formes d’intelligence indépendamment les unes des autres.

Howard Gardner met également en évidence l’importance de l’interaction entre la biologie, la culture et l’expérience dans le développement de l’intelligence. Il suggère que l’approche de Piaget, bien qu’utile pour comprendre le développement cognitif des enfants, ne tient pas pleinement compte de la complexité de l’intelligence et de la manière dont elle se manifeste à travers diverses formes.

Finalement, l’auteur soutient que sa théorie des intelligences multiples est plus holistique et réaliste que les théories classiques, car elle reconnaît la diversité des talents humains. Il insiste sur l’importance de cette approche dans l’éducation, encourageant les enseignants à reconnaître et à développer les différentes formes d’intelligence chez leurs élèves.

Chapitre 2 — Les fondements biologiques de l’intelligence

Dans ce chapitre, Howard Gardner explore les bases biologiques de l’intelligence, en examinant comment le cerveau et le système nerveux sont liés à nos capacités cognitives. Il soutient que l’intelligence ne peut être pleinement comprise sans tenir compte de son substrat biologique.

Neurones et gènes

L’auteur commence par discuter de la complexité du cerveau humain, qui est composé de milliards de cellules nerveuses interconnectées appelées neurones. Il explique que l’intelligence émerge de l’interaction entre ces neurones et que chaque individu possède une architecture cérébrale unique qui influence son intelligence.

L’auteur aborde ensuite le rôle des gènes dans la détermination de l’intelligence. Il reconnaît que la génétique joue un rôle important dans la détermination de certaines aptitudes cognitives, mais il insiste sur le fait que l’environnement et l’expérience jouent également un rôle crucial dans le développement de l’intelligence.

Howard Gardner examine également les différences de structure cérébrale entre les individus, en particulier en ce qui concerne les zones du cerveau associées à des compétences spécifiques. Par exemple, il discute des découvertes en neurosciences qui montrent que la région du cerveau associée à la mémoire, l’hippocampe, est essentielle pour les processus de mémorisation.

Plasticité du cerveau humain

L’auteur souligne que le cerveau est hautement plastique, ce qui signifie qu’il a la capacité de changer et de s’adapter en réponse à l’expérience et à l’apprentissage. Il insiste sur l’importance de l’éducation dans la formation et le développement de l’intelligence, car elle peut influencer la structure et la fonction cérébrale.

Howard Gardner aborde également la question de l’intelligence animale et examine les similitudes et les différences entre l’intelligence humaine et celle d’autres espèces. Il explore comment les animaux utilisent leur intelligence pour résoudre des problèmes, communiquer, et s’adapter à leur environnement. Finalement, le psychologue souligne que l’intelligence est une propriété complexe qui émerge de l’interaction entre ces facteurs et que le cerveau est hautement plastique, ce qui signifie qu’il peut se modifier en réponse à l’expérience et à l’apprentissage.

Idée : avant d'aller plus loin, découvrez ces citations sur l'intelligence pour vous faire une meilleure idée de la théorie de Howard Gardner.

Chapitre 3 — Qu’est-ce qu’une intelligence ?

Dans ce chapitre, Howard Gardner commence par remettre en question la définition traditionnelle de l’intelligence, souvent associée à des capacités cognitives telles que la mémoire, la résolution de problèmes mathématiques et la compréhension verbale. Il soutient que cette définition est trop étroite et ne tient pas compte de la diversité des compétences humaines.

Une définition de l’intelligence

L’auteur propose ensuite sa propre définition de l’intelligence. Selon Howard Gardner, l’intelligence est :

« [U] ne capacité ou un ensemble d’aptitudes qui permet à une personne de résoudre des problèmes ou de concevoir des produits qui soient importants dans un certain contexte culturel. » (Les formes de l’intelligence, Chapitre 3)

Il insiste sur le fait que cette définition reconnaît la variété des formes d’intelligence, de l’intelligence linguistique à l’intelligence musicale en passant par l’intelligence spatiale.

Howard Gardner explore également l’idée que l’intelligence peut être située dans un contexte culturel. Il soutient que ce qui est considéré comme une intelligence précieuse peut varier d’une culture à l’autre, ce qui signifie que l’intelligence ne peut pas être complètement décontextualisée.

Par ailleurs, le psychologue aborde également la question de la mesure de l’intelligence. Il critique les tests de quotient intellectuel (QI) traditionnels, qui sont souvent basés sur des compétences cognitives spécifiques, et qui négligent d’autres formes d’intelligence. Il propose que des évaluations plus nuancées soient créées afin de mieux refléter la diversité des talents des individus.

Conditions nécessaires

Howard Gardner discute des « conditions nécessaires » de l’intelligence en se référant aux éléments essentiels qui doivent être réunis pour qu’une compétence particulière soit considérée comme une forme d’intelligence.

Gardner soutient que pour qu’une compétence soit reconnue comme une intelligence distincte, elle doit répondre aux conditions suivantes.

Potentiel biologique ou cérébral : l’auteur suggère que chaque forme d’intelligence doit être associée à un potentiel biologique ou cérébral spécifique. Par exemple, l’intelligence musicale peut être liée à des zones du cerveau impliquées dans la perception et la création de la musique.

Capacité à résoudre des problèmes ou à créer des produits : une forme d’intelligence doit inclure la capacité à résoudre des problèmes ou à créer des produits qui sont valorisés dans une culture donnée. Par exemple, l’intelligence mathématique implique la résolution de problèmes mathématiques, tandis que l’intelligence artistique implique la création d’œuvres artistiques.

Existence au sein de différentes cultures : Howard Gardner considère qu’une forme d’intelligence doit être présente et reconnue dans différentes cultures. Il souligne ainsi que les formes d’intelligence ne sont pas limitées à une seule culture ou société.

Apprentissage et développement possibles : il insiste sur le fait qu’une forme d’intelligence doit être susceptible d’être développée et améliorée grâce à l’apprentissage et à l’expérience. Cela signifie que les individus ont la capacité de développer leurs intelligences dans des domaines qui les intéressent ou qui sont importants pour eux.

En résumé, ces conditions nécessaires se réfèrent aux critères qui doivent être satisfaits pour qu’une intelligence soit reconnue comme distincte et valide au sein de sa théorie des intelligences multiples. L’auteur cherche ainsi à définir et à légitimer les différentes formes d’intelligence qu’il identifie dans sa théorie.

Deuxième partie — La théorie

Chapitre 4 — L’intelligence linguistique

L’intelligence linguistique, selon Howard Gardner, se définit par la capacité à manier les mots avec finesse et à décoder les subtilités du langage. Elle s’épanouit particulièrement dans des domaines tels que l’écriture, l’édition, et la traduction.

Cette forme d’intelligence englobe aussi bien la réception de stimulations linguistiques (l’écoute et la lecture) que la création proprement dite de langage (la parole et l’écriture). Plus que cela, elle consiste à saisir comment le langage peut influencer les émotions, une compétence cruciale pour les poètes, les politiciens ou les romanciers, par exemple.

L’intelligence linguistique se traduit par la capacité à comprendre autrui et à articuler ses propres pensées, qu’elles s’expriment dans la langue maternelle ou dans d’autres langues. Elle occupe une place de choix dans l’éducation, souvent mise en lumière aux côtés de l’intelligence logico-mathématique.

Exemples

Que ce soit chez les auteurs, les traducteurs, ou les orateurs, l’intelligence linguistique est la muse qui guide ceux qui manient le langage à l’écrit ou à l’oral. Elle s’incarne notamment dans :

La parole des avocats ;

La plume des écrivains ;

Plus généralement dans la voix de ceux qui lisent, parlent, résolvent des problèmes, créent, et comprennent grâce au pouvoir des mots.

Chapitre 5 — L’intelligence musicale

L’intelligence musicale, selon Howard Gardner, représente la capacité humaine à appréhender, créer et interpréter la musique sous diverses formes, notamment les rythmes, les mélodies et les motifs musicaux.

Cette forme d’intelligence englobe à la fois des processus actifs et passifs, ce qui signifie qu’elle s’exprime non seulement dans la pratique musicale, mais aussi dans l’appréciation de la musique.

Les individus dotés d’une intelligence musicale développée sont capables de jouer d’un instrument de musique, de chanter ou de composer de manière compétente, ce qui reflète la composante active de cette intelligence.

Ils peuvent créer des compositions originales, interpréter des partitions musicales, et comprendre la structure et la signification émotionnelle des œuvres musicales.

La composante passive de l’intelligence musicale réside dans la capacité à écouter, apprécier et comprendre la musique en tant qu’auditeur. Les personnes ayant cette intelligence sont sensibles aux nuances musicales, capables de distinguer les différents instruments et timbres, et d’analyser les modèles musicaux et les harmonies présents dans une pièce musicale.

Exemples

L’intelligence musicale est particulièrement développée et essentielle chez :

Les musiciens professionnels ;

Les compositeurs et les artistes musicaux.

Cependant, elle ne se limite pas à ces groupes. Toute personne, qu’elle soit ou non musicienne, peut avoir une intelligence musicale, bien que son niveau de développement puisse varier.

Howard Gardner considère que l’intelligence musicale est cruciale pour comprendre le rôle de la musique dans la culture humaine. Elle permet d’exprimer des émotions et des idées de manière unique, de communiquer avec les autres à travers la musique, et de développer une appréciation profonde de cet art.

L’intelligence musicale peut également être liée à d’autres formes d’intelligence, comme l’intelligence interpersonnelle (capacité à collaborer avec d’autres musiciens) et l’intelligence linguistique (par le biais des paroles de chansons).

Intelligence et créativité font bon ménage et sont souvent synonymes.

Chapitre 6 — L’intelligence logico-mathématique

L’intelligence logico-mathématique permet de soulever — et de solutionner — des questions de nature logique ou mathématique. C’est la capacité à faire usage des nombres afin de venir à bout de problèmes quantitatifs ou logiques.

Si vous avez une bonne intelligence logico-mathématique, vous serez capable de calculer bien sûr. Mais ce n'est pas tout. Vous pourrez également :

Mesurer ;

Faire preuve de logique ;

Résoudre des problèmes mathématiques ;

Faire des investigations scientifiques ;

Classer des objets.

Exemples

L’intelligence logico-mathématique est, selon le psychologue, particulièrement utile dans :

Les sciences :

Mais aussi dans les affaires ;

Ou encore en pharmacie et en médecine.

Toutefois, Howard Gardner remarque qu’une partie du problème concernant le QI et l’intelligence aujourd’hui vient du fait que nous avons privilégié cette intelligence logico-mathématique au détriment des autres.

Chapitre 7 — L’intelligence spatiale

Cette forme d'intelligence représente la capacité humaine à comprendre et à manipuler l’espace qui nous entoure. Elle englobe diverses compétences. Lesquelles ? Notamment la capacité à :

Naviguer efficacement dans un milieu donné ;

Percevoir les rapports entre objets au sein d'un espace ;

Créer des images mentales des objets en mouvement.

L'intelligence spatiale permet à un individu de visualiser la continuité d’une image lorsqu’elle est en rotation ou de former un plan spatial mental.

Un exemple concret de l’application de l’intelligence spatiale se manifeste lorsqu’il s’agit d’organiser des objets dans un espace limité. Par exemple : disposer des valises de manière optimale dans le coffre d’une voiture… Ou encore de concevoir un itinéraire pour se rendre d’un point A à un point B de manière efficace.

Exemples

Cette forme d’intelligence intervient également dans des domaines tels que :

L’architecture, où les architectes doivent concevoir des espaces fonctionnels et esthétiques ;

La menuiserie, qui nécessite la compréhension des dimensions et des assemblages spatiaux ;

L’urbanisme, où la planification de l’utilisation de l’espace urbain est essentielle.

En mathématiques, l’intelligence spatiale est également précieuse, car elle aide à comprendre et à résoudre des problèmes géométriques complexes. De plus, dans des jeux comme les échecs, elle permet de prévoir les mouvements des pièces sur l’échiquier. Une aide cruciale pour élaborer des stratégies gagnantes !

Howard Gardner considère que l’intelligence spatiale est l’une des intelligences multiples qui font partie de la palette de compétences humaines. Elle est importante car elle permet de comprendre et de maîtriser l’espace qui nous entoure. Elle offre également un aperçu de la manière dont les individus perçoivent et interagissent avec leur environnement.

Chapitre 8 — L’intelligence kinesthésique

Dans la perspective de Howard Gardner, l’intelligence corporelle-kinesthésique représente la capacité d’exercer un contrôle précis sur les mouvements du corps, que ce soit dans des activités sportives, artistiques, ou dans l’expression d’idées et de sentiments à travers des gestes physiques.

Cette forme d’intelligence permet à un individu de coordonner son corps de manière experte pour atteindre des objectifs spécifiques, que ce soit en exécutant une danse complexe, en pratiquant un sport de haut niveau, en réalisant une intervention chirurgicale délicate, ou en créant des œuvres artisanales d’une grande finesse.

Howard Gardner a souligné dans certaines de ses publications ultérieures que l’intelligence corporelle-kinesthésique se développe principalement grâce à une pratique intensive et à l’acquisition d’une expertise. En d’autres termes, elle s’enrichit avec l’expérience et la répétition, permettant à une personne de maîtriser des compétences motrices complexes au fil du temps.

Exemples

Les professions qui exigent une utilisation prépondérante de cette intelligence incluent donc les :

Danseurs, qui doivent exécuter des mouvements gracieux et complexes ;

Athlètes professionnels, qui doivent contrôler leur corps pour exceller dans leur sport ;

Chirurgiens, qui nécessitent une précision millimétrique lors des interventions médicales ;

Artisans, qui créent des objets avec une dextérité exceptionnelle.

En fin de compte, l’intelligence corporelle-kinesthésique témoigne de la capacité humaine à maîtriser les mouvements de son propre corps de manière hautement spécialisée. Elle est le fruit d’une pratique soutenue et de la recherche de l’excellence dans ces domaines spécifiques.

Chapitre 9 — Les intelligences personnelles

L’intelligence intrapersonnelle

L’intelligence intrapersonnelle se révèle être un miroir intérieur, permettant à une personne de forger une image authentique et détaillée d’elle-même et de l’exploiter efficacement dans sa vie. Elle fait davantage appel à la sphère des images mentales qu’à celle du langage.

En somme, il s’agit de la capacité à déchiffrer ses propres émotions, à maintenir une connexion ouverte avec ses besoins et désirs personnels. Cette forme d’intelligence s’inscrit dans la tradition de l’introspection et de la psychologie analytique. Elle permet d’anticiper et de guider ses actions en fonction d’une connaissance approfondie de soi.

Il est important de noter que, bien que cela ne soit pas systématique, une personne dotée d’une intelligence intrapersonnelle élevée peut parfois être perçue par son entourage comme étant égocentrique.

Cette forme d’intelligence est étroitement liée à la sensibilité de l’individu envers ses propres potentiels, limites et émotions. Elle englobe la capacité de se comprendre soi-même, ainsi que la maîtrise de soi.

Dans les domaines du conseil, de la psychologie et de la psychiatrie, l’intelligence intrapersonnelle est grandement sollicitée et valorisée.

L’intelligence interpersonnelle

L’intelligence interpersonnelle se définit comme la capacité à comprendre autrui, à établir des communications efficaces, et à anticiper les comportements des individus. Elle permet à une personne d’interagir de manière appropriée et adaptée avec les autres, en reconnaissant les nuances de personnalité, de caractère et de motivations qui les animent.

Cette forme d’intelligence favorise l’empathie, la coopération, la tolérance, et même la capacité à influencer ou à manipuler subtilement les interactions.

Elle permet également de déchiffrer les intentions de quelqu’un, même si elles ne sont pas explicitement exprimées, ce qui est essentiel pour résoudre des problèmes liés aux relations interpersonnelles.

L’intelligence interpersonnelle est particulièrement prépondérante chez les individus charismatiques et atteint son apogée chez ceux dotés d’une grande empathie. Cette caractéristique est souvent observée chez les :

Enseignants ;

Thérapeutes ;

Leaders (politiques, religieux) ;

Commerciaux ;

Gestionnaires d’équipe.

Elle est un atout précieux pour la création de relations harmonieuses. Mais ce n'est pas tout : elle aide à la résolution de conflits et l’influence positive sur autrui, ce qui en fait une compétence cruciale pour réussir dans ces métiers.

Chapitre 10 — Une critique de la théorie des intelligences

Dans ce chapitre, Howard Gardner cherche à développer un regard critique sur sa propre théorie. Comment ? En la comparant à d’autres théories qui existent déjà. L’objectif est de montrer que cette nouvelle approche permet de comprendre plus de choses que celles qui lui ont précédé.

N'entrons pas ici dans les détails de ce chapitre technique. Nous pouvons retenir que le psychologue étudie plusieurs opérations cognitives dites « de niveau supérieur » telles que :

Le bon sens ;

L’originalité ;

La capacité métaphorique ;

La sagesse ;

Et enfin la conscience de soi.

Pour l’auteur, ces catégories anciennes cherchent à décrire, de façon trop générale et imparfaite, des segments de compétences qui appartiennent aux intelligences multiples étudiées plus haut.

Chapitre 11 — La socialisation des intelligences

Howard Gardner aborde la notion de la « socialisation des intelligences humaines » pour expliquer comment les individus développent leurs différentes formes d’intelligence à travers leurs interactions avec la société et la culture qui les entourent.

Cette idée est un élément clé de sa théorie des intelligences multiples.

Howard Gardner soutient que les intelligences humaines ne se développent pas de manière isolée. En fait, elles sont fortement influencées et façonnées par l’environnement social et culturel dans lequel les individus grandissent et évoluent.

Culture et société

Premièrement l’auteur soutient que la culture et la société ont une influence majeure dans la formation des intelligences. Les valeurs, les croyances, les pratiques, les normes et les attentes de la société contribuent à façonner la manière dont les individus développent et manifestent leurs compétences intellectuelles.

Par ailleurs, le psychologue met en avant l’idée selon laquelle l’apprentissage se fait nécessairement à travers l’interaction sociale. Howard Gardner souligne que de nombreuses formes d’intelligence sont développées à travers des rencontres entre personnes.

Par exemple, l’intelligence interpersonnelle, qui concerne la compréhension des autres et des relations sociales, se développe principalement — voire uniquement — dans le cadre des interactions avec d’autres individus.

Symboles et communication

Troisièmement, les symboles et la communication jouent un rôle crucial dans la socialisation des intelligences humaines. Les symboles comprennent le langage, les mots, les gestes, les signes, les images, la musique, etc. Ils sont utilisés pour communiquer des idées, des émotions, des connaissances et des valeurs au sein d’une culture donnée.

L’auteur avance par ailleurs l’idée que l’apprentissage se produit souvent par la médiation symbolique. Autrement dit, les individus acquièrent de nouvelles connaissances et compétences en utilisant des symboles pour représenter des concepts abstraits. Par exemple, l’apprentissage mathématique repose largement sur la manipulation de symboles numériques.

Diversité des cultures et donc des valorisations des intelligences

Enfin, Howard Gardner défend l’idée de la diversité culturelle des intelligences. Selon lui, il est évident que différentes cultures valorisent différentes formes d’intelligence. Par conséquent, la socialisation des intelligences peut varier d’une culture à l’autre, ce qui contribue à la diversité des talents humains à travers le monde.

Troisième partie — Implications et applications

Chapitre 12 : L’éducation des intelligences

Dans ce chapitre, Howard Garner souhaite proposer d’adapter et d’utiliser sa théorie dans le domaine de l’éducation. Pour ce faire, il propose de créer une grille d’analyse des processus éducatifs.

Il s’agit d’un outil conceptuel pour aider à évaluer comment les différents types d’intelligence, tels que ceux qu’il a identifiés dans sa théorie des intelligences multiples, peuvent être pris en compte dans le processus éducatif.

Cette grille vise donc à informer les éducateurs sur la manière d’adapter leur enseignement pour répondre aux besoins et aux forces cognitives diverses des élèves.

Les 5 principaux éléments ou étapes de la grille d'analyse

  1. Identification des intelligences présentes. La première étape consiste à identifier les types d’intelligence présents chez les élèves. L’enseignant doit reconnaître que chaque élève possède une combinaison unique de ces intelligences.

  2. Conception de l’enseignement adapté. Une fois que les intelligences des élèves sont identifiées, l’enseignant peut concevoir des activités et des méthodes d’enseignement qui prennent en compte ces différentes intelligences. Par exemple, si un élève excelle dans l’intelligence musicale, l’enseignant peut intégrer la musique dans l’apprentissage. Si un élève est fort en intelligence spatiale, des activités visuelles ou de résolution de problèmes spatiaux peuvent être proposées.

  3. Différenciation de l’enseignement. La grille d’analyse encourage la différenciation de l’enseignement, c’est-à-dire l’adaptation de l’enseignement pour répondre aux besoins spécifiques de chaque élève. Cela signifie que les élèves peuvent être regroupés en fonction de leurs forces cognitives pour travailler sur des projets ou des activités qui leur conviennent le mieux.

  4. Évaluation multiple. Howard Gardner suggère également que l’évaluation devrait refléter les différentes formes d’intelligence. Traditionnellement, l'éducation se concentre sur des tests standardisés qui mesurent l’intelligence linguistique ou logico-mathématique. Or, l’évaluation devrait inclure une gamme de méthodes, telles que des :

Présentations orales ;

Projets artistiques ;

Démonstrations corporelles ;

Etc.

  1. Encouragement de la métacognition. Le psychologue souligne l’importance de l’enseignement de la métacognition, c’est-à-dire la prise de conscience de ses propres processus de pensée. Les élèves devraient être encouragés à réfléchir sur leur propre manière d’apprendre. Ils devraient aussi comprendre leurs forces et leurs faiblesses, et développer des stratégies d’apprentissage adaptées à leurs intelligences dominantes.

Chapitre 13 : La théorie des intelligences appliquées

Ce court chapitre conclusif revient sur la mode de l’intelligence et sur la volonté des éducateurs d’améliorer leurs méthodes. L’auteur cherche à avoir un discours prudent. Les années 60 et 70 ont été le moment d’une grande volonté de changement.

Toutefois, certaines expériences éducatives ont plutôt mal tourné. Il convient donc de faire des tests et de ne pas se précipiter ; même avec la théorie des intelligences multiples.

Howard Gardner invite finalement tous les éducateurs à prendre en compte les facteurs biologiques, psychologiques, historiques et culturels des êtres humains. Cette connaissance aidera, dit-il, à créer de meilleures structures éducatives.

Conclusion sur « Les formes de l’intelligence » de Howard Gardner :

Un livre rapidement devenu un classique… avec son lot de critiques !

Publié en 1983, le livre Frames of Mind : the Theory of Multiple Intelligence devient rapidement un succès mondial. Toutefois, bien que l’ouvrage soit largement salué pour sa vision novatrice de l’intelligence, il n’a pas échappé à la critique.

Voici un bref résumé des principales critiques émises à l’encontre de ce livre :

Manque de preuves empiriques : certains critiques estiment que Howard Gardner n’a pas fourni suffisamment de preuves empiriques pour étayer sa théorie des multiples intelligences.

Manque de testabilité : la théorie est critiquée pour son manque de testabilité. Certains considèrent que les intelligences proposées sont difficiles à mesurer de manière objective, ce qui rend la validation empirique problématique.

Complexité excessive : certains lecteurs trouvent que la théorie des intelligences multiples est trop complexe. Les sept formes d’intelligence, selon eux, se chevauchent parfois et peuvent être difficiles à distinguer clairement.

Application en éducation : bien que la théorie puisse être inspirante, certains éducateurs estiment qu’elle est difficile à mettre en pratique dans le contexte de la salle de classe.

Manque de considération pour les neurosciences : Certains critiques soutiennent que Gardner ne tient pas suffisamment compte des avancées en neurosciences cognitives qui ont depuis émergé, remettant en question sa vision de l’intelligence.

Universalité de la théorie : Certains estiment que la théorie de Howard Gardner pourrait être trop centrée sur la culture occidentale et ne pas s’appliquer universellement à toutes les sociétés et cultures du monde.

Malgré ces critiques, le livre de Howard Gardner continue de susciter des débats fascinants. Il est une source d’inspiration pour de nombreux éducateurs et chercheurs. D'ailleurs, l'auteur lui-même a continué à travailler à sa théorie !

L'intelligence naturaliste : la neuvième forme d'intelligence

En effet, dix ans après la publication de ce premier ouvrage sur les intelligences multiples, Howard Gardner a ajouté une nouvelle intelligence à son modèle. Il s'agit de l’intelligence naturaliste.

En résumé, c’est l’intelligence qui permet de classer les objets et de les différencier en catégories. Elle est très sollicitée chez les :

Zoologistes ;

Botanistes ;

Archéologues ;

Anthropologues ;

Etc.

C’est aussi, plus largement, une capacité à apprécier le vivant et la nature.

Ce qu’il faut retenir de « Howard Gardner » de Howard Gardner :

« Les Formes de l’Intelligence » de Howard Gardner est un ouvrage captivant qui a profondément influencé notre compréhension de l’intelligence humaine. Ce livre est une véritable pépite intellectuelle qui nous pousse à repenser nos idées préconçues sur ce qu’est réellement l’intelligence.

Retenez tout d’abord que l’auteur défie la notion traditionnelle d’une seule intelligence mesurable par le QI. Il avance au contraire l’idée audacieuse qu’il existe plusieurs formes d’intelligence, chacune avec ses propres caractéristiques et son propre potentiel.

Cette approche révolutionnaire ouvre la porte à une reconnaissance plus équitable des talents et des capacités individuelles.

Par ailleurs, Howard Gardner y démontre comment les différentes formes d’intelligence se manifestent dans la vie quotidienne, l’éducation et le monde du travail. Il défend notamment l’idée selon laquelle l’échec scolaire aux États-Unis devrait être analysé différemment.

Finalement, ce livre a le grand mérite de nous rappeler que l’intelligence est bien plus riche et diversifiée que ce que nous avons l'habitude de penser. Ce livre nous incite à célébrer la diversité des talents humains. Il nous permet de reconnaître que chacun d’entre nous a le potentiel d’exceller dans sa propre sphère d’intelligence.

Vous avez encore envie d'en apprendre davantage sur les formes de l'intelligence ? Suivez ce lien !

Points forts :

Un classique de psychologie contemporaine ;

Une heureuse déconstruction du système réducteur du QI (quotidien intellectuel) ;

De nombreuses sources, références et discussions scientifiques ;

Une prise en main plus ou moins aisée des concepts.

Point faible :

Les critiques exposées plus haut limitent la portée du livre fondateur de Howard Gardner. Toutefois, celui-ci reste un ouvrage de référence dans son domaine et un must read absolu en développement personnel, notamment.

Ma note :

★★★★★

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Thu, 09 May 2024 17:00:00 +0200 http://www.olivier-roland.fr/items/view/12849/Les-formes-de-lintelligence
Les modèles mentaux http://www.olivier-roland.fr/items/view/12847/Les-modles-mentaux

Résumé de "Les modèles mentaux : 30 outils de la pensée qui séparent le commun de l'exceptionnel" de Peter Hollins : un livre qui vous aidera à penser mieux, plus rapidement et plus justement — le tout en utilisant les trucs et astuces des meilleurs intellectuels et hommes d'actions.

Par Peter Hollins, 2023.

Titre original : « Mental Models: 30 Thinking Tools that Separate the Average From the Exceptional. Improved Decision-Making, Logical Analysis, and Problem-Solving", 2019.

Chronique et résumé de "Les modèles mentaux : 30 outils de la pensée qui séparent le commun de l'exceptionnel"de Peter Hollins

Qui est Peter Hollins ?

Peter Hollins (ou Pete Hollins pour les plus intimes) est un auteur de développement personnel qui a eu quelques succès notables avec ses ouvrages antérieurs, comme :

Le pouvoir de l'autodiscipline (The Power of Self-Discipline) ;

Comment faire les choses que vous détestez (How to Do What You Hate) ;

Ou encore Finissez ce que vous avez commencé (Finish What you Start).

Dans ce nouveau livre, Peter Hollins, spécialiste de la psychologie humaine et cognitive, résume pour nous les principaux principes et tactiques mis en évidence par cette discipline et utilisés par les plus grands intellectuels, sportifs ou encore P.D.-G. d'entreprises.

Chapitre 1 — Prise de décision rapide en fonction du contexte

Peter Hollins commence par rendre à César ce qui lui appartient. En l'occurrence, il trouve en Charlie Munger — l'associé peu connu du célèbre investisseur milliardaire Warren Buffet — l'inventeur du concept de "modèle mental".

Il cite de façon extensive le discours de celui-ci, prononcé lors d'une remise de diplôme à la USC (University of Southern California) Business School. En voici le dernier passage :

"Vous devez connaître les idées principales des grandes disciplines et les utiliser régulièrement — toutes, et pas seulement quelques-unes d'entre elles. La plupart des gens sont formés à un seul modèle — l'économie, par exemple — et essaient de résoudre tous les problèmes par le même prisme. Vous connaissez le vieux dicton : pour l'homme qui a un marteau, le monde ressemble à un clou. C'est une manière insensée de traiter les problèmes." (Citation du discours de Charlie Munger, cité dans Les modèles mentaux, Introduction)

Ce que Charlie Munger et, après lui, Peter Hollins tentent de dire, c'est qu'il est capital de se doter des principaux "modèles mentaux", des principaux "outils" intellectuels développés dans les disciplines les plus diverses. C'est ce que l'auteur nomme plus loin un "treillis de modèles" pour traiter les problèmes.

Un modèle mental est "un plan qui attire votre attention sur les éléments importants de ce à quoi vous faites face et qui définit un contexte, un arrière-plan et une direction à prendre". En ayant à l'esprit, et même intégré complètement en vous différents modèles mentaux, vous comprendrez le monde plus rapidement et agirez plus efficacement.

1 : concentrez-vous sur ce qui est "important", ignorez les tâches "urgentes"

Séparer les tâches urgentes des tâches importantes est capital pour éviter de perdre du temps et d'avoir l'esprit perpétuellement encombré. Pour rappel :

Tâches urgentes = exigences d'une action immédiate et rapide, venant la plupart du temps de l'extérieur.

Tâches importantes = exigences qui contribue à un objectif à court ou long terme, souvent venant de l'intérieur (de vous-même).

Pour vous aider à distinguer l'important de l'urgent, il existe une matrice nommée Matrice d'Eisenhower, du nom du célèbre général des Armées, puis président des États-Unis.

Elle croise l'urgence et l'importance pour former 4 cases :

Urgent et important = à faire aujourd'hui ;

Urgent et non important = à déléguer ;

Pas urgent et important = à inscrire dans le planning ;

Pas urgent et pas important = à éliminer.

Peter Hollins soutient que le plus original, dans cette matrice, consiste à déléguer à quelqu'un d'autre les tâches urgentes non importantes. En effet, nous avons tendance à réaliser celles-ci en premier lieu. Problème : elles finissent pas nous pomper tout notre temps !

Solution : déléguer. Comment ? Cela peut être de façon automatisée (via des programmes informatiques) ou en embauchant des gens pour le faire.

2 : visualisez tous les dominos

Le psychologue nomme "raisonnement de premier ordre" la pensée qui consiste à agir en fonction des objectifs immédiats, sans penser aux conséquences de l'action. C'est souvent ce qui se passe, d'ailleurs, lorsque nous agissons selon les urgences du moment.

À la place, il prône le "raisonnement de second ordre", qui cherche à prendre en compte les conséquences prévisibles de l'action à plus long terme :

"Il s'agit simplement d'essayer de se projeter dans l'avenir et d'imaginer une suite de conséquences que vous pouvez utiliser pour effectuer une analyse coûts-avantages de vos décisions ou solutions." (Les modèles mentaux, Chapitre 1)

Autrement dit, il s'agit d'y "penser à deux fois", comme le dit l'expression. Certes, ce n'est pas si facile au quotidien. Cela engage des chaînes causales complexes que nous ne voulons pas toujours voir ou auxquelles nous pensons ne pas avoir le temps de penser.

L'investisseur Howard Marks suggère de se poser les questions suivantes pour raisonner de cette façon sans se perdre dans l'indécision :

Dans quelle mesure cette décision affectera-t-elle les événements dans le futur ?

Quel résultat cette décision aura-t-elle ?

Quelles sont les chances que je réussisse ou que j'aie raison ?

Qu'en pensent les autres ?

En quoi ce que je pense est-il si différent de ce que pensent les autres ?

Quels dominos, que les autres personnes visualisent, sont-ils en train de tomber ? (Se mettre à la place des autres pour voir comment ils imaginent les conséquences)

3 : prendre des décisions réversibles

L'une des façons de s'autoriser à décider rapidement (et non pas seulement de façon judicieuse) consiste à prendre des décisions réversibles. N'ayez pas peur de revenir sur ce que vous avez décidé !

"Ajoutez ceci à votre analyse : comment puis-je prendre une décision réversible, et que faudrait-il faire ? Est-ce que je peux le faire ? Puis passez à l'action." (Les modèles mentaux, Chapitre 1)

Revenir sur une décision ne signifie pas se déshonorer ou perdre sa parole, mais c'est s'ajuster en fonction de la situation et des nouvelles informations disponibles.

À noter : dans son livre Les lettres de Jeff Bezos, les auteurs Steve et Karen Anderson montrent que le milliardaire américain utilise cette distinction entre décisions réversibles et irréversibles.

4 : cherchez la "satisfiction"

Herbert Simon, un grand économiste, sociologue et père de la systémique (qui influença le développement de l'informatique dans les années 1950), a développé l'idée que les individus ne prenaient pas des décisions optimales mais des décisions suffisamment satisfaisantes.

C'est ce que ce terme de "satisfiction" veut signifier. Prenez des décisions réversibles et suffisamment bonnes sur le moment. Nous avons tous beaucoup trop tendance à réfléchir et à optimiser nos choix, dans des situations où rien ne l'exige.

"La plupart de nos décisions sont prises de manière adéquate en choisissant simplement une option qui est fiable et honnête. dit encore Peter Hollins dans Les modèles mentaux.

5 : restez dans une fourchette de 40 à 70 %

La fourchette d'information nécessaire pour prendre une décision éclairée se situe entre 40 et 70 % (estimés).

Vous ne pouvez certainement pas avoir toute l'information nécessaire au moment X pour prendre une décision complètement rationnelle. Dans ce cas, vous devrez vous contenter d'une information partielle et c'est bien ainsi.

Vous pouvez spécifier ce modèle mental, voire l'élargir, en remplaçant "information" par :

Lectures/apprentissage ;

Confiance (pas besoin d'avoir 100 % confiance en soi pour agir) ;

Planification (vous pouvez agir avec un taux raisonnable d'incertitude) ;

Etc.

Si vous êtes aux alentours de 70 %, cela signifie que vous êtes bien préparés pour décider et agir. En outre, considérez que cette information est suffisante et ignorez volontairement la zone grise.

6 : minimisez les regrets

Autre truc du célèbre Jeff Bezos, le fondateur d'Amazon : le cadre de minimisation des regrets. Celui-ci se découpe en 3 directives simples :

Imaginez-vous à 80 ans ;

Considérez que vous voulez avoir le moins de regrets possible ;

Demandez-vous : "est-ce que, à cet âge, je regretterai d'avoir décidé/choisi/agi de cette façon ?".

À noter : c'est un test qui ressemble fort à certains préceptes des stoïciens. Il nous oblige à penser à ce que nous voulons vraiment, plutôt qu'à ce qui est bon maintenant. Allié aux autres modèles mentaux, il nous aide à agir à la fois justement et rapidement.

Chapitre 2 — Voir plus clairement

Bien que nous n'ayons pas toujours toutes les informations en main pour nous décider (et que nous puissions nous décider quand même !), il est utile de maximiser nos chances d'obtenir les bonnes informations au bon moment.

En d'autres termes, il est utile d'avoir des stratégies et des tactiques pour mieux appréhender les problèmes et obtenir l'information dont nous avons besoin. Pour ce faire, nous devons dépasser notre vision primaire, subjective, du monde.

7 : ignorez les "cygnes noirs"

Peter Hollins reprend ici la théorie du cygne noir de Nassim Nicholas Taleb. Selon cet auteur, des événements imprévisibles (cygnes noirs) ne manquent pas de survenir et de bouleverser nos façons de voir le monde, mais cela ne signifie pas pour autant que nous devrions les considérer comme significatifs pour nos prises de décision.

Pourquoi ? Car ils ne sont pas la norme et que, si nous leur donnons trop d'importance, nous créerons peut-être plus de conséquences négatives que celles qu'ils ont déjà occasionnées.

"Ce modèle mental consiste à aller au-delà de la gravité d'un événement de type cygne noir, à faire un pas en arrière et observer l'ensemble du tableau." (Les modèles mentaux, Chapitre 2)

8 : recherchez les points d'équilibre

Connaissez-vous les rendements décroissants ? C'est un concept venu de l'économie. Pour le dire vite et en se plaçant du point de vue du consommateur, votre satisfaction diminue au fil de l'utilisation d'un produit ou d'un service.

Nous pensons généralement que nous aurons le même avantage, réparti équitablement dans le temps. Or nous avons d'abord plus, puis de moins en moins d'avantages au cours du temps. Par exemple, vous pouvez faire de rapides progrès en anglais, mais pour aller plus loin dans cette langue, vous devrez y consacrer chaque fois plus de temps et d'énergie.

Reconnaître la loi des rendements décroissants, c'est simplement être honnête avec soi-même. Peter Hollins donne quelques exemples parlants adaptés au quotidien :

Si vous cherchez à lire 900 mots à la minute, il est possible que vous n'y compreniez plus rien ;

Quand vous travaillez 9 heures d'affilée, vous devenez de moins en moins productif ;

Lorsque vous forcez l'apprentissage du piano, vous risquez de vous dégoûter de cet instrument ;

Etc.

9 : guettez la régression à la moyenne

L'idée de régression à la moyenne est liée à ces deux premiers modèles mentaux. La moyenne, pour rappel, est "l'entre-deux" de deux valeurs. Allons au plus simple : si vous avez deux chiffres — disons 5 et 7 —, alors leur moyenne sera 6.

Au-delà des mathématiques, nous pouvons dire que la moyenne est la "routine", l'habitude prise par quelque chose ou quelqu'un. Par définition, nous en changeons peu. Qu'est-ce qu'alors que la régression ? Eh bien, c'est simplement le passage d'un événement étonnant à la routine.

Par exemple : vous êtes fou amoureux pendant un (deux ou trois !) an de votre nouvelle compagne, puis vous "régressez à la moyenne", c'est-à-dire que vous en arrivez à un "niveau" d'amour plus stable et plus durable (une routine, une moyenne qui vous convient à tous les deux).

Qu'est-ce que cela signifie ? Eh bien, allié au modèle mental sur le cygne noir, il indique que nous ne devrions pas changer d'attitude ou prendre une décision risquée après un événement trop perturbant ou sortant de la moyenne/routine.

Il est préférable de "laisser le cycle entier se dérouler et [d'évaluer] toutes les informations auxquelles vous aurez accès pendant cette période", prévient Peter Hollis.

10 : que ferait Bayes (What Would Bayes Do) ?

Thomas Bayes est un mathématicien du XVIIIe siècle qui a donné son nom à un théorème mathématique très employé en probabilités. Il s'agit d'une formule mathématique simple (voir p. 67).

Son objectif : "prédire ce qu'il pourrait se produire si d'autres événements significatifs se sont produits". Disons-le en utilisant un langage plus formel et abstrait : "si A se produit, et qu'il est lié à B, alors vous pouvez générer une probabilité tangible".

Peter Hollins l'explique clairement et montre comment vous pouvez l'utiliser dans votre vie de tous les jours pour calculer rapidement la probabilité d'occurrence d'un événement donné.

11 : faites comme Darwin

C'est-à-dire ? Soyez ouvert aux idées contradictoires ou opposées aux vôtres !

Le célèbre biologiste était un passionné de l'apprentissage. Il voulait devenir incollable sur son domaine d'étude et ne rechignait pas devant la difficulté. Même quand la science était incertaine et que des avis divergents s'exprimaient, il les prenait tous en compte.

C'est ainsi qu'il a réussi à composer une théorie scientifique solide. Tous les détails et les incohérences qu'il apercevait, il cherchait à les expliquer et à les intégrer peu à peu à sa propre recherche.

Prendre en compte les avis opposés ou contradictoires ne suffit pas. Vous devez également suivre les preuves lorsque celles-ci sont irréfutables, et voir où elles vous amènent.

Ce goût puissant pour la recherche de la vérité peut générer un grand inconfort psychologique, malgré sa simplicité apparente. Mais en tant que modèle mental, il vous aidera à vous ouvrir l'esprit et à considérer avec plus d'attention vos problèmes.

12 : pensez avec le système 2

Ici, Peter Hollins utilise la théorie de Daniel Kahneman, présentée dans Système 1 / Système 2.

Selon le psychologue et économiste américain, prix Nobel d'économie, nous aurions deux "systèmes" de pensée l'un rapide (mais biaisé), et l'autre plus lent (mais plus susceptible d'atteindre la vérité).

Le système 1 est pratique et peut être utilisé dans bien des situations ordinaires. Il se base sur des "heuristiques" (biais) qui aident à prendre des décisions rapidement.

Le système 2 est idéal pour les situations de travail et d'effort mental. Il est l'outil à utiliser pour toute réflexion lucide et posée. Lorsque vous le pouvez, passez donc au système 2 !

Chapitre 3 — Résolution de problèmes révélateurs

Dans ce chapitre, Peter Hollins s'intéresse aux meilleures manières de résoudre les problèmes qui se posent dans la vie de tous les jours aussi bien qu'en situation particulière — dans le cours de votre travail ou de votre vie privée.

13 : contrôle de vos perspectives par les pairs

Ce type d'examen par les pairs — c'est-à-dire d'évaluation par des personnes aux mêmes compétences et au même statut que vous — est bénéfique, car il vous permet d'avancer considérablement dans votre perception des problèmes.

En fait, même une critique dévastatrice ou vicieuse et mal intentionnée peut vous être utile, dans la mesure où elles vous forceront à répondre et à trouver (ou à réaffirmer) ce qui est positif dans votre travail.

Toutefois, normalement, une évaluation par les pairs est une critique constructive et approfondie. Ce regard analytique et — si tout va bien — bienveillant sur votre travail ne peut que vous aider à aller plus loin.

Peter Hollins expose aussi le principe dit de la "triangulation", qui vise à croiser des sources d'origines différentes afin de solidifier une affirmation ou un propos.

14 : trouvez vos propres défauts

Vous pouvez également vous forcer vous-même à l'autocritique. Dans ce cas, partez de la question suivante : "si vous vouliez que votre point de vue ou votre opinion échoue, quel est le meilleur moyen pour que cela se produise facilement ?".

Autre façon d'opérer : imaginer un tiers objectif. Cela fonctionne bien pour analyser les relations et tout particulièrement les relations de couple, par exemple. Cherchez à vous placer successivement dans les 3 positions suivantes :

La vôtre ;

Celle de l'autre personne (votre partenaire, par exemple) ;

Un observateur neutre de la scène ou de la situation.

15 : séparer la corrélation de la causalité

C'est une "tarte à la crème" de beaucoup de statisticiens et de scientifiques : il faut éviter de confondre causalité et corrélation. D'accord, mais rappelons ce que désignent ces deux termes au juste !

Corrélation : terme statistique qui montre une similitude (caractéristique, comportement, etc.) entre deux éléments ou variables.

Causalité : rapport logique d'une chose à une autre, qui établit la raison d'une transformation (rapport de cause à effet).

Souvent, nous prenons l'un pour l'autre, sans nous en rendre clairement compte. Nous voyons deux choses qui se ressemblent et nous en inférons un rapport de causalité (ceci a créé/produit cela).

Exemple : si les ventes de lunettes de soleil augmentent en même temps que les ventes de crèmes glacées, ce n'est pas parce que les premières causent les secondes, mais seulement car il y a une corrélation entre ces deux types de vente en raison… de l'arrivée de l'été (qui elle, est la cause !).

Un conseil de Peter Hollins : posez-vous au moins 5 fois la question "pourquoi" et cherchez à y répondre avec de plus en plus de finesse, en passant des causes immédiates aux causes profondes.

16 : raconter à l'envers

Maintenant que vous connaissez la différence entre les corrélations et les causes, vous pouvez vous essayer à cet autre modèle mental. Concrètement, il s'agit d'un schéma à dessiner, dit "en arête de poisson".

Expliquons-nous :

À la droite de la surface d'écriture (tableau, feuille, etc.), vous écrirez un thème ou une observation et vous l'entourerez par un carré (ou pourquoi pas une tête de poisson dessinée !).

Vous tracerez une ligne partant du bord gauche de votre "tête de poisson" vers la gauche de la surface d'écriture pour créer son "corps" (sa "colonne vertébrale").

À partir de là, vous créerez les "arêtes", partant du corps et se prolongeant en verticale. Vous indiquerez pour chaque arête une cause possible de votre thème/observation.

Raconter à l'envers (Source, Les modèles mentaux, Chapitre 3, p. 99)

Sous chaque catégorie, vous viendrez placer des causes plus précises. Par exemple, si une catégorie est "politiques locales", vous spécifierez par "pas de parking gratuit" ou encore "mauvaise gestion du réseau des transports en commun".

17 : la méthode SCAMPER

Voici une méthode pour stimuler votre créativité.

Cet acronyme désigne :

S comme substituer ;

C comme combiner ;

A comme adapter ;

M comme maximiser/minimiser ;

P comme passer à un autre usage ;

E comme éliminer ;

R comme renverser.

L'objectif est de résoudre un problème en manipulant ces 7 outils logiques (expliqués en détail dans le livre) et en alliant leurs forces. De cette façon, vous êtes sûr d'explorer l'éventail le plus large possible d'options.

18 : revenir aux principes de base

Quelles sont les données de base de votre problème ? Prenez le temps d'enlever tout ce qui ne fait pas réellement partie du problème, mais qui est là pour des raisons plus conventionnelles (habitude de passer par tel outil, façon de faire, etc.).

Qu'obtenez-vous ? Une vision neuve du problème ! Et c'est déjà beaucoup. Revenir aux principes de base permet de sortir des habitudes prises et dont nous ne nous rendons même plus compte.

"Cette méthode élimine les opinions et les interprétations d'autres personnes et vous amène aux éléments essentiels qui existent. À partir de là, vous pouvez ensuite remonter vers une solution, souvent avec une approche entièrement nouvelle fondée sur des vérités irréfutables et indiscutables, car vous ne vous reposez plus sur des hypothèses." (Les modèles mentaux, Chapitre 3)

Chapitre 4 — Modèles Anti-Mentaux : comment l'évitement engendre le succès

Peter Hollins qualifie de modèles anti-mentaux les conseils et formules qui suivent car elles visent non pas à se rapprocher d'un objectif, comme c'était le cas jusqu'ici, mais plutôt à s'éloigner de ce que nous ne voulons pas. Ils nous orientent en nous évitant de faire telle ou telle chose qui nuit à notre objectif.

Voyons cela de plus près.

19 : évitez les objectifs directs

Par exemple, vous pouvez commencer par inverser votre objectif. Au lieu de vous demander ce que vous voulez, vous pouvez poser la question : "Qu'est-ce que je veux (à tout prix) éviter ?"

Les avantages de cette méthode :

Vous découvrirez ce qui risque de faire obstacle à votre réussite ;

Sur cette base, vous pourrez trouver des moyens de les contourner.

20 : évitez de penser comme un expert

Parfois, il est bon d'avoir une vue d'ensemble, et un regard frais sur un problème. L'expert est celui qui est accoutumé à un type de problème et qui regarde dans le détail. Mais vous pouvez résister à cette pensée experte — et c'est parfois une très bonne chose !

En fait, l'erreur est parfois tellement "grosse" que seul un débutant peut la remarquer. Les spécialistes, le nez dans le guidon", ne la voient tout simplement plus. Si vous arrivez avec une approche naïve, il se pourrait bien que vous fassiez mouche.

21 : évitez vos zones de non-génie

Le modèle mentaux vous dirait : "restez dans votre zone de génie". Le modèle anti-mental vous invite simplement à éviter les activités qui sont en dehors de cette zone. Autrement dit, si vous remarquez que vous n'êtes pas très bon en chant, mais excellent en danse, privilégiez plutôt la seconde discipline !

"Ne vous condamnez pas à l'échec en opérant en dehors de votre zone de génie. Préparez-vous à un succès constant et fiable en opérant dans ce secteur. Déterminez vos avantages stratégiques et exploitez-les au maximum." (Les modèles mentaux, Chapitre 4)

22 : évitez les listes de tâches à faire

Rédigez plutôt des listes "à ne pas faire" ! Vous verrez comme cela vous libèrera l'esprit… Cela peut paraître étrange, et pourtant ça fonctionne souvent. Oui, écrivez tout ce que vous avez déjà fait, et qui n'est plus à faire. Ou tout simplement des choses que vous ne voulez pas — et n'avez pas à — faire.

Un sentiment de plus grande légèreté vous envahira. Nous pensons tellement à ce que nous devons faire et aux fardeaux qui écrasent nos épaules que nous en oublions qu'il est bon, si bon, de laisser des choses de côté.

Ces tâches "à ne pas faire" peuvent être temporaires (elles reviendront sur votre liste de tâches à faire plus tard) ou définitives. Il y a aussi les choses que vous avez déléguées (voir le chapitre 1). Vous pourriez également noter :

Les tâches terminées ;

Celles qui sont pur gaspillage d'énergie ;

Celles qui sont en cours mais ne nécessitent plus votre attention.

23 : évitez le chemin de la moindre résistance

Prenez-vous les escaliers ou l'ascenseur ? Le second, c'est la voie de la moindre résistance. Pourtant, nous savons tous que ce sont les premiers qui nous conduisent à une meilleure santé physique. Nous nous laissons porter — et rien ne sert de culpabiliser — par la facilité.

Pour y échapper, c'est plutôt simple, du moins en paroles : être honnête avec soi-même, reconnaître le chemin de moindre résistance et prendre son courage à deux mains !

Pour ce faire, vous pouvez vous demander comment :

Vous serez dans 10 minutes ;

Et dans 10 heures ;

Puis dans 10 jours…

Si vous prenez tel ou tel chemin. Ne vous sentirez-vous pas mieux d'avoir pris l'escalier dans 10 jours (voir dans 10 semaines), si vous prenez l'escalier au lieu de l'ascenseur ?

Chapitre 5 — "Oldies but Goodies"

Voici quelques "lois" bien connues qui, sans pouvoir être classées clairement dans les chapitres qui précèdent, n'en demeurent pas moins des classiques à garder avec soi en cas de besoin !

24 : la loi de Murphy

"La tartine de confiture retombe toujours du mauvais côté". Cette loi, vous la connaissez sans doute et vous l'avez certainement déjà expérimentée !

Pour le dire de façon plus générale : "Tout ce qui peut tourner mal tournera mal". Ce qui doit être complété par deux corollaires qui explicitent la loi :

"Laissées à elles-mêmes, les choses ont tendance à aller de mal en pis".

"Il est impossible de rendre quoi que ce soit infaillible, car les failles sont sournoises".

Et connaissiez-vous l'observation d'Etorre ? Je suis sûr que vous avez expérimenté celle-là aussi au supermarché : "L'autre file va toujours plus vite" !

C'est sans doute une exagération. Mis qu'importe, gardez bien à l'esprit ce qui pourrait mal tourner et cherchez à l'éviter.

25 : le rasoir d'Occam

Ce philosophe médiéval a forgé un principe simple : "plus c'est simple, plus la probabilité de vérité est élevée". Autrement dit, en situation d'incertitude, préférez les explications simples et fuyez les théories qui coupent les cheveux en quatre.

Attention, il s'agit d'un principe, pas d'une règle absolue. Parfois, des situations sont le fruit de causes complexes et enchevêtrées. Mais il est néanmoins bon de commencer par le simple et d'avancer progressivement, en ajoutant de la complexité petit à petit.

"Une élaboration excessive ou des éléments inutiles ne feront que vous détourner du problème initial. Ne laissez pas vos instincts créatifs jouer un rôle trop important lorsque vous essayez de comprendre une situation — le plus souvent, la solution la plus élémentaire et basique est la plus précise." (Les modèles mentaux, Chapitre 5)

26 : le rasoir de Hanlon

Ici, le rasoir d'Occam prend une tournure plus morale ou plus directement liée au comportement humain. Plutôt que de considérer une mauvaise intention derrière un phénomène, préférez d'abord l'explication par l'incompétence ou l'insouciance.

Les personnes qui vous posent problème n'agissent probablement pas, le plus souvent, dans le but avéré de vous nuire. Soit ils ne connaissent pas votre propre objectif, soit ils ne sont pas parvenus à vous aider, mais ils ont essayé de bonne foi.

Mais attention ! Ici encore, cela ne signifie pas que cela soit tout le temps le cas. Il est important de rester attentif à la malveillance et, par exemple, à la manipulation.

27 : le principe de Pareto

Voici un principe que les rebelles intelligents connaissent bien ! Le principe de Pareto, dit aussi principe 80/20, s'applique à un grand nombre de situations. Citons ici Peter Hollins pour nous aider à le décrire :

"Ce modèle mental repose sur une proposition simple : identifiez les 20 % d'intrants qui génèrent les 80 % de résultats dans un domaine que vous cherchez à améliorer et concentrez-vous ces intrants. N'essayez pas de faire tout en même temps : concentrez-vous sur ce qui fait bouger l'aiguille et sur ce que contribue à façonner le résultat que vous souhaitez." (Les modèles mentaux, Chapitre 5)

Cette méthode fonctionne très bien dans les domaines de la productivité et du travail. Cela dit, vous pouvez également chercher à le mettre en place ailleurs, et notamment dans votre vie privée.

28 : la loi de Sturgeon

Il y a deux manières de le dire :

10 % des informations sont de qualité ;

90 % des informations sont à jeter.

Concentrez-vous sur la meilleure information possible ! Mais aussi sur les meilleurs produits ou services. Oubliez les propositions douteuses qui ne vous mèneront nulle part. Optez pour ce qu'il y a de meilleur et partez de cette bonne base pour vous décider ou agir.

29-30 : les lois de Parkinson

L'historien Cyril Parkinson a beaucoup écrit. Mais ici, nous nous intéressons à deux "lois" qu'il a formulées et qui concernent directement la productivité et l'efficacité :

L'effet "abri" à vélo" : si vous construisez une centrale nucléaire, la question de l'abri à vélo n'est sans doute pas votre plus grande priorité. Concentrez-vous sur l'essentiel et gardez votre objectif principal en vue.

"Le travail s'étend de manière à remplir tout le temps disponible pour son achèvement". Si vous vous donnez la journée pour faire un travail que vous auriez pu faire en 4 heures, vous gaspillerez à coup sûr toute la journée pour terminer ce travail. Donnez-vous des dates limites ambitieuses et des créneaux de travail précis pour mener à bien vos tâches !

Conclusion sur "Les modèles mentaux : 30 outils de la pensée qui séparent le commun de l'exceptionnel" de Peter Hollins :

Ce qu'il faut retenir de "Les modèles mentaux : 30 outils de la pensée qui séparent le commun de l'exceptionnel" de Peter Hollins :

Peter Hollins propose ici un petit vade-mecum de stratégies et d'outils conceptuels à conserver avec soi et à tester au jour le jour. Ses usages sont multiples :

Être plus créatif ;

Plus efficace ;

Mais aussi plus malin !

Vous y trouverez les influences de certains des plus grands psychologues, économistes et statisticiens actuels — notamment—, comme Daniel Kahneman ou Nassim Nicholas Taleb. Mais vous retrouverez aussi l'influence de penseurs plus anciens, comme Guillaume d'Occam.

Le livre se lit très facilement et son format "portable" (court et léger) en fera le compagnon de route préféré de votre sac à dos ou de votre attaché-case !

Points forts :

Des chapitres courts et bien écrits, avec beaucoup d'exemples ;

Un résumé des modèles mentaux en fin de chapitre et en fin d'ouvrage ;

Un manuel facile à prendre en main (au sens propre et figuré) et à emporter partout avec soi !

Point faible :

Le livre s'inspire surtout d'auteurs qui ont développé une pensée originale et dont nous pouvons d'ailleurs consulter les chroniques sur ce site ;). Cela dit, ce petit ouvrage forme une introduction précieuse et concise si vous ne voulez pas lire (tout de suite !) les classiques…

Ma note :

★★★★☆

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Mon, 06 May 2024 17:00:00 +0200 http://www.olivier-roland.fr/items/view/12847/Les-modles-mentaux
Un homme d’exception http://www.olivier-roland.fr/items/view/12830/Un-homme-dexception

Résumé de « Un homme d'exception » de Sylvia Nasar : la biographie de John Forbes Nash, l'un des plus célèbres mathématiciens du XXe siècle, est un véritable best-seller — ayant donné lieu au film bien connu avec Russel Crowe en tête d'affiche — et un livre à lire pour toute personne qui souhaite entrer dans la peau d'un génie et en comprendre les conflits internes.

Par Sylvia Nasar, 2002.

Titre original : « A beautiful Mind », 2002.

Note : Le livre a d'abord été traduit "Un cerveau d'exception", mais après le succès du film (tiré du livre), les nouvelles éditions ont privilégié le titre Un homme d'exception.

Chronique et résumé de « Un homme d'exception » de Sylvia Nasar

Prologue

L’histoire de John Nash est celle des relations entre créativité, rationalité et schizophrénie. Cet homme a réussi à inventer de nouvelles façons de voir le monde et de l’étudier, grâce aux mathématiques principalement. Mais il a aussi dû faire face à la maladie psychique et à l’exclusion sociale.

Sylvia Nasar évoque plusieurs anecdotes significatives dans le prologue. Par exemple, lorsque l'un de ses collègues mathématiciens lui demande : « Comment avez-vous pu, vous, un mathématicien, un homme voué à la raison et aux preuves logiques… comment avez-vous pu croire que des extraterrestres vous envoyaient des messages ? Que vous avez été recruté par des êtres venus du fin fond de l'espace pour sauver le monde ? Comment…? », John Nash lui répond :

«Parce que mes idées sur ces êtres surnaturels me sont venues de la même manière que mes idées de mathématiques. Je les ai donc prises au sérieux. »

Cette courte histoire montre que, pour lui, il n'y avait pas de frontière claire entre son génie mathématique — qui consiste à créer des idées mathématiques neuves, c'est-à-dire à faire des liens originaux et pertinents qui surprennent et soient utiles à ses collègues — et sa folie.

Entrons maintenant, si vous êtes prêt, dans le détail de son existence…

Première partie — Un cerveau d'exception

Université de Princeton, États-Unis.

Bluefield (1928-1945)

En 1924, John Nash Sr. et Virginia Martin se marient dans le salon de leur maison à Bluefield, en Virginie-Occidentale.

John, conservateur, sérieux et profondément préoccupé par les apparences, souhaite que tout soit très correct. Ingénieur électricien, il aime la science et la technologie et a un esprit vif.

Virginia, une femme vitale avec un esprit moins rigide que son mari réservé, avait autrefois été une enseignante passionnée, quittant sa profession pour épouser John.

Le 13 juin 1928 naît leur premier enfant, John Nash Jr. Solitaire et introverti dès son plus jeune âge, John Nash évite la compagnie des autres enfants, préférant lire et expérimenter dans sa chambre.

Ses parents encouragent ses études mais veulent aussi qu'il soit plus sociable, le poussant autant socialement qu'académiquement.

À l'école, bien qu'intelligent, Nash refuse les méthodes préférées de l'enseignant en mathématiques, démontrant souvent des solutions élégantes en quelques étapes. Peu populaire parmi ses camarades, il est perçu comme étrange, arrogant et distant.

Obsédé par l'invention de codes secrets, il aime aussi faire des farces parfois cruelles. Après le lycée, le jeune garçon obtient une bourse pour étudier au Carnegie Institute of Technology, dans l'intention de devenir ingénieur comme son père.

Au Carnegie Institute of Technology (Juin 1945 — juin 1948)

À Carnegie, le désir de John Nash de devenir ingénieur cède rapidement la place à un intérêt croissant pour les mathématiques. Au cours de son premier semestre, il abandonne l'ingénierie pour se concentrer sur la chimie, mais il éprouve des difficultés en raison du manque de rigueur dans les cours de mathématiques.

Ses professeurs reconnaissent son immense potentiel en mathématiques et le persuadent de se spécialiser dans ce domaine.

Bien qu'excellent dans ses études, le jeune homme reste impopulaire et socialement maladroit. Après avoir révélé son attirance pour les hommes, cela s'aggrave et il devient la cible de remarques homophobes.

Bien qu'il échoue à une compétition nationale de mathématiques, Nash est accepté à Princeton, mais son inadaptation sociale devient singulièrement visible et problématique lors d'un job d'été qu'il effectue à la marine en 1948.

Le centre de l'univers (Princeton, automne 1948)

Fondée en 1746, Princeton n'était pas considérée comme une institution académique particulièrement respectable au début du XXe siècle. Sa réputation demeurait limitée et elle manquait surtout de talents scientifiques reconnus.

Cela reflétait la défaillance générale des universités américaines de l'époque, à la traîne par rapport aux universités européennes et à leurs progrès révolutionnaires en mathématiques et en physique, portés par des figures comme Albert Einstein et David Hilbert.

Cependant, d'importants dons des Rockefeller et des Bambergers allaient bientôt changer la donne. Grâce à l'argent de ces mécènes venus du monde industriel, Princeton (et d'autres) peuvent établir des chaires de recherche pour attirer des talents européens.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, des financements gouvernementaux et militaires affluent également. L'armée et le gouvernement reconnaissent le rôle décisif des mathématiques dans la planification tactique et le développement de la bombe atomique.

Le conflit mondial, en d'autres termes, a "enrichi et revitalisé les mathématiques américaines".

À l'arrivée de John Nash à Princeton en 1948, il découvre un centre des mathématiques américaines, imprégné d'optimisme et où les étudiants se considèrent comme faisant partie d'une "grande révolution intellectuelle".

L'école du génie (Princeton, automne 1948)

À Princeton, le jeune mathématicien et ses camarades rencontrent le président du département de mathématiques, Solomon Lefshetz. Il affirme qu'ils devront travailler dur pour répondre aux exigences de l'université, décrivant Princeton comme un endroit "où de vrais mathématiciens font de vraies mathématiques".

Il insiste sur l'apparence en déclarant: "Il est important de bien s'habiller" et exige qu'ils se fassent couper les cheveux chez un coiffeur de Princeton. Malgré son accent sur les apparences, le directeur valorise "la pensée indépendante et l'originalité par-dessus tout".

Au lieu des démonstrations rigoureuses et des calculs, les étincelles d'ingéniosité sont valorisées et considérées comme bien plus significatives. Cela convient parfaitement à John Nash, car cela colle exactement à son "tempérament et style en tant que mathématicien".

Autour d'un thé formel dans le Fine Hall de Princeton, étudiants et professeurs se rencontrent pour débattre, discuter d'idées, faire des potins et analyser les mathématiques. Dans une atmosphère à la fois compétitive et amicale, les idées circulent et de nouvelles théories s'épanouissent.

C'est une "serre mathématique" qui donnera bientôt à Nash le "contexte émotionnel et intellectuel dont il avait tant besoin pour s'exprimer".

Génies (Princeton, 1948-1949)

À Princeton, John Nash prospère, bénéficiant d'un environnement qui lui permet de s'engager dans les mathématiques à sa manière, avec ses propres méthodes.

Un après-midi en 1948, Kai Lai Chung, un instructeur de mathématiques, regarde par la porte habituellement verrouillée de la salle des professeurs et voit Nash étendu sur le dos sur une grande table en désordre, "parfaitement détendu, immobile, visiblement perdu dans ses pensées, les bras repliés derrière la tête".

Un tel comportement est loin d'être inhabituel pour John Nash, qui passe "la plupart de son temps, semble-t-il, simplement à réfléchir. Il se couche sur les bureaux, glisse dans les couloirs avec "l'épaule fermement pressée contre le mur", emprunte parfois des vélos et les fait tourner en "cercles concentriques de plus en plus petits". La plupart du temps, il marmonne ou siffle distraitement.

Ce n'est pas seulement l'approche immersive et absente de John Nash qui le distingue, mais toute son approche des mathématiques est originale et stimulante. Il trouve toujours des solutions par ses propres chemins, évitant les méthodes habituelles pour se fier à son intuition.

Pour maintenir son indépendance intellectuelle, John Nash :

Ne lit pas beaucoup (pour ne pas être trop influencé) ;

Ne s'attache pas à des cours ou des professeurs trop longtemps ;

Récupère des informations et les reconstruit "à sa manière".

Même ses camarades, pourtant eux-mêmes excentriques, le considèrent comme étrange et distant. Certains membres du corps enseignant acceptent sa bizarrerie, tandis que d'autres le trouvent insupportablement obtus et précoce.

Jeux (Princeton, printemps 1949)

John von Neumann, un brillant polymathe et conférencier à Princeton, entre dans la salle commune de mathématiques et voit deux étudiants jouer à un jeu avec des pions placés dans des emplacements hexagonaux sur un plateau de jeu en losange.

Lorsqu'il demande aux étudiants ce qu'ils font, ils lui disent qu'ils jouent à "Nash". Dans les années 1930, les professeurs européens introduisent la tradition de jouer à des jeux à Princeton, tels que Kriegspiel et Go, très populaires parmi les étudiants lors de la première année de John Nash.

John Nash y participe souvent avec une approche "exceptionnellement agressive", révélant sa "compétitivité naturelle et son esprit de surenchère". Il ne se contente pas de jouer, mais invente un jeu appelé 'Nash', un jeu à somme nulle pour deux personnes, sans hasard, basé uniquement sur la stratégie.

Le jeu devient très populaire et est régulièrement pratiqué dans la salle commune.

John Von Neumann (Princeton, 1948-1949)

Là où de nombreux mathématiciens remarquables de l'époque sont retirés et maladroits, John von Neumann est perçu comme plutôt séduisant. En fait, il est "universellement considéré comme le mathématicien le plus cosmopolite, polyvalent et intelligent" du XXe siècle.

La carrière de von Neumann comprend de nombreux rôles, tels que "physicien, économiste, expert en armes et visionnaire de l'informatique". Ses capacités de mémoire, de calcul mental et de connaissances générales, associées à sa manière parfois froide et directe, ont conduit les gens à plaisanter en disant qu'il est "vraiment un extraterrestre qui a appris à imiter parfaitement un humain".

Pendant la guerre, John von Neumann a co-écrit le texte très significatif "The Theory of Games and Economic Behavior" et a proposé une méthode pour déclencher la bombe atomique, créditée d'avoir raccourci le temps nécessaire au développement de la bombe d'environ un an. En 1948, il est un chercheur respecté à l'Institute for Advanced Studies de Princeton.

La théorie des jeux

En 1928, John von Neumann rédige un article sur "la théorie des jeux", suggérant que l'étude des jeux pourrait offrir des éclairages en économie. En 1938, avec le professeur Oskar Morgenstern, il développe cette théorie dans l'ouvrage novateur The Theory of Games and Economic Behavior.

Le livre attire l'attention du public et reçoit même une critique dans le New York Times. Beaucoup d'étudiants de Princeton le surnomment "la bible". Toutefois, les économistes professionnels gardent leurs distances, estimant que le livre ne tient pas ses promesses audacieuses.

Bien qu'il reconnaisse son "innovation mathématique", John Nash critique également les mérites du livre. Il remarque qu'une grande partie de la théorie "semble avoir peu d'applicabilité en sciences sociales", car elle se concentre sur des "jeux de conflit total" qui ne se produisent pas souvent dans des scénarios économiques réels.

Le jeune étudiant montre également que la discussion des jeux à plus de deux joueurs ne "prouve pas qu'une solution existe pour tous ces jeux" et que l'analyse des jeux à somme non nulle — où les gains et les pertes de chaque joueur ne sont pas équilibrés exactement par les gains et les pertes des autres joueurs —, est également incomplète. Il commence rapidement à réfléchir à des solutions à ces lacunes.

Le problème de la négociation (Princeton, printemps 1949)

Dans son deuxième trimestre à Princeton, John Nash rédige son premier article académique, intitulé "The Bargaining Problem" ("Le problème de la négociation"). Malgré une formation limitée en économie, il parvient à offrir une perspective remarquablement originale et significative dans ce domaine.

L'"idée d'échange" ou la "négociation un à un" y est centrale. Pourtant, aucune théorie n'a encore pu fournir une véritable compréhension de la façon dont les personnes engagées dans un échange se comporteront ou comment une négociation se déroulera.

Le problème central réside dans le fait que les gens ne "se comportent pas de manière purement compétitive" tout le temps. Autrement dit, ils collaborent parfois. Mais comment le prédire ? John Nash trouve une solution élégante à ce problème.

En outre, son originalité réside dans le fait qu'il a eu l'idée bien avant d'être exposé au travail de John von Neumann ou aux mathématiques avancées de Princeton. En fait, l'idée lui était d'abord venue lorsqu'il suivait son premier (et seul) cours d'économie de premier cycle à l'université Carnegie.

Non-coopération (Princeton, 1949-1950)

À l'été 1949, John Nash se plonge davantage dans la théorie des jeux. Mais avant cela, il doit consacrer l'été à préparer son examen général de fin d'études.

Une fois l'examen réussi, il retourne avec ardeur à la théorie des jeux et approche le mathématicien John von Neumann avec les prémices d'une nouvelle théorie. Lors de sa présentation, ce dernier l'interrompt. Il considère que la proposition d'un équilibre dans les jeux à plus de deux joueurs (l'apport majeur de John Nash) est "triviale".

Toutefois, tout le monde n'est pas aussi catégorique que John von Neumann. L'analyste de la théorie des jeux, David Gale, est particulièrement enthousiaste. La théorie lui semble applicable à une large classe de problèmes et les mathématiques utilisées lui semblent "très belles".

Pourtant, même le jeune mathématicien ne reconnaît pas immédiatement la véritable importance de sa théorie. C'est elle, pourtant, qui deviendra "l'un des paradigmes de base en sciences sociales et en biologie" et qui finira par lui valoir un prix Nobel en économie.

Lloyd Shapley (Princeton, 1950)

En 1950, John Nash cherche à établir des liens émotionnels. C'est à ce moment que naît son amitié avec Lloyd Shapley, un brillant mathématicien travaillant à la RAND Corporation.

John Nash exprime son admiration pour Lloyd Shapley de manière enfantine. Et parfois, cela ne passe pas. Ses blagues, notamment devant les amis de ce dernier, sont peu appréciées.

Par ailleurs, des différences de points de vue théoriques les éloignent, et leur amitié prend fin.

La guerre des têtes pensantes (RAND, été 1950)

À l'été 1950, John Nash commence à travailler à la RAND Corporation, un think tank financé par l'Air Force. L'institution a pour mission d'analyser et de résoudre le problème de l'utilisation des nouvelles armes nucléaires. L'enjeu est de prévenir la guerre avec la Russie — ou de la remporter, si la dissuasion échoue.

La théorie des jeux devient cruciale dans cette mission, propulsant cette discipline dans la pensée économique d'après-guerre grâce à la recherche de la RAND.

Bien que la paranoïa de la guerre froide soit palpable, la RAND reste étonnamment informelle, favorisant un environnement décontracté et propice à l'originalité. John Nash s'y intègre parfaitement : il déambule sans contrainte dans les couloirs, perdu dans ses pensées, souvent avec un gobelet de café vide à la main.

Toutefois, il n'est pas très populaire auprès de certains collègues qui le trouvent "absurde et enfantin", déplorant son goût pour "les blagues adolescentes" et son sifflement distrait qui agacent profondément.

La théorie des jeux à la RAND

Le travail de John Nash sur la théorie des jeux attire l'attention de la RAND. Jusqu'ici, le think thank travaillait avec l'hypothèse de John Von Neumann. Les jeux à somme nulle avec deux joueurs de ce dernier étaient réinterprétés à l'aune du "conflit total entre deux superpuissances".

Pourtant, le conflit nucléaire est loin d'être un jeu à somme nulle. La compétition doit s'allier à la coopération. John Nash introduit sa théorie de l'équilibre dans ce contexte et fournit "un cadre pour poser les bonnes questions".

L'équilibre de Nash inspire également le célèbre "dilemme du prisonnier", qui fut inventé à la RAND peu avant son arrivée. Selon cette théorie, les individus rationnels ont intérêt à collaborer plutôt qu'à rechercher leur intérêt personnel.

Ces recherches innovantes feront le succès de la théorie des jeux et la postérité de John Nash. Cependant, à la mi-1950, l'intérêt pour cette théorie diminue à la RAND.

Service militaire (Princeton, 1950-1951)

Par ailleurs, travailler dans le cadre d'un programme militaire dérange John Nash. Il se trouve engoncé, limité par les obligations liées à sa fonction. Il souhaite plutôt "avoir la liberté de se promener dans tous les domaines des mathématiques".

Pour ce faire, il décide de chercher un poste universitaire. Dans l'intervalle, il accepte un intérim à Princeton sur un projet de recherche pour la Marine.

Mais d'autres obligations l'appellent. À l'été 1950, la Corée du Nord envahit la Corée du Sud et les États-Unis promettent leur soutien. John Nash craint de devoir partir à la guerre.

Ses efforts pour éviter l'enrôlement sont au moins partiellement couronnés de succès, mais il doit néanmoins réaliser son service militaire pendant plusieurs mois.

Un très beau théorème (Princeton, 1950-1951)

John Nash doit se faire une place au sein des cercles académiques. Pour se faire connaître et accroître sa réputation, il entreprend d'écrire un article visant à le faire reconnaître en tant que mathématicien pur.

Son texte est effectivement une réussite ; ses calculs sont considérés comme des mathématiques élégantes et pures. Cet article lui permet donc d'être reconnu comme un véritable mathématicien de premier plan.

Pourtant, malgré ce succès, il n'obtient pas de poste à Princeton. La raison en est sans doute que beaucoup de ses collègues le trouvent dérangeant, voire arrogant.

Finalement, John Nash accepte plutôt un poste au Massachusetts Institute of Technology, le célèbre MIT.

MIT

Le MIT est une institution historiquement dédiée à l'ingénierie. Elle a moins bonne réputation que les grandes universités où se pratiquent la physique théorique ou les mathématiques pures, par exemple. C'est pourquoi Nash se perçoit parfois comme "un cygne parmi les canards".

Néanmoins, sa présence contribue au changement de l'Institut et, grâce à lui, les mathématiques deviennent un département majeur de l'école.

Des personnalités de premier plan comme Norbert Wiener — pionnier de la cybernétique et de l'informatique, entre autres choses — et Norman Levinson, un mathématicien, l'accueillent avec bienveillance.

Garnements

Au MIT, John Nash enseigne de façon peu conventionnelle. Il adopte un style excentrique et fait beaucoup de jeux d'esprit. Ses cours, plus proches de l'association libre que de l'exposition planifiée, incluent des énigmes et des farces.

Cette originalité est valorisée dans ce milieu et permet à John Nash de se trouver des amis.John Nash ne cesse d'expérimenter et de rencontrer de nouvelles personnes. Toutefois, son caractère hautain et parfois explicitement méprisant (notamment envers les juifs) le rend détestable aux yeux de certains.

Expériences (RAND, été 1952)

À l'été 1952, John Nash fait un road trip de Bluefield à Santa Monica avec John Milnor, un étudiant diplômé en mathématiques. La bande de jeunes comprend également la sœur du mathématicien, Martha, et Ruth Hincks, une étudiante en journalisme. Le voyage prend fin quand John Nash se dispute avec cette dernière.

Les deux hommes, qui partagent un appartement temporaire près du RAND, se concentrent principalement sur leurs projets individuels. Ils expérimentent autour de la théorie des jeux et notamment des règles de coalition et de collaboration.

La relation devient toutefois tendue après que Nash a déclaré sa flamme à John Milnor.

Géométrie

Au début des années 1950, la paranoïa de la guerre froide donne lieu au maccarthysme : l'ère du soupçon à l'encontre des "espions" communistes bat son plein.

Plusieurs mathématiciens du MIT, dont Norman Levinson, sont accusés et forcés de témoigner. Ce dernier avait été membre du Parti communiste dans sa jeunesse, mais nie être resté proche de cette pensée politique.

Bien que le MIT soutienne ses employés, cet événement rappelle à tous les universitaires, y compris à John Nash, que le contrôle fait désormais partie de la vie quotidienne et que le monde qu'ils ont connu avant la guerre s'est transformé.

Deuxième partie — Vies séparées

Le poker a inspiré la théorie des jeux de Von Newman et de Nash

Singularité

Au cours de son passage au MIT, John Nash devient plus sociable et sort de sa pensée pour se frotter aux relations interpersonnelles. Comme nous allons le voir plus en détail dans les sections suivantes, il s'engage émotionnellement de façon diverse en ayant notamment :

Des relations homosexuelles ou des amitiés masculines fortes et ambigües ;

Un enfant avec une première compagne du nom d'Eleonor, qu'il abandonnera ensuite ;

Une autre compagne avec laquelle il se mariera et aura un autre enfant.

John Nash peine toutefois à répondre aux demandes d'autrui. Il comble ses propres besoins émotionnels et sexuels, mais néglige souvent ceux des autres. Orgueilleux, il estime souvent que son génie devrait suffire à les satisfaire.

Une amitié particulière (Santa Monica, été 1952)

À la fin de l'été 1952, John Nash vit l'une de ses "amitiés particulières" avec un autre homme, Ervin Thomson, âgé de trente ans et secrètement homosexuel. À l'heure du maccartisme, il est préférable de ne pas avouer trop publiquement ses orientations sexuelles.

Peu d'informations sont disponibles sur leur relation. Toutefois, elle semble significative pour John Nash, car elle marque son premier pas vers la réciprocité et l'intelligence émotionnelle. Cette relation lui permet de sortir de son isolement.

Eleanor

Lors d'une visite de routine à l'hôpital, le jeune homme rencontre une infirmière "jolie et brune" nommée Eleanor. Bien que timide et inexpérimentée sur le plan sexuel, elle est désarmée par la douceur et le charme maladroit du professeur du MIT.

Les deux amants gardent d'abord leur relation sexuelle secrète. Toutefois, lorsqu'Eleanor annonce sa grossesse, John Nash doit prendre une décision. Au départ, il semble plutôt heureux, mais cette joie est de courte durée.

La relation se détériore rapidement : Eleonor s'inquiète de l'avenir, mais le mathématicien montre peu d'intérêt pour sa situation. Malgré la naissance de leur fils, il ne la demande pas en mariage ni ne lui fournit d'aide financière.

Lorsque, finalement, John Nash suggère qu'Eleanor donne leur enfant en adoption, celle-ci se détourne de lui définitivement.

Jack

À l'automne 1952 (c'est-à-dire durant sa relation avec Eleonor), John Nash rencontre un jeune étudiant diplômé, Jack Bricker, dans la salle commune du MIT. Bien qu'habituellement dédaigneux envers les esprits moins brillants, Nash est attiré par Bricker, tandis que ce dernier est fasciné par l'intelligence et la beauté de Nash.

Leur relation, bien qu'ouverte et affectueuse, ne sera toutefois pas particulièrement heureuse. En effet, le jeune génie des maths est obsédé par son autonomie et rechigne à s'engager émotionnellement. En plus, il ridiculise son compagnon en public, puis lui avoue sa relation avec Eleanor.

La relation se détériore au point que Jack Bricker décide d'abandonner ses études supérieures.

L'arrestation (RAND, été 1954)

En 1954, John Nash passe un autre été à la RAND. Suivant ses méthodes habituelles, il passe beaucoup de temps à réfléchir à ses recherches en marchant le long de la plage ou dans le parc Palisades — souvent jusqu'à très tard dans la nuit.

Un jour, la police signale à la sécurité de RAND l'arrestation du jeune homme pour "exhibition indécente" dans ce parc — où il ne faisait pas que penser, mais pratiquait aussi le cruising (rencontre avec d'autres hommes en extérieur)…

Cela entraîne une rupture de contrat. À cette époque, l'homosexualité est vue comme obscène et dangereuse. Le climat paranoïaque de la guerre froide n'aide en rien.

Nash ne semble pas initialement perturbé par cet incident. Toutefois, celui-ci révèle la vulnérabilité de sa vie privée et l'existence de pressions extérieures.

Alicia

De retour au MIT, Nash trouve un soulagement dans ses visites à la bibliothèque musicale, où il rencontre Alicia Larde. Cette ancienne étudiante est séduite par sa combinaison de génie, de statut et de beauté naturelle. Intelligente et curieuse, elle imite ses intérêts pour attirer son attention.

Fascinée par son nouveau compagnon, Alicia décide de renoncer à ses ambitions scientifiques et vise le mariage avec lui. Mais ce dernier ne sait pas encore que faire. Il est face à de nombreux choix, tant personnels que professionnels.

Manœuvres d'approche

John Nash envisage le mariage avec une femme comme une solution possible à ses propres problèmes avec les hommes et les risques qu'il encourt. C'est avec Alicia, rencontrée au moment opportun, qu'il décide de se lancer.

Le chercheur est attiré par la jeune femme car celle-ci est intelligente, mais aussi parce qu'elle s'intéresse à lui et l'aime tel qu'il est. Mais il n'est pas très doué pour la monogamie… En effet, pendant qu'il entame cette relation, il continue à voir Eleanor et Jack Bricker (en fait, tout se passe à la même période !).

Seattle (été 1956)

Nash quitte le MIT pour assister à une école d'été à l'Université de Washington. Il espère être au centre de l'attention. Malheureusement, l'annonce de la preuve de l'existence de sphères exotiques par un autre mathématicien lui vole complètement la vedette. John Nash se sent alors petit, tout petit…

C'est néanmoins à cette occasion qu'il rencontre Amasa Forrester, un ancien camarade de Princeton, ouvertement homosexuel et très sympathique. Ils sortent un temps ensemble et John Nash garde un bon souvenir de cette relation.

Plus tard, lorsque le mathématicien est mis devant ses responsabilités de père, il accorde une pension alimentaire à Eleonor. En fait, il semble que ce soit Jack Bricker qui l'ait convaincu d'agir de la sorte pour éviter un scandale préjudiciable à sa carrière.

Décès et mariage (1956-1957)

John Nash aime la vie new-yorkaise et s'installe à New York. Il aime la vie bohème et veut vivre différemment. Toutefois, le décès de son père le confronte à nouveau à des responsabilités et à des règles qu'il méprise et rejette.

D'un autre côté, sa mère fait pression pour qu'il se marie. John Nash et Alicia se fiancent donc et organisent une petite cérémonie de mariage familiale en février 1957.

Troisième partie — Comme un feu qui couve sous la cendre

La schizophrénie de John Nash lui crée de nombreux problèmes dans la vie quotidienne.

Olden Lane et Washington Square (1956-1957)

Comme il vit à New York, John Nash visite fréquemment l'Institut Courant des sciences mathématiques de l'Université de New York. Il aime ce lieu et finit par y passer autant de temps qu'à l'Institute of Advanced Study (ISA).

Malgré l'atmosphère conviviale et les défis stimulants qu'il trouve dans ces institutions, John Nash considère avoir échoué dans ses recherches à cette époque. Il découvre qu'un mathématicien italien, Ennio de Giorgi, a prouvé un théorème sur lequel il travaillait quelques mois plus tôt.

Les méthodes non conventionnelles de Nash connaissent un certain succès. Mais il devient aussi de plus en plus obsédé par la révision de la théorie quantique ; un effort qui se révèle vain et qu'il considérera plus tard comme potentiellement lié à l'apparition de sa schizophrénie.

La fabrique de bombes

Le couple trouve, non sans difficultés, un appartement à Cambridge et commence à mener une vie conjugale classique. Malgré cette bonne nouvelle, le mathématicien reste insatisfait. Il voudrait être davantage reconnu et il s'inquiète de ne pas encore avoir une position permanente à MIT.

Il se plaint également de ne pas obtenir la prestigieuse Médaille Fields. Son travail devient pourtant de plus en plus reconnu. En réalité, il se met une pression énorme sur les épaules pour réussir ; une pression, comme nous allons le voir, sans doute excessive.

Secrets (Été 1958)

John Nash a presque 30 ans. Il est anxieux, notamment en raison de la croyance selon laquelle les meilleures découvertes mathématiques surviennent avant cet âge.

Avec cette idée en tête, il décide de se confronter à l'Hypothèse de Riemann, un problème mathématique encore irrésolu. Il passe alors fréquemment du doute et de la perte de confiance en soi à l'exaltation la plus complète.

En parallèle, John Nash développe une passion pour les marchés boursiers et l'argent. Il cherche à décoder un supposé "secret" du marché. Il demande un prêt à sa mère et commence à réaliser des investissements de plus en plus risqués.

Durant l'été, John Nash et Alicia voyagent en Europe pour leur lune de miel. Le jeune homme offre une bague trop chère à sa compagne, mais à part ça le couple est néanmoins heureux.

Des plans sur la comète (Automne 1958)

De retour à Cambridge, Alicia annonce sa grossesse. Le mathématicien se sent à la fois heureux et inquiet. Il ne sait que faire, notamment au niveau de son avenir professionnel. Il reçoit des offres de postes très intéressantes, mais préfère prendre un congé sabbatique.

À cette époque, il partage son temps entre l'IAS et l'Institut des hautes études scientifiques à Paris.

Mais il ne parvient pas à gagner en stabilité. Financièrement, il perd l'argent investi en bourse et doit rembourser sa mère. Au niveau personnel, il s'engage dans une relation ambiguë avec Paul Cohen, un homme ambitieux qui attire le mathématicien.

Certains témoins et commentateurs prétendent que c'est la relation déçue et la compétition entre Paul Cohen et John Nash qui a été la cause de son effondrement psychique.

L'empereur de l'Antarctique

Nouvel An 1958. John Nash se déguise en bébé, ce qui étonne son entourage. Mais ce n'est pas le seul événement étrange :

Il se lance dans des monologues confus ;

Fait état de croyances irrationnelles ;

Rédige des lettres insensées à des ambassadeurs ;

N'arrive plus à suivre le fil de son exposé lors de ses conférences ;

Etc.

Indubitablement, ce sont les premiers signes de la maladie mentale qui se manifestent. Comme nous allons le voir, sa santé décline rapidement et va le conduire d'hôpital en hôpital à la recherche d'un traitement.

Dans l'œil du cyclone (printemps 1959)

Alicia suspecte depuis un moment que John Nash présente des signes de détresse mentale. Il est incohérent et paranoïaque. Au début, elle attribue ces comportements au stress du travail et à la perspective d'une paternité imminente, mais les symptômes de Nash deviennent plus inquiétants.

Parmi ses comportements étranges, il menace de vider ses comptes bancaires et écrit des lettres bizarres à des institutions internationales.

Hésitant à révéler la situation par crainte des conséquences professionnelles pour son mari, elle quitte son emploi pour le surveiller. Les conseils contradictoires de psychiatres et un incident alarmant conduisent finalement Alicia à reconnaître la gravité de la situation.

Elle prend alors une décision que John Nash lui reprochera longtemps : demander son internement.

Le jour se lève à Bowditch Hall (Hôpital McLean, avril-mai 1959)

John Nash prétend être le leader d'un mouvement mondial pour la paix sous le nom de "Prince de la paix". Après une brève évaluation à l'hôpital McLean où l'emmènent des policiers, il est finalement bel et bien interné. Un diagnostic est établi : schizophrénie paranoïaque.

Sa mère, Virginia, est bouleversée. Toutefois, elle se montre incapable de soutenir Alicia. Il semble normal lorsqu'elle le visite et ne comprend pas véritablement le problème. Traité avec des médicaments et une psychothérapie intensive, il se comporte en "patient modèle".

Cependant, certains psychiatres doutent de la sincérité de son rétablissement. Finalement, l'hôpital le libère après qu'il ait fait appel à un avocat et que sa femme se soit prononcée contre un nouvel internement.

Un thé chez le chapelier fou (Mai-juin 1959)

La vie de sa compagne, Alicia, n'est pas facile.

John Nash étant à l'hôpital, elle décide de s'installer chez son amie Emma. Elle doit se défendre d'avoir fait interner son mari. Mais aussi faire face à ce dernier, qui menace de divorcer en représailles de son geste.

Bien qu'elle soit enceinte, elle met toute son énergie dans la défense de son compagnon :

"Toute son attention [est] focalisée sur une seule tâche — non pas celle d'accoucher, mais celle de sauver John Nash." (Un homme d'exception, Troisième partie)

Une fois sorti de l'hôpital, John Nash — toujours fâché contre sa femme et en proie à ses théories délirantes — décide de s'enfuir et de partir vivre en Europe.

Quatrième partie — Les années perdues

Citoyen du monde (Paris et Genève, 1959-1960)

À Paris, John Nash cherche à rompre avec son ancienne vie américaine. Il tente de renoncer à sa citoyenneté américaine, mais un fonctionnaire de l'ambassade l'en dissuade. Malgré cela, il persiste et demande le statut de réfugié en Suisse.

Après des mois de lutte et d'échecs, il est finalement expulsé d'Allemagne de l'Est et renvoyé aux États-Unis. Durant cette période, ses comportements étranges et ses idées délirantes continuent de surprendre.

Zéro absolu (Princeton, 1960)

De retour aux États-Unis, John Nash séjourne brièvement à Princeton, puis emménage avec Alicia, mais les ennuis ne tardent pas à apparaître.

Il souhaite retourner en France et prétend être lié à des affaires internationales ; il parle de paix mondiale et de gouvernement mondial. Sa femme, Alicia, réalise qu'il devra probablement être interné à nouveau.

Finalement, la police doit intervenir. Sa santé mentale exige un internement. Étrangement (ou logiquement ?), deux jours plus tôt, John Nash prédit qu'il sera emmené par les policiers.

Tour de silence (Trenton State Hospital, 1961)

Avec peu d'argent, le couple ne peut pas faire grand-chose. John Nash est placé à l'hôpital d'État de Trenton. Il dira plus tard que le traitement à l'insuline qu'il y reçoit alors a été une "torture". En outre, il vit en grande promiscuité avec d'autres patients.

Il y reste six mois. Puis il est transféré au sein de l'aile de réadaptation après que le traitement ait montré des signes de succès. Il peut enfin travailler à un article académique important et est "libéré" de l'hôpital à la fin de l'été.

Un intermède de rationalité imposée (Juillet 1961 - avril 1963)

Bien que sa récupération mentale soit considérée comme une issue positive par son entourage, John Nash ressent "un sentiment de diminution et de perte". Pourquoi ? Car il considère qu'il n'a plus accès à ce qu'il considère comme des "visions cosmiques, voire divines".

Dépendant à nouveau de la gentillesse de ses amis et collègues, John Nash obtient un modeste poste de recherche à l'IAS. Bien qu'Alicia et lui vivent à nouveau ensemble, la relation demeure tendue.

Lorsque la santé mentale du mathématicien décline à nouveau, Alicia décide d'entamer à contrecœur une procédure de divorce. Elle lui impose également de se rendre dans une clinique pour être soigné.

Le problème de l'extension (Princeton et clinique Carrier, 1963-1965)

John Nash est admis dans une clinique privée qui pratique les électrochocs et les traitements pharmaceutiques : la Carrier Clinic. Sa femme refuse qu'il reçoive davantage d'électrochocs. Il y a passé plusieurs mois.

Une fois sorti, le mathématicien vit seul et reprend son travail. Mais son comportement étrange persiste. Malgré des apparences positives, il se considère comme une "figure religieuse secrète". Après un séjour en Europe, il est réadmis à la Carrier Clinic, puis s'installe à Boston une fois le traitement terminé.

Solitude (Boston, 1965-1967)

John Nash se sent seul sans sa femme et son fils. Il voit un psychiatre et décide de prendre des médicaments, ce qui ne lui plaît guère. En effet, les médicaments nuisent à sa créativité scientifique.

Il connaît ainsi des hauts et des bas entre productivité et reprise des crises. Au printemps 1967, il devient maniaque, incohérent, paranoïaque et délirant ; il est obsédé par des nombres magiques et des conspirations internationales.

Il rencontre sa première femme avec leur fils. Mais les relations sont mauvaises, en raison de son instabilité psychologique et de son irritation face aux résultats scolaires de son fils.

Un homme seul dans un monde étrange (Roanoke, 1967-1970)

À quarante ans, John Nash paraît déjà "vieux". Il vit à Roanoke avec sa mère, erre en ville, en sifflant parfois. La plupart du temps, il reste à la maison et y tourne — littéralement — en rond. Il est complètement obnubilé par la politique et fomente des théories du complot. Il crée des codes secrets.

Terrifié à l'idée d'être hospitalisé à nouveau, John Nash est pris de colère lorsque sa sœur décide de le faire interner à nouveau après la mort de sa mère. Il rompt tout lien avec elle pendant de longues années.

Le fantôme de Fine Hall (Princeton, années soixante-dix)

John Nash est surnommé "le Fantôme" à Princeton. L'air absent, les yeux enfoncés dans des cernes creusées, il sillonne les couloirs et donne cours de façon cryptique. Lors de ceux-ci, il mélange chiffres, codes, politique, philosophie et religion. Les étudiants sont désarçonnés par un tel enseignement, qui laisse parfois à désirer, mais qui est aussi, par moment, très stimulant.

Malgré sa maladie, John Nash espère toujours rester en contact avec sa communauté. Son écriture codée pourrait être le moyen qu'il trouve, à cette époque, pour ne pas perdre pied complètement. Par ailleurs, il se sent bien dans les couloirs de l'université. Princeton est un "endroit calme et sûr" pour lui. Il peut s'y exprimer sans crainte de rejet.

En 1978, il reçoit le prestigieux prix John Von Neumann, mais n'est pas invité à la cérémonie de remise des prix.

Une vie paisible (Princeton, 1970-1990)

Dans les années 1970, Alicia et John Nash vivent ensemble tant bien que mal, malgré la maladie mentale. La santé de John Nash reste instable, mais il cherche à passer du temps avec sa femme et leur fils Johnny.

Ce dernier, doué en mathématiques, montre toutefois — lui aussi — des signes de schizophrénie. Il est hospitalisé à plusieurs reprises, mais parvient à étudier les mathématiques et obtient même un doctorat en 1985.

Cinquième partie — Le plus digne

John Nash reçoit le prix Nobel d'économie en 1994.

Rémission

John Nash retrouve un équilibre mental à partir des années 1970 et 1980. Bien qu'ils ne disparaissent jamais complètement, les symptômes de la schizophrénie diminuent progressivement durant ces années.

Cette victoire sur la maladie est liée à sa propre capacité à tenir à distance les pensées délirantes qui l'assaillent. Il parvient à se raisonner et à entretenir des relations plus saines avec cette partie de sa psyché qui lui joue des tours.

Cette amélioration lui permet de retrouver une certaine normalité dans ses interactions. Il reprend également ses recherches et se forme à l'utilisation de l'informatique.

Pendant ce temps, sa célébrité s'accroît ; il est de plus en plus cité dans des articles universitaires, principalement en économie. Mais, si son nom circule, la plupart des chercheurs pensent qu'il est mort ou en institution !

Nouveau signe important de reconnaissance : John Nash est élu membre de la Société d'économétrie.

Le prix

John Nash n'a pas fait l'unanimité ! Lorsqu'il est proposé comme candidat au prix Nobel d'économie, les membres du comité hésitent en raison de sa santé mentale. Ils enverront même un émissaire, Jörgen Weibull, pour évaluer sa personnalité.

Le comité débat par deux fois de son inclusion en tant que candidat au prix. Certains s'y opposent vigoureusement, tandis que d'autres sont ses défenseurs passionnés. D'un côté, il y a ceux qui ont connu le mathématicien dans ses pires moments ; de l'autre, il y a ceux qui considèrent avant tout ses mérites scientifiques.

Finalement, John Nash est informé qu'il reçoit le prix Nobel vers la fin de l'année 1994.

La plus grande vente aux enchères de tous les temps (Washington DC, décembre 1994)

Au même moment, Al Gore inaugure "la plus grande vente aux enchères de tous les temps" liée aux télécommunications. La particularité de cet événement est qu'il s'appuie sur la théorie des jeux et, notamment, sur l'analyse de la rivalité et de la coopération entre un petit nombre de joueurs rationnels.

C'est la preuve que les concepts développés par John Nash deviennent de plus en plus acceptés et utilisés par les mathématiciens et les économistes (qui organisent la vente aux enchères). C'est un autre type de reconnaissance : après de longues "décennies de résistance", il voit enfin sa théorie appliquée largement.

De nouveau au monde (Princeton, 1995-1997)

La vie de John Nash s'améliore financièrement après la réception du prix Nobel. Il continue à travailler à Princeton, mais ses préoccupations s'orientent toujours davantage vers sa famille ; il s'inquiète en particulier pour la santé de son fils, Johnny.

Par ailleurs, John Nash cherche également à améliorer sa relation de couple avec sa femme et l'idée d'un remariage est même évoquée.

Épilogue

Et c'est bien ce qui se produit ! Les époux Nash se remarient après 40 de mariage. John Nash se sent stable et ne craint plus les rechutes.

Le prix Nobel travaille à divers projets :

Il donne des conférences dans lesquelles il aborde, notamment, la question des troubles mentaux et de la stigmatisation des personnes qui en souffrent.

Il continue à faire des mathématiques.

Ses relations sociales s'améliorent nettement, tant avec ses collègues qu'avec ses amis et sa famille. Et finalement, l'idée que quelqu'un rédige une biographie sur lui semble lui plaire — alors qu'il la trouvait auparavant saugrenue.

Conclusion sur « Un homme d'exception » de Sylvia Nasar :

Ce qu’il faut retenir de « Un homme d'exception » de Sylvia Nasar :

Tout l'intérêt de ce livre consiste à nous faire entrer dans la peau de John Nash. Non seulement dans ses grands moments créatifs, mais aussi dans ses périodes de trouble social et psychologique. Nous apprenons beaucoup d’éléments sur sa personnalité complexe et nous nous faisons une meilleure idée de sa façon d’engendrer des idées nouvelles.

Le célèbre mathématicien qui a mis en forme une bonne partie de la théorie des jeux a bien failli ne jamais obtenir le prix Nobel en raison de ses problèmes "psy". Pourtant, comme le montre à merveille le livre, il est parvenu à se stabiliser et à devenir une personne plus vivable pour ses proches.

Sylvia Nasar parvient parfaitement à nous plonger dans cette histoire, ainsi que dans cette époque des États-Unis de l'après-guerre.

Points forts :

Une écriture brillante qui fait de cette biographie un véritable "page turner" ;

De nombreuses anecdotes qui nous permettent de comprendre les relations entre génie et folie ;

Un témoignage exceptionnel de la vie de l'un des plus grands mathématiciens contemporains ;

Si vous avez aimé le film (ou que vous ne l'avez pas encore vu), lisez le livre pour comparer !

Point faible :

C'est un livre passionnant… Donc je n'en ai pas trouvé !

Ma note :

★★★★★

Avez-vous lu le livre de Sylvia Nasar « Un homme d'exception » ? Combien le notez-vous ?

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Changer sa vie : la méthode des Petites Habitudes http://www.olivier-roland.fr/items/view/12819/Changer-sa-vie-la-mthode-des-Petites-Habitudes

Résumé de « Changer sa vie : la méthode des Petites Habitudes » de BJ Fogg : le livre à lire si vous voulez baser votre changement de comportement sur des sources solides et une méthode éprouvée — le tout, en agissant petit à petit et sans se culpabiliser !

Par BJ Fogg, 2022.

Titre original : « Tiny Habits : The Small Changes that Changes Everything », 2019.

Chronique et résumé de « Changer sa vie : la méthode des Petites Habitudes » de BJ Fogg

Introduction — Changer, ça peut être facile (et amusant)…

Petit mais costaud

BJ Fogg commence par un double message encourageant :

D'abord, défaites-vous du sentiment de culpabilité face au changement (celui-ci nous vient d'une pression sociale et de l'impression de ne jamais y arriver) ;

Ensuite, prenez confiance dans le fait que changer n'est pas si difficile qu'on ne le pense habituellement (c'est tout l'objet du livre de le démontrer).

Souvent, nous nous y prenons mal, et nous nous attribuons la faute. Mais l'erreur vient des mauvais conseils que nous avons reçus.

"Voyez plutôt les choses ainsi : si vous essayiez de monter une commode avec un mode d'emploi erroné et des morceaux manquants, vous seriez sûrement frustré, mais vous ne vous sentiriez pas coupable, si ? Vous rejetteriez la faute sur le fabricant. En ce qui concerne nos tentatives de changement avortées, nous ne nous prenons jamais au "fabricant", mais toujours à nous-même." (Changer sa vie, Introduction)

Au lieu de nous culpabiliser, prenons plutôt le temps de découvrir une méthode efficace. BJ Fogg la résume en trois choses :

Arrêter de se juger ;

Décortiquer ses désirs et en faire des actes ;

Considérer les erreurs comme des découvertes et s'en servir pour aller de l'avant.

Pour l'auteur, c'est même une aventure amusante qui vous attend ; c'est un "voyage exaltant à la découverte de soi". Pour légitimer son approche, le psychologue du comportement de Stanford en appelle à une expérience solide — plus de 40 000 personnes ayant testé le procédé, dit-il — et à l'influence qu'il a eu sur le cofondateur d'Instagram, Kevin Systrom.

Façonner son comportement

BJ Fogg parle de "conception comportementale". C'est un domaine qu'il a beaucoup investigué, d'abord en commençant par lui-même, en utilisant sans relâche une méthode d'essais/erreurs expérimentale dans sa vie de tous les jours.

À partir de 2011, lorsqu'il a repéré des résultats vraiment positifs sur lui-même, il a commencé à enseigner sa méthode à l'université.

Mais il ne suffit pas de transmettre l'information. Le savoir n'amène pas naturellement au changement. C'est le défaut (l'auteur l'appelle "sophisme de l'information/action") de beaucoup d'ouvrages et de discours d'experts.

Pour changer, il faut nécessairement :

Avoir une révélation ;

Ou changer son environnement ;

Ou bien enfin modifier légèrement ses habitudes.

Comme la première est rare et peu contrôlable, il faut plutôt agir sur les deux autres, et commencer par la troisième.

Petit, mais rapide

"Grâce à la méthode des Petites Habitudes, vous vous concentrerez sur des actions qui prennent moins de trente secondes. Vous apprendrez à assimiler rapidement les nouvelles habitudes qui vous viendront naturellement. En commençant petit, vous pourrez faire de gros changements sans vous soucier du temps que ça prend." (Changer sa vie, Introduction)

Moins de 30 secondes : la promesse est tentante ! Ne voyez pas trop grand, affirme l'auteur ; commencez petit. D'ailleurs — tellement nous sommes occupés et stressés — c'est souvent la seule option réelle que nous ayons !

Petit, c'est maintenant

Bien que l'auteur ne souhaite pas donner de conseils quant au contenu des habitudes en particulier, il fait ici une exception. Il propose de mettre en place une première petite habitude, qu'il nomme le rituel Maui.

Dès que je me réveille et que je pose le pied par terre ;

Je dis : "Je vais passer une très bonne journée."

Et pour ancrer cette habitude dans mon cerveau, je souris.

Comme vous le verrez tout au long du livre, le modèle de base des petites habitudes est à chaque fois le même :

"Dès que je…" ;

"Je dis/fais..." ;

  • attitude de célébration (sourire, par exemple).

Plus petit, plus prudent

Il n'y a pas beaucoup de risques à agir petit ; et c'est là un avantage, selon BJ Fogg. En effet, vous pouvez vous tromper sans que cela n'ait de conséquences graves sur vous ou votre environnement. Vous recommencerez et trouverez la bonne habitude.

Par ailleurs, "personne ne pourra vous mettre des bâtons dans les roues" et vous serez donc moins stressés.

"Puisque les habitudes sont toutes petites et le programme très flexible, vous ne prenez aucun risque sur le plan émotionnel. On ne peut pas vraiment échouer avec les Petites Habitudes. On peut trébucher, mais on se relève, ce n'est pas un échec : c'est une habitude qui rentre." (Changer sa vie, Introduction)

Petite habitude deviendra grande

Souvent, nous grandissons avec l'impression que nous devons "tout donner". C'est une erreur. L'auteur compare deux attitudes de personnes voulant se lancer dans l'entrepreneuriat :

La première veut tout faire en même temps et se sent débordée par les tâches ;

La seconde se note une tâche à la fois, sur un post-it, à accomplir rapidement.

La seconde solution fonctionne mieux, car elle habitue à la réussite. Même petit, le succès nous rassure et nous donne envie de continuer. Et cela nous aide à prendre l'élan pour aller encore plus loin. "Sans même vous en rendre compte, vous aurez dévoré la baleine entière", dit BJ Fogg.

Volonté et motivation ne font pas tout

Eh non ! L'exemple de Juni, une personne à haut risque de diabète 2, est utilisé pour illustrer ce point précis. Plutôt que de se focaliser sur la volonté et la motivation, il est préférable de commencer par de petites actions qui enclencheront le changement.

De petits changements permettent de grandes choses

Changer pas à pas peut nous mener loin et nous aider à aller vraiment mieux dans notre vie de tous les jours. L'auteur le montre grâce à plusieurs personnes ayant suivi son programme des Petites Habitudes. Par ailleurs, il explique davantage "l'anatomie des Petites Habitudes".

Chaque petite habitude est composée de 3 choses (voir un peu plus haut pour la formulation "concrète") :

Moment d'ancrage (profiter d'une routine existante ou d'un moment pour agir) ;

Nouvelle petite habitude (à effectuer directement après le moment d'ancrage) ;

Moment de célébration (créer une émotion positive après l'action nouvelle).

La clé pour commencer petit

L'auteur renvoie vers son site internet TinyHabits pour y trouver davantage de ressources. En fin d'introduction, il donne également trois exercices pour commencer à agir.

Utiliser le fil dentaire (p. 26-27) ;

Démarrer rapidement (p. 27-28) ;

Se rappeler que se sentir bien aide à mieux changer (p. 29).

1 — Les éléments du comportement

C = MAI

C'est la formule "secrète" de toute la pratique, la connaissance qui sert de base au programme des Petites Habitudes.

"Le comportement se produit quand la motivation, l'aptitude et l'impulsion convergent au même moment." (Changer sa vie, Chapitre 1)

Un comportement, c'est une façon d'agir dans le monde. Voyons de plus près les 3 éléments clés qui permettent de le modifier ou de l'enclencher :

La motivation, c'est le désir, le souhait de faire quelque chose.

L'aptitude, c'est votre capacité à agir.

L'impulsion, c'est le stimulus qui vous incite à réaliser le comportement.

C = MAI s'applique à tous les comportements humains

Pour l'auteur, cela ne fait aucun doute : tous les comportements fonctionnent sur cette base qui est, somme toute, relativement simple. La conception comportementale consiste à agir sur ces trois leviers.

BJ fogg prend l'exemple de deux comportements d'une même personne, Katie. D'un côté, celle-ci range son bureau tous les jours et cela lui donne de l'énergie pour faire correctement son travail. De l'autre, elle se laisse prendre par Facebook et en oublie de faire sa séance de sport quotidienne.

Pour qu'un comportement se transforme en habitude (quel qu'il soit, bon ou mauvais), il faut que la motivation soit forte et qu'il soit facile de le faire (que vous ayez une aptitude aisée à l'accomplir). L'impulsion doit également être présente. Pour résumer :

Plus vous êtes motivé à accomplir une tâche, plus vous avez de la chance de la faire ;

Plus une tâche est dure, moins vous aurez de chance de l'accomplir ;

La motivation et l'aptitude travaillent ensemble main dans la main ;

Aucun comportement n'arrive sans impulsion.

L'impulsion fonctionnera lorsque la motivation (envie) et l'aptitude (facilité) iront de pair. Si vous n'êtes pas motivé et/ou que l'action à réaliser est top complexe, l'impulsion sera inefficace.

Utiliser le modèle comportemental pour se défaire d'une habitude

Pour abandonner une mauvaise habitude (par exemple : consulter trop souvent les réseaux sociaux le soir), vous pouvez jouer sur l'aptitude.

Dans l'exemple de Katie, BJ Fogg relate comment celle-ci a choisi de s'acheter un réveil-matin classique et de laisser son téléphone mobile dans la cuisine avant d'aller se coucher. De cette façon, elle a joué sur l'aptitude : elle a rendu Facebook "difficile d'accès", sans pour autant aller jusqu'à supprimer l'application.

À noter : c'est aussi un conseil donné par le minimalisme digital.

Trois étapes pour résoudre les problèmes comportementaux

Pour modifier un comportement — le sien ou un autre — il faut suivre l'ordre suivant :

"Vérifier s'il existe une impulsion pour déclencher le comportement.

Déterminer si la personne est capable de faire le comportement.

Déterminer si la personne est motivée pour faire le comportement." (p. 51)

Souvent, en entreprise, les managers jouent uniquement sur la motivation. Or, c'est justement le dernier levier à activer ! Vous pouvez chercher à appliquer cet ordre de priorité dans tous les domaines de votre vie et vous amuser à travailler sur vos comportements et ceux d'autrui, éventuellement.

Voir le monde à travers le prisme du modèle comportemental

BJ Fogg raconte l'exemple de Jennifer, une jeune graphiste et maman qui n'arrive plus à maintenir une routine sportive. En s'aidant de la formule C = MAI, elle analyse son comportement et comprend où elle peut agir.

En fait, nous pouvons tous le faire ! Il s'agit de se regarder soi-même "avec une certaine curiosité et un recul objectif". Voici ce que dit encore l'auteur sur la posture qu'il vous invite à tenir :

"Je veux que vous traitiez votre vie comme un "laboratoire de changement" personnel, un endroit où expérimenter sur la personne que vous voulez devenir. Un endroit où vous vous sentirez en sécurité, où tout est possible." (Changer sa vie, Chapitre 1)

Voici les exercices proposés à la fin de ce chapitre :

Explorer les différentes manières de se défaire d'une habitude (p. 58) ;

Apprendre le modèle comportemental de Fogg en l'enseignant à quelqu'un d'autre (p. 59).

2 — La motivation : trouver ce qui vous correspond

La motivation est une donnée imprévisible

Lorsque nous voulons changer de comportement, nous agissons souvent en pensant que seule la motivation compte. C'est une erreur. "La motivation, c'est comme un ami fêtard", dit l'auteur : "super pour sortir le soir, mais il ne vaut mieux pas compter dessus pour venir nous chercher à l'aéroport".

1 — La motivation est complexe

De façon originale et peu orthodoxe, BJ Fogg considère que la différence entre motivation interne et externe n'est pas très utile "dans le monde réel". Il préfère distinguer trois types de motivation :

Celle qui dépend de vous-même ;

Un avantage ou une punition liés à l'action ;

Le contexte direct de l'action.

L'auteur donne de nombreux exemples pour comprendre sa théorie et propose également un schéma nommé "le bonhomme PAC" pour personne/action/contexte.

BJ Fogg traite également des motivations concurrentes. Par exemple :

Je veux travailler ;

Mais je veux aussi me reposer.

Comment gérer ce conflit intérieur ? Et que faire lorsque nous n'avons même pas conscience de l'origine de mes désirs ? Comment faire face à la frustration, quand nous échouons à contrôler nos impulsions ?

2 — La vague de motivation

C'est le moment où vous vous sentez capable de tout : vous venez, par exemple, d'acheter une maison et vous êtes motivé pour tout rénover (et vous en faites effectivement beaucoup pendant les premières semaines).

Mais la motivation ne dure pas. En tout cas, elle est instable. Pourtant, nous avons tous tendance à surestimer notre motivation future. Nous sommes souvent trop ambitieux et nous nous créons des pièges à nous-mêmes.

3 — Les fluctuations de motivation

Nous ne pouvons pas prendre le contrôle total de notre motivation. De nombreux éléments (venus du contexte, de nous-mêmes ou d'actions que nous avons effectuées entre temps) peuvent la perturber et la faire retomber à zéro.

Mais il y a aussi des moments où nous pouvons faire l'expérience d'une motivation durable.

"Imaginez une grand-mère qui a toujours envie de passer du temps avec ses petits-enfants, ou une adolescente qui veut toujours avoir l'air présentable devant ses amies. J'appelle ces motivations durables des aspirations (...)." (Changer sa vie, Chapitre 2)

4 — La motivation vers un but abstrait ne donne pas de bons résultats

L'auteur prend l'exemple des campagnes de santé publique autour de la nutrition. "Mangez de toutes les couleurs" : voilà une aspiration et même un commandement pour manger des légumes.

Mais comment faire concrètement ? Ce type de messages est trop abstrait ! Résultat : il ne vous aidera certainement pas à garder votre motivation très longtemps.

Pour changer vos idées sur les campagnes de politiques publiques, lisez ce livre sur le nudging et le marketing social.

5 — La motivation n'est pas un ticket gagnant pour le changement à long terme

Quand nous nous basons seulement sur la motivation et que nous nous donnons des objectifs abstraits à atteindre, nous risquons davantage d'échouer. Et de rejeter la faute sur notre incapacité à tenir nos engagements. Mais c'est encore une erreur.

Comme nous allons le voir, il est important d'apprendre à la jouer fine avec la motivation. Si nous ne tenons pas nos engagements, ce n'est pas parce que nous sommes "nuls" ou "sans volonté", mais parce que nous nous y prenons mal. N'est-ce pas une bonne nouvelle ?

Se montrer plus rusé que la motivation

BJ Fogg y insiste : il n'est pas question de renoncer à nos rêves, certainement pas ! Mais il faut le faire correctement. Commençons par rappeler la distinction entre :

L'aspiration (ce que je veux, vers quoi je tends) ;

Le résultat (ce que j'obtiens effectivement) ;

Le comportement (ce que je mets en place pour obtenir ce que je veux).

Le comportement, vous pouvez le modifier tout de suite. Mais, par contraste, "vous ne pouvez pas réaliser une aspiration ou atteindre un résultat quand vous voulez". Pourtant, nous confondons souvent ces trois concepts.

Un comportement engage une action spécifique. Cela signifie aussi réorienter le questionnement du "pourquoi" vers le "comment". Ne vous demandez pas pourquoi "manger mieux", par exemple, mais "comment" !

Voici les 3 étapes préconisées par la conception comportementale de BJ Fogg :

Mettre ses aspirations au clair ;

Explorer les options comportementales ;

Choisir des comportements spécifiques adaptés.

Dans un premier temps, prenez le temps de savoir ce que vous voulez changer (par exemple, réduire votre taux de stress). Dans un deuxième temps, brainstormez autour des manières de modifier votre comportement (par exemple : jardiner, faire du yoga, etc.).

Pour la troisième étape, voici ce qu'il convient de faire.

Comment trouver la meilleure nouvelle habitude ?

Nous avons souvent de mauvaises méthodes pour changer d'habitudes. Nous y allons soit :

Au pif, sans méthode ;

En cherchant l'inspiration sur Internet ;

En suivant le conseil d'un ami ou ce qui a fonctionné pour lui.

Il est préférable de voir ce qui est véritablement adapté à notre situation. Lorsque nous avons exploré les options possibles, nous pouvons sélectionner celle qui conviendra le mieux à notre situation présente — autrement dit, celle qui sera la plus facile à mettre en place.

BJ Fogg donne le nom de "comportement en or" aux "associations comportementales" les plus efficaces (celles qui rencontrent le mieux vos objectifs, votre aptitude et votre situation actuelle).

Plan ciblé

C'est le nom donné par l'auteur à sa méthode pour trouver des "comportements en or". Elle est composée de plusieurs "rounds" et elle se joue avec des cartes à placer sur un graphe composé de deux axes :

OUI/NON j'arrive/n'arrive pas à adopter ce comportement ;

Comportement à forte/faible incidence (très ou peu efficace).

Tous les comportements trouvés à l'étape 2 de conception comportementale trouveront leur place dans ce graphe (chacun d'entre eux étant représenté par une carte ou un post-it). C'est le premier round.

Dans le deuxième round, vous devez réfléchir à la faisabilité de chaque option. Est-ce que vous êtes prêt à vous "forcer" à faire l'action requise ? Il faut bien y réfléchir, notamment en prenant en compte votre aptitude à faire la chose souhaitée.

Pour résumer :

"Le but du plan ciblé, c'est de trouver les tâches faciles qui vous correspondent, que vous avez déjà envie de faire et qui sont efficaces pour atteindre vos aspirations." (Changer sa vie, Chapitre 2)

Petits exercices d'entraînement à la conception comportementale

Trouver un raccourci dans l'association comportementale ;

Trouver ses comportements en or à l'aide d'un plan ciblé.

3 — L'aptitude : privilégier la facilité

Avancer en "risquant tout" peut paraître plus efficace, mais cela ne l'est pas nécessairement. Certes, des actes radicaux, voire héroïques, sont parfois nécessaires. Mais la méthode des Petites Habitudes, elle, fonctionne très bien au quotidien. En fait, commencer petit est à la fois plus stable et plus durable.

Créer des habitudes en fonction des aptitudes

Faire 20 pompes tous les matins, cela n'est pas facile. En faire 2, en revanche, semble faisable. Alors, pourquoi ne pas commencer par là ? Cette action a beaucoup plus de chances de devenir une habitude.

"Quand on cherche à prendre une nouvelle habitude, on cherche avant tout la régularité. Pour atteindre ce résultat, la simplicité est essentielle ; où, selon la formule que j'enseigne à mes étudiants : c'est la simplicité qui change le comportement." (Changer sa vie, Chapitre 3)

Certains éléments déterminent l'aptitude (la capacité à faire quelque chose) :

Le temps ;

L'argent ;

Le physique ;

L'énergie mentale ou créative ;

La routine préexistante.

L'ensemble de ces caractéristiques forme ce que BJ Fogg nomme la "chaîne d'aptitude". Or, cette chaîne ne tient bon que par son maillon le plus faible.

Lorsque vous vous demandez si ce comportement sera difficile à faire pour vous (c'est ce que l'auteur nomme "la question initiale"), décomposez la chaîne d'aptitude et interrogez-vous sur la partie la plus compliquée pour vous (le maillon le plus faible).

Ensuite, demandez-vous ("question avancée") : "comment puis-je rendre la chose plus facile ?". Il n'existe que trois réponses possibles à cette question :

Accroître ses compétences (personne) ;

Rendre la tâche plus petite (action) ;

Obtenir des outils et des ressources (contexte).

Concevoir vos propres Petites Habitudes

Concevoir de Petites Habitudes passe par un mélange de ces trois ingrédients. Ceux-ci vous permettront de solidifier votre aptitude à agir et donc à changer. L'auteur explique comment il a réussi à faire 20 pompes par jour… en commençant par en faire seulement 2 !

Pour rendre un comportement plus facile, posez-vous les questions suivantes :

Êtes-vous suffisamment motivé pour apprendre de nouvelles compétences ?

Êtes-vous suffisamment motivé pour vous procurer les bons outils et ressources ?

Pouvez-vous revoir les choses à la baisse pour rendre votre comportement plus petit ?

Êtes-vous capable de trouver une première étape à votre comportement ?

Pour que vos bonnes habitudes durent, il faut qu'elles soient faciles. Et qu'elles ne mènent pas tout droit à la culpabilité. Ce n'est pas la perfection qui est ici recherchée, mais la régularité.

Le modèle gagnant : changer de comportement grâce à la simplicité

BJ Fogg remarque que les grandes entreprises du numérique — Google, Amazon, Slack ou Instagram — ont commencé en proposant quelque chose de très simple à leurs clients. Ce n'est qu'une fois que leur application était entrée dans les mœurs qu'ils ont ajouté des fonctionnalités.

Faites de même dans votre vie ! Ne compliquez l'habitude qu'une fois qu'elle sera intégrée à votre routine quotidienne.

À noter : pour le cas des choses importantes à faire, mais qui impressionnent (et pour lesquelles vous procrastinez), pensez à amorcer la première étape, rien de plus. Vous devez faire des examens médicaux ? Commencez par noter le numéro du médecin à contacter et à le garder près de vous.

Vous voulez en savoir plus sur le concept de procrastination, lisez En finir avec la procrastination !

Petits exercices pour rendre une habitude plus facile à faire

Il s'agit d'un exercice en deux parties :

Analyse d'une habitude difficile ;

Conception d'un moyen de rendre l'habitude plus facile.

4 — Les impulsions : le pouvoir de l'après

Souvent, nous agissons sans y penser. Ce sont les impulsions (en partie) qui sont à la manœuvre ! Sans elles, nous n'agissons pas. Mais il faut que ces impulsions soient combinées à l'aptitude et à la motivation.

Cela nous amène à la cinquième étape de la conception comportementale : trouver une bonne impulsion.

Celle-ci est un élément absolument crucial. À la différence des deux autres (aptitude et motivation), l'impulsion fonctionne en mode "on/off". Soit elle est là, soit elle n'est pas là. Il n'y a pas de degrés.

Une approche systématique aux impulsions

Ne laissons pas les impulsions au hasard. Pour créer des impulsions efficaces, revoyons le bonhomme PAC.

Personne = l'impulsion vient de nous (par exemple, les besoins naturels).

Contexte = elle vient de quelque chose dans l'environnement (par exemple un son, etc.).

Action = l'impulsion vient d'une routine préexistante.

L'auteur recommande de choisir un "point d'ancrage" pour enclencher la nouvelle habitude. Par exemple :

La portière de la voiture claque lorsque votre fille sort de la voiture pour partir à l'école (point d'ancrage dans une routine et dans le contexte) ; dès ce moment, vous vous garez quelque part et notez sur un post-it une action clé à accomplir pour votre projet (petite action).

Vous allez faire pipi tous les matins (point d'ancrage dans une routine existante et un besoin naturel) ; directement après, vous faites 2 pompes (petite action).

C'est la recette des Petites Habitudes ! Pour en savoir plus et découvrir de nouveaux exemples, consultez le site du livre, TinyHabits.com.

Identifier ses points d'ancrage

Nous avons tous des habitudes, quelle que soit la vie que nous menons. Souvent, nous avons plus de routines installées le matin. C'est donc un bon moment pour en ancrer une nouvelle.

Par exemple, ce pourrait être :

"Dès que j'ai posé le pied par terre, je…"

"Dès que j'ai ouvert le robinet de douche, je…"

Ou encore "Dès que j'ai lancé la cafetière, je…"

"Dès que j'ai vidé ma boîte mail, je…"

Etc.

Voici maintenant une série d'exemples de routines du soir qui pourraient vous servir :

"Dès que j'ai passé la porte en rentrant du travail, je…"

"Dès que je me suis assis pour manger, je…"

Ou bien "Dès que j'ai posé la tête sur l'oreiller, je…"

Etc.

À quel moment puis-je insérer ma nouvelle habitude dans ma journée ?

Pour ce faire, vous devrez penser à :

L'endroit qui convient ;

La fréquence ;

Le thème/but (calme, boulot, etc.).

L'ensemble ancrage - nouvelle action doit correspondre au niveau de ces trois données. Si votre point d'ancrage est à la cuisine, vous devez pouvoir y faire votre nouvelle action. Pour une Petite Habitude quotidienne, choisissez un point d'ancrage qui a lieu tous les jours.

Enfin, évitez de créer une trop grande différence entre les deux actions au niveau de leur but. L'unité ne doit pas être parfaite, mais elle doit faire sens pour vous. Par exemple, si le café stimule votre imagination, utilisez votre première tasse comme point d'ancrage pour noter vos idées, etc.

Il est bon d'expérimenter ! Retenez qu'il s'agit bien de "recettes". Prenez donc le temps de voir ce qui fonctionne pour vous et adaptez vos Petites Habitudes à votre situation personnelle.

Peaufiner son point d'ancrage avec la méthode du bord de fuite

Qu'est-ce que c'est que le "bord de fuite" ? C'est simplement le moment le plus précis que vous puissiez trouver pour créer votre point d'ancrage. Plutôt que de dire "quand je rentre du travail", dites "dès que j'ai enlevé ma veste et mes chaussures", par exemple. Vous voyez l'idée ?

Cette méthode a pour but d'aider celles et ceux qui ont des difficultés à démarrer leur action. De cette façon, vous avez un moment très précis sur lequel vous pouvez focaliser votre attention.

Technique avancée : commencer par le point d'ancrage

Vous pouvez également fonctionner à l'inverse de ce que nous avons vu en vous posant la question suivante : Que puis-je faire après une habitude existante ? Quelle Petite Habitude puis-je ajouter à la chaîne ?

Pour ce faire, demandez-vous simplement quelle est l'habitude qui pourrait venir se greffer le plus naturellement à un point d'ancrage.

Les habitudes "en attendant"

Pendant que vous attendez quelque chose (que l'eau chauffe, que le bus arrive, etc.), vous pouvez également placer de Petites Habitudes.

La particularité de ces habitudes est qu'elles resteront petites (elles n'auront pas vocation à évoluer vers des routines plus développées), puisque ce sont souvent de très courtes plages horaires. Mais petit ne veut pas dire faible ou impuissant… Au contraire, ces micro-habitudes peuvent réellement faire la différence.

Les meilleures impulsions pour vos clients

Ces techniques d'ancrage peuvent être utilisées en marketing (social ou non) pour créer des habitudes. À l'heure actuelle, ce sont surtout les impulsions de contexte ou de personnes qui sont employées.

Mais BJ Fogg prédit que les impulsions d'action vont devenir de plus en plus déterminantes. Pour cela, vous devrez interroger vos clients et analyser les résultats pour trouver les points d'ancrage les plus utilisés pour utiliser votre produit/service.

Les habitudes nacrées : faire du beau avec ce qui nous agace

Vous pouvez également utiliser un point d'ancrage "énervant" et le transformer en une bonne habitude. Un bruit vous dérange, mais vous ne pouvez rien y faire (ou il sera compliqué de le modifier) ? Pourquoi ne pas le transformer en point d'ancrage pour une habitude ?

Prenons l'exemple de l'auteur : chaque nuit, il se réveille au bruit de "clic" de l'air conditionné. Son idée : à chaque "clic", détendre son visage et son cou pour faciliter son sommeil. Résultat : ce qui était énervant devient le prétexte à autre chose, à savoir une aide pour dormir.

Petits exercices pour trouver des points d'ancrage à vos nouvelles habitudes

Voici les exercices proposés à la fin de ce chapitre :

Trouver ses points d'ancrage ;

Créer des recettes de petites habitudes à partir d'une liste d'habitudes préexistantes ;

Créer des habitudes nacrées pour gérer les éléments irritants de votre vie.

5 — De l'émotion naissent les habitudes

Nous en arrivons à l'étape 6 de la conception comportementale : celle de la célébration. ressentir une émotion positive à l'issue de la réalisation d'une nouvelle action va considérablement aider à la stabiliser.

"Quand on célèbre pour de vrai, on active la partie du cerveau qui gère la récompense. En se sentant bien au bon moment, on pousse son cerveau à reconnaître et encoder la séquence comportementale qu'on vient de réaliser. En d'autres termes, on peut pirater son cerveau pour qu'il crée une habitude en célébrant et en s'autostimulant." (Changer sa vie, Chapitre 5)

Les expériences positives renforcent les habitudes

Lorsque vous parvenez à faire quelque chose, vous en ressentez une satisfaction. Cela vous amène à vouloir reproduire cette sensation ou cette émotion agréable. Ce mécanisme est décisif pour créer des habitudes.

Les émotions engendrent de nouvelles habitudes

Si les émotions sont positives, les habitudes peuvent s'ancrer très vite. "En fait, certaines habitudes semblent prendre instantanément", affirme même BJ Fogg. Donnez un téléphone mobile à un adolescent et vous verrez qu'il ne faudra pas s'y reprendre à deux fois !

La décision et l'habitude s'opposent sur ce point. Lorsque vous décidez, vous délibérez. Quand vous prenez une habitude, vous "n'y pensez plus" ; c'est l'émotion qui a pris le contrôle et qui vous dicte votre conduite.

L'auteur propose un schéma qu'il nomme le "spectre de l'automaticité". Est-ce que vos actions/comportements sont plus ou moins automatiques ? Plutôt du côté des habitudes intégrées une fois pour toute, ou des décisions à reprendre chaque matin ?

BJ Fogg donne de nombreux exemples et insiste sur le fait que nous ne sommes pas impuissants face à la chimie de notre cerveau (et à nos mauvaises habitudes). Nous pouvons la détourner à notre profit.

Pourquoi la célébration est la meilleure méthode pour bâtir une habitude

"La célébration reste le meilleur moyen de créer un sentiment positif qui permet d'enraciner de nouvelles habitudes. C'est gratuit, rapide, et accessible à toutes les personnes, indifféremment de leur couleur de peau, taille, forme, revenu ou personnalité. De plus, la célébration nous apprend à être gentils envers nous-même ; une compétence qui rapporte gros." (Changer sa vie, Chapitre 5)

BJ Fogg préfère parler de célébration plutôt que de récompense, un mot selon lui trop galvaudé. Pour l'auteur, il importe que la célébration ait lieu directement après l'action nouvelle (et pas plus tard, comme beaucoup de récompenses). Plus nous prendrons l'habitude de le faire, et plus nous améliorerons notre confiance en nous-mêmes de façon générale.

Deuxième maxime de Fogg

La première maxime de Fogg était : "Aidez les gens à faire ce qu'ils ont déjà envie de faire." Voici la seconde :

"Aidez les gens à obtenir un sentiment de réussite." (Changer sa vie, Chapitre 5)

Cela vaut surtout pour les coachs de vie formés à la conception comportementale. Mais si vous pratiquez la méthode des Petites Habitudes par vous-même, vous pouvez, de votre propre chef, vous aider à obtenir ce sentiment de réussite.

Comment célébrer à la manière des Petites Habitudes

Selon la méthode prônée par l'auteur, la célébration doit avoir lieu immédiatement après l'action. Elle doit aussi être suffisamment intense ou authentique pour vous convaincre. Par exemple, dire "Génial !" en fermant les poings après avoir réalisé deux pompes peut suffire.

Mais certains trouvent cela stupide ou gênant. Si c'est votre cas, il vous faudra expérimenter d'autres options. Peut-être qu'une validation tacite, discrète, suffira (pour peu qu'elle soit sincère). Explorez ! Trouvez vos manières de célébrer vos réussites.

Trouvez ce qui sonne "juste" pour vous. Comment le savoir ? Grâce à ce sentiment de "rayonnement" qui émanera de vous, cette fierté que vous avez déjà ressentie, par exemple, lorsque vous avez réussi un examen ou cuisiné un plat excellent.

Un moyen rapide d'éprouver la réussite

Souvent, nous sommes très exigeants envers nous-mêmes — trop. En conséquence, nous considérons que nous n'avons pas à nous congratuler pour de petites choses. C'est une grave erreur pour BJ Fogg.

Selon lui, nous devrions revoir nos attentes à la baisse et accepter que la célébration soit une compétence qui se travaille, et que nos efforts — mêmes petits — méritent bel et bien d'être choyés.

Parmi les nombreux conseils qu'il donne, voici quelques astuces pour arriver plus facilement à se célébrer :

Faire participer un enfant (ils sont naturellement doués pour vous faire ressentir une émotion sincère) ;

Effectuer un geste physique (sourire, poing levé, etc.) ;

À l'instant de la célébration, imaginer que vous encouragez quelqu'un que vous aimez, un proche.

Une solution surprise à deux problèmes d'habitudes

Voici deux questions souvent posées :

Comment ancrer l'habitude rapidement dans le cerveau ?

Comment faire pour ne pas oublier d'effectuer une tâche ?

La réponse de BJ Fogg : répéter la séquence comportementale (la nouvelle habitude) avec la célébration entre 7 et 10 fois. Et répétez cela plusieurs fois si nécessaire. "C'est en forgeant qu'on devient forgeron", dit le proverbe. Il en va de même pour nos habitudes !

La célébration est un pont qui mène des Petites Habitudes au grand changement

L'auteur n'y va pas pas quatre chemins :

"La célébration sera un jour classée, au même titre que la pleine conscience et la gratitude, comme une des pratiques quotidiennes qui contribuent le plus à notre bonheur et notre bien-être." (Changer sa vie, Chapitre 5)

Comme la pratique de la gratitude ou de la pleine conscience, la célébration de vos réussites peut mener à de profonds changements dans votre existence. C'est ce que BJ Fogg raconte avec l'exemple de Linda (à retrouver dans la dernière partie du chapitre).

Petits exercices pour ressentir le rayonnement

Voici les exercices proposés à la fin de ce chapitre :

Trouver différents modes de célébration ;

Essayer la méthode des célébrations en rafales ;

Se rappeler qu'on change lorsqu'on se sent bien.

6 — Cultiver ses habitudes : d'un changement minuscule à profond

Nous ne pouvons pas changer complètement du jour au lendemain (ou très rarement). Il faut plutôt envisager le changement comme un processus qui requiert du soin et de la patience.

Grandir et proliférer

BJ Fogg distingue entre deux types de développement d'habitudes. Il y a selon lui les habitudes qui grandissent et celles qui prolifèrent.

Grandir signifie ici prendre en intensité : vous méditez 30 minutes et non plus 3, vous rangez toute la cuisine au lieu de vous concentrer sur le plan de travail, etc.

Proliférer désigne créer des répercussions en chaîne : le rituel Maui (par exemple) vous donne de l'énergie pour réaliser une deuxième action, et ainsi de suite.

Nous avons tous, dans notre "jardin", des habitudes qui grandissent et d'autres qui prolifèrent. À partir d'une seule aspiration (par exemple courir un marathon), vous allez développer des habitudes grandissantes (marcher tous les jours) et proliférantes (mieux manger).

La dynamique de la croissance

La réussite entraîne la réussite, nous l'avons vu plus haut. Même de petites réussites peuvent nous mener vers les sommets, car c'est le sentiment en lui-même qui compte. C'est ce que BJ Fogg nomme l'"élan de la réussite". Ici, l'important, c'est la fréquence, pas la taille.

Comment créer ce changement à long terme auquel vous aspirez ? L'une des premières techniques consiste naturellement à évacuer les éléments démotivants. La peur est l'un d'eux et celle-ci grandit quand nous avons l'impression de "mal" effectuer une action (diriger une réunion, par exemple).

Les compétences du changement

Il est possible d'apprendre à changer, c'est-à-dire d'acquérir les compétences nécessaires pour provoquer vous-même les modifications que vous souhaitez dans votre existence.

BJ Fogg en distingue 5 ou plutôt 5 ensembles de compétences essentielles au changement :

Création comportementale = être capable de distinguer, de "designer" et d'organiser des habitudes ;

Connaissance de soi = savoir ce que nous voulons vraiment.

Traitement de l'information = reconnaître le bon moment pour faire évoluer une habitude ;

Gestion du contexte = redéfinir son environnement pour faciliter le développement des habitudes.

Mentalité = l'attitude face au changement.

Ne vous contentez pas de lire ce livre : mettez en pratique les compétences du changement

Il n'est pas nécessaire de maîtriser toutes les compétences citées par BJ Fogg pour aller de l'avant. Vous pouvez très bien commencer avec celles que vous avez et développer les autres petit à petit.

Un coach de vie, de préférence formé à la conception comportementale, peut également vous aider à progresser plus rapidement, puisqu'il maîtrisera des compétences dont vous ne disposez pas encore et les mettra à votre service. Mais cela n'a rien d'obligatoire !

Exercices liés aux compétences du changement

Voici les exercices liés à ce chapitre :

Apprendre des compétences que l'on maîtrise déjà ;

S'entraîner à la création comportementale ;

Développer une compétence liée au contexte ;

Développer une compétence liée au traitement de l'information ;

Faire croître une compétence en lien avec la mentalité ;

Faire croître une compétence en lien avec la connaissance de soi.

7 — Se défaire des mauvaises habitudes : une approche systématique

Pour explorer la question des mauvaises habitudes, BJ Fogg utilise l'exemple d'une personne accro au sucre. Il montre comment, touche après touche, celle-ci a réussi à faire sa "glucose révolution", comme dirait Ingrid Inchaupsé.

Le plan directeur du changement comportemental

Le plan proposé par l'auteur se découpe en 3 phases :

Se concentrer sur la création de nouvelles habitudes ;

Puis se concentrer sur l'arrêt de l'ancienne habitude (la mauvaise) ;

Enfin, si nécessaire, remplacer l'ancienne habitude par une nouvelle.

Cela paraît simple et un peu "bâteau" dit comme ça, mais ce n'est pourtant pas ce que nous faisons … d'habitude ! En règle générale, lorsque nous voulons supprimer une mauvaise habitude, nous commençons par la supprimer purement et simplement.

Mais cela crée un vide et de l'angoisse qui vont nous ramener illico presto vers le comportement problématique ! Créer de nouvelles habitudes saines avant permet de remplacer les mauvaises en douceur et sans sentiment de perte.

Vous voulez en savoir plus ? L'auteur détaille chaque phase en détail. Par exemple, pour la phase 2, il montre qu'il importe d'être précis en distinguant l'habitude générale des habitudes spécifiques qui viennent "entourer" celle-là. Illustrons le propos :

Habitude générale : vous mangez trop de cochonneries.

Habitudes spécifiques : vous achetez votre petit déjeuner à la station-service, vous mangez des chips en regardant la télé le soir, vous buvez du soda au déjeuner, etc.

À partir de cette liste, vous commencerez par la chose la plus facile à supprimer, puis vous continuerez jusqu'à avoir une alimentation saine, peu à peu, un pas à la fois, quand vous prendrez progressivement confiance en vous.

Se focaliser sur l'impulsion pour se défaire d'une habitude

Pour supprimer une mauvaise habitude, vous pouvez chercher à évacuer l'impulsion qui la maintient présente à votre esprit.

L'exemple type est celui du smartphone. Si vous voulez arrêter de le consulter au travail ou avant d'aller dormir, éloignez-le, ou, à minima, éteignez les notifications ou mettez-le en mode avion.

Redéfinir l'aptitude afin de se défaire d'une habitude

Il est également possible de jouer sur l'aptitude. Comment ? En jouant sur la chaîne d'aptitude (voir le chapitre 3), c'est-à-dire en augmentant un ou plusieurs de ces facteurs :

Le temps nécessaire pour réaliser votre mauvaise habitude ;

L'argent dont vous avez besoin (l'État pratique cette technique en jouant sur le prix des cigarettes, par exemple) ;

Le niveau d'effort physique nécessaire ;

L'effort mental requis ;

Ou en faisant en sorte que votre mauvaise habitude entre en conflit avec une routine existante.

Ajuster la motivation pour se défaire d'une habitude

Nous voulons souvent commencer par là. Pourtant, ce n'est pas le plus simple — et cela peut même être très compliqué.

"C'est pourquoi on essaye de ne pas toucher à la motivation quand on peut régler le problème via l'impulsion ou l'aptitude. On ne s'en occupe que lorsque les étapes précédentes n'ont pas fonctionné." (Changer sa vie, Chapitre 7)

Première option : réduire sa motivation en passant par d'autres trucs. Perdre la motivation à boire le soir en méditant quelques minutes avant de rentrer à la maison ou en écoutant de la musique calme, par exemple.

Deuxième option : ajouter un élément démotivant pour se défaire d'une habitude. Ce n'est pas la voie que recommande BJ Fogg, car cela donne des sentiments négatifs et crée un sentiment de pression.

Revoir le changement à la baisse

C'est la dernière méthode pour supprimer une mauvaise habitude. Si les autres n'ont pas fonctionné, ne vous torturez pas. Diminuez progressivement le temps passé à faire l'action et/ou diminuez-en l'intensité.

Tout ce qui précède concerne la phase 2 de l'arrêt d'une mauvaise habitude. Dans la suite du chapitre, BJ Fogg traite de la question du remplacement de la mauvaise habitude par une bonne habitude (phase 3).

Si rien n'a fonctionné jusque-là…

Enfin, il insiste encore une fois sur le fait qu'il ne sert à rien de se culpabiliser. Il est normal de devoir expérimenter pour trouver la méthode qui fonctionne pour nous. Si vous n'êtes pas parvenu à mettre en œuvre le changement, modifiez vos habitudes de substitution et faites des tests.

Considérez aussi ce que BJ Fogg nomme "la beauté du chamboulement". Tout d'abord, c'est une joie de voir que nous avons réussi à transformer nos vies et à ouvrir de nouveaux créneaux dans nos horaires pour des routines plus saines.

Ensuite, voyez plus grand. Prenez en compte l'aspect social du chamboulement. En modifiant vos habitudes, vous participez à améliorer la vie de votre famille et même, peut-être, de votre communauté.

"La conception comportementale n'est pas une quête solitaire. Chaque comportement que l'on façonne, chaque changement que l'on entreprend, est une goutte de plus qui vient se propager à la surface de l'étang. On façonne par la même occasion nos familles, nos communautés et notre société à travers nos actions, et elles nous le rendent bien. Les habitudes que nous prenons et que nous perpétuons ont une importance." (Changer sa vie, Chapitre 7)

Petits exercices pour s'entraîner à supprimer ou remplacer une habitude

Quels exercices pouvez-vous faire ? Voici les derniers conseils de BJ Fogg :

S'entraîner à créer un essaim de comportements pour se défaire d'une mauvaise habitude ;

S'entraîner à supprimer une impulsion pendant une journée ;

Enfin, s'entraîner à remplacer une habitude et célébrer pour ancrer la nouvelle.

8 — Comment changer ensemble

BJ Fogg prend l'exemple d'une famille dans laquelle l'un des enfants pose problème. À 21 ans, il vit chez ses parents et ne fait rien. Rien ne semble le motiver et il paraît complètement indifférent aux besoins des autres membres de la famille.

Pourtant, l'auteur montre que la conception comportementale a aidé le père, Mike, à trouver des façons de changer les choses, peu à peu. Progressivement, son fils, Chris, a repris sa vie en main, permettant ainsi à la famille de retrouver son équilibre.

Concevoir le changement en groupe

La méthode des Petites Habitudes fonctionne pour transformer les familles, les équipes de travail ou tout autre type de groupe. Pour commencer, souvenez-vous de la première maxime de BJ Fogg : "aidez les gens à faire ce dont ils ont déjà envie".

Demandez-vous quels sont les objectifs de votre fils, de votre conjoint ou de vos collègues. C'est par là que vous devrez commencer. En s'ouvrant à un premier changement qui leur plaît, ils mettront en marche un mécanisme plus général de modification du comportement et seront prêts à vous écouter.

Autrement dit, vous aurez appliqué la seconde maxime : "Aidez les gens à obtenir un sentiment de réussite". C'est par là que vous pourrez les convaincre d'en faire un peu plus pour vos propres objectifs (et non pas en les culpabilisant).

Comment changer ensemble

L'auteur présente deux façons de changer en groupe et utilise deux figures pour ce faire :

Le meneur y va franchement et propose de suivre la méthode des Petites Habitudes ;

Le ninja s'y prend plus subtilement en appliquant la méthode sans que les autres ne le sachent.

Processus de conception pour un changement collectif

Voici le résumé de la méthode proposée par BJ Fogg :

Clarifier ses aspirations ensemble ;

Explorer les options comportementales ensemble ;

Choisir des comportements spécifiques adaptés à son groupe ;

Rendre le comportement en or facile à faire pour tout le monde ;

Trouver une bonne impulsion au comportement en or ;

Célébrer la réussite pour ancrer l'habitude ;

Résoudre les problèmes et répéter ensemble.

Vous le voyez, c'est toute la méthode des Petites Habitudes qui peut être adaptée à la dynamique de groupe. BJ Fogg expose, pour chaque étape, comment agir en tant que meneur ou en tant que ninja.

Il illustre ensuite sa méthode au travers de 2 récits inspirants :

Changement familial et troubles de l'apprentissage ;

Baisser le niveau de stress à l'hôpital.

Petits exercices pour améliorer les compétences du changement d'un groupe

Voici enfin les exercices supplémentaires proposés en fin de chapitre :

Partager les bases de la conception comportementale ;

Résoudre un problème ensemble à l'aide de la conception comportementale ;

Mettre tout le monde d'accord sur le comportement à changer.

Conclusion — Les petits changements qui changent tout

"Les petits ruisseaux font les grandes rivières" : ce dicton connu s'adapte parfaitement à la conclusion de ce livre. BJ Fogg montre qu'il voit grand et qu'il voudrait diffuser au maximum sa méthode.

Celle-ci permet de réaliser de grands changements au niveau individuel, mais aussi, pense-t-il, au niveau social. Pour le démontrer, il utilise plusieurs histoires personnelles, dont certaines très touchantes à propos de son neveu, décédé trop jeune.

Serez-vous prêt à le suivre et à mettre en place la conception comportementale dans votre vie quotidienne, à rêver grand, tout en commençant petit ?

Conclusion sur « Changer sa vie : la méthode des Petites Habitudes » de BJ Fogg :

Ce qu’il faut retenir de « Changer sa vie : la méthode des Petites Habitudes » de BJ Fogg :

Ce livre est un véritable manuel indispensable pour toute personne intéressée à la mécanique du changement de comportement. Il est non seulement très bien écrit, mais beaucoup plus poussé que les autres ouvrages sur le sujet.

Retenez les 7 étapes de la conception comportementale, c'est-à-dire le cœur de la méthode des Petites Habitudes de BJ Fogg :

Clarifier ses aspirations ;

Explorer les options comportementales ;

Choisir des comportements spécifiques adaptés ;

Commencer petit ;

Trouver une bonne impulsion ;

Célébrer sa réussite ;

Analyser les problèmes, itérer et se développer.

Les trois premières étapes concernent le choix (1-3), tandis que les deux suivantes (4 et 5) concernent la conception proprement dite et l'implémentation (6 et 7) des nouvelles habitudes.

Points forts :

Un auteur professeur d'université à Stanford ;

Des théories et expériences à l'appui de la méthode proposée  ;

De nombreux exemples issus de la vie personnelle et professionnelle de l'auteur ;

Un livre de chevet à garder avec soi dans toutes les étapes de son changement !

Point faible :

Je n’en ai pas trouvé.

Ma note :

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Thu, 04 Apr 2024 17:00:00 +0200 http://www.olivier-roland.fr/items/view/12819/Changer-sa-vie-la-mthode-des-Petites-Habitudes
Les 8 lois de l’amour http://www.olivier-roland.fr/items/view/12810/Les-8-lois-de-lamour

Résumé de « Les 8 lois de l'amour » de Jay Shetty : un manuel de sagesse en matière d'amour pour tous ceux et celles qui souhaitent ardemment trouver l’amour, mais aussi tout faire pour le garder et même parvenir à surmonter les ruptures — en s’acceptant davantage et en s’ouvrant au monde !

Par Jay Shetty, 2023, 368 pages.

Titre original : « 8 Rules of Love  », 2023

Chronique et résumé de « Les 8 lois de l'amour » de Jay Shetty

Qui est Jay Shetty ?

Né en 1987 à Londres, Jay Shetty a bénéficié d'une éducation de classe moyenne. Bien que ses parents soient d'origine indienne, il n'a pas été élevé dans la religion hindoue. À l'âge de 18 ans, il a intégré la Cass Business School de Londres pour se consacrer à des études de gestion et de sciences du comportement.

Il délaisse toutefois la carrière dans le monde des affaires pour embrasser la vie monastique en tant que moine hindou. Entre 2010 et 2013, il réside dans un ashram, un monastère hindou situé à Mumbai, en Inde.

Durant cette période, il se plonge dans l'étude approfondie des textes sacrés hindous — en particulier dans les Védas (écrits anciens pratiques). Même après avoir quitté l'ashram, Jay Shetty persévère dans ses études et accumule de cette façon une profonde connaissance de ce domaine.

Cette conversion vers la vie monastique et l'hindouisme est en grande partie due à sa rencontre avec Gauranga Das, un moine hindou, alors qu'il était encore à l'université. Plus tard, à Mumbai, celui-ci le convainc qu'"il serait de plus grande valeur et de plus grand service s'[il] quittait l'ashram et partageait ce que [il avait] appris avec le monde".

Il décide donc de quitter l'ashram et de réorienter sa carrière de coach vers l'enseignement pratique de la pleine conscience et de la sagesse hindoue et orientale.

Son premier livre, Think Like a Monk: Train Your Mind for Peace and Purpose Every Day, décrit la transition qui s'est produite dans sa pensée lorsqu'il souhaitait « s'immerger dans l'état d'esprit du moine » (Shetty, Jay. Pensez comme un moine, Guy Trédaniel Éditions, 2020).

Désormais, Jay Shetty est coach de vie. Mais pas seulement ! Depuis 2019, il anime également le podcast On Purpose. Ses livres, ses vidéos en ligne et ses cours ont beaucoup de succès et il forme même, désormais, d'autres coaches aux techniques orientales qu'il a apprises lorsqu'il était moine.

L'auteur s'est marié en 2016. Il fait régulièrement référence à cette relation tout au long du livre que nous allons lire maintenant.

Introduction

Commençons par une analogie. Imaginons un dialogue entre un enseignant et un élève au sujet du soin d'une fleur. L'attraction physique ressemble à une fleur coupée et placée dans un vase. Par contraste, l'amour ressemble à une fleur dans le sol, qui reçoit de l'eau et des nutriments grâce à ses racines.

La fleur dans le vase va rapidement se faner. Mais celle qui vit en pleine terre est fragile elle aussi. Il lui faut des soins et une attention constante pour se maintenir vivace.

Mettre l'amour en pratique

Jay Shetty a décidé d'écrire Les 8 lois de l'amour pour aider les gens à apprendre à aimer grâce aux idées contenues dans les Védas. Mais ce n'est pas tout : comme nous le verrons, l'auteur appuie également ses propos sur des études scientifiques et en particulier sur la recherche contemporaine en psychologie.

Alors, qu'ont à nous dire les enseignements des Védas sur le lien amoureux ? C'est ce que l'auteur se propose d'explorer. Pour lui, il importe d'abord de comprendre que l'amour est avant tout une pratique.

Nous pourrions dire aussi, comme le soutient Erich Fromm, que l'amour est un art. Dans les deux cas, l'idée est la même : l'amour requiert des gestes, des rituels, une attention et des obligations aussi. Rien ne sert "d'attendre" l'amour, il faut le construire et l'entretenir, comme si vous étiez un jardinier !

Les 4 ashrams

Il explique que les Védas caractérisent le cheminement de la vie en général à partir de 4 phases ou étapes :

Brahmacharya ashram (vie étudiante) ;

Grhastha ashram (vie du ménage) ;

Vanaprastha ashram (vie à la retraite) ;

Sannyasa ashram (vie renoncée).

Dans les 8 lois de l'amour, l'auteur applique ces principes aux domaines de l'amour. Pour lui, il y a 4 phases ou ashrams (classe ou étude).

Ces 4 ashrams sont :

Se préparer à l'amour ;

Pratiquer l'amour ;

Protéger l'amour ;

Perfectionner l'amour.

Chaque partie du livre sera liée à l'un de ces thèmes. Selon Jay Shetty, les gens traversent souvent ces étapes sans y penser, ce qui est dommage et cause bien des ennuis. L'objectif de ce livre est d'aider le lecteur à devenir pleinement conscient de ce qu'il vit. De cette façon, il aura de meilleures chances de "pratiquer l'amour" avec plus de sagesse.

Partie 1 — La solitude

La partie 1 est en corrélation avec l'ashram Brahmacharya, c'est-à-dire le stade de la vie étudiante dans les stades de la vie védique. Ici, dans Les 8 lois de l'amour, il s'agit de se préparer à la relation amoureuse.

Loi 1 : Redécouvrez la solitude

La solitude est la première étape pour apprendre à aimer. Étonnant ? Pas tellement… Souvent, la peur d'être sans partenaire nous amène à faire de mauvais choix dans notre vie romantique. En fait, "pratiquer" le fait d'être permet non seulement d'améliorer certaines compétences, mais nous aide aussi à améliorer nos relations.

La peur de la solitude

Nous pouvons nous acclimater à la solitude assez rapidement (voir les exercices "À essayer" répertoriés en fin de chaque résumé de chapitre). De nombreuses études scientifiques citées dans le livre font état des avantages de la solitude.

Le psychologue Mihaly Csikszentmihalyi, par exemple, a montré que les adolescents qui ne développent pas de compétences créatives sont aussi ceux qui craignent le plus être seuls.

La solitude est l'antidote à l'isolement

Jay Shetty considère la solitude comme l'antidote à l'isolement. Qu'est-ce que cela signifie ? Premièrement que la solitude est une pratique choisie, qui nous permet de nous concentrer sur nous-mêmes, alors que l'isolement est une situation subie. En pratiquant la solitude, nous pouvons réapprendre à nous mettre en rapport avec autrui et, de cette façon, rompre le mauvais charme de l'isolement.

Passer de l'isolement à la solitude

Selon l'auteur, il faudrait passer par trois phases principales afin d'aller de l'un à l'autre :

Présence ;

Mal-être ;

Confiance.

Expliquons un peu ces termes.

Dans la première étape, les individus sont invités à explorer leurs attitudes et leurs croyances. L'idée est de s'assurer qu'un potentiel partenaire puisse reconnaître et apprécier ces aspects essentiels de leur personnalité.

La deuxième phase encourage à développer une aisance à être seul en testant de nouvelles activités, telles que le voyage en solitaire, par exemple. Ce processus favorise une meilleure connaissance de soi et renforce la confiance personnelle — des éléments qui contribueront à des relations amoureuses plus épanouissantes.

Enfin, la troisième étape vise à accroître la confiance personnelle dans divers domaines tels que la personnalité, la santé émotionnelle et physique, mais aussi les relations et les finances. Un exercice "À essayer" est proposé pour faire le point sur ces questions.

Les bienfaits de la solitude

Shetty souligne l'importance de la solitude dans le renforcement de l'identité. Cette force permet d'éviter la dépendance trop forte à autrui. L'auteur affirme que la solitude nous aide à prendre de bonnes décisions et à éviter des décisions trop rapides.

La solitude nous donne la force de choisir ce qui est bon pour nous-mêmes, sans nous laisser influencer, voire manipuler par autrui.

En bref, nous acquérons :

Un seul mental (moins dispersé) ;

Plus de maîtrise de soi et de patience ;

Un sentiment de complétude.

Les exercices "À essayer" de ce chapitre

Pour mettre en pratique ses conseils, l'auteur donne plusieurs exercices du type "À essayer" (voir plus haut). En voici les intitulés :

"Bilan" à propos de la solitude (p. 28-30) ;

"Apprenez à connaître vos valeurs" (p. 35-36) ;

"Tirez parti du temps passé seul" (p. 37-39) ;

"Identifiez le domaine dans lequel vous avez le plus envie d'évoluer" (p. 41-44).

Loi 2 : N'ignorez pas votre karma

Dans la tradition hindoue, le karma est lié à la conséquence de nos attitudes et de nos comportements. Si nous agissons de façon correcte, la réponse qui nous sera envoyée aura plus de chance d'être elle-même positive. À l'inverse, si nous agissons mal, nous risquons d'entrer dans un cercle vicieux d'actions et de réactions négatives.

Le cycle karmique

L'auteur développe l'idée d'un cycle karmique. C'est-à-dire ? Celui-ci est composé d'événements ou des idées reçues de l'enfance. Ces « impressions » ou samskaras ont un impact sur nos décisions à l'âge adulte.

À leur tour, nos choix ont des résultats positifs ou négatifs en nous et autour de nous. Cela dit, nous pouvons modifier ces événements et ces idées pour améliorer nos décisions et nos comportements actuels — et les effets qui en résultent.

Pour ce faire, nous avons d'abord besoin de comprendre et de reconnaître ces impressions et leur influence négative sur nous. "Les mêmes impressions conduisent aux mêmes choix", c'est cela le cycle karmique. Tout l'enjeu consiste à en modifier le signe : du négatif vers le positif.

Les cadeaux et failles des parents

Les samskaras, qu'on pourrait également traduire par croyances, se forment pendant l'enfance et la jeunesse, grâce (ou à cause) de l'influence des parents, bien sûr, mais aussi des films et des premières relations. Ensuite, nous avons tendance à reproduire ces modèles relationnels, sans nous en rendre compte.

Chaque famille dépose aux pieds de ses enfants des cadeaux, mais aussi des "failles". Plus tard dans notre existence, nous pouvons par exemple rechercher des partenaires qui comblent ces failles, au risque d'entrer dans une forme de dépendance affective.

Les cadeaux — valeurs positives et idéaux relationnels — sont positifs, bien sûr. Mais ils sont également susceptibles de poser problème, dans la mesure où ils peuvent nous conduire à exiger beaucoup trop d'une personne. Il faut donc être prudent et, surtout, conscient de ces forces et de ces faiblesses, pour mieux agir au quotidien et nous préparer à rencontrer l'amour.

Jay Shetty propose plusieurs exercices "à essayer" sur ces différentes thématiques (voir la liste plus bas).

La magie des films

Les films — et les chansons populaires — jouent également un rôle dans nos croyances relationnelles. L'auteur propose un exercice amusant et intéressant en vue d'identifier l'impact des films et des chansons d'amour sur nos pensées et nos façons d'agir.

Le premier amour

Il discute également de nos façons de rencontrer l'amour à l'heure actuelle. Lorsque nous sommes jeunes et que notre cerveau n'est pas encore complètement formé et stabilisé (pas avant l'âge de 25 ans environ), nous pouvons plus facilement nous comporter de façon impulsive et choisir des partenaires sur de mauvaises bases.

En s'appuyant sur les stéréotypes de la pop culture, l'auteur développe les "caractères" suivants, typiques selon lui des premiers amours difficiles :

Rebelle (celui ou celle qui casse les codes et nous emmène en dehors de notre routine) :

Indisponible (celui ou celle qui nous rejette) :

Projet (qui a besoin d'être sauvé) :

Coureur de jupons (qui ne vous sera pas fidèle bien longtemps) :

Riche (celui ou celle qui fait briller nos yeux pour d'autres raisons que lui ou elle-même, que ce soit son argent ou sa célébrité).

Il est tout aussi important d'identifier son propre rôle dans les relations passées : êtes-vous plutôt un sauveur, un dépendant ou un soutien ? N'hésitez pas à consulter également à ce sujet notre chronique sur l'analyse transactionnelle.

Pour pratiquer ces questions, l'auteur fournit un exercice de réflexion pour comprendre nos relations passées (ce que nous projetions de nous-mêmes, notamment).

Vous attirez ce dont vous vous servez pour impressionner

Jay Shetty discute ensuite de la façon dont les gens attirent ce qu'ils projettent dans le monde. Ainsi, si nous mettons en avant nos richesses ou notre beauté, par exemple, nous prenons le risque de n'être reconnus que par ces aspects-là. Ce qui est dommage, car nous sommes plus que cela.

"Nous nous vendons aux autres en mettant en avant nos richesses, mais cela n'est pas bénéfique sur le long terme. Il vaut mieux afficher notre personnalité, nos valeurs et nos objectifs véritables, afin d'être aimés pour ce qui compte le plus pour nous." (Les 8 lois de l'amour, Chapitre 2)

Donnez-vous ce que vous attendez d'autrui

Finalement, Jay Shetty nous rappelle que nous ne devrions pas utiliser nos partenaires pour répondre à un besoin émotionnel, mais que nous devrions y répondre nous-mêmes au préalable. Plusieurs anecdotes et exercices permettent de comprendre et d'appliquer ce point important.

Faites le point

L'auteur suggère par exemple de faire le point 3 minutes en début de journée et en fin de journée, tous les jours. C'est à ces moments clés que vous pouvez tenter de mettre en place de nouvelles routines, qui répondent mieux à vos besoins émotionnels.

Faire croître l'amour

"C'est la pratique qui fait croître l'amour. Il n'y a pas d'autre moyen." (Eknath Easwaran, cité dans Les 8 lois de l'amour, Chapitre 2)

C'est ainsi que se clôt la première partie de l'ouvrage : nous sommes invités à pratiquer tous ces exercices pour nous préparer à l'amour et continuer notre chemin.

Les exercices "À essayer" de ce chapitre

"Méditez sur votre moi jeune" (p. 59-60) ;

"Identifiez les cadeaux et les failles de vos parents" (p. 66-68) ;

"L'amour au cinéma" (p. 73) ;

"Vos rôles en couple" (p. 78-80) ;

"Réfléchir et tirer les leçons d'une relation amoureuse passée" (p. 83-84) ;

"Ce que vous mettez en avant" (p. 88) ;

"Donnez-vous ce que vous voulez recevoir" (p. 91-92).

Écrivez-vous une lettre d'amour

À la fin de chaque partie, Jay Shetty propose également une lettre d'amour particulière, ainsi qu'une suggestion de méditation guidée.

À l'issue de cette première partie, il nous invite à rédiger une lettre d'amour à nous-mêmes, afin de nous "aider à établir un dialogue avec (nous-mêmes)".

Voici les 3 autres lettres que l'auteur suggère d'écrire :

À votre partenaire (partie 2) ;

À vous-même dans les moments difficiles, comme si vous vous adressiez à un ami (partie 3) ;

Au monde (partie 4)/

Méditation pour redécouvrir la solitude

Découvrez la méditation proposée spécialement pour cette partie : la méditation de gratitude".

Et voici les 3 autres méditations proposées en fin de partie :

Renforcer la compatibilité ;

Guérir grâce à l'amour ;

Reliance.

Partie 2 — La compatibilité

Sommes-nous faits l'un pour l'autre ? Voilà la question qui préoccupe bien des couples (et des agences matrimoniales) ! Il s'agit de la question de la compatibilité des partenaires. Celle-ci est traitée à travers le lien à l'ashram de Grhastha, ou deuxième étape des étapes de la vie védique, qui implique la vie familiale ou conjugale — et qui est réinterprétée dans le livre comme l'étape de la création de la relation.

Loi 3 : Définissez l'amour avant de le penser, de le ressentir ou de l'exprimer

Cette règle souligne l'importance de savoir ce qu'est (pour vous) l'amour et de communiquer cette définition à votre partenaire. Jay Shetty raconte plusieurs anecdotes au sujet de personnes qui se sont manquées par faute d'avoir compris leurs définitions respectives de l'amour.

Ces différentes définitions peuvent être reliées à des phases amoureuses. Peut-être que vous définissez l'amour en fonction de l'une de ces phases.

Les quatre phases de l'amour

Ces 4 phases sont :

Attirance ;

Rêves ;

Difficultés et maturation ;

Confiance.

L'auteur les récupère de la tradition Bhakti et les adapte à son propos. Comme nous allons le voir, il s'agit bien de phases puisqu'il est question de passer de l'attraction initiale à la confiance, en passant par la lutte contre les rêves irréalistes et la création d'attentes réalistes.

L'attirance — Jay Shetty suggère d'utiliser la fameuse « règle des trois rendez-vous » (vue dans de nombreux films romantiques et séries américaines) pour évaluer la compatibilité d'une personne avec votre personnalité, vos valeurs et vos objectifs. Ces trois rendez-vous vous permettront de poser des questions et de vous faire une idée de la personne à qui vous avez affaire.

Les rêves — La notion d'idéalisation est également beaucoup utilisée pour caractériser cette phase. Si vous avez été amoureux ou amoureuse, vous le savez : c'est cette période où vous imaginez l'autre sous son meilleur jour et où vous forgez des ambitions irréalistes pour le couple.

Pour évacuer ces attentes erronées et partir sur de bonnes bases, il faut se donner les moyens de créer des attentes réalistes, basées sur les personnalités réelles de l'un et l'autre. Le rythme et l'habitude jouent ici un rôle essentiel. En effet, les routines et les horaires offrent la possibilité de se rencontrer autrement.

Dans le couple, nous devons discuter de nos attentes et accepter les désaccords : « la manière dont vous gérez vos différences est plus importante que la découverte de vos points communs », soutient l'auteur.

Et si vous suiviez la suggestion du psychologue clinicien Seth Meyers de ne vous voir qu'une fois par semaine au cours du premier mois de fréquentation ? Cela vous permettrait peut-être de mieux prendre le temps de le connaître avant de vous engager plus complètement. Pensez également à distribuer équitablement le temps entre amis et celui dédié à votre relation amoureuse.

Difficultés et maturation — Dans cette troisième étape des quatre phases de l'amour, les couples apprennent à grandir à partir de leurs différences. Jay Shetty utilise plusieurs anecdotes personnelles pour nous introduire plus concrètement à ce moment.

C'est à ce moment que nous nous rendons compte s'il y a des éléments de la relation qui sont trop importants et des choses qui, fondamentalement, "ne passent pas". Dans ce cas, la rupture est peut-être la meilleure solution. Mais c'est aussi la phase où les couples se solidifient, s'ils parviennent à trouver des solutions créatives à leurs différends.

Confiance — Les couples construisent la confiance à partir de leur développement commun. Celle-ci doit commencer par nous-mêmes : "nous devons être dignes de confiance", affirme Jay Shetty. Par ailleurs, nous devons la donner à notre partenaire via une saine communication et par l'intermédiaire de nos actions.

L'auteur évoque trois types de confiance.

Physique : celle-ci se produit lorsque les couples se sentent en sécurité les uns avec les autres et savent que leur partenaire est présent, aimant et a une présence positive.

Mentale : elle implique de faire confiance à leur esprit, à leurs idées et à leur prise de décision.

Émotionnelle : cette forme de confiance se produit en faisant confiance à leurs valeurs et à leur identité.

Les problèmes, s'ils sont surpassés positivement, renforcent la confiance mutuelle. Nous avons tous nos points faibles. Le fait de nous accepter et d'accepter l'autre tel qu'il est, un grand stimulateur amoureux.

Les exercices "À essayer" de ce chapitre

"Préparez-vous pour le premier rendez-vous" (p. 111) ;

"Programmez votre emploi du temps" (p. 120) ;

"La confiance au quotidien" (p. 127) ;

"Construire des rêves réalistes à deux" (p. 128-129).

Loi 4 : Votre partenaire amoureux est votre guru

Nous apprenons énormément les uns des autres dans nos relations amoureuses. Bien sûr, cela est vrai de toutes les relations.

D'ailleurs, le terme "guru" renvoie d'abord à la relation de maître à élève que Jay Shetty a forgé avec son maître lorsqu'il était moine (par ailleurs, si nous sommes des observateurs attentifs, nous pouvons aussi apprendre d'autres personnes, même quand celles-ci ne sont pas particulièrement sages).

Par contraste avec le rapport guru/élève, la spécificité de la relation amoureuse consiste dans le fait que les deux personnes jouent les deux rôles (guru/élève) en même temps. Mais elles se ressemblent par la révérence, le respect que chacun des membres de la relation éprouve pour l'autre.

Les relations amoureuses nous font grandir

Le psychologue Jeremy Dean a étudié la façon dont les gens se perçoivent et comment ils peuvent mieux se comprendre à travers le point de vue de leur partenaire. Comment agir au mieux ? Nous pouvons nous inspirer de la pratique du maître hindou : « orientation sans jugement, sagesse sans ego, amour sans attente ».

Jay Shetty soutient que les amis, la famille et les autres personnes de notre entourage ne peuvent que très difficilement faire preuve de ces trois qualités en raison de leur perspective partielle et partiale. L'amoureux, selon lui, pourrait en revanche y parvenir, car il nous connaît plus complètement.

L'auteur parle également de la « théorie de l'amélioration de soi » d'Arthur et d'Elaine Aron. Celle-ci considère que les relations améliorent l'identité personnelle en nous permettant de découvrir des choses (compétences, perspectives, traits de personnalité) qui nous font défaut.

"Notre partenaire amoureux élargit notre perception de nous-mêmes, car il nous permet d'accéder à des ressources plus grandes." (Les 8 lois de l'amour, Chapitre 4)

Devenir un meilleur guru

Quelles sont les qualités d'un bon guru et d'un bon disciple ? C'est l'objet du livre The Guru and Disciple Book de Kripamoya Das (l'ancien maître de Jay Shetty).

Voici les 4 conseils/caractéristiques que l'auteur donne pour être un bon guru :

Ne pas diriger, mais servir ;

Donner l'exemple ;

Soutenez ses objectifs, et pas les vôtres ;

Ni critique, ni jugement, ni insultes.

Il propose ensuite plusieurs anecdotes et un grand nombre d'exercices "à essayer" pour devenir un meilleur guru et aider, par exemple, notre partenaire à trouver ses objectifs. Le chapitre comprend aussi des analyses théoriques et des histoires sur les moines japonais afin de démontrer la nécessité de soutenir son partenaire dans son propre apprentissage.

Devenir un meilleur élève

Voici maintenant les règles à suivre pour s'améliorer en tant qu'élève. Vous devrez être… :

Ouvert d'esprit et curieux ;

Humble ;

Bon traducteur ;

Reconnaissant ;

Capable de rester vous-même !

Le dernier point est particulièrement important : l'auteur y souligne que l'amour n'est pas une relation de soumission à autrui. Il est particulièrement important de reconnaître les abus et de mettre fin à une relation de ce type. C'est notamment l'objet du livre Se libérer de l'emprise émotionnelle.

Le plus beau cadeau du guru

Jay Shetty termine ce chapitre par ces mots :

"Deux partenaires qui s'épanouissent ensemble s'aident, lentement mais sûrement, à observer, à apprendre et à grandir dans différents domaines. Le mal-être provoqué par le changement est compensé par le plaisir d'une compréhension partagée." (Les 8 lois de l'amour, Chapitre 4)

Les exercices "À essayer" de ce chapitre

"Bilan : pouvez-vous apprendre et grandir auprès de votre partenaire ?" (p. 137-140) ;

"Aidez votre partenaire à découvrir ses objectifs" (p. 145) ;

"Identifiez le mode d'apprentissage de votre partenaire" (p. 146-147) ;

"Appréciez le savoir de votre partenaire" (p. 154) ;

"Présentez une nouvelle idée" (p. 155-157) ;

"Reconnaissez les compétences de votre guru" (p. 158-159).

Loi 5 : Le but de la vie avant tout

Dans un couple, est-ce que chacun doit avoir son but ? Ou bien l'objectif est-il, comme le disait Antoine de Saint-Exupéry, de "regarder dans la même direction" ? Et si les deux choses n'étaient pas nécessairement contradictoires ? Ce sont les questions qui sont explorées dans ce dernier chapitre de la deuxième partie.

En fait, pour l'auteur, les choses sont claires : pour que la relation s'épanouisse au mieux, il est important que chacun donne la meilleure version de lui-même. Or, pour ce faire, il doit être capable de son propre but.

Le dharma : votre boussole

Dans l'hindouisme, le but se dit dharma. En réalité, la notion désigne un mélange "de passion, d'expertise et de dévouement". Jay Shetty expose différents types de buts comme avoir un emploi satisfaisant, une passion, devenir parent ou bénévole dans une association, etc.

Le Dharma ne s'identifie à aucun d'eux ; il n'est pas une activité spécifique, mais la raison pour laquelle les gens font cette activité, que ce soit « pour créer quelque chose, pour connecter les gens, pour partager ce que vous avez appris, pour servir les autres ou le monde ».

L'auteur explore en détail ces différents points en citant les recherches du professeur de développement humain Anthony Burrow sur la relation entre satisfaction, objectifs et réseaux sociaux. Il relate également les débats philosophiques autour de l'hédonisme (bonheur par le plaisir) et de l'eudaimonia (bonheur de l'épanouissement personnel) et raconte une histoire bouddhiste sur le fait de se donner la priorité à soi-même.

Il propose également un schéma issu des Védas. Ceux-ci énumèrent quatre « grandes quêtes » qui forment un cycle :

Dharma (connaître le but de votre vie permet à vous-même et à votre partenaire de savoir clairement quelles sont vos valeurs et vos priorités) ;

Artha (chercher à créer une stabilité dans les domaines de la finance, de la santé et du développement personnel) ;

Kama (plaisir et lien. Il s'agit de vos relations avec autrui) ;

Moksha (se libérer du monde matériel en se reliant à l'Esprit).

Comment donner la priorité à votre dharma (la pyramide de la raison d'être)

Après avoir étudié ce point, Jay Shetty propose une « pyramide de la raison d'être » plus complexe qui a pour vocation à montrer comment nous parvenons à construire une raison d'être solide (si ce n'est déjà fait).

La pyramide de la raison d'être est composée de 5 étages :

Apprendre ;

Expérimenter ;

S'épanouir ;

Gérer ;

Gagner.

Les individus commencent en général par en apprendre davantage sur un sujet d'intérêt (1), puis ils expérimentent cette connaissance en faisant beaucoup d'essais et d'erreurs (2). S'ils persévèrent et surmontent les obstacles, ils s'épanouissent dans leur activité (3) ; cependant, pour être pleinement en possession de sa raison d'être et célébrer ses réussites (5), il faut encore être patient et gérer les surprises du quotidien (4).

Aidez votre partenaire à donner la priorité à sa raison d'être

Jay Shetty raconte plusieurs histoires visant à nous montrer comment nous pouvons soutenir notre partenaire dans sa recherche d'un objectif, puis dans son accomplissement. Il montre aussi qu'il n'est pas toujours facile d'équilibrer les différents aspects de sa vie. Brigid Schulte, une journaliste, ainsi que le pilote de voiture de course Lewis Hamilton, sont pris en exemples.

Jay Shetty insiste sur l'importance de laisser de la place à chacun dans la relation. Au cours de l'existence, les occasions de déséquilibre ne manquent pas : changement de situation professionnelle, enfants, etc. Pourtant, nous pouvons trouver les moyens de rééquilibrer la relation et de trouver des objectifs communs qui transcendent les objectifs de chacun (voir les exercices "À essayer").

Quand deux raisons d'être s'opposent

Même en faisant de notre mieux, il n'est pas toujours facile de composer avec les objectifs de l'autre, surtout quand ceux-ci s'opposent directement aux nôtres (ou les nôtres à ceux de notre partenaire). Que faire dans ces cas-là ?

L'auteur donne une série de conseils pour parvenir à un accord. Il suggère, par exemple, de donner la priorité à un objectif, puis à l'autre. L'organisation du temps est ici particulièrement importante. En cas de déséquilibre majeur, vous pouvez chercher à "rééquilibrer les dharmas" au sein du couple.

Les exercices "À essayer" de ce chapitre

"Découvrir votre raison d'être" (p. 171-173) ;

"Rencontrez un mentor" (p. 174-176) ;

"Bilan : réorganisez votre temps libre" (p. 176-178) ;

"Fixez-vous des objectifs ensemble" (p. 184-185) ;

"Régler un déséquilibre des dharmas" (p. 201-202) ;

"Échangez votre temps" (p. 205).

Partie 3 — La guérison

Dans cette partie, Jay Shetty se penche sur l'ashram de Vanaprastha. Les thèmes privilégiés sont la dispute, le pardon et la rupture.

Loi 6 : Gagnez ou perdez ensemble

Le conflit est nécessaire à un couple. Même s'il a généralement mauvaise presse, il joue en fait un rôle important. Comme l'exprime cette citation, les disputes permettent de mieux connaître l'autre.

"Les partenaires qui évitent les conflits ne comprennent pas les priorités, les valeurs ou les difficultés de l'autre. Tous les couples se disputent, ou tout du moins le devraient-ils. » (Les 8 lois de l'amour, Chapitre 6)

Beaucoup de gens pensent qu'une relation "parfaite" signifie ne pas se disputer du tout, mais c'est une erreur. Nous devrions nous disputer quand cela est nécessaire, afin que les problèmes ne s'aggravent pas.

Nous devrions même aborder les conflits comme des problèmes communs. La communication non violente, dont Jay Shetty cite des exemples, est une ressource précieuse pour venir à bout des disputes de couples. En fait, l'objectif n'est pas de se vaincre l'un l'autre, mais bien de trouver une solution commune au problème.

Dans une courte section, l'auteur évoque également l'importance de ne pas confondre conflit et maltraitance. Il propose un tableau très utile pour bien différencier les deux (p. 219).

L'origine d'une dispute

Il s'intéresse ensuite à l'origine de nos disputes. Selon le Bhagavad-Gita, un texte hindou sacré, il y a trois énergies sacrées :

Celle liée à l'ignorance (tamas) ;

Puis celle liée à l'impulsivité (rajas) ;

Et enfin celle qui est liée à la bonté (sattva).

Pour Jay Shetty, ces trois énergies créent trois types de conflits :

Disputes vaines = s'emporter de manière irréfléchie, ne rien résoudre.

Rapports de force = avoir envie de l'emporter sur l'autre, la guerre des égos.

Disputes productives = chercher à comprendre, trouver une solution.

Nous n'avons pas besoin de changer ou d'assumer aucune responsabilité » (176). Un désir d'avoir raison ne résoudra pas le problème, de sorte que le chapitre comprend un exercice pour trouver l'ego et la passion dans une dispute et souligne la nécessité pour les deux personnes de voir les malentendus qui se sont produits et leur rôle en eux.

Comment avoir des disputes productives

Nous pouvons réussir à avoir des disputes plus productives si nous avons véritablement "le désir de faire équipe". Voici les conseils donnés dans cette section.

Purifier l'ego = accepter que vous soyez peut-être dans l'erreur et vous ouvrir aux raisons de l'autre ;

Diagnostiquer le fond du problème = il existe plusieurs types de conflits (intérieur, social, interpersonnel) et il importe de cerner de quel type il s'agit.

Découvrir sa forme de dispute = certains préfèrent vider leur sac, d'autres se cachent et d'autres encore explosent... Il faut le savoir et "agir" en conséquence.

Gagner ensemble

Jay Shetty propose ensuite un acronyme pour aller plus loin dans son analyse. Il propose de résoudre ensemble les conflits en utilisant les "5 E" :

Endroit et moment ;

Expression ;

Évacuation de la colère ;

Engagement ;

Évolution.

Premièrement, choisissez un endroit sûr et un moment optimal pour vous disputer. Pas toujours facile quand nous "explosons", direz-vous ! Mais c'est possible. L'auteur expose les recherches d'Art Markman, neuroscientifique, sur l'expression saine de la colère pour nous montrer comment tenter le coup.

Le terme « Expression » signifie considérer attentivement les mots dits et utiliser le mot « nous » lorsque vous abordez un problème, afin de désigner clairement sa nature commune.

La phase d'évacuation de la colère a pour objectif d'atteindre cet état d'ouverture et d'empathie sans lequel aucune résolution saine du conflit n'est possible.

L'engagement implique un accord vers le changement et la création de propositions.

Enfin, l'évolution signifie que le couple grandit du conflit en s'excusant et en assumant leurs responsabilités respectives. Cette dernière étape implique trois sous-étapes : l'acceptation, la verbalisation et l'action.

À noter : la dispute peut devenir une vraie habitude et même une sorte de cercle vicieux dans le couple. Les psychiatres Phillip Lee et Diane Rudolph montrent en effet que certains ménages peuvent devenir accros au conflit et s'enfermer dans ce schéma, sans jamais trouver de solution concrète à leurs problèmes.

Les exercices "À essayer" de ce chapitre

"Passer d'une dispute à un objectif commun" (p. 217-218) ;

"Identifiez l'ego et la passion dans le conflit" (p. 225-226) ;

"Identifiez la forme de dispute de votre partenaire et la vôtre" (p. 232) ;

"Passez un accord au sujet de votre prochaine dispute" (p. 239-240) ;

"Discuter des problèmes complexes" (p. 243-244) ;

"Écrire une lettre pour s'excuser" (p. 249-250).

Loi 7 : Lors d'une rupture, ce n'est pas vous qui vous écroulez

Jay Shetty utilise une analogie connue : la maison. Une relation amoureuse qui prend fin est comme une maison dont les murs s'effritent, puis s'écroulent. Nous avons tous des défauts, là n'est pas la question. Ce qui importe, ainsi que nous l'avons vu au chapitre antérieur, est de savoir résoudre les conflits pour qu'ils ne s'enveniment pas.

Les signes de problème

L'auteur met en exergue trois problèmes qui sont souvent la cause des ruptures :

L'infidélité ;

La perte d'intérêt ;

Le manque d'intimité (au sens large).

Jay Shetty y insiste à nouveau : la violence et toute forme de maltraitance doivent être combattues. Une personne qui subit une telle situation doit rompre le plus rapidement possible, pour son propre bien.

Nourrir l'intimité

La perte d'intimité est souvent le fruit d'un manque d'énergie mise dans la relation. Pourtant, il y a des façons de combler ce manque de connexion et de communication. D'abord, Jay Shetty conseille de faire des choses par soi-même. En parler à l'autre ajoute à la conversation ; en plus de vous nourrir vous-même, cela nourrit le couple.

D'autre part, créer ou participer à des activités communes peut également créer un sentiment d'intimité et de fierté de couple. Pourquoi ne pas prendre des cours de danse, par exemple ? Trouver des lieux où échanger renforce considérablement la relation.

L'auteur aborde en particulier trois types d'activités :

Le divertissement (aller voir un film ensemble, par exemple) ;

L'expérience (faire un voyage et en parler à son conjoint, faire du bénévolat, etc.) ;

L'éducation (reprendre des études).

Jay Shetty rapporte comment sa femme et lui cultivent leur intimité via des amitiés nouvelles et des expériences partagées. Nous pouvons également développer notre intimité en reconnaissant nos valeurs respectives et en éprouvant de la gratitude les uns pour les autres.

S'élever ou se séparer

Lorsque la décision de rester ensemble ou de rompre se fait insistante, il faut y répondre de la façon la plus sage possible. Jay Shetty propose un canevas en 5 étapes pour nous aider à nous décider. Il l'appelle la "voie de l'élévation".

Intolérance ;

Tolérance ;

Compréhension ;

Acceptation ;

Appréciation.

Lors de ses séances de coaching de vie ou de couple, Jay Shetty conduit les personnes qu'il reçoit à se demander si leur problème est totalement intolérable ou s'il peut être toléré, voire compris et accepté. Lorsqu'il est apprécié, nous reconnaissons que le problème fait partie intégrante de notre partenaire.

En fonction de notre capacité commune à évaluer le ou les problèmes selon cette échelle, nous pouvons décider en conscience de continuer ou de rompre.

Rompre en conscience

Si la rupture a lieu, il importe au plus haut point de faire le point sur sa peur d'être seul. Toute rupture crée un changement radical, mais mieux vaut s'en aller que de maintenir une relation malsaine à tout prix.

Lorsque nous nous retrouvons seuls, le cerveau se met en branle et nous pouvons nous sentir particulièrement fragiles. Pourtant, l'auteur rappelle à partir de textes indiens que "l'âme ne se rompt pas". Quoi qu'il en soit, la rupture sera plus facile si vous avez suivi les règles énoncées dans les sections précédentes.

Il décrit le processus de rupture et donne des conseils pour les deux situations :

Lorsque c'est vous qui rompez ;

Quand c'est l'autre qui prend la décision.

Jay Shetty souligne l'importance de se raconter. des histoires pour donner du sens à nos aventures amoureuses. Il expose des théories scientifiques pour nous montrer qu'il est plus facile d'aller de l'avant lorsque nous créons ce sens.

Tirez les leçons karmiques de vos erreurs

Chaque relation — et chaque rupture — nous apprend quelque chose. Nous pouvons donc tirer les leçons « karmiques » de nos erreurs. Cea peut prendre du temps, et c'est entre autres pourquoi il vaut mieux ne pas se jeter à corps perdu dans une nouvelle relation trop vite.

Certains amis reviennent dans nos vies après une rupture. La solitude est également le moment pour se retrouver et réfléchir, voire renforcer son estime de soi.

Les exercices "À essayer" de ce chapitre

"Bilan : pour quelles raisons partez-vous ?" (p. 261) ;

"S'entourer de soutien" (p. 275-276) ;

"Faire son deuil" (p. 293-294) ;

"Prises de conscience" (p. 297-298) ;

"Check-list : êtes-vous prêt à ressortir avec quelqu'un ?" (p. 303-304).

Partie 4 — La reliance

L'amour peut être élargi au-delà de la relation amoureuse et des rapports familiaux. L'objet de cette dernière partie est de comprendre cette forme de l'amour que l'auteur nomme "reliance". Celle-ci s'élance vers la famille, les amis, mais aussi, au-delà, vers nos connaissances, nos collègues, les étrangers et finalement la Terre tout entière.

Loi 8 : Aimez encore et toujours

La quatrième étape de la vie selon les Védas, l'ashram Sannyasa, implique la notion de service aux autres et à ce qui nous relie tous : le monde ou, pour la religion, le divin. Dans la philosophie hindoue, cette dernière étape implique de renoncer aux « désirs matériels » et de se concentrer sur la spiritualité.

Attendre l'amour ou l'expérimenter

Jay Shetty revisite cette dernière étape de la sagesse des Védas pour aborder la question de l'amour d'autrui et, surtout, la façon dont nous pouvons diffuser l'amour, au lieu de le recevoir.

"Au lieu d'attendre l'amour, à nous de trouver des façons de l'exprimer." (Les 8 lois de l'amour, Chapitre 8)

Comment donner de l'amour

Il n'est pas toujours facile d'avoir de l'empathie pour les choses qui nous sont lointaines. Nous avons une préférence naturelle pour ce qui nous est proche. Jay Shetty cite Jamil Zaki, professeur de psychologie à Stanford, pour appuyer ses arguments.

Pourtant, à force de travail, nous pouvons peut-être parvenir à étendre notre conception de l'amour et à embrasser un maximum d'êtres. C'est vers cela que nous devrions au moins tendre.

Aimez les personnes qui vous sont les plus proches

Cela dit, nous sommes face à une difficulté, car souvent, nous avons du mal à aimer correctement même les personnes qui nous sont les plus proches. Nous leur en voulons pour ceci ou pour cela. L'auteur commence donc par trouver des voies pour nous aider à aimer notre famille et nos amis pour ce qu'ils sont, et non pour leurs uniques comportements extérieurs.

Dans l'un des exercices "À essayer", Jay Shetty recommande d'organiser ses contacts en différents groupes en fonction de la proximité, puis de décider du temps que nous allons donner aux personnes d'une certaine catégorie (famille, amis, collègues, etc.). L'objectif de cet exercice est de donner la priorité à ceux avec qui nous voulons maintenir les liens les plus proches, tout en n'oubliant pas les personnes que nous ne voyons pas souvent.

Appréciez vos collègues

Nous voulons tous être appréciés dans notre travail. D'autant plus que nous y passons souvent beaucoup de temps. Les sentiments d'amitié et de respect y ont une importance cruciale, au point que de nombreuses personnes accepteraient de changer de travail si elles se sentaient plus reconnues et appréciées dans le nouveau.

Nous pouvons apprendre à donner de nous-mêmes pour créer des environnements plus chaleureux, par exemple en :

nous donnant à fond pour des projets qui tiennent à cœur à l'équipe ;

offrant nos compétences aux plus jeunes et en leur servant de mentors ;

donnant des feedbacks constructifs et en encourageant nos collègues ;

respectant et en accueillant les recommandations de personnes plus expérimentées que nous.

L'auteur raconte toutefois une parabole : celle du crocodile et du singe. Lorsque nous sommes faces à des "crocodiles", évitons de "faire le singe". Parfois, la gentillesse n'est pas de mise. Si vous êtes pris dans des rapports de force potentiellement destructeurs, il convient de savoir se défendre et agir — sans devenir soi-même un prédateur.

Être une source d'inspiration pour les inconnus

Jay Shetty consacre une courte section à la protection des uns et des autres au sein de sa communauté (voisins, etc.). Puis, il évoque l'importance de devenir un exemple pour autrui. Il relate l'histoire d'un policier qui a offert des chaussures à un sans-abri qui marchait pieds nus dans la rue en plein hiver.

Dans la courte section suivante, Jay Shetty invite tout un chacun à aider les associations et à faire du bénévolat.

Au contact de la Terre

Pour terminer, Jay Shetty propose un schéma qu'il nomme "les cercles de l'affection". Ceux-ci s'imbriquent de façon concentrique :

Famille ;

Amis ;

Collègues ;

Entourage ;

Inconnus ;

Associations ;

La Terre.

Pour résumer, le concept de service est la clé de cette étape de la vie. Cette règle élargit l'amour pour y inclure celui que nous portons à tous, de nos amis à des associations qui viennent en aide à des inconnus. Jay Shetty souligne aussi que l'argent, pour utile qu'il soit, n'est pas le seul moyen de soutenir des causes importantes.

S'impliquer personnellement est une meilleure façon de pratiquer l'amour. Il prend l'exemple de plusieurs associations, notamment au service des animaux. En effet, l'enjeu est d'élargir notre sollicitude aux êtres qui ne sont pas humains, et finalement à la Terre, qui fait face au changement climatique.

Nous avons souvent des difficultés à sentir cet aspect de l'amour, car cet enjeu nous paraît vaste et lointain. Pourtant, Jay Shetty croit que nous sommes capables de travailler sur nous-mêmes pour répondre à ces enjeux de façon positive.

Les exercices "À essayer" de ce chapitre

"Aider un proche difficile à trouver de l'affection autour de lui" (p. 324) ;

"Structurez la liste de vos proches" (p. 326-327) ;

"Exprimer son affection au travail" (p. 329-330)

Conclusion sur « Les 8 lois de l'amour » de Jay Shetty :

Ce qu’il faut retenir de « Les 8 lois de l'amour » de Jay Shetty :

Jay Shetty propose un livre pratique, un manuel même, au sujet de l'amour. Il applique et réinterprète bon nombre de sagesses indiennes en les mélangeant avec des ouvrages de développement personnel et des études de psychologie sociale ou de neurosciences.

L'ensemble est cohérent et se lit facilement. Nous passons de la création de la relation amoureuse à sa solidification, puis à la rupture ou — à minima — aux difficultés. L'ouvrage se termine finalement sur la question de l'amour pour autrui, dans nos relations familiales, professionnelles, sociales et même "écologiques" — c'est-à-dire avec des êtres non humains.

Que retenir, finalement ? Que cela vaut la peine d'"aimer encore et toujours", à condition d'apprendre cet art d'aimer si bien connu des sagesses anciennes — et que nous avons un peu perdu. Eh oui, l'amour se travaille et c'est surtout en le donnant que nous le pratiquerons et que nous nous améliorerons !

Points forts :

Un ouvrage qui combine développement personnel et érudition indienne ;

De nombreux exercices à essayer ;

Des exemples de lettres à écrire et de méditations à réaliser.

Point faible :

Je n’en ai pas trouvé.

Ma note :

★★★★★

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Thu, 28 Mar 2024 17:00:00 +0100 http://www.olivier-roland.fr/items/view/12810/Les-8-lois-de-lamour