Résumé de "Atteindre l’excellence" de Robert Greene : ce livre démontre que la maîtrise n'est pas réservée aux génies mais représente une forme d'intelligence supérieure accessible à tous ceux qui suivent leurs inclinations naturelles et s'engagent dans un apprentissage méthodique de leur domaine.
Par Robert Greene, 2014, 321 pages.
Titre original : "Mastery", publié en 2012, 354 pages.
Chronique et résumé de "Atteindre l’excellence" de Robert Greene
Introduction : le pouvoir suprême
L’auteur, Robert Greene démarre son livre "Atteindre l’excellence" par l’idée suivante : il existe, affirme-t-il, une forme d'intelligence supérieure, un pouvoir discret mais redoutable qui représente l'apogée du potentiel humain.
Ce pouvoir apparaît dans ces instants rares où l’on est totalement absorbé par une tâche, concentré à l’extrême, en parfaite résonance avec le réel.
Robert Greene nomme cette sensation "la maîtrise" : une sensation de clarté, de contrôle, d’harmonie avec soi, les autres et le monde, le sentiment d'avoir davantage de prise sur la réalité, sur les autres et sur nous-mêmes.
Cette maîtrise ne tombe pas du ciel. Elle se construit en trois grandes étapes :
D'abord, l'apprentissage, où l'on est étranger au domaine et où l'on acquiert les bases.
Ensuite, la phase créative-active, où l'on expérimente avec les connaissances acquises.
Enfin, la maîtrise elle-même, où notre compréhension devient si profonde qu'elle nous donne une vision parfaitement claire de notre domaine.
L'auteur explique que notre cerveau est le résultat de six millions d'années d'évolution, conçu pour nous conduire à cette forme d'intelligence. Nos ancêtres humains, malgré leur faiblesse physique, sont devenus les chasseurs les plus redoutables de la planète grâce à deux facteurs biologiques : le visuel (leur capacité d'observation patiente et attentive de l'environnement) et le social (leur intelligence relationnelle sophistiquée).
Ces facultés, combinées aux neurones miroirs qui permettent de "se mettre à la place de l'autre", ont développé en nous cette capacité d'intuition profonde, marque distinctive de la maîtrise.
Robert Greene souligne que ce qui distingue les grands maîtres de l'histoire n'est pas tant un talent inné ou un QI exceptionnel, mais plutôt une inclination profonde vers un sujet, qui reflète l'unicité de leur génome. Cette passion leur donne la force de surmonter les obstacles et les années d'effort nécessaires pour atteindre l'excellence.
L'auteur déplore que notre époque dénigre la notion même de maîtrise, la jugeant démodée ou élitiste. Il nous met en garde contre la passivité ambiante et nous exhorte à retrouver l'ambition de la maîtrise, non pour dominer les autres, mais pour déterminer notre propre destin.
"Atteindre l'excellence" est présenté comme un guide vers cette transformation, structuré en six chapitres qui suivent chronologiquement le processus : découvrir sa vocation, apprendre, collaborer avec des mentors, développer son intelligence sociale, devenir créatif, et enfin atteindre la maîtrise.
Il s'appuie sur les biographies de grands maîtres historiques et sur les témoignages de 9 maîtres contemporains.
Robert Greene conclut en rappelant que la maîtrise n'est pas une destination finale, mais un processus perpétuel d'apprentissage et de renouvellement. "Sur le chemin de la maîtrise" écrit-il, "on rapproche son esprit de la réalité et de la vie même."
Chapitre I - Découvrir sa vocation : l'œuvre de toute une vie
Robert Greene commence ce chapitre en affirmant que chacun possède une force intérieure qui le guide vers sa véritable mission. Cette force est particulièrement perceptible durant l'enfance, avant que les influences extérieures ne viennent la masquer. La première étape vers la maîtrise consiste donc à renouer contact avec cette force innée.
1.1 - La force cachée
À travers l'histoire de Léonard de Vinci, l'auteur illustre comment un génie a suivi sa force intérieure. Dès son plus jeune âge, Léonard manifestait une fascination pour la nature et le dessin, passant des heures à observer minutieusement les iris et autres éléments du monde naturel.
Robert Greene détaille comment, tout au long de sa vie, Vinci a été fidèle à cette force, même lorsqu'elle l'a conduit à s'éloigner de Florence plutôt que de poursuivre une carrière conventionnelle d'artiste. Même ses échecs apparents, comme la statue équestre jamais coulée en bronze, lui permirent d'acquérir des connaissances précieuses.
Sur son lit de mort, rapporte Robert Greene, Vinci put contempler une vie guidée par cette force cachée, qui l'avait mené à explorer les secrets de la nature et de la vie elle-même. L'auteur cite les mots que Vinci aurait notés : "De même qu'une journée bien remplie attire un sommeil paisible, de même une vie bien remplie attire une mort paisible."
1.2 - Les secrets de la maîtrise
Robert Greene soutient que cette force intérieure n'est pas mystique mais l'expression de notre unicité génétique. Notre ADN est unique et s'exprime à travers des inclinations naturelles : attraction pour certains mouvements, les formes, ou la nature comme chez Vinci. Cette unicité cherche naturellement à s'affirmer, plus fortement chez certains que chez d'autres.
Le processus de réalisation de cette vocation comporte trois stades : d'abord prendre contact avec ses penchants naturels; ensuite analyser son chemin de carrière et élargir sa notion du travail; enfin concevoir sa carrière comme un itinéraire sinueux plutôt qu'une ligne droite. L'auteur insiste sur l'importance de considérer le travail comme une vocation, terme venant du latin vocare signifiant "appeler".
Greene affirme que dans notre monde mondialisé où l'on ne peut plus se fier aux structures traditionnelles, développer sa singularité et suivre sa vocation n'est pas un luxe mais une nécessité. Plus profondément, il s'agit de trouver une raison de vivre dans un monde qui en manque cruellement.
1.3 - Les stratégies pour identifier l'œuvre de sa propre vie
L'auteur présente 5 stratégies principales, illustrées par des exemples de grands maîtres :
Revenir à ses origines => La stratégie de l'inclination primale, illustrée par Einstein et sa fascination pour la boussole ou Martha Graham découvrant la danse.
Occuper le créneau idéal => La stratégie darwinienne, démontrée par le parcours du neurobiologiste V.S. Ramachandran et de l'ingénieure Yoki Matsuoka.
Éviter les voies sans issue => La stratégie de la rébellion, exemplifiée par Mozart s'affranchissant de l'emprise paternelle.
Se libérer du passé => La stratégie de l'adaptation, illustrée par Freddie Roach transformant son expérience de boxeur en carrière d'entraîneur innovant.
Trouver le chemin du retour => Jouer son va-tout, comme Buckminster Fuller qui, au bord du suicide, découvrit sa véritable vocation d'inventeur.
1.4 - A contrario
Robert Greene conclut avec l'histoire remarquable de Temple Grandin, diagnostiquée autiste à trois ans. Plutôt que de se concentrer sur ses faiblesses, elle développa ses rares forces - sa connexion avec les animaux et sa pensée visuelle - pour finalement révolutionner la conception des installations d'élevage et devenir une experte mondiale de l'autisme. L'auteur souligne ainsi que même les handicaps apparents peuvent nous conduire vers notre vocation unique.
Chapitre II - Se soumettre à la réalité : l'apprentissage idéal
Robert Greene affirme que l'apprentissage constitue la phase la plus critique de notre existence. C'est une seconde éducation, cette fois sur le terrain, qui s'active chaque fois que nous changeons de carrière ou acquérons de nouvelles compétences.
Ce processus est semé d'embûches qui, si nous n'y prenons garde, peuvent engendrer doutes, conflits émotionnels et peurs durables. L'auteur nous propose de suivre le chemin tracé par les grands maîtres pour transcender ces obstacles.
2.1 - La première transformation
Robert Greene raconte l'histoire de Charles Darwin qui, enfant, préférait explorer la nature plutôt que d'étudier dans les livres. Malgré les remontrances de son père, il poursuivit sa passion pour la collection d'espèces naturelles. Après un bref passage à l'école de médecine et un projet d'intégrer l'Église, Darwin accepta en 1831 un poste de naturaliste à bord du HMS Beagle.
Les premiers mois furent difficiles : mal de mer, solitude, capitaine fantasque. Pour s'adapter, il adopta une stratégie d'observation attentive de la vie du bord. Arrivé au Brésil, Darwin fut ébloui par la diversité de la vie sauvage. Il développa un œil expert pour identifier les espèces et collectionna méthodiquement des spécimens. Sa découverte de fossiles géants en Argentine puis de coquillages marins à 3650 mètres d'altitude dans les Andes commença à ébranler sa croyance en la création biblique.
Aux îles Galápagos, Darwin fit une observation cruciale : les mêmes espèces présentaient des variations d'une île à l'autre, s'adaptant à leur environnement spécifique. Cette révélation lui fit entrevoir sa théorie de l'évolution. À son retour en Angleterre après cinq ans, Darwin était transformé physiquement et mentalement : l'aventurier distrait était devenu un scientifique rigoureux et méthodique.
2.2 - Les secrets de la maîtrise
Robert Greene explique que l'Histoire recèle de nombreux exemples de maîtres ayant connu cette phase cruciale de transformation. Le but de l'apprentissage n'est pas l'argent ou un diplôme, mais la transformation de l'esprit et du caractère, la première métamorphose sur le chemin de la maîtrise.
L'auteur décrit trois étapes essentielles qui se chevauchent durant l'apprentissage :
- L'observation attentive => mode passif
Quand on entre dans un nouveau milieu, il faut d'abord observer et comprendre ses règles, ses procédures et sa dynamique relationnelle avant de s'affirmer. Cette posture d'humilité permet de déchiffrer les règles non écrites et les relations de pouvoir.
- L'acquisition de connaissances => mode pratique
Cette phase critique consiste à maîtriser les compétences fondamentales de son domaine par la pratique et la répétition. Robert Greene fait référence au système du compagnonnage médiéval, où l'apprenti acquérait un "savoir tacite" par observation et imitation. Le processus crée littéralement de nouveaux circuits neuronaux : au début, le cortex frontal est très actif, puis l'habileté s'automatise et se déplace vers d'autres parties du cerveau.
- L'expérimentation => mode actif
Après avoir acquis compétences et confiance, on évolue vers l'expérimentation active, prenant des responsabilités et soumettant son travail au jugement des autres. Cette phase permet d'évaluer ses progrès et d'identifier ses lacunes.
Robert Greene souligne que contrairement aux idées reçues, notre époque exige plus que jamais l'apprentissage approfondi. Dans un monde de complexité croissante, l'avenir appartient à ceux qui apprennent le plus de compétences et les combinent de façon créative.
2.3 - Les stratégies pour suivre l'apprentissage idéal
L'auteur présente 8 stratégies illustrées par des exemples de grands maîtres :
Gagner moins pour apprendre plus => Benjamin Franklin et Albert Einstein choisirent des positions moins lucratives mais offrant de meilleures opportunités d'apprentissage.
Élargir ses horizons => L'écrivaine Zora Neale Hurston construisit sa propre éducation en saisissant chaque occasion d'apprendre, des livres trouvés dans les poubelles aux conversations entendues dans les salons de coiffure.
Retrouver un sentiment d'infériorité => Le linguiste Daniel Everett ne put maîtriser la langue pirahã qu'en abandonnant sa posture de supériorité pour adopter l'humilité d'un enfant dépendant de ses hôtes.
Faire confiance au processus => Le pilote Cesar Rodriguez surmonta ses difficultés en s'accrochant à la discipline de l'entraînement, convaincu que les résultats viendraient avec la pratique.
Aller au-devant de la souffrance et de la résistance => Le basketteur Bill Bradley et le poète John Keats cherchaient délibérément les exercices les plus difficiles pour transcender leurs limites.
Apprendre de ses échecs => Henry Ford analysa méthodiquement ses échecs pour identifier leurs causes profondes et créer un modèle d'entreprise adapté à ses exigences.
Allier le "comment" au "quoi" => L'architecte Santiago Calatrava combina l'art et l'ingénierie pour créer des structures révolutionnaires qui semblent défier la gravité.
Procéder par tâtonnements => L'informaticien Paul Graham suivit ses intérêts variés, acquérant des compétences diverses qui se révélèrent précieuses quand les bonnes opportunités se présentèrent.
2.4 - A contrario
Robert Greene réfute l'idée que certains génies comme Mozart ou Einstein auraient sauté la phase d'apprentissage. Il démontre que même ces esprits exceptionnels ont nécessité une longue pratique : Mozart n'a créé d'œuvre véritablement originale qu'après dix ans de composition, et Einstein a passé une décennie à affiner ses capacités de réflexion théorique.
L'auteur conclut fermement : "Il n'existe pas de raccourci pour la phase d'apprentissage, ni de moyens pour la sauter." Le cerveau humain exige une pratique prolongée pour que les talents complexes s'inscrivent dans les structures neuronales et libèrent l'esprit pour une véritable créativité.
Chapitre III - Absorber le pouvoir des maîtres : la dynamique du mentor
Dans ce chapitre, Robert Greene soutient que sans mentor, on risque de perdre des années précieuses en récoltant des connaissances fragmentaires. L'auteur défend la relation mentor-protégé comme la forme d'apprentissage la plus efficace et transformative.
3.1 - L'alchimie de la connaissance
Robert Greene illustre sa thèse à travers l'histoire de Michael Faraday, enfant issu d'une famille pauvre de Londres. Passionné par les phénomènes naturels qu'il considérait comme manifestations divines, Faraday devint apprenti chez un relieur où il dévora tous les livres disponibles. Sa rencontre avec le célèbre chimiste Humphrey Davy changea sa destinée. Après avoir démontré sa valeur, il devint son assistant et absorba ses méthodes scientifiques, notamment la capacité à concevoir l'expérience cruciale pour prouver une théorie. Faraday développa finalement sa propre approche et ses découvertes en électromagnétisme surpassèrent la réputation de son mentor.
3.2 - Les secrets de la maîtrise
Robert Greene observe que notre culture contemporaine a perdu le respect pour l'autorité fondée sur l'expérience, préférant l'autodidaxie. Cette attitude, loin d'être signe d'indépendance, révèle un manque de confiance en soi. L'auteur explique que le temps limité dont nous disposons pour maîtriser notre domaine justifie le besoin d'un mentor.
Le mentor offre des avantages irremplaçables : connaissances adaptées à notre situation personnelle, retours immédiats sur notre travail, et partage d'expériences précieuses qui nous évitent des années d'errements. Plus significativement encore, Robert Greene décrit la relation mentor-protégé comme une "alchimie" où le lien affectif permet la transmission d'un savoir tacite qui dépasse la simple connaissance intellectuelle.
L'auteur invite à voir notre apprentissage comme un processus de transformation, semblable à celui des alchimistes cherchant à transmuter le plomb en or. Le mentor agit comme la "pierre philosophale" capable d'animer nos connaissances inertes et de les transformer en compétences vivantes.
3.3 - Les stratégies pour approfondir une relation avec un mentor
Greene propose quatre stratégies essentielles :
Choisir son mentor selon ses besoins et ses inclinations => L'auteur montre comment Frank Lloyd Wright et Carl Jung ont sélectionné des mentors alignés avec leurs ambitions profondes, un choix stratégique crucial qui conditionne toute la relation.
Scruter le miroir du mentor => À travers l'histoire du maître zen Hakuin, Greene souligne l'importance de rechercher activement la critique intransigeante d'un mentor, particulièrement précieuse dans une culture qui évite la confrontation au réel.
Transfigurer ses idées => Le pianiste Glenn Gould illustre comment absorber l'enseignement d'un mentor tout en préservant son individualité. L'auteur conseille d'adapter progressivement les idées reçues à notre personnalité propre.
Créer un rapport interactif => L'exemple de l'entraîneur de boxe Freddie Roach et son protégé Manny Pacquiao démontre comment une relation dynamique où l'élève contribue activement peut transcender les limites habituelles de l'apprentissage.
3.4 - A contrario
Robert Greene termine par l'exemple de Thomas Edison pour reconnaître que certains doivent se former seuls. Dans ce cas, l'auteur recommande de devenir son propre mentor en multipliant les sources d'apprentissage et en gardant un regard neuf sur les problèmes.
"Apprendre par l'exemple, c'est se soumettre à une autorité", rappelle Robert Greene en conclusion. Cette soumission temporaire n'est pas une défaite, mais la voie royale vers une maîtrise authentique et une indépendance véritable.
Chapitre IV - Voir les gens tels qu'ils sont : l'intelligence relationnelle
Dans le chapitre 4 de son livre "Atteindre l'excellence", Robert Greene aborde un obstacle majeur sur le chemin de la maîtrise : l'usure affective causée par les résistances et manipulations de notre entourage. L'auteur définit l'intelligence relationnelle comme la capacité à voir les gens de façon réaliste, dépassant notre égocentrisme inné pour décrypter leurs comportements et motivations réelles.
4.1 - La pensée intérieure
Robert Greene raconte l'histoire de Benjamin Franklin qui, dès son adolescence, démontra un talent pour l'écriture en créant le personnage fictif de Silence Dogood. Cette expérience réussie de "se mettre dans la peau d'un autre" marqua le début de son parcours intellectuel.
Cependant, malgré ses capacités professionnelles, Franklin commit plusieurs erreurs relationnelles : avec son frère James qui réagit avec jalousie à ses succès, avec le gouverneur Keith qui lui fit de fausses promesses, et avec ses collègues imprimeurs à Londres qui sabotèrent son travail.
Ces incidents amenèrent Franklin à une révélation cruciale : sa naïveté dans les relations humaines contrastait fortement avec son approche méthodique et réaliste du travail. Il décida alors d'adopter une philosophie radicale : accepter la nature humaine telle qu'elle est, sans chercher à la changer. Cette approche lui permit de déjouer les pièges tendus par son ancien employeur Samuel Keimer et de transformer son rival politique Isaac Norris en allié fidèle.
Durant sa carrière diplomatique en France, Franklin poussa cette intelligence relationnelle à son apogée en adoptant le mode de vie français pour gagner leur soutien à la cause américaine. Ce comportement lui valut des critiques en Amérique, mais permit d'obtenir une alliance militaire cruciale pour l'indépendance américaine.
4.2 - Les secrets de la maîtrise
Robert Greene explique que notre perspective naïve des relations humaines découle de notre longue enfance où nous idéalisons nos parents. Cette habitude de projeter nos besoins affectifs sur les autres déforme notre perception et nous rend vulnérables.
L'intelligence relationnelle comporte deux éléments essentiels :
La connaissance spécifique de la nature humaine => pour comprendre les individus dans leur singularité, Greene recommande de prêter attention aux signaux non verbaux, d'observer comment ils se comportent face à l'autorité, et de ne pas se fier aux premières impressions. Notre objectif est d'identifier ce qui rend chaque personne unique et comprendre ses motivations profondes.
La connaissance générale de la nature humaine => qui consiste à reconnaître les "sept réalités qui tuent" présentes à divers degrés chez tous les humains :
L'envie : la jalousie pousse certains à chercher à ruiner ceux qu'ils envient.
Le conformisme : les groupes exercent une pression pour rejeter ceux qui sont différents.
La rigidité : l'attachement irrationnel aux idées et méthodes familières.
L'obsession de soi : la tendance à masquer son égoïsme par des apparences altruistes.
La paresse : la recherche de raccourcis et l'appropriation des efforts d'autrui.
La veulerie : l'inconstance émotionnelle qui fait retourner sa veste.
L'agression passive : les attaques sournoises motivées par la peur du conflit direct.
Greene souligne que développer l'intelligence relationnelle ne se limite pas à améliorer nos rapports sociaux, mais stimule également notre créativité et notre pensée globale. Les grands maîtres de l'histoire possédaient tous cette souplesse mentale.
4.3 - Les stratégies pour acquérir l'intelligence relationnelle
Robert Greene présente 4 stratégies illustrées par des histoires de personnages célèbres :
- Faire parler son travail
Contrastant les parcours d'Ignaz Semmelweis et de William Harvey, Robert Greene montre comment ce dernier réussit à faire accepter sa théorie révolutionnaire de la circulation sanguine grâce à sa diplomatie et sa patience, tandis que Semmelweis échoua malgré sa découverte fondamentale sur l'antisepsie, victime de son intransigeance relationnelle.
- Se donner l'image qui convient
L'artiste Teresita Fernández apprit à adapter consciemment son image publique pour contrôler la façon dont le monde de l'art la percevait, cultivant un mystère autour de son processus créatif tout en affirmant son autorité intellectuelle.
- Se voir soi-même à travers le regard des autres
Temple Grandin, malgré son autisme, développa la capacité à analyser ses échecs relationnels comme si elle observait une tierce personne, lui permettant d'améliorer son comportement de façon méthodique et même de devenir une conférencière appréciée.
- Supporter la bêtise humaine
À travers les exemples de Goethe à la cour de Weimar, du réalisateur Josef von Sternberg manipulant l'acteur difficile Emil Jannings, et du linguiste Daniel Everett affrontant ses détracteurs académiques, Robert Greene démontre l'art d'accepter la bêtise humaine comme inévitable et même de l'exploiter à son avantage.
4.4 - A contrario
Robert Greene évoque l'exemple de Paul Graham qui, allergique aux querelles politiques, choisit de fuir les grands systèmes pour créer de petites structures où les conflits relationnels seraient minimisés.
Tout en reconnaissant cette stratégie comme valable pour certains, l'auteur met en garde : même en cherchant à éviter les situations conflictuelles, une compréhension basique de l'intelligence relationnelle reste indispensable pour naviguer dans un monde où les interactions complexes sont inévitables.
Chapitre V - Redimmensionner son esprit en devenant créatif-actif
Dans le cinquième chapitre d'"Atteindre l'excellence", Robert Greene explore la transition cruciale entre la phase d'apprentissage et la phase créative-active, étape déterminante sur le chemin de la maîtrise.
L'auteur explique qu'après avoir assimilé les compétences et intégré les règles de notre domaine, nous aspirons naturellement à plus d'autonomie et à suivre nos propres inclinations. Le véritable obstacle à cette évolution créative n'est pas le manque de talent, mais plutôt notre attitude face à la création. Selon Greene, quand on s'inquiète inutilement, on a tendance à adopter des opinions toutes faites, en s'intégrant au groupe et en appliquant les procédures que l'on a apprises.
Pour atteindre la maîtrise, il faut au contraire devenir plus audacieux et étendre le champ de son savoir.
5.1 - La seconde transformation
Robert Greene illustre ce processus critique à travers l'histoire de Wolfgang Amadeus Mozart, dont le parcours incarne parfaitement cette transition vers la phase créative-active.
Né dans une famille imprégnée de musique, Mozart fut immergé dans cet univers sonore dès ses premiers jours. Son père Leopold, violoniste et compositeur à la cour de Salzbourg, remarqua très tôt les dons exceptionnels de son fils : une mémoire musicale stupéfiante, un sens du rythme incroyable et une capacité de concentration totale qui lui permettaient d'assimiler rapidement les compositions les plus complexes.
Ce qui distinguait fondamentalement Mozart, explique l'auteur, était sa passion dévorante pour la musique. Dès l'âge de cinq ans, il démontrait une détermination hors du commun, travaillant ses morceaux jour et nuit avec une intensité rare. Comme le souligne Greene : "Chaque soir, ses parents devaient l'arracher à son instrument pour l'envoyer au lit." Cette passion était si profondément ancrée que même lors de jeux avec d'autres enfants, il transformait systématiquement les activités les plus banales en expériences musicales.
Greene retrace méticuleusement les tournées européennes du jeune prodige, déguisé par son père en "ministre courtisan avec perruque, gilet brodé et sabre à la ceinture" pour impressionner les cours royales. Durant ces voyages formateurs, Mozart développait secrètement ses compétences, saisissant chaque occasion pour apprendre auprès des plus grands compositeurs de l'époque.
L'auteur note que lorsque la famille partait en promenade, Mozart "avait une excuse toute trouvée : il avait déjà obtenu de Bach qu'il lui donne des leçons de composition musicale." Ces tournées lui permirent d'absorber et d'intégrer tous les styles musicaux existants en Europe.
À son retour à Salzbourg, alors âgé de vingt-cinq ans, Mozart se retrouve piégé dans un poste de musicien de cour qui bride profondément sa créativité. Cette période de frustration marque un tournant décisif dans sa vie. L'auteur décrit ce moment critique : "Pour la première fois de sa vie, il s'éloignait de la musique" et "se mit à se chamailler sans cesse avec son père."
En 1781, lors d'un séjour à Vienne avec l'archevêque de Salzbourg, Mozart prend conscience qu'il n'est "qu'un obscur musicien de cour" traité comme un simple domestique. Ce constat déclenche une rébellion profonde : il rejette sa condition de serviteur et décide de rester dans la capitale autrichienne contre l'avis de son père, dans un acte d'émancipation sans précédent.
C'est alors que s'opère une transformation radicale que Robert Greene décrit comme "un feu d'artifice créatif sans précédent dans l'histoire de la musique." L'auteur souligne que vingt ans d'apprentissage intensif avaient parfaitement préparé Mozart à cette explosion créative. Sa connaissance approfondie des différents styles musicaux et sa maîtrise technique exceptionnelle lui permettaient désormais de repousser les limites du possible et d'innover profondément.
En revisitant les concertos et symphonies, Mozart les transforma en œuvres puissantes et expressives. Robert Greene explique que les innovations de Mozart ne découlaient pas d'un désir de provocation ou de rébellion, mais jaillissaient naturellement de son esprit. "Poussé par son sens supérieur de la musique," écrit Greene, "il ne pouvait faire autrement que personnaliser tous les styles auxquels il touchait." Son chef-d'œuvre "Don Giovanni" illustre parfaitement cette capacité à créer quelque chose de radicalement nouveau tout en s'appuyant sur sa maîtrise technique inégalée.
5.2 - Les secrets de la maîtrise
Robert Greene aborde ensuite la distinction fondamentale entre l'esprit "originel" et l'esprit "conventionnel".
L'esprit originel, caractéristique de l'enfance, permet de percevoir le monde avec émerveillement, sans filtre et avec une intensité unique. Au fil du temps, cette intensité diminue et nous commençons à voir le monde à travers un écran d'opinions toutes faites et de préjugés. L'auteur explique que "l'accumulation d'expériences masque le présent et filtre ce que nous voyons. Nous ne regardons plus les choses telles qu'elles sont, nous n'en remarquons plus les détails et nous ne nous demandons plus pourquoi elles existent."
C'est ce que l'auteur appelle l'esprit conventionnel - un esprit rigide, qui ne remet pas en question les certitudes acquises. Greene observe que :
"à cause de la nécessité de gagner sa vie et de se conformer aux règles sociales, on se fige dans des ornières de plus en plus étroites."
Les maîtres, explique Robert Greene, sont ceux qui parviennent à conserver une part significative de leur esprit d'enfance malgré les pressions constantes de l'âge adulte. Ils enrichissent cet esprit originel par leurs années d'apprentissage rigoureux et leur capacité à se concentrer profondément sur les problèmes. Cette combinaison unique leur confère un niveau de créativité supérieur qu'il nomme "l'esprit redimensionné" : un esprit qui "ne se laisse pas limiter par l'expérience ni par les habitudes. Il est capable de bifurquer dans toutes les directions et permet un contact approfondi avec la réalité."
L'auteur démystifie l'exemple de Mozart en montrant que son génie n'était pas inexplicable ou simplement inné, mais résultait d'une passion dévorante, d'années d'études intensives, et d'une crise créative surmontée par un acte courageux de rébellion. Robert Greene insiste sur le fait que "Mozart n'était pas un monstre, mais le témoin de jusqu'où peut aller le potentiel créatif que nous possédons tous naturellement."
Robert Greene détaille ensuite les 3 étapes essentielles pour réveiller l'esprit redimensionné et parcourir le processus créatif :
- Choisir la tâche créative
Elle doit avoir un caractère obsessionnel et être profondément liée à nos inclinations naturelles. Robert Greene compare cette obsession à celle du capitaine Achab dans "Moby Dick" : "Avec un intérêt aussi viscéral, vous pouvez survivre à tous les échecs, à de longs mois de travail fastidieux et au dur travail indissociable de l'action créatrice." L'engagement émotionnel transparaîtra inévitablement dans le résultat final.
- Ouvrir et assouplir l'esprit grâce aux stratégies de création
L'auteur explique que "l'esprit est comme un muscle qui s'atrophie s'il n'est pas utilisé" et qu'il faut délibérément mettre en place des stratégies qui libèrent l'esprit de ses ornières habituelles et conduisent à une nouvelle façon de réfléchir.
- Réaliser la percée créative
Cela passe par la gestion optimale de la tension entre doute et création. Greene décrit comment "quand la tension est à son comble, ils baissent un moment les bras" et c'est précisément à ce moment que "surgit en eux la solution idéale, l'idée parfaite pour mener le projet à bonne fin."
Robert Greene met en garde contre 6 pièges affectifs qui menacent notre créativité :
La suffisance : croire que l'on sait déjà tout,
Le conservatisme : s'attacher aux idées qui ont fonctionné par le passé,
La dépendance à l'approbation d'autrui,
L'impatience,
La folie des grandeurs,
L'inflexibilité.
5.3 - Les stratégies de la phase créative-active
L'auteur présente 9 stratégies inspirantes tirées de l'expérience de grands maîtres :
- La voix authentique
Illustrée par le parcours du saxophoniste John Coltrane, cette stratégie démontre comment, après dix ans d'apprentissage intensif suivi de dix années d'explosion créative, Coltrane a découvert sa propre voix musicale unique. Greene explique que la plus grande erreur est l'impatience, vouloir exprimer sa voix sans avoir maîtrisé les bases. "Votre travail," écrit-il, "serait simplement l'imitation du style des autres, ou bien des élucubrations balbutiantes qui n'expriment en définitive pas grand-chose." La personnalisation d'un style n'émerge qu'après un long processus d'assimilation et de maîtrise technique.
- La moisson abondante
À travers l'exemple fascinant du neurobiologiste V.S. Ramachandran, Robert Greene souligne l'importance d'être constamment à l'affût des anomalies et phénomènes sortant de l'ordinaire. En étudiant le syndrome du membre fantôme avec une approche innovante, Ramachandran parvint à des découvertes majeures sur l'adaptabilité du cerveau humain. L'auteur conseille d'être "le chasseur par excellence, toujours vigilant et dont le regard balaie sans cesse le paysage à la recherche d'une anomalie."
- L'intelligence mécanique
Les frères Wright illustrent parfaitement cette approche pratique. Leur succès dans la création du premier avion motorisé contrôlable ne venait pas d'une formation technique supérieure, mais de leur approche concrète et expérimentale : concevoir, construire et piloter eux-mêmes leurs appareils, en accordant la priorité à l'expérience directe plutôt qu'aux considérations théoriques. Robert Greene souligne que "ce que vous créez ou inventez doit être testé et utilisé par vous-même. En morcelant le travail, vous perdez le contact avec sa fonctionnalité."
- Les pouvoirs naturels
L'architecte Santiago Calatrava révèle comment développer un processus créatif naturel et organique. En commençant par des esquisses libres associant émotions et images, il laissait ses idées évoluer naturellement, "comme les étapes du développement d'une plante aboutissant à la fleur." Greene conseille de "faire de la lenteur une vertu" et d'apprécier "la croissance presque biologique de ce qui se met en place avec le temps."
- Le champ libre
Martha Graham, en créant la danse moderne, a systématiquement rejeté les conventions établies pour inventer un nouveau langage corporel. Greene souligne l'importance de défier consciemment les règles fossilisées pour créer un espace d'innovation. "En créant quelque chose de nouveau," écrit-il, "vous vous créez un auditoire nouveau et vous prenez le pouvoir."
- Le haut de gamme
À travers l'exemple de l'ingénieure Yoki Matsuoka, l'auteur démontre comment éviter le "blocage technique" en conservant une vision globale. En créant une main robotique anatomiquement correcte, elle a révolutionné son domaine en se concentrant sur le but ultime plutôt que sur les détails techniques isolés. Greene conseille : "Que ce grand dessein guide chaque étape de vos investigations : cela vous ouvrira bien plus de voies à suivre."
- Le détournement évolutionniste
Paul Graham, créateur de Viaweb puis de Y Combinator, illustre comment la créativité suit souvent un chemin détourné et inattendu. La véritable innovation vient rarement d'un plan préétabli, mais plutôt de notre capacité à adapter nos idées en fonction des opportunités imprévues. L'auteur compare ce processus à l'évolution des plumes chez les oiseaux : "Les plumes, par exemple, représentent une évolution des écailles des reptiles, destinées à leur tenir chaud... Mais par la suite, les plumes s'adaptèrent au vol."
- La pensée redimensionnée
Jean-François Champollion, qui déchiffra les hiéroglyphes égyptiens, montre l'importance d'une approche globale face aux problèmes complexes. Contrairement au Dr Thomas Young qui tentait de résoudre l'énigme par des formules mathématiques, Champollion approcha le problème avec passion et patience, développant une compréhension profonde du contexte linguistique égyptien. Greene conclut que "en multipliant les itérations entre réflexion et observation, nous pénétrons de plus en plus profondément dans la réalité."
- L'alchimie de la créativité et de l'inconscient
L'artiste Teresita Fernández explore les tensions entre concepts opposés dans son œuvre. Selon l'auteur d'"Atteindre l'excellence", pour penser créativement, il faut explorer activement les parties contradictoires de notre personnalité et rechercher des tensions similaires dans le monde. Il suggère de "plonger dans la zone changeante et chaotique où les contraires se rencontrent, dans le subconscient" pour faire émerger des idées véritablement innovantes.
5.4 - A contrario
Robert Greene réfute vigoureusement le mythe selon lequel les drogues ou la folie favoriseraient la créativité. Il cite l'exemple de Baudelaire qui "n'obtint de sa première cuillerée de confiture verte cannabique qu'une diarrhée et un autoportrait sans intérêt artistique."
L'auteur rappelle que la création exige discipline, sang-froid et équilibre - qualités que les drogues et la folie ne peuvent qu'anéantir. Robert Greene insiste sur le fait que "l'énergie créatrice est le fruit de l'effort, et de rien d'autre" et qu'il ne faut pas oublier "les années d'exercice, les répétitions méthodiques, les moments de doute, ni la ténacité" nécessaires à toute création véritable.
En conclusion, Greene nous montre que la phase créative-active représente la véritable libération de notre force intérieure. En redimensionnant notre esprit pour combiner l'émerveillement enfantin avec la rigueur de l'apprentissage, nous pouvons transformer notre domaine et atteindre les sommets de la maîtrise. Cette transformation n'est pas le fruit du hasard ou d'un talent inné, mais résulte d'un processus conscient et délibéré qui nous permet de transcender les limites conventionnelles et d'accéder à "une vision parfaitement claire de notre domaine."
Chapitre VI - Fusionner l'intuitif et le rationnel : la maîtrise
Robert Greene nous révèle qu'une forme d'intelligence supérieure est accessible à tous. Cette intelligence nous permet de mieux voir le monde, de prévoir les tendances et de réagir avec agilité en toutes circonstances. Elle se cultive par l'immersion totale dans un domaine d'étude et la fidélité à nos inclinations personnelles. Après des années d'engagement intense, nous acquérons une perception intuitive des éléments complexes de notre domaine. Notre cerveau est naturellement conçu pour atteindre ce type d'intelligence, pour peu que nous suivions nos inclinations jusqu'au bout.
6.1 - La troisième transformation
Histoire de Marcel Proust : Processus transformation - Wikimedia Commons
Pour illustrer ce processus, Greene nous raconte l'histoire fascinante de Marcel Proust (1871-1922). Enfant frêle et souffreteux, Proust développa très tôt une passion pour la lecture et l'observation minutieuse de la nature. À 14 ans, sa rencontre avec l'œuvre d'Augustin Thierry lui donna une vision claire de sa vocation : devenir écrivain et dévoiler les lois cachées de la nature humaine.
Sa jeunesse fut marquée par des comportements excentriques et une sociabilité paradoxale. Il se plongeait dans les salons parisiens tout en gardant une inclination pour la solitude, observant avec une acuité remarquable les subtilités des relations humaines. Cette haute société devint le laboratoire qu'il analysa "avec l'acharnement glacé d'un entomologiste".
Après l'échec commercial de son premier livre et une traduction réussie des œuvres de Ruskin, Proust perdit ses parents et se retrouva face à lui-même. C'est alors qu'il entreprit son chef-d'œuvre, "À la recherche du temps perdu", une autobiographie romancée où il mettait en scène toutes ses observations accumulées au fil des années.
Robert Greene décrit comment Proust fusionnait progressivement la réalité et son roman. Pour créer des personnages authentiques, il côtoyait les personnes qui l'inspiraient et reproduisait leurs citations exactes. Il se rendait à la campagne pour retrouver la fascination qu'exerçaient sur lui certaines plantes dans son enfance. Son processus créatif était un aller-retour permanent entre expérience personnelle et création littéraire.
Au terme de ce long processus, Proust avait créé un monde si vivant que la frontière entre narrateur et lecteur s'effaçait complètement. La critique fut stupéfaite par la profondeur et l'étendue de son œuvre. Proust mourut en 1922, sans voir la publication de son dernier volume.
6.2 - Les secrets de la maîtrise
Greene explique que l'intuition de haut niveau dont témoignent les maîtres comme Bobby Fischer, Glenn Gould ou Albert Einstein n'est pas mystique mais accessible à tous. Il s'agit d'une forme d'intelligence qualitativement différente de la pensée cartésienne séquentielle.
Notre époque reconnaît uniquement la rationalité cartésienne comme forme légitime d'intelligence, nous explique l'auteur. Cette pensée procède étape par étape, de A à B puis à C, et peut être vérifiée. Mais l'intuition des maîtres ne peut être réduite à une formule ni reconstituée en étapes, ce qui la rend difficile à comprendre et à valoriser pour notre société.
Greene nous invite à voir cette intelligence intuitive comme la capacité à percevoir la dynamique ou "la voie" (le tao) : la force vivante qui anime tout ce que nous étudions. Les maîtres cessent de voir des parties assemblées pour acquérir une perception intuitive de l'ensemble. Ils perçoivent littéralement la dynamique à l'œuvre, comme Jane Goodall avec les chimpanzés ou le général Erwin Rommel sur le champ de bataille.
Cette capacité n'est pas instantanée mais résulte d'environ 20 000 heures de pratique. Après une telle immersion, toutes les connexions possibles sont établies dans le cerveau entre les différentes formes de connaissances. Les maîtres peuvent alors avoir instantanément l'intuition des solutions.
L'auteur souligne que les maîtres ne se fient pas aveuglément à leurs intuitions. Ils les analysent rigoureusement et les évaluent par le raisonnement. Au niveau supérieur, intuition et raison travaillent main dans la main : le raisonnement est guidé par l'intuition, et l'intuition découle d'une concentration rationnelle intense.
Greene nous rappelle que le facteur clé pour atteindre la maîtrise est la qualité du temps consacré à l'apprentissage. Il ne s'agit pas simplement d'absorber de l'information, mais de l'intégrer et de la faire nôtre. Chaque échec et chaque expérience deviennent des leçons précieuses qui nous rapprochent de la maîtrise.
En explorant les sources de cette intuition, l'auteur explique qu'il s'agit d'une évolution de notre capacité instinctive primitive. Nos ancêtres ont développé une forme d'intuition pour compenser leur perte de vitesse de réaction due à la réflexion. Cette intuition, nourrie par la mémoire, nous permet de reconnaître instantanément des schémas complexes, comme le visage d'une personne ou la dynamique d'un jeu d'échecs.
Dans notre monde actuel submergé d'informations, cette forme d'intelligence est plus nécessaire que jamais. L'auteur d'"Atteindre l'excellence" déplore la tendance au découragement face à la complexité, qui pousse beaucoup à se contenter d'idées simplistes.
La solution est d'apprendre à gérer notre angoisse face à la complexité et de développer activement notre mémoire malgré la tentation de déléguer cette fonction à la technologie.
6.3 - Les stratégies pour atteindre l'excellence
Robert Greene nous présente 7 stratégies illustrées par des exemples de grands maîtres :
- Être branché sur son milieu => les pouvoirs primaux
L'auteur raconte l'histoire fascinante des navigateurs de Micronésie, capables de parcourir des milliers de milles sans instruments, en déchiffrant tous les signes de leur environnement. Leur succès venait de leur connexion profonde avec leur milieu.
- Jouer sur ses points forts => la concentration ultime
À travers les exemples d'Albert Einstein et Temple Grandin, Robert Greene montre l'importance cruciale d'identifier ses forces mentales et psychologiques. Einstein comprit qu'il n'était pas un scientifique expérimental mais excellait dans les expériences mentales. Grandin, malgré son autisme, transforma sa perception spéciale des animaux en atout professionnel.
- Se transformer par la pratique => le développement du doigté
Le pilote de chasse Cesar Rodriguez surmonta son manque de talent naturel par une pratique acharnée. Dans un combat aérien réel, il exécuta des manœuvres parfaites sans même y penser, son corps et son esprit ayant fusionné grâce à des milliers d'heures d'entraînement.
- Intégrer les détails => la force vitale
Léonard de Vinci développa une philosophie unique focalisée sur les détails. En étudiant minutieusement chaque aspect de la réalité, il parvint à saisir le secret de la vie et à créer des œuvres d'une puissance exceptionnelle.
- Élargir son champ visuel => la perspective mondiale
L'entraîneur de boxe Freddie Roach révolutionna son domaine en développant une vision globale des combats. Il analysait les habitudes inconscientes des adversaires et développait des stratégies complètes qui donnaient à ses boxeurs une perspective supérieure.
- Se soumettre à l'autre => le retournement de perspective
Le linguiste Daniel Everett ne put comprendre la langue pirahã qu'en s'immergeant totalement dans la culture de cette tribu amazonienne. Cette démarche lui permit de transcender ses propres projections et de faire d'importantes découvertes sur le lien entre langue et culture.
- La synthèse de toutes les formes de connaissance => l'homme universel
Goethe refusa de se limiter à la littérature malgré son succès précoce. Il s'intéressa à la science, la politique, l'histoire, cherchant les connexions entre tous les domaines. Cette approche universelle lui donna une clairvoyance exceptionnelle et une capacité à prédire l'avenir.
6.4 - A contrario
Robert Greene termine en expliquant que le contraire de la maîtrise consiste à nier son existence ou son importance. Cette attitude nous rend esclaves de ce qu'il appelle le "faux moi" - l'accumulation des avis reçus de l'extérieur et des pressions sociales.
Le faux moi nous dit que la maîtrise est réservée aux génies, qu'elle est immorale et égoïste, ou que le succès n'est qu'affaire de chance. Ces idées, affirme l'auteur, sont perverses. La maîtrise n'est pas question de gènes ni de chance, mais le résultat que l'on obtient en suivant ses inclinations naturelles et les désirs profonds de son subconscient.
Selon Greene, la maîtrise est l'expression de ce qui nous rend uniques à la naissance. En suivant nos inclinations et en nous rapprochant de la maîtrise, nous enrichissons la société par nos découvertes et nos intuitions. À l'inverse, nous couper de nos inclinations ne peut conduire qu'à la souffrance et à la déception.
L'auteur conclut que le vrai soi ne s'exprime pas en mots, mais par des sensations et des désirs puissants qui nous transcendent. En suivant l'appel de cette voix intérieure, nous réalisons notre potentiel le plus profond.
Biographie des maîtres contemporains
En conclusion de son ouvrage, Robert Greene nous présente les biographies des personnalités contemporaines dont les parcours exemplaires illustrent le chemin vers la maîtrise.
Parmi ces figures d'exception figurent Santiago Calatrava, architecte et ingénieur espagnol inspiré par les formes vivantes; Daniel Everett, linguiste ayant percé le mystère de la langue pirahã; et Teresita Fernández, artiste explorant les frontières entre perception et réalité.
L'auteur brosse également le portrait de Paul Graham, informaticien devenu créateur d'incubateurs technologiques; Temple Grandin, zoologue autiste révolutionnant l'élevage animal; Yoky Matsuoka, pionnière de la neurobotique; et V.S. Ramachandran, neurologue spécialiste des syndromes inhabituels.
Complètent ce panthéon Freddie Roach, légendaire entraîneur de boxe, et Cesar Rodriguez, pilote de chasse aux trois victoires aériennes confirmées.
Conclusion de "Atteindre l’excellence" de Robert Greene
Quatre points clés qu'il faut retenir du livre "Atteindre l’excellence" de Robert Greene
Idée clé n°1 : La maîtrise est une intelligence supérieure accessible à tous, pas un don mystérieux
Robert Greene brise d'emblée le mythe du génie inné.
La maîtrise n'est pas une grâce divine réservée à quelques élus, mais une forme d'intelligence développable par quiconque suit ses inclinations profondes. L'auteur démontre que notre cerveau, façonné par six millions d'années d'évolution, est naturellement conçu pour atteindre cette excellence. Ce qui distingue les grands maîtres n'est pas un QI exceptionnel, mais leur passion dévorante pour leur domaine et leur capacité à persévérer malgré les obstacles. Cette révélation fondamentale libère le lecteur de ses croyances limitantes sur ses propres capacités.
Idée clé n°2 : Le parcours vers l'excellence suit un processus universel en trois étapes distinctes
Robert Greene structure magistralement le chemin de la maîtrise en phases chronologiques claires. D'abord l'apprentissage méthodique, où l'observation attentive et la répétition transforment littéralement nos circuits neuronaux.
Ensuite la phase créative-active, où nous expérimentons et développons notre propre approche.
Enfin la maîtrise elle-même, fusion ultime entre intuition et rationalité qui nous donne une vision parfaitement claire de notre domaine. Cette progression logique rassure le lecteur : l'excellence n'est pas le fruit du hasard mais d'un processus maîtrisable.
Idée clé n°3 : L'intelligence relationnelle et le mentorat accélèrent dramatiquement la progression
L'auteur affirme que la maîtrise ne se construit pas en vase clos. L'intelligence relationnelle - comprendre les motivations réelles des autres - devient un atout stratégique majeur. Plus encore, la relation mentor-protégé agit comme une véritable "alchimie" où se transmet un savoir tacite impossible à acquérir seul. Robert Greene montre comment les plus grands maîtres ont tous bénéficié de cette transmission directe, économisant des années d'errements et accédant à des niveaux de compréhension autrement inaccessibles.
Idée clé n°4 : La créativité authentique naît de la maîtrise technique, jamais de l'improvisation
Contrairement aux idées reçues, Greene démontre que la créativité véritable émerge de la discipline, non du laisser-aller. Mozart ne devint révolutionnaire qu'après vingt ans d'apprentissage intensif. Cette "seconde transformation" permet de redimensionner son esprit en fusionnant l'émerveillement enfantin avec la rigueur technique. L'auteur pulvérise le mythe romantique de l'artiste inspiré, révélant que l'innovation authentique repose sur des fondations solides et une pratique acharnée.
Qu'est-ce que la lecture de "Atteindre l’excellence" vous apportera ?
Ce livre vous fournit une feuille de route concrète pour transformer votre approche de l'apprentissage et du développement professionnel.
Robert Greene vous donne les clés pour identifier votre vocation authentique, optimiser votre progression et éviter les pièges qui ralentissent la plupart des gens. Vous découvrirez des stratégies éprouvées pour tirer le meilleur parti des mentors, développer votre intelligence relationnelle et cultiver cette forme d'intuition supérieure qui caractérise les vrais experts. Plus profondément, cette lecture vous reconnecte avec votre force intérieure unique et vous donne la confiance nécessaire pour persévérer dans votre domaine, même face aux obstacles.
Pourquoi lire "Atteindre l’excellence" de Robert Greene
"Atteindre l'excellence" mérite sa place dans votre bibliothèque pour deux raisons majeures.
D'abord, Robert Greene démocratise la maîtrise en prouvant qu'elle relève de méthodes reproductibles plutôt que de talents mystérieux, libérant ainsi chaque lecteur de ses croyances limitantes.
Ensuite, ce livre apporte un arsenal de stratégies concrètes issues de l'analyse des plus grands maîtres de l'histoire. En cela, il est un véritable manuel d'optimisation personnelle.
Pour quiconque cherche à exceller dans son domaine - entrepreneur, créatif, scientifique ou artisan - ce livre fera de votre quête d'excellence non plus un rêve inaccessible mais un projet réalisable.
Points forts :
La démystification de la notion de génie avec des arguments scientifiques solides.
La méthode proposée, structurée en étapes claires et reproductibles pour atteindre l'excellence.
La richesse des exemples historiques et contemporains qui rendent les concepts tangibles.
Les stratégies concrètes et applicables immédiatement dans tous les domaines.
Points faibles :
La longueur du parcours proposé peut décourager les lecteurs en quête de résultats rapides.
Certains exemples historiques auraient mérité une contextualisation plus approfondie.
Ma note :
★★★★★
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