L’une des erreurs de compréhension les plus profondes que l’on puisse faire à propos de La semaine de 4 heures est de croire que l’objectif à atteindre est de travailler 4 heures par semaine, ni plus ni moins. C’est une erreur très courante, alors même que l’auteur explique dans le livre que le titre est un titre marketing sélectionné après des tests de performance, et que le concept réel est approfondi sur des pages et des pages . Quand j’ai rencontré Tim Ferris à San Francisco, je n’ai donc pas pu résister à la tentation de lui poser directement la question. Vous trouverez sa réponse peut-être surprenante ! J’en ai profité pour aborder avec lui d’autres points, comme le nombre d’heures de travail par semaine qu’il effectue, comment il applique la philosophie Stoïcienne au quotidien et son prochain projet, qui est très différent de son premier livre :
*** Soyez sûr que les sous-titres en Français sont bien activés ! Si ne c’est pas le cas, cliquez sur dans la barre juste en dessous de la vidéo ! L’icône se colorera alors en rouge : *** Transcription texte de l’interview :
Olivier Roland : Bonjour et bienvenue dans cette nouvelle vidéo de Blogueur Pro. Je suis actuellement avec Tim Ferris. Hello Tim !
Tim Ferris : Hello !
Olivier Roland : Tim, tu es donc célèbre pour ton livre "La Semaine de 4 Heures"
Pour commencer, peux-tu nous donner ta définition du travail ? Et par exemple, considères-tu cette interview comme du travail ?
Tim Ferris : C’est une bonne question…
Pour moi, le travail est soit quelque chose dont la motivation première est financière, soit quelque chose dont je veux me débarrasser. Donc je ne considère pas cette interview comme du travail. On va bientôt prendre le petit-déjeuner, et on a déjà passé du temps ensemble ce week-end. Ça ressemble plus à une conversation entre amis.
Olivier Roland : Super… D’accord.Tu expliques dans ton livre que tu as choisi le titre après l’avoir testé sur Adword, et que c’était le titre le plus intéressant et le plus accrocheur. Mais, corrige-moi si je me trompe, le livre ne traite pas du tout de la possibilité de ne travailler que quatre heures par semaine, ni plus ni moins ?
Tim Ferris : Je ne mets pas vraiment l’accent sur le "4", mais je voudrais dire une chose à propos de ça. En 2005, je passais entre deux et quatre heures par semaine à gérer mon entreprise de nutrition sportive, à partir de l’étranger… en général de l’Argentine. C’est donc à peu près le temps que je consacrais hebdomadairement à la gestion de mon entreprise, active dans 15 pays différents.
Mais l’objectif n’est pas d’inciter les gens ou tous les lecteurs à ne travailler que 4 heures par semaine, l’objectif est de tirer profit de certaines analyses et expérimentations pour augmenter le niveau de productivité autant que possible. Admettons que tu multiplies ta productivité par 10, ce qui je pense est atteignable pour beaucoup de monde.
Si tu fais ça, tu peux soit réduire ta semaine de travail de 40 à 4 heures et accomplir la même chose, ou tu peux continuer à travailler 40 heures, mais accomplir 10 fois plus, soit faire quelque chose entre les deux.
Beaucoup de gens ayant lu le livre, des banquiers en investissement par exemple, continuent à travailler le même nombre d’heures mais accomplissent bien plus.
Olivier Roland : Je pense qu’il y a désormais des gens qui travaillent moins, mais il y a beaucoup de gens, parce que je pense qu’ils n’ont pas bien lu le livre, qui ne comprennent pas que l’on n’est pas obligé d’aller à la plage tous les jours.
Tim Ferris : Oui.
Olivier Roland : Le message essentiel de ton livre est de travailler uniquement sur ce qui est vraiment important dans notre vie et du coup d’avoir le temps nécessaire pour vivre ses passions.
Tim Ferris : Oui.
Olivier Roland : Tu es d’accord avec ça ?
Tim Ferris : Oui, absolument.
Je pense qu’une des plus mauvaises interprétations du livre est que les gens pensent que le but est de rester "inactif", de rester à la plage ou faire du snowboard pour le restant de leurs jours, ce qui est d’ailleurs acceptable si c’est pour les vaçances, ou pour seulement quelques mois, après avoir travaillé des années.
Mais au final, le but est d’avoir le contrôle de son temps, la plus rare des ressources, et, lorsque que l’on contrôle ce temps – il y a bien sûr des gens qui vont le gâcher malgré le contrôle qu’ils en ont – mais j’espère qu’il y aura une grande partie de mes lecteurs qui l’utiliseront positivement et auront un impact sur le monde.
Et on a déjà vu des ças, des centaines de mes lecteurs ont décidé de vendre leur entreprise ou alors de s’investir dans des associations çaritatives et collecter des fonds pour défendre une çause.
Ceci est très courant, on a eu des ças vraiment fantastiques.
Mais vraiment, si pour quelques semaines ou quelques mois, on souhaite faire du snowboard ou s’amuser autrement, cela ne pose évidemment aucun problème.
C’est le message qui vous est destiné : on peut en profiter au fur et à mesure. On n’a pas besoin d’attendre la retraite dans 20 ou 30 ans.
Olivier Roland : Cool. Alors maintenant, combien d’heures par semaine travailles-tu ?
Tim Ferris : Et bien, cette semaine est évidemment une exception.
Ce qui est très important de comprendre, c’est que je ne fais jamais rien que je ne veuille faire juste pour gagner à l’argent.
Je suis très occupé, comme par exemple pour cet évènement qui était très marrant mais ce n’était pas juste pour l’argent.
Donc je suis vraiment très occupé.Je dois par exemple travailler pour respecter le çalendrier de mon livre, comme pour le premier livre que je vais publier par l’intermédiaire d’Amazon, et c’est très excitant. Mais j’aurais signé le contrat même si, imaginons, il n’y avait pas eu d’édition papier ou autant d’argent en jeu, tout simplement parce que je trouve ça excitant.
Je dirais que ma semaine typique est très chargée. Je commence ma journée à partir de 10 ou 11h du matin. J’aime bien me consacrer à différents projets tard dans la nuit. Il se peut que je travaille une journée entière sans m’arrêter sur des projets vraiment intéressants.
Mais je vais aussi au club de gym, ou nager, cela ne me dérange pas de prendre trois ou quatre semaines de congés. J’ai d’ailleurs récemment pris trois semaines de congés en Colombie. Pas de mail, pas de çalendrier, pas de téléphone portable…
Olivier Roland : Waow !
Tim Ferris : Tout ça pendant trois semaines. Et j’y arrive sans que mon monde ne s’écroule. Tout va bien.
Je pense que la faculté de dire non est toute aussi importante que de dire non.
Mais je suis très actif, j’adore construire.
Olivier Roland : Oui. Moi je ne peux m’empêcher de consulter mes mails à chaque fois que je pars en vaçances pendant au moins 20 minutes par jour.
Utilises-tu un système d’aide à l’organisation personnelle ?
Tim Ferris : J’utilise plusieurs types de logiciels. Je n’utilise pas un "système" proprement dit, mais comme je l’explique dans le livre, j’utilise tout de même des règles spécifiques aussi bien pour la messagerie que pour les tâches à accomplir en début de journée.
L’alimentation joue d’après moi un rôle essentiel dans notre productivité. J’ingère donc 30 grammes de protéines dans les 30 minutes qui suivent mon réveil, je bois du çafé turc à la place du çafé normal… J’utilise plein de petits trucs comme ça pour ma productivité.
Mais… Tiens, regarde, c’est juste une coïncidence, c’est le seul T-shirt propre qu’il me reste (Tim porte un t-shirt Evernote), j’utilise très souvent Evernote, de manière quotidienne même. Je l’utilise pour çapturer de l’information. Je n’ai donc pas besoin d’avoir des fichiers et dossiers éparpillés un peu partout. (Note : le lien vers Evernote est un lien affilié. Cependant, l’utilisation est gratuite pour un compte de base, qui suffit amplement pour se faire une idée de l’outil !)
Une autre astuce qu’on ma enseignée, très simple : lorsque je télécharge des fichiers, je ne les range pas dans des dossiers. 99% du temps, je les télécharge dans mon dossier de téléchargements. C’est à cet endroit que je fais mes recherches. C’est une idée simple, mais qui fait gagner un temps considérable, parce que tu ne perds pas de temps à ranger tes fichiers dans différents dossiers et à les y retrouver.
La seule exception est lorsque je télécharge des photos. C’était en fait une astuce qui me vient de Livy de Venture Axe in Angels List. Merci Livy !
Cela finit vraiment par faire gagner du temps, parce qu’on utilise par exemple Spotlight pour tout trouver sur Mac, ou on peut utiliser Quick Silver ou d’autres logiciels similaires.
Sinon, les gens me considèrent comme un expert de la gestion de temps. Je me vois plutôt comme un expert de la gestion des priorités. Du moment que je fais attention à bien évaluer les choses. Et que je sais quel investissement génère le meilleur rendement, je suis en mesure de me concentrer sur les une ou deux tâches qui auront le plus d’impact sur le reste.
Olivier Roland : Cela fait partie de la Règle des 80/20 n’est-ce pas ?
Tim Ferris : Oui, exactement. Je pense que faire les bons choix me permet d’être très effiçace. Ceci est à mettre en opposition au concept d’efficience, qui est la faculté de pouvoir bien gérer plusieurs choses simultanément. Je ne suis pas très bon pour gérer plusieurs choses en même temps. On ne devrait vraiment pas en parler .
Olivier Roland : Tu es un fan du stoïcisme, et tu parles beaucoup de Sénèque sur ton blog.
Comment essayes-tu d’appliquer le stoïcisme dans ta vie de tous les jours ?
Tim Ferris : Il y a plusieurs façons dont j’applique le stoïcisme et l’épicurisme. Je pense que ces deux philosophies se complètent très bien. La première chose que je fais chaque jour quand je me réveille est de rester allongé au lit et de passer en revue toutes les choses pour lesquelles je suis reconnaissant. Ça c’est donc la première chose que je fais le matin.
Ensuite, je me rappelle qu’on a toujours suffisamment de temps pour accomplir tout ce qui est important.
On a toujours suffisamment de temps.
C’est ainsi que je démarre ma journée. Ce que j’essaye de faire par la suite après le çafé ou le thé, c’est 5 minutes de méditation "vipassana".
Olivier Roland : Vipassana ?
Tim Ferris : Oui, de la méditation vipassana. Tout ça est lié à la philosophie stoïque. Être un Stoïcien, c’est être conscient de deux choses.
Premièrement, il faut s’entraîner à ne pas réagir émotionnellement de manière excessive lors de situations déliçates qu’on ne contrôle pas.
C’est très important. Donc la première chose, c’est de ne pas réagir de manière excessive, quelle que soit la situation.
Deuxièmement, il faut s’entraîner à chérir sincèrement les choses qu’on ne peut pas nous enlever, et uniquement ces choses-là.
Cela revient à apprendre à ne pas s’attacher aux choses matérielles. Vous pouvez mettre ça en pratique. Moi je le fais quelques fois dans l’année.
Je donne au moins deux ou trois sacs de vêtements. Et ce que je fais aussi tous les deux mois, pendant une semaine ou deux, je porte des vêtements très bon marché, comme par exemple des T-shirts blancs que l’on peut acheter au supermarché, un jean que je vais porter pendant une semaine.
Je mange aussi pour pas cher du tout. Tout cela me rend serein en pensant au pire.
J’ai des choix difficiles à faire, des contrats, des partenaires potentiels…Et je me dis, tiens, là je pourrais me faire 10 ou 20% de plus. Mais si je m’entraîne à vivre de manière ascétique, je me rends compte finalement que je n’ai besoin de rien.
Cela me donne le courage de prendre les bonnes décisions à long terme. Et je pense que c’est une fantastique façon de vivre pour les entrepreneurs.
Et bien sûr mon livre préféré, comme tu le sais, est "Lettres à Lucillius". Il a été écrit par un stoïcien appelé Sénèque. Je le recommande très chaudement.
Olivier Roland : Je pense que tu es une des rares personnes à vraiment vivre le stoïcisme.
Tim Ferris : Oui.
Olivier Roland : Beaucoup de gens le lisent ou l’étudient mais…
Tim Ferris : Oui, j’essaye vraiment de le vivre. Une autre personne qui y arrive très bien est Ryan Holiday. Tu as rencontré son directeur du marketing à l’Ameriçan Apparel.
Olivier Roland : Ah oui.
Tim Ferris : Il a décroché ce boulot à 21 ou 22 ans, c’est un gars vraiment productif. Mais je trouve le stoïcisme vraiment très pratique. Si vous devez lire un guide pratique, commencez par des classiques. Et l’un d’eux devrait être "Lettres à Lucillius".
Olivier Roland : Pour terminer cette interview, peux-tu nous parler un peu de ton prochain projet ?
Tim Ferris : C’est "Être un Chef en 4 Heures". C’est un projet inattendu qui m’est venu de manière très étrange. Ça a démarré après avoir rencontré différentes personnes, disons cinq à dix, liées à la restauration, à la cuisine, à la nourriture, à l’abattage, à la chasse, etc.
On ne m’avait jamais initié à la cuisine. Je pensais que c’était ennuyant, difficile, que ça prenait du temps, qu’il fallait faire la vaisselle…
Toutes ces choses-là ont été pour moi un frein à l’apprentissage de la cuisine. Je ne sais faire que des oeufs brouillés, rien de plus. Des oeufs brouillés, et peut-être des toasts…
Je me suis donc pris de fascination pour la nourriture, et pour la relation que les gens entretiennent avec la nourriture.
Et comment on peut apprendre la philosophie à travers la nourriture, comment on peut apprendre la productivité à travers la nourriture.
Donc on peut transformer la cuisine en un super outil d’enseignement. J’ai trouvé ça vraiment excitant. Il y a aussi de nombreuses façons de tricher, positivement pour concocter des supers plats en 10-15 minutes.
Je pense que "Être Chef en 4 Heures" sera un des livres de cuisine les plus inhabituels qui soit. Et j’espère… En fait c’est un livre de cuisine pour les gens qui ne cuisinent pas.
Olivier Roland : Génial, donc il faudra que l’achète.
Tim Ferris : Il va être publié par Amazon. C’est le premier livre vendu par leur nouveau bureau de New-York.
C’est donc très excitant. Il était en couverture du New York Times la semaine dernière. Un truc super excitant. Je me sens vraiment… chanceux.
J’ai eu de sacrées aventures ces dernières années .
Olivier Roland : Merci Tim ! J’ai vraiment adoré avoir cet entretien avec toi.
Ton livre a complètement changé ma vie et je t’en suis très reconnaissant, donc merci Tim.
Tim Ferris : Merci pour l’interview.
Que pensez-vous de cette interview ? N’hésitez pas à partager votre avis dans les commentaires !